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Kitabı oku: «Anatole, Vol. 2», sayfa 4

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CHAPITRE XXXIV

Les vœux de madame de Nangis ne furent que trop tôt remplis. Son mari, convaincu par l'évidence des preuves qu'elle lui donne contre Valentine, avoue que la conduite de sa sœur ne mérite plus d'indulgence, et c'est presque sous la dictée de la comtesse, qu'il écrit à madame de Saverny la lettre qui doit lui fermer pour jamais l'entrée de sa maison. La rupture bien constatée, madame de Nangis ne songe plus qu'à la publier dans le monde avec tous les détails qui doivent justifier la sévérité de son mari, et perdre la réputation de Valentine. En moins de huit jours l'histoire s'en est tellement répandue, qu'elle est l'objet de toutes les conversations. Les hommes, piqués de n'être pour rien dans les torts d'une aussi jolie personne, se plaisent à les exagérer; les femmes en parlent avec tout le mépris qui sert à déguiser l'envie. L'une se promet bien de ne pas lui rendre son salut, si jamais elle la rencontre; l'autre court chez son amie pour la prévenir du danger de recevoir une folle qui vient de s'afficher ainsi; et lorsque quelque ame charitable ose demander la cause de ces mesures rigoureuses:

«Quoi, s'empresse-t-on de lui répondre, vous ignorez que cette belle marquise de Saverny, qu'on voulait nous donner pour modèle, et qui, disait-on, était insensible aux charmes de l'amour, menait tout doucement quatre intrigues à-la-fois? Vivent ces beautés timides pour savoir bien tromper leurs admirateurs! Ceux de la marquise en seraient peut-être encore dupes, si l'un de ses favoris n'avait eu la maladresse de laisser deviner son bonheur. On va jusqu'à dire que la preuve de ce bonheur oblige la marquise à faire une assez longue absence. Enfin, rien ne manque au scandale de ses aventures galantes; et pour peu qu'elle aime la célébrité, sa vanité doit être satisfaite.»

A ces calomnies on joignait les plus injurieux commentaires; mais ces bruits n'étant pas encore parvenus à Versailles, Valentine reçut une lettre de la dame d'honneur de la reine, qui lui annonçait que le jour de sa présentation à la cour était fixé au dimanche suivant. Cette lettre était la réponse de la demande que M. de Nangis avait adressée quelques mois après l'arrivée de madame de Saverny. Cette présentation aurait eu lieu beaucoup plutôt, sans la grossesse de la reine, mais on venait de célébrer son retour à la santé, et la naissance d'une auguste princesse. La cour allait reprendre ses habitudes, et déja l'on se félicitait d'y voir paraître une femme qui devait y briller à tant de titres.

C'était uniquement par condescendance aux volontés de son frère que Valentine avait consenti à réclamer l'honneur auquel sa famille et le nom du marquis de Saverny, lui donnaient des droits incontestables. Mais cette cérémonie qui, dans toute autre circonstance, aurait peut-être flatté son amour-propre, aujourd'hui devenait un supplice pour elle. L'idée de s'offrir à tout les regards dans un moment où le malheur et la méchanceté semblaient se réunir pour l'accabler effrayait son courage. Elle s'adressa encore à M. de Saint-Albert, pour le prier de lui indiquer un moyen de la dispenser de ce devoir pénible. Mais il lui répondit, qu'il en connaissait fort peu, et que tous offraient de grands inconvénients. «D'ailleurs, ajouta-t-il, votre position exige ce sacrifice. Quand, par l'effet d'un événement fâcheux, on a le malheur d'occuper de soi les oisifs d'une grande ville, on ne doit pas plus affecter de se montrer que de se cacher. Les mêmes gens qui vous blâmeraient s'ils vous voyaient braver dans le grand monde l'injustice de votre famille, ne manqueraient pas d'interpréter fort mal le motif qui retarderait votre présentation à la cour. Il y a tant de gens qui s'y feraient porter à l'agonie pour une semblable cérémonie, que vous ne leur persuaderez jamais qu'on s'en dispense volontairement; ils trouveront bien plus simple de supposer qu'on vous exclut de la cour, que de croire aux raisons qui vous en éloignent.» En lui tenant ce discours, le commandeur savait déja tous les bruits qui circulaient sur le compte de Valentine. La princesse de L… venait de les lui mander en lui marquant qu'elle ne saurait y ajouter foi, avant de les entendre confirmer par lui. On devine bien que malgré ses souffrances, M. de Saint-Albert ne perdit pas un moment pour aller convaincre la princesse de l'innocence de Valentine, et la conjurer d'accorder à cette intéressante victime de l'envie et de l'injustice, toute la protection qu'elle méritait. C'est dans la certitude que la princesse de L… partagerait l'indignation qui le transportait contre les ennemis de la marquise, et qu'elle prendrait hautement sa défense, qu'il engageait Valentine à paraître à la cour. Il pensait que l'appui d'une personne aussi justement révérée, devait servir d'égide contre les traits de la méchanceté; mais si la protection des princes est un grand titre à la bienveillance du souverain, elle en est un plus grand à la haine des envieux. Le respect des courtisans s'arrête aux favoris des rois; et c'est ordinairement sur les protégés de celui que la fortune favorise qu'on se venge des succès du protecteur.

Valentine, soumise aux avis de M. de Saint-Albert, envoya mademoiselle Cécile à Paris, pour commander ses habits de cour et rapporter avec elle le reste des effets qu'elle avait laissés à l'hôtel de Nangis. Tous les gens attachés au service de la marquise reçurent l'ordre de venir la retrouver à Auteuil; et lorsque mademoiselle Cécile fut au moment d'y retourner, Richard lui dit: «Eh bien! c'est donc un parti pris, vous nous quittez pour toujours; ma foi j'en suis fâché, car la marquise est une excellente maîtresse, et si j'en juge par les bonnes étrennes qu'elle nous a données cet hiver, à nous, qui ne lui rendions pas de grands services, je pense que les vôtres sont bien payés. Richard accompagna ces derniers mots d'un air malin qui fut très-bien compris de mademoiselle Cécile; elle dissimula l'indignation qu'elle en ressentait pour mieux savoir jusqu'où Richard portait ses conjectures. Il ne se fit pas prier pour lui raconter assez grossièrement tout ce qui se disait dans les antichambres, de la séparation de la marquise d'avec sa belle-sœur. De cet entretien il résulta une vive querelle dans laquelle mademoiselle Cécile prit avec chaleur le parti de sa maîtresse, en injuriant de tout son pouvoir celle de Richard, et finit par dire: «Eh bien! quand madame de Saverny aurait autant d'amants que sa sœur lui en donne, n'est-elle pas libre de vivre à son gré? A-t-elle un mari à tromper, ou des enfants à corrompre par son mauvais exemple? Allez, M. Richard, le temps viendra bientôt où la vérité se fera connaître: votre maître ne sera pas toujours aussi dupe, et c'est alors qu'il récompensera le fidèle porteur des petits billets de la comtesse.» Ravie d'avoir répondu par ce trait malin aux propos de son camarade, mademoiselle Cécile prit congé des femmes de madame de Nangis, sans oublier de leur faire le détail de la magnifique parure qui embellirait la marquise le jour de sa présentation. Elle fut récompensée de cette preuve de confiance, par plusieurs petites confidences; on lui raconta le chagrin de la pauvre Isaure, à qui sa mère avait positivement défendu d'aller voir sa tante, et qui de plus, avait reçu l'ordre de ne jamais prononcer le nom de madame de Saverny. Enfin, après s'être longuement livrée à tous les plaisirs du commérage, mademoiselle Cécile sortit de l'hôtel de Nangis, sans éprouver d'autre regret que celui de n'y pouvoir causer encore.

CHAPITRE XXXV

La nouvelle de la prochaine présentation de la marquise, jointe à toutes celles qui se débitaient sur ses prétendues aventures, excita les clameurs de toute la brillante société de Paris. Plusieurs femmes d'un rang distingué furent sollicitées, par ces officieuses personnes que l'on trouve partout, pour tâcher de faire parvenir aux oreilles de la Reine les bruits qui couraient sur madame de Saverny. Mais quand on avait l'honneur d'approcher souvent de la Reine, on savait avec quel mépris elle recevait toute espère de dénonciation de ce genre; d'ailleurs c'était madame la princesse de L… qui devait présenter elle-même la marquise, et toutes les tentatives de la méchanceté échouaient devant cette marque de considération particulière.

Le dépit de ne pouvoir réussir à éloigner Valentine de la cour, redoubla la curiosité de voir l'accueil qu'elle y recevrait; et toutes les personnes qui par leur rang pouvaient y être admises ne manquèrent point à cette cérémonie. Déjà les galeries de Versailles étaient remplies de courtisans dont l'ironie s'exerçait, en attendant mieux, sur la famille de M. de Nangis, sans s'apercevoir que le comte était là très à portée de les entendre. Après y avoir bien réfléchi, il n'avait pas cru pouvoir se dispenser d'assister à la présentation de sa sœur, sur-tout en pensant qu'on l'avait accordée à sa sollicitation. Mais il avait conjuré la comtesse de n'en pas être témoin, pour éviter, disait-il, l'embarras d'une entrevue désagréable, et l'inconvénient d'offrir à toute la cour le spectacle de leur désunion.

Enfin, l'on vint avertir que le Roi allait passer dans les grands appartements, et tout rentra dans le plus profond silence. Lorsque toute la cour fut rangée auprès de Sa Majesté, on vit paraître la princesse de L… dans le costume le plus simple, et tenant par la main la marquise de Saverny, dont la magnifique parure semblait rivaliser avec l'éclat de sa beauté. Jamais plus de noblesse et plus de modestie n'avaient embelli tant d'attraits. La timidité qui colorait son teint en augmentait la fraîcheur; son regard à demi baissé semblait réclamer l'indulgence, en même temps que sa taille élégante et son noble maintien commandaient l'admiration. Elle fit ses révérences sans assurance et sans gaucherie, et ce fut avec toutes les graces de la simplicité, qu'elle répondit aux choses obligeantes que le Roi daigna lui dire.

Cette réception déconcertait bien de malignes espérances; les femmes en témoignaient tout haut leur dépit: «Voilà, disaient-elles, comme avec de la beauté on peut tout se permettre impunément: prêchons, après de pareils exemples, la vertu à nos filles! Mais si la vérité n'arrive jamais aux pieds du trône, le monde qui la connaît sait punir les erreurs.» A ces discours les hommes, déja séduits par l'aspect de Valentine, essayaient de répondre qu'avant de la juger aussi sévèrement, il fallait attendre des preuves plus positives de son inconséquence. Quelques-uns refusaient tout net de la croire coupable, et les plus malveillants ne savaient comment accorder tant de travers avec tant de modestie.

Valentine, un peu remise du premier trouble inséparable d'une solennité dont on est le principal objet, essaya de lever les yeux pour contempler ce spectacle brillant et nouveau pour elle; mais toute la pompe de la cour disparut bientôt à ses regards, lorsque les portant du côté où était placé le corps diplomatique, elle reconnut l'ambassadeur d'Espagne, et près de lui… Anatole. Qui pourrait peindre l'émotion qui s'empara d'elle au moment où leurs yeux se rencontrèrent! Elle eut besoin de tout son courage pour n'y pas succomber, et elle crut que la princesse de L… touchée de son état, arrivait pour lui sauver la vie, quand elle vint la prendre pour la conduire chez les princesses du sang, et lui faire faire, suivant l'usage, quelques visites dans le château.

Elle fut invitée à souper le même jour chez la comtesse d'Art… C'est-là que l'attendaient l'intrigue et la jalousie des femmes qui se promettaient de lui faire payer ses triomphes du matin par toutes les humiliations de la soirée; la princesse de L… était chez la Reine, et madame de Réthel se trouvant forcée de retourner auprès de son oncle, rien ne s'opposait au projet d'affliger la marquise. Il est vrai que la bonté de la comtesse d'Art… lui répondait d'un accueil agréable; mais les premières politesses finies, la comtesse et les princes ses frères se mettraient au jeu, et la pauvre Valentine resterait livrée à elle-même ou plutôt à la vengeance de toutes ses rivales. C'est ce qui arriva bientôt. Dès que la comtesse rompit le cercle pour s'approcher de la table, toutes les femmes s'éloignèrent de Valentine en lui prodiguant les marques du plus humiliant dédain. Confuse de se voir ainsi abandonnée au milieu du salon, elle fut se placer auprès de la jeune duchesse de M… qu'elle avait souvent rencontrée chez madame de Nangis. Mais la duchesse qui la croyait de bonne foi coupable de tous les procédés que lui reprochait sa belle-sœur, se mit à lui tourner le dos, comme pour l'empêcher d'entendre ce qu'elle racontait d'elle à une autre personne. Malgré la paix de sa conscience, Valentine éprouvait le supplice de s'entendre calomnier sans pouvoir se défendre, et de se voir insultée sans oser se plaindre. L'arrivée de M. d'Émerange vint encore ajouter à l'horreur de sa position. A peine daigna-t-il la saluer. Cette impolitesse ne l'aurait pas affectée, s'il ne l'avait pas aggravée par les airs les plus impertinents.

La crainte de voir la marquise recevoir quelques soins du petit nombre de personnes qui ne jouaient pas, les lui fit rassembler autour de lui, et captiver leur attention par des récits amusants. Souvent on l'accablait de questions auxquelles il répondait en élevant le ton: «Non, ce n'est pas cela, vous êtes par trop méchant; puis, jetant un regard sur Valentine, il reprenait à voix basse la défense de l'accusée, et l'entremêlait de plaisanteries si piquantes, que les auditeurs riaient encore plus des ridicules de la coupable, qu'ils ne s'indignaient de ses fautes. Ce manège dura jusqu'au moment où la soirée finit. Valentine en vit approcher le terme avec toute l'impatience d'un prisonnier qui attend sa délivrance. Et lorsque ses chevaux l'entraînèrent loin de ce séjour où l'intrigue est un mérite, et l'innocence un ridicule, elle s'écria, le cœur oppressé de larmes. «Ah! fuyons pour toujours des lieux où la bonté du souverain ne garantit pas de tant d'insultes, où le moindre succès s'achète par tant d'humiliations! Je n'y dois plus paraître, puisque le ciel m'a refusé la fausseté, la souplesse et l'audace.»

CHAPITRE XXXVI

Anatole a Valentine

«Puisque l'ordre m'en vient de vous, j'obéirai, Valentine; demain, à cette même heure, je serai déjà bien loin de tout ce que j'adore. Ah! si le tort d'avoir compromis votre repos mérite le plus grand supplice, je le subirai… Mais non, rien ne saurait me punir assez du malheur d'avoir fait couler vos larmes. C'est ma coupable imprudence qui vous livre au ressentiment d'un frère; c'est avec l'assurance de ne pouvoir jamais causer votre bonheur que j'ose y attenter! Ah! ce n'est point assez de ma vie pour expier un tel crime, et sans les remords qui déchirent mon cœur, vous ne seriez point assez vengée.

«Avant d'accomplir ma triste destinée, j'ai voulu m'enivrer encore une fois du plaisir de contempler tout ce que la nature a formé de plus divin; mais grands dieux! quels transports inconnus ont agité mon ame, lorsque j'ai vu paraître au milieu de cette assemblée brillante celle dont la beauté céleste éclipsait jusqu'à l'éclat du trône! A son aspect enchanteur, j'ai cru voir la cour entière partager mon délire! le souverain lui-même, séduit par la réunion de tant de charmes à tant de modestie, semblait fier de compter au nombre de ses sujets une femme si digne de régner sur tous les cœurs. Mais il faut vous avouer ma faiblesse, tout en jouissant de l'admiration qu'inspirait Valentine au plus puissant roi de l'Europe, j'ai frémi en pensant à ce que j'aurais redouté de cette admiration sous un roi, d'une vertu moins austère, et, dans ce moment, je n'ai pas regretté le siècle de Louis XIV.

«Ce triomphe si beau, ce doux instant a passé comme un songe. Un regard de Valentine, ainsi que celui d'Orphée, après avoir comblé les vœux d'une ame passionnée, l'a replongée dans le néant. Bonheur, espoir, courage, j'ai tout perdu avec votre présence. L'affreuse idée d'en être privé pour toujours est venue me frapper d'un coup mortel, et les moments que j'ai passés depuis semblent ne plus appartenir à l'existence. Mais que l'excès de ce désespoir ne vous afflige pas, Valentine, je ne souffre déja plus. Ne vous accusez point sur-tout, des peines qui m'accablent; le ciel m'avait dès ma naissance condamné au malheur. C'est par vous seule que j'ai connu le charme de la vie. En me permettant de vous aimer, je vous ai dû une félicité au-dessus de mes espérances; et ce n'est pas votre faute si mon amour insensé a besoin de joindre un autre bonheur à celui de penser à vous… Je le sens: cet amour qui me dévore devait m'entraîner à tout braver pour tout obtenir de votre pitié… La mort la plus inévitable ne m'aurait pas arrêté… Mais s'exposer au mépris de Valentine… se voir l'objet de son dédain… Ah! plutôt mille fois succomber à la douleur de s'éloigner d'elle. C'en est fait, mon sort est rempli; je l'ai vue, je l'ai adorée, ses yeux ont daigné quelquefois se fixer sur les miens; tant d'heureux souvenirs valent plus que ma vie. Adieu. Valentine! Adieu.»

Cette lettre fut remise à madame de Saverny, à son retour de Versailles; et de tous les événements de la journée, le seul qui resta dans son souvenir, ce fut le moment où elle avait vu pour la dernière fois Anatole. «Il est parti, disait-elle avec l'accent d'un désespoir concentré; il est parti, et c'est pour m'obéir qu'il m'abandonne à tout l'excès de ma douleur!.. Accablée d'injustices, rejetée par ma famille, je n'avais pour consolations que les preuves de son amour?.. Ah! pourquoi sa barbare générosité m'a-t-elle sauvé la vie!.. Que ferai-je d'un bien que je ne puis plus lui consacrer!.. Car c'est en vain que je chercherais encore à m'abuser sur le sentiment qu'il m'inspire. Ce cruel sentiment règne seul dans mon cœur; l'amitié même ne peut m'offrir de secours contre les regrets qui me tuent… Ah! puisque je consentais à t'aimer sans espoir de bonheur, cruel! pourquoi m'as-tu ravi les tourments délicieux qui agitaient mon ame?..»

C'est en exhalant ainsi sa douleur, que Valentine passa le reste de la nuit; lorsqu'elle se rendit le matin auprès du commandeur, il fut frappé de l'altération de son visage. «Ah! lui dit-il en prenant sa main avec affection, ménagez-moi, Valentine, je ne suis pas en état de supporter l'accablement où je vous vois; si votre courage ne soutient pas le mien, je m'accuserai de vos peines, et vous me verrez mourir du remords d'avoir empoisonné votre existence. – Eh! quel reproche pourrait troubler votre repos? N'est-ce pas à vous, mon ami, que je dois l'unique consolation qui me reste. – Non, reprit M. de Saint-Albert, c'est peut-être à moi seul que vous devez tous vos malheurs. La connaissance du monde qui m'a servi tant de fois, m'a trompé celle-ci; j'avais remarqué toute ma vie, dans le caractère des femmes, un fond de légèreté qui devait les rendre incapables d'éprouver un sentiment profond. Les plus estimables mêmes ne me semblaient pas à l'abri des séductions de la vanité; et tout en rendant justice à leur sensibilité, à la durée de leurs affections, et au noble dévouement qui en était souvent la suite, je croyais qu'on ne pouvait obtenir autant de leur cœur, qu'en flattant leur amour-propre. J'en ai tant vu préférer la gloire d'être affichées publiquement, au bonheur d'être aimées en secret! Mais vous m'avez prouvé que ce bonheur pouvait suffire à l'ame la plus pure. Vous avez dissipé mon erreur, et vous me livrez maintenant au regret d'avoir fait naître dans votre cœur un sentiment que je n'y saurais détruire. – Ah! cessez de vous accuser d'un mal qui n'est pas votre ouvrage, interrompit Valentine, son image était gravée dans mon cœur, bien avant que vous ne l'eussiez fait battre en me parlant de lui! – Vous voulez en vain me justifier; à mon âge on ne se fait plus d'illusion sur ses torts. C'est en vous parlant des vertus d'Anatole, que je vous ai fait oublier le danger de l'aimer; c'est, rassuré par l'idée que cette passion qui égarait sa raison, ne troublerait jamais la vôtre; c'est peut-être aussi par je ne sais quelle vague espérance de voir récompenser tant d'amour par un sacrifice héroïque, que je me suis aveuglé moi-même sur les malheurs qui pouvaient résulter d'une intimité de ce genre. Enfin, je reconnais toute l'étendue de mon imprudence, et je ne me sens pas la force de vous en voir souffrir.»

La première des consolations est d'en pouvoir offrir, et Valentine, en s'efforçant de consoler son ami des chagrins qui la désolaient, finit aussi par en être moins oppressée. Elle lui parla sans contrainte de son amour, et lui avoua qu'elle doutait que l'absence et le temps parvinssent à en triompher. – «Eh bien! faites-en toujours l'épreuve, reprit le commandeur; et, s'il est vrai que votre constance sache braver ces deux grands ennemis de l'amour, vous aurez peut-être le courage d'être heureuse en dépit de tous les obstacles.»

Malgré le mystère répandu dans cette dernière phrase, Valentine sentit qu'elle ranimait sa vie en lui rendant quelque espoir. Dès ce moment, elle promit au commandeur de surmonter sa faiblesse, et se prêta de bonne grace à tous les moyens qu'il imagina pour la distraire. L'ingénieuse bonté de madame de Réthel en inventait chaque jour de nouveaux; mais Valentine refusait obstinément de jouir d'autres plaisirs que de ceux de la campagne. Le récit qu'elle avait fait à madame de Réthel de sa soirée de Versailles, lui donnait bien le droit de fuir le grand monde; et le commandeur était d'avis qu'elle laissât passer ce premier feu de méchanceté, qui s'éteint comme tant d'autres, quand il n'est pas alimenté par la présence de l'objet qui l'excite. Ainsi Valentine passa l'été chez madame de Réthel, dans cette retraite agréable, où les charmes de l'esprit et les douceurs de l'amitié se disputaient le plaisir de tromper ses regrets. Occupée de répondre aux soins de ses amis, elle vivait dans l'ignorance de ce qui se passait chez les personnes dont elle avait tant à se plaindre, et se consolait de la haine de ses ennemis, par le souvenir de l'amour d'Anatole.

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Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
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