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Kitabı oku: «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10», sayfa 16

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LETTRE CL

À M. MURRAY

Lundi, 29 novembre 1813.

«Vous en ferez comme il vous plaira; mais que je parte ou que je reste, je ne vous dirai pas un mot à ce sujet jusqu'au mois de mai, et encore ne vous en parlerai-je à cette époque que si cela ne doit pas vous gêner. J'ai bien des choses, particulièrement des papiers, dont je désire vous laisser le soin. Il n'est pas nécessaire d'envoyer les vases maintenant, M. Ward étant parti pour l'Écosse. Vous avez raison; quant à la page d'errata, il vaut mieux la placer au commencement. Les complimens de M. Perry sont un peu prématurés; cela peut nous faire tort, en excitant une attente dans le public que nous ne justifierons peut-être pas; nous devons être au-dessus de ces moyens-là. Je vois le second article dans le Journal, ce qui me fait soupçonner que vous pourriez être auteur de tous les deux.

»N'aurait-il pas autant valu dire dans l'avertissement en deux chants? Autrement ils vont penser que ce sont encore des fragmens, espèce de composition qui ne peut guère aller qu'une fois; une ruine fait très-bien dans un paysage, mais on ne s'aviserait pas d'en construire une ville. Telle quelle, la Fiancée est jusqu'ici mon seul ouvrage d'une certaine étendue, excepté la satire que je voudrais à tous les diables; le Giaour est une série de fragmens; Childe n'est pas terminé et ne le sera probablement jamais. Je vous renvoie le billet de M. Hay, et je vous remercie, ainsi que lui.

»Il a couru quelques épigrammes sur M. Ward; j'en ai vu une aujourd'hui. Je n'ai pas vu la première; je l'ai seulement entendue. Quant à la seconde, celle que j'ai vue, elle m'a paru mauvaise. J'espère seulement que M. Ward voudra bien m'y croire tout-à-fait étranger. J'ai trop d'estime pour lui, pour laisser nos différences d'opinions politiques dégénérer en animosité, ou applaudir à quoi que ce soit, dirigé contre lui ou contre les siens. Il est inutile que vous preniez la peine de me répondre, je vous verrai dans le courant de la soirée.

»P. S. Je me suis étendu sur cette épigramme, parce que, d'après ma position dans le camp ennemi et la qualité d'ingénieur aux avant-postes dont j'y jouis, je pourrais être accusé d'avoir lancé ces grenades; mais avec un ennemi aussi honorable, je ne connais que la guerre ouverte et non ces escarmouches de partisans. Encore une fois, je n'y ai pris et n'y prendrai jamais aucune part; je n'en connais pas même l'auteur.»

À M. MURRAY

30 novembre 1813.

«Imprimez ceci à la suite de tout ce qui a rapport à la Fiancée d'Abydos.

B.

»Omission. Chant II, page… après le vers 449,

 
So that those arms cling closer round my neck.
 

lisez:

 
Then if my lip once murmur, it must be
No sigh for safety, but a prayer for thee.
 

(En sorte que, si mes lèvres murmurent, ce ne sera point un soupir pour mon salut, mais une prière pour toi.)

À M. MURRAY

Mardi soir, 30 novembre 1813.

«Au nom de l'exactitude, surtout dans une page d'errata, il faut faire la correction que je viens de vous envoyer il n'y a pas une demi-heure, sans délai ni retard, et que je voie l'épreuve demain de bonne heure. Je me suis rappelé que murmurer est un verbe neutre (en anglais); j'ai été obligé de changer mon verbe et d'avoir recours au substantif murmure;

 
The deepest murmur of this lip shall be
No sigh for safety, but a prayer for thee!
 
 
(Le dernier murmure de ces lèvres sera, non un soupir pour
mon salut, mais une prière pour toi!)
 

«N'envoyez pas les exemplaires pour la province, avant que tout ne soit comme il faut.»

À M. MURRAY

2 décembre 1813.

«Dès que vous le pourrez, faites insérer ce que je vous envoie ci-joint ou dans le texte ou dans les errata. J'espère qu'il en est encore tems, au moins pour quelques exemplaires. Ce changement se rapporte à la même partie, l'avant-dernière page avant la dernière correction envoyée.

»P. S. Je crains, d'après tout ce que j'entends dire, que les gens ne se soient fait d'avance une trop haute idée de cette nouvelle publication: ce serait un malheur; mais il est trop tard pour y remédier. C'est la faute de M. Perry et de mes sages amis; n'allez pas, vous, élever vos espérances de succès à cette hauteur, de crainte d'accidens. Quant à moi, je vous assure que j'ai assez de philosophie pour soutenir comme il faut cette épreuve. J'ai fait tout ce qu'il a été en mon pouvoir pour empêcher, dans tous les cas, que vous n'y perdissiez, ce qui ne doit pas laisser que d'être une consolation pour tous deux.»

À M. MURRAY

3 décembre 1813.

«Je vous envoie une égratignure ou deux qui guérissent. Le Christian-Observer est très-peu poli, mais certainement bien écrit, et fort tourmenté du néant des livres et des auteurs. Je suppose que vous ne serez pas charmé que ce volume soit plus irréprochable, s'il doit partager le sort ordinaire des livres de morale.

»Avant d'imprimer, faites-moi voir une épreuve des six vers à intercaller.»

À M. MURRAY

Lundi soir, 6 décembre 1813.

«Tout est fort bien, excepté que les vers ne sont pas convenablement numérotés, et puis une faute diabolique, page 67, qu'il faut corriger à la plume, s'il n'y a plus moyen de le faire autrement, c'est l'omission de la négative pas devant désagréable, dans la note sur le Rosaire d'ambre. C'est horrible, cela vaut presque ma sottise dans le mauvais choix du titre (la Fiancée, etc.). Ne laissez pas un exemplaire sortir de votre magasin sans avoir rétabli la négation; c'est une bêtise et un contresens, tel que cela est maintenant. Je voudrais que le compositeur eût sur le dos un vampire à cheval.

»P. S. La page 20 porte toujours a au lieu de ont. Jamais poète fut-il assassiné comme je le suis par vos diables de compositeurs?

»2e P. S. Je crois et j'espère que la négation se trouvait dans la première édition. Il faut trouver un moyen quelconque de la rétablir. J'ai bien assez de mes propres sottises sans répondre encore de celles des autres.»

LETTRE CLI

À M. MURRAY

27 décembre 1813.

«Lord Holland a la goutte, et vous serait fort obligé si vous pouviez obtenir, et lui envoyer, aussitôt que possible, le nouvel ouvrage de Mme d'Arblay ou celui de miss Edgeworth. Je sais qu'ils n'ont pas encore paru, mais peut-être votre majesté a-t-elle des moyens de se procurer ce que nous autres ne pourrions encore obtenir pour notre argent. Je n'ai pas besoin de vous dire que, quand vous pourrez ou voudrez m'accorder la même faveur, j'en serai très-reconnaissant: je suis malade d'impatience de mettre le nez dans le livre de Mme d'Arblay.

»P. S. Vous me parliez aujourd'hui de l'édition américaine de certain ouvrage de ma jeunesse sans cesse se reproduisant. Puisque je n'y puis plus rien maintenant, j'aurais quelque curiosité de voir cet échantillon de typographie transatlantique. Faitesen donc venir un exemplaire pour vous et pour moi, mais n'en importez pas davantage, parce que je désire sérieusement que la chose soit oubliée autant qu'elle a été pardonnée.

»Si vous écrivez à l'éditeur du Globe, dites-lui que je ne demande pas d'excuses, que je ne veux pas les forcer à se contredire, que je leur demande simplement de cesser une accusation la plus mal fondée qu'il se puisse imaginer. Je n'ai jamais été conséquent en rien, que dans mes principes politiques; et comme ma rédemption ne se peut espérer que de cette seule vertu, c'est un meurtre que de m'enlever cette dernière ancre de salut.»

Nous pourrions encore mettre sous les yeux de nos lecteurs grand nombre de ces promptes missives dans lesquelles il consignait ses pensées encore toutes saignantes, mais nous en avons donné assez pour montrer qu'il était infatigable à se corriger lui-même, courant sans relâche après la perfection, et, comme tous les hommes de génie, entrevoyant toujours quelque chose au-delà de ce qu'il était parvenu à produire.

À cette époque un appel fut fait à sa générosité par une personne dont la mauvaise réputation eût facilement motivé un refus aux yeux de la plupart des hommes. Toutefois, cette circonstance même le lui fit favorablement accueillir par un sentiment de philantropie plus éclairé; car M. Murray lui faisant des observations sur ses intentions généreuses à l'égard d'un homme à qui personne autre ne donnerait un sou: «C'est précisément parce que personne autre ne le lui donnera, que je dois venir à son secours.» La personne dont il s'agit ici était M. Thomas Ashe, auteur d'une certaine brochure intitulée le Livre, qui, par les matières délicates et secrètes qui y étaient discutées, attira plus l'attention du public que ne le méritait l'auteur par le talent et même la méchanceté qu'il y avait mis. Dans un accès de repentir, que nous devons croire sincère, cet homme écrivit à Lord Byron, alléguant sa pauvreté pour excuse du vil emploi qu'il avait fait jusqu'alors de sa plume, et sollicitant l'assistance de sa seigneurie pour le mettre à même d'exister à l'avenir d'une manière plus honorable. C'est à cette demande que Lord Byron fit la réponse suivante, si remarquable par la raison élevée et les sentimens on ne peut plus honorables qu'il y déploie.

LETTRE CLII

À M. ASHE

№ 4, Bennet-Street, Saint-James's, 14 décembre 1813.

Monsieur,

«Je vais demain à la campagne pour quelques jours; à mon retour je répondrai plus au long à votre lettre. Quelle que soit votre situation, je ne puis qu'approuver votre résolution d'abjurer et d'abandonner la composition et la publication d'ouvrages tels que ceux dont vous parlez. Croyez-m'en, ils amusent peu de gens, déshonorent l'auteur et le lecteur, et ne profitent à personne. Ce sera un plaisir pour moi, autant que mes moyens bornés me le permettront, de vous aider à vous délivrer d'une pareille servitude. Dans votre réponse, dites-moi de quelle somme vous auriez besoin pour vous retirer des mains de ceux qui vous emploient actuellement, et vous procurer au moins une indépendance temporaire; je serai charmé d'y contribuer en ce que je pourrai. Il faut que je termine ici ma lettre pour le présent. Votre nom ne m'est pas inconnu, et je regrette, dans votre intérêt même, que vous l'ayez jamais, attaché aux ouvrages que vous avez cités. En m'exprimant ainsi je ne fais que répéter vos propres paroles, et je n'ai pas la moindre intention de dire un seul mot qui puisse paraître une insulte à votre malheur. Si donc je vous avais blessé en quoi que ce puisse être, je vous prie de me le pardonner.

»Je suis, etc.»

BYRON.

Ashe indiqua 150 livres sterling comme la somme dont il avait besoin pour sortir d'embarras, et dit qu'il désirait qu'elle lui fût avancée à raison de 10 livres par mois. Quelques jours s'étant écoulés sans qu'il reçût de nouvelles de sa demande, le timide solliciteur la renouvela, se plaignant, à ce qu'il paraît, qu'elle eût été négligée. Là-dessus Lord Byron, avec une bonté dont bien peu de personnes eussent été capables en pareil cas, lui fit la réponse suivante.

LETTRE CLIII

À M. ASHE

5 janvier 1814.

Monsieur,

«Quand vous accusez de négligence une personne qui vous est étrangère, vous oubliez qu'il est possible que des affaires ou une absence de Londres aient causé le retard dont vous vous plaignez, comme c'est ici absolument le cas. Arrivons au fait. Je consens à faire ce que je puis pour vous tirer de votre position. J'examinais votre premier plan 83, mais il paraît que votre propre impatience l'a rendu impraticable, au moins quant à présent. Je déposerai entre les mains de M. Murray la somme que vous avez fixée, pour vous être avancée, à raison de 10 livres sterling par mois.

Note 83: (retour) Sa première idée avait été d'aller se fixer à Botany-Bay.

»P. S. J'écris dans un moment où je suis fort pressé, ce qui peut faire paraître ma lettre bien froide et bien courte; mais, je vous le répète, je n'ai pas la plus légère envie de vous offenser.»

Cette promesse faite avec tant d'humanité fut ponctuellement exécutée; voici l'un des reçus d'Ashe que je trouve parmi ses lettres à M. Murray: «J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint un nouveau reçu de 10 livres sterling, que vous m'avez remises, suivant les ordres généreux de Lord Byron 84.»

Note 84: (retour) Quand ces avances mensuelles se furent élevées à la somme de 70 livres sterling, Ashe écrivit pour demander que les autres 80 livres lui fussent remises d'une seule fois pour lui permettre, disait-il, de profiter d'un passage à la Nouvelle-Galles; qui lui était offert de nouveau. En conséquence, cette somme lui fut remise sur l'ordre de Lord Byron.(Note de Moore.)

Son ami, M. Merivale, l'un des traducteurs des Extraits de l'Anthologie, qu'il regrettait, ainsi que nous l'avons vu, de n'avoir pas emportés avec lui dans ses voyages, publia vers cette époque un poème, et reçut de Lord Byron la lettre de compliment suivante.

LETTRE CLIV

À M. MERIVALE

Janvier 1814.

Mon Cher Merivale,

«J'ai lu avec grand plaisir Roncevaux, et j'y aurais trouvé bien peu de choses à reprendre, si j'avais été disposé à critiquer. Il y a une variante de deux vers dans l'un des derniers chants; je crois que Live and protect vaut mieux, parce que Oh who? entraînerait un doute sur le pouvoir ou la volonté de Roland à cet égard. Je conviens qu'il peut y avoir du doute sur la place qu'il convient d'assigner à une partie du poème, et entre quelles actions il faudrait la mettre; mais c'est un point que vous êtes plus que moi en état de décider. Seulement, si vous voulez obtenir tout le succès que vous méritez, n'écoutez jamais vos amis, et, comme je ne suis pas le moins importun, écoutez-moi moins que qui que ce soit.

»J'espère que vous paraîtrez bientôt. Mars, mon cher monsieur, est le mois pour ce commerce, et il ne le faut pas oublier. Vous avez fait là un fort beau poème, et je ne vois que le goût détestable de l'époque qui vous pourrait faire du tort; encore suis-je sûr que vous en triompherez. Votre mètre est admirablement choisi et marié 85» ........... ................................

Note 85: (retour) Nous n'avons qu'un fragment de cette lettre, le reste est perdu.

Dans les extraits de son journal que nous venons de donner, il y a un passage qui n'a pu manquer d'être remarqué, lorsqu'après avoir parlé de son admiration pour une certaine dame dont il a lui-même laissé le nom en blanc, le noble écrivain ajoute: Une femme serait mon salut. Ses amis étaient convaincus qu'il était tems qu'il cherchât dans le mariage un refuge contre toutes les contrariétés que lui avaient amenées à leur suite une série d'attachemens moins réguliers: ils l'avaient déterminé, depuis un an avant, à tourner sérieusement ses pensées vers ce but, autant toutefois qu'il en était susceptible. C'est surtout, je pense, par ces conseils et par l'intervention de son amie, lady Melbourne, qu'il s'était déterminé à demander la main de miss Milbanke, parente de cette dame. Quoique ses propositions n'eussent pas été acceptées à cette époque, le refus fut accompagné de toutes les assurances possibles d'amitié et d'estime: on exprima même le désir singulier de voir continuer entre eux une correspondance assez étrange entre deux jeunes gens de sexe différent, dont l'amour n'était pas le motif, et cette correspondance continua d'avoir lieu. Nous avons vu quel cas Lord Byron faisait des vertus et des qualités de cette jeune dame, mais il est évident qu'à cette époque il n'était question d'amour ni de l'un ni de l'autre côté 86.

Note 86: (retour) Le lecteur a déjà vu ce que Lord Byron dit lui-même à ce sujet dans son journal: Quelle étrange situation! quelle étrange amitié que la nôtre, sans une étincelle d'amour de l'un ou de l'autre côté, etc.

Dans l'intervalle, de nouvelles liaisons, où le cœur du poète était la dupe volontaire de son imagination et de sa vanité, vinrent détourner son attention. Cependant, et c'est ordinairement la punition de ces sortes de commerces, à peine une de ces aventures était-elle terminée qu'il soupirait après le joug salutaire du mariage, comme la seule chose qui pût en empêcher le retour. Il est vrai d'ajouter que, pendant le tems qui s'écoula entre le refus de miss Milbanke et celui où elle l'accepta, deux ou trois autres jeunes dames de qualité furent successivement l'objet de ses rêves de mariage. Je passai avec lui beaucoup de tems, ce printems et le précédent, dans la société de l'une d'elles dont la famille m'honorait de son amitié, et l'on verra que, dans la suite de sa correspondance, il me représente comme ayant vivement désiré lui voir cultiver les bienveillantes dispositions de cette jeune dame, pour amener au moins quelque chance de mariage.

Il est indubitable que j'aie pu exprimer plus d'une fois de pareilles idées. Partageant complètement son opinion et celle de la plupart de ses amis, que le mariage était son seul salut contre cette foule de liaisons passagères auxquelles il se laissait sans cesse tenter à cette époque, je ne voyais dans aucune des jeunes personnes sur lesquelles il semblait porter des vues plus légitimes, un ensemble plus complet des qualités nécessaires pour le rendre heureux et fidèle, que dans la dame dont il est ici question. À une beauté extrêmement remarquable elle joignait un esprit intelligent et naturel, assez d'études pour perfectionner le goût, beaucoup trop de goût pour faire parade de ses études. Avec un caractère essentiellement patricien et fier comme le sien, mais qui ne décelait son orgueil que par la délicate générosité de ses procédés, il lui fallait une femme d'une ame aussi grande que la sienne, qui passât quelques-uns de ses défauts en considération de ses nobles qualités et de sa gloire, qui sût même sacrifier une partie de son bonheur personnel, plutôt que de violer l'espèce de responsabilité que lui imposerait aux yeux du monde entier l'honneur d'être la femme de Lord Byron. Telle était l'idée que, par une longue expérience, je m'étais faite du caractère de cette jeune dame, et voyant mon noble ami déjà charmé par ses avantages extérieurs, je ne sentis pas moins de plaisir à rendre justice aux qualités encore plus rares qu'elle possédait, qu'à m'efforcer d'élever l'ame de mon ami à la contemplation d'un caractère de femme plus noble que celui des femmes que pour son malheur il avait jusque-là pu étudier.

Voilà jusqu'où j'ai pu être conduit par les idées qu'il m'attribue à ce sujet. Mais en me supposant, comme il le fait dans une de ses lettres, un désir fixe et arrêté de voir conclure cette affaire, il va plus loin que je ne suis jamais allé. Quant à la jeune personne elle-même, objet, sans le savoir, de tous ces projets, et qui n'a jamais vu en lui qu'une connaissance distinguée, elle eût pu consentir à entreprendre la tâche périlleuse, mais cependant possible et glorieuse, d'attacher Byron à la vertu: mais quelque désirable que ce résultat pût me paraître en théorie, j'avoue que ce n'est pas sans trembler que j'aurais vu risquer dans cet essai le bonheur d'une jeune demoiselle que j'avais connue et appréciée dès son enfance.

Je vais maintenant reprendre la suite de son journal, que j'avais interrompu, et que le noble auteur, comme on le va voir, avait aussi discontinué pendant quelques semaines à cette époque.

JOURNAL, 1814

18 février.

«Il y a plus d'un mois que je n'ai tenu ce journal; la plus grande partie s'en est passée hors de Londres et à Nottingham: somme toute, ce fut un mois bien et agréablement employé, du moins aux trois quarts. À mon retour, je trouve les feuilles publiques en fureur 87 et la ville soulevée contre moi, parce que j'ai signé et publié de nouveau deux stances sur les larmes de la princesse Charlotte, pleurant le discours que le régent adressa à lord Landerla en 1812. Ils y reviennent tous; quelques-unes des injures ne manquent pas de talent; toutes partent du fond du cœur. On parle d'une motion dans notre chambre à ce sujet… soit.

Note 87: (retour) Aussitôt après la publication du Corsaire, auquel avaient été joints les vers en question:

Pleure, fille de royal lignage, etc.

une série d'attaques dirigées, non-seulement contre Lord Byron, mais encore contre ceux qui s'étaient depuis peu déclarés ses amis, commença dans le Courrier et le Morning-Post, et se continua pendant tous les mois de février et de mars. Ces écrivains reprochaient surtout au noble auteur ce qu'eux-mêmes aujourd'hui seraient sans doute assez justes pour louer en lui, je veux dire l'espèce de réparation qu'il s'était cru obligé de faire à tous ceux qu'il avait offensés dans sa première satire. Sentiment de justice honorable, même dans les excès contraires auxquels il a pu l'entraîner.

Malgré le ton léger avec lequel il affecte çà et là de parler de ces attaques, il est évident qu'il en était fort tourmenté; effet qu'en les relisant aujourd'hui, on aurait peine à concevoir, si l'on ne se rappelait la propriété que Dryden attribue aux petits esprits comme à d'autres petits animaux: «Ce n'est guère qu'à leurs morsures que nous nous apercevons de leur existence.»

Voici deux échantillons de la manière dont les gagistes du ministère osaient parler d'un des maîtres de la lyre anglaise. «Tout cela aurait pu dormir dans l'oubli avec les drames de lord Carlisle et les poésies de Lord Byron.» – «Les poésies de Lord Byron ne manquent pas de partisans, mais la plupart des meilleurs juges lui assignent une place très-inférieure parmi les poètes du second ordre.»(Note de Moore.)

»J'ai lu le Morning-Post à mon lever, contenant la bataille de Bonaparte, la destruction de la douane et un article sur moi, long comme ma généalogie, et injurieux à l'ordinaire.

»Hobhouse est de retour en Angleterre; c'est le meilleur de mes amis, le plus gai, et un homme du talent le plus vrai et le plus solide.

»Le Corsaire a été imaginé, écrit, publié, etc., depuis que je n'ai mis la main à ce journal. On dit qu'il réussit fort bien; il a été écrit en amore et beaucoup d'après la vie réelle. Murray est content de la vente; et si le public est aussi content de l'acquisition, c'est tout ce qu'il faut.»

9 heures.

«Je suis allé chez Hanson pour affaires. J'ai vu Rogers, et reçu un billet de lady Melbourne, qui dit que l'on dit que je suis bien triste. Je ne sais si je le suis ou non. La vérité est que j'ai beaucoup de cette périlleuse drogue qui fait un poids dans le cœur. Il vaut mieux qu'ils prennent cela pour le résultat des attaques des journaux, que s'ils en connaissaient la véritable cause; mais… Ah!.. ah!.. toujours un mais à la fin du chapitre.

»Hobhouse m'a conté mille anecdotes de Napoléon, toutes vraies et excellentes; cet Hobhouse est le plus divertissant compagnon que je connaisse, et un fort bel homme, par-dessus le marché.

»J'ai lu un peu, j'ai écrit quelques lettres et quelques billets, et je suis seul, ce que Locke appelle être en mauvaise compagnie: Ne soyez jamais seul, jamais oisif! L'oisiveté est un mal, d'accord; mais je ne vois pas grand mal dans la solitude. Plus je vois les hommes, moins je les aime. Si je pouvais seulement en dire autant des femmes, tout serait pour le mieux. Eh! pourquoi ne le pourrais-je pas? J'ai vingt-six ans, mes passions ont eu de quoi se satisfaire, mes affections de quoi se refroidir, et cependant… cependant… toujours des mais et des cependant. «Très-bien, vous êtes un marchand de poisson… Retirez-vous dans un couvent.» Ils se moquent de moi à plaisir.»

Minuit.

«J'ai commencé une lettre que j'ai jetée au feu; j'ai lu… tout cela inutilement. Je n'ai point fait de visite à Hobhouse, comme je l'avais promis et comme je l'aurais dû: n'importe, c'est moi qui y perds… Fumé des cigares.

»Napoléon! cette semaine décidera son sort. Tout semble contre lui; mais je crois et j'espère qu'il sortira vainqueur de la lutte, ou que du moins il chassera les envahisseurs. Quel droit avons-nous d'imposer tel ou tel souverain à la France? Oh! une république! Tu dors, Brutus! Hobhouse est plein d'anecdotes qu'il a recueillies sur le continent concernant cet homme extraordinaire; toutes en faveur de son courage et de ses talens, mais contre sa bonhomie. Cela n'est pas étonnant: comment, lui, qui connaît si bien le genre humain, pourraît-il ne pas le haïr et le mépriser?

»Plus l'égalité est grande, plus les maux se distribuent impartialement; ils deviennent plus légers en se divisant davantage: or donc, une république!

»Encore des invitations de Mme de Staël; je n'y veux pas répondre. J'admire ses talens; mais, en vérité, sa société est assommante: c'est une avalanche qui vous enterre sous une masse de brillantes futilités. Tout cela n'est que de la neige et des sophismes.

»Irai-je chez Mackintosh mardi? je ne suis pas allé chez le marquis de Lansdowne, ni chez miss Berry; ce sont cependant deux maisons fort agréables. Celle de Mackintosh l'est aussi; mais je ne sais, il n'y a rien à gagner à toutes ces parties, à moins qu'on ne doive y rencontrer la dame de ses pensées.

»Je m'étonne comment diable qui que ce soit a pu faire ce monde, pourquoi avoir fait des dandies, par exemple, des rois, des fellows de collége 88, des femmes d'un certain âge, bon nombre d'hommes de tout âge, et moi surtout!

 
Divesne, prisco natus ab Inacho,
Nil interest, an pauper et infima
De gente, sub dio moreris,
Victima nil miserantis Orci.
..............
Omnes eodem cogimur.
 

Note 88: (retour) On appelle fellows ceux qui ont pris des grades dans une université, et ont été élus de certaines pensions prises sur les fonds de leur collége particulier; pensions qui ne donnent aucunes fonctions, n'obligent pas même à la résidence, et ne se perdent que par le mariage du sujet, qui doit être célibataire pour continuer à en jouir.(N. du Tr.)

»Il y a-t-il quelque chose au-delà? Qui le sait? ceux qui ne le peuvent pas dire. Qui nous dit qu'il y ait effectivement un autre monde? ceux qui ne le peuvent pas savoir. Quand le sauront-ils? peut-être au moment où ils s'y attendront le moins, et généralement au moment où ils ne le souhaiteront pas. Sous ce dernier objet, tous les hommes ne sont pas égaux: cela dépend beaucoup de l'éducation, un peu des nerfs et des habitudes, mais surtout de la digestion.»

Samedi, 19 février.

«Je viens de voir Kean dans le rôle de Richard. Parbleu, voilà un homme qui a de l'ame, de la vie, de la nature, de la vérité, sans exagération ni diminution. Kemble est parfait dans Hamlet; mais Hamlet n'est pas dans la nature. Richard est un homme, et Kean est absolument Richard. Maintenant, à mes affaires…

»Je suis allé chez Waite. Mes dents sont blanches et en bon état; mais il dit que j'en grince dans mon sommeil, et que j'en émousse la pointe. Le sommeil ne m'est pas favorable, et cependant je lui fais ma cour quelquefois douze heures sur vingt-quatre.»

20 février.

«À peine levé, j'ai déchiré deux feuilles de ce journal, je ne sais pas pourquoi. Hodgson m'est venu voir, et sort d'ici à l'instant. Il a beaucoup de bonhomie, bien d'autres bonnes qualités et bien plus de talens qu'on ne lui en accorde, hors du petit cercle de ses amis intimes.

»Une invitation à dîner chez lord Holland pour y rencontrer Kean. Cet acteur le mérite et j'espère qu'en fréquentant la bonne société, il évitera le malheureux défaut qui a été la ruine de Cooke. Il est maintenant plus grand que lui sur la scène, et ne saurait être moins que lui dans le monde. Un des journaux le critique et le déprécie stupidement. Je crois qu'hier soir il a été un peu inférieur à ce qu'il m'avait paru la première fois. Ce pourrait bien être l'effet de toutes ces petites critiques de détails, mais j'espère qu'il a trop de bon sens pour en faire le moindre cas. Il ne peut s'attendre à conserver sa supériorité actuelle ou même à monter plus haut, sans exciter la jalousie de ses camarades, et les critiques de leurs partisans. Mais s'il ne parvient pas à triompher d'eux tous, il ne reste plus de chance au mérite dans ce siècle d'intrigues et de cabales.

»Je voudrais avoir le talent du drame, je ferais une tragédie maintenant. Mais non, il est trop tard. Hodgson parle d'en écrire une; je crois qu'il réussira, et que Moore devrait essayer aussi. Il a beaucoup de talens, et des talens variés; en outre il a beaucoup vu et beaucoup réfléchi. Pour qu'un auteur touche les cœurs, il faut que le sien ait senti, mais que peut-être il ait cessé d'être le jouet des passions. Quand vous êtes sous leur influence, vous ne pouvez que les sentir, sans être capable de les décrire, pas plus qu'au milieu d'une action importante, vous n'êtes capable de vous tourner vers votre voisin et de lui en faire le récit! Quand tout est fini, irrévocablement fini, fiez-vous-en à votre mémoire; elle n'est alors que trop fidèle.

»Je suis sorti, j'ai répondu à quelques lettres, bâillé de tems en tems et lu les Brigands de Schiller: la pièce est bien, mais Fiesque vaut mieux; Alfiéri et l'Aristodème de Monti sont encore infiniment supérieurs. Les tragiques italiens ont plus d'égalité que les allemands.

»J'ai répondu au jeune Reynolds, ou plutôt je lui ai accusé réception de son poème, Safie. Ce jeune homme a du talent, mais beaucoup de ses pensées sont empruntées, d'où? c'est aux écrivains de Revues à le chercher. Je n'aime pas à décourager un débutant, et je crois, bien qu'il soit un peu rude et plus oriental, qu'il le serait s'il avait vu la scène où il place son histoire: il a beaucoup de moyens; à coup sûr ce n'est pas la chaleur qui lui manque.

»J'ai reçu une singulière épître, et la manière dont elle m'est parvenue, par les mains de lord Holland, n'est pas moins curieuse que la lettre elle-même, qui du reste est flatteuse et fort jolie.»

Samedi, 27 février.

«Me voici, ici seul, au lieu d'être à dîner chez lord Holland, où j'étais invité; mais je ne me sens disposé à aller nulle part. Hobhouse dit que je deviens loup-garou, une espèce de démon de la solitude. C'est vrai, mais le fait est que je suis simplement demeuré moi-même. La semaine dernière s'est passée à lire, à aller au spectacle, à recevoir quelques visites de tems en tems, à bâiller quelquefois, à soupirer quelquefois, et sans écrire autre chose que des lettres. Si je pouvais lire toujours, je ne sentirais jamais le besoin de la société. Est-ce que je la regrette?.. Einh! Einh! les hommes ne m'amusent pas beaucoup et je n'aime qu'une seule femme… à la fois.

»Il y a quelque chose de doux pour moi dans la présence d'une femme, une sorte d'influence étrange, même dans celles dont je ne suis pas amoureux, influence dont je ne puis absolument me rendre compte, avec l'opinion peu avantageuse que j'ai de leur sexe. Cependant je me sens de meilleure humeur envers moi-même et tout le reste quand il y a une femme près de moi. Même mistress Mule 89, mon allumeuse de feu, la femme la plus vieille et la plus ridée qui soit dans cet emploi, la femme la plus revêche pour tout le monde, excepté moi, me fait toujours rire; ce qui, il est vrai, n'est pas difficile, quand je suis de bonne humeur.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
25 haziran 2017
Hacim:
412 s. 4 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain