Kitabı oku: «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 7», sayfa 13
(Il entre dans la tourelle que Siegendorf ferme sur lui.)
SIEGENDORF, se rapprochant d'Ulric
À toi, comte Ulric! car je n'ose plus voir un fils en toi. – Que dis-tu?
ULRIC
Que son récit est vrai.
SIEGENDORF
Vrai, et tu l'avoues, monstre!
ULRIC
Très-vrai, mon père; et vous avez bien fait de l'entendre. Le mal connu n'est jamais sans remède: il faut l'empêcher de parler.
SIEGENDORF
Oui, avec la moitié de mes domaines; et plût au ciel qu'avec l'autre moitié j'eusse pu vous empêcher, lui et toi, d'avouer une pareille infamie.
ULRIC
Il ne s'agit pas de plaisanter ou de feindre. J'ai dit que son récit était vrai, et qu'il fallait le rendre muet.
SIEGENDORF
Par quel moyen?
ULRIC
Comme l'est Stralenheim. Êtes-vous donc assez irréfléchi pour n'avoir pas encore soupçonné la vérité? Quand nous nous rencontrâmes dans le jardin, qui pouvait alors, dites-moi, m'avoir appris la mort de notre ennemi, sinon la publicité du crime? Et si les gens du prince en eussent été prévenus, pensez-vous qu'on eût laissé à un étranger le soin d'avertir la police? Et dans ce cas-là, me serais-je arrêté en route? Et vous, Werner, vous l'objet de la haine et des défiances du baron, auriez-vous pu prendre la fuite, – sinon plusieurs heures avant le plus léger soupçon du meurtre? Je vous cherchai, et j'essayai de vous sonder. Je doutais si vous étiez faible ou dissimulé: je m'aperçus que vous n'étiez que faible; et pourtant, vous montrâtes tant de confiance, que, plus d'une fois, j'ai mis en doute votre faiblesse.
SIEGENDORF
Effroyable assassin! tu ne recules donc pas devant le parricide! Quel acte, dans ma vie, quelles paroles te donnaient le droit de me soupçonner de complicité avec toi?
ULRIC
Mon père, n'éveillez pas le diable entre nous; vous ne sauriez plus le rendormir. Il faut, en ce moment, de l'union et de l'activité, et non pas des querelles de famille. Pouvais-je, lorsque vous-même étiez à la torture, conserver un calme impassible? Et pensez-vous que j'aie entendu avec indifférence le récit de cet homme? Non, non! vous m'avez appris à sentir pour moi-même et pour vous; car vous, de qui l'auriez-vous jamais appris?
SIEGENDORF
Oh! malédiction de mon père! en voici donc l'effet!
ULRIC
Laissez-la faire: le tombeau suffit pour l'amortir. Les cendres, mon père, sont de pauvres ennemis; on parvient à les dérouter plus facilement que la plus aveugle des taupes, et pourquoi? parce que la taupe a du moins la vie. Écoutez-moi encore-avant de me condamner. Rappelez-vous qui, trop souvent autrefois, m'ordonna de l'écouter lui-même. Répondez! Qui m'apprit que les circonstances étaient l'excuse de certains crimes? que les passions étaient dans notre nature? que les faveurs du ciel étaient le prix des faveurs de la fortune? Qui me démontra que le seul garant de notre humanité était une organisation nerveuse? Qui m'enlevait tout moyen de justifier, au grand jour, mes droits et ceux de ma famille; et cela, par l'effet d'une action honteuse qui pouvait ravaler votre fils dans la classe des bâtards, et mon père dans celle des voleurs? L'homme, double jouet de ses passions et de sa faiblesse, invite aux crimes qu'il ne craint pas de désirer, mais qu'il n'ose accomplir. Est-il donc étrange que j'aie pu faire ce que vous aviez pu méditer? – Mais nous en avons fini avec le juste et l'injuste; il s'agit maintenant de songer aux effets, et non plus aux causes. Stralenheim, inconnu, me devait le salut de ses jours; je l'avais alors secouru, par instinct; et comme j'aurais fait un paysan ou bien un dogue. Connu, je l'ai immolé, parce qu'il était notre ennemi. Toutefois, en cela, je ne suivis pas les inspirations de la vengeance; c'était un écueil qui menaçait de nous briser, je le frappai-comme la foudre, parce qu'il se trouvait entre nous et le terme de nos malheurs. Étranger, je lui ai conservé la vie; il me la devait, et je n'ai fait qu'exiger le paiement de ma dette. Lui, vous et moi, nous étions sur un abîme, j'ai préféré y plonger notre ennemi mortel. C'est vous cependant qui d'abord avez allumé la torche; c'est vous qui m'avez montré le chemin du crime, indiquez-moi maintenant celui du salut, ou, de grâce! laissez-moi.
SIEGENDORF
J'en ai fini avec la vie!
ULRIC
Finissons-en plutôt avec ce qui mine et flétrit la vie: les haines de famille, et le blâme des choses qui ne peuvent pas ne pas être. Nous n'avons plus rien à apprendre ou dissimuler: je suis étranger à la crainte; et dans ces murs eux-mêmes (bien que vous l'ignoriez), j'ai des hommes capables de tout affronter. Vous êtes en faveur auprès de l'autorité souveraine: elle s'inquiétera médiocrement de ce qui se passe ici. Gardez donc votre secret; portez la tête haute; n'agissez pas, ne parlez pas. – Confiez-vous à moi du reste: il ne faut pas qu'il y ait entre nous un troisième bavard.
(Ulric sort.)
SIEGENDORF, seul
Est-ce un rêve? et suis je bien dans le palais de mes pères? Voilà mon fils! mon fils! le mien! Moi qui eus toujours horreur du mystère et du meurtre, je me trouve plongé dans leur double gouffre infernal! Hâtons-nous, ou le sang va couler encore-celui du Hongrois. – Ulric!.. – il a des satellites! Insensé! j'aurais dû le deviner depuis long-tems: – les loups fondent en troupe sur leur proie. Il a, comme moi, la clef de la porte qui conduit de l'autre côté dans la tourelle. Allons! et si je suis père d'un criminel, ne le soyons pas, du moins, de nouveaux crimes. Holà! Gabor, Gabor!
(Il entre dans la tourelle, en refermant la porte derrière lui.)
SCÈNE II
(L'intérieur de la tourelle.)
GABOR et SIEGENDORF
GABOR
Qui m'appelle?
SIEGENDORF
Moi, – Siegendorf! Prenez cela et fuyez! ne perdez pas un instant.
(Il détache une rivière de diamans et d'autres pierreries, qu'il met à la hâte dans la main de Gabor.)
GABOR
Qu'ai-je à faire de tout cela?
SIEGENDORF
Ce que vous voudrez: vendez-les, gardez-les, et prospérez; mais ne tardez pas, – ou vous êtes perdu.
GABOR
Vous avez, sur votre honneur, garanti mon salut!
SIEGENDORF
Et c'est ainsi que je le dégage. Fuyez! je ne suis pas le maître, comme je le croyais, dans mon propre château, de mes propres domestiques, – bien plus, de ces murailles: autrement, je leur ordonnerais de m'écraser. Fuyez! – ou vous serez immolé par-
GABOR
S'il en est ainsi, adieu donc! Rappelez-vous cependant, comte, que vous avez recherché cette entrevue fatale!
SIEGENDORF
Oui, oui; – mais faites qu'elle ne devienne pas plus fatale encore. – Sortez!
GABOR
Par la même porte?
SIEGENDORF
Oui, elle est sûre encore; mais ne restez pas dans Prague: – vous ne savez pas à qui vous avez affaire.
GABOR
Je le sais trop bien; – je le savais même avant vous, malheureux père! Adieu!
(Il sort.)
SIEGENDORF, écoutant
Il a descendu l'escalier. Ah! j'entends la porte se refermer sur lui: il est sauvé! sauvé! – Oh! mon père! – la force m'abandonne. -
(Il se laisse tomber sur un siége de pierre contigu au mur de la
tour. – Ulric entre avec d'autres hommes armés et les épées nues.)
ULRIC
Dépêchez! – il est là!
LUDWIG
Le comte! – monseigneur!
ULRIC, reconnaissant Siegendorf
Vous ici, monsieur!
SIEGENDORF
Oui: si vous cherchez une seconde victime, frappez!
ULRIC, le voyant dépouillé de ses diamans
Où est le fripon qui vous a volé? Amis! courez à sa recherche. Vous le voyez, je ne vous en imposais pas: – le misérable a dépouillé mon père de diamans qui pouvaient suffire à l'apanage d'un prince. Courez! – je ne tarderai pas à vous rejoindre.
(Tous sortent, à l'exception de Siegendorf et d'Ulric.)
ULRIC
Que signifie cela? Où est le voleur?
SIEGENDORF
Ils sont deux; deux, monsieur: lequel cherchez-vous?
ULRIC
Ne parlons pas de cela: il faut qu'on le trouve. Vous ne l'avez pas laissé échapper?
SIEGENDORF
Il est enfui.
ULRIC
Avec votre aide?
SIEGENDORF
Avec mon aide la plus impatiente, la plus empressée.
ULRIC
Cela étant, adieu.
(Il fait un pas pour sortir.)
SIEGENDORF
Arrêtez! je le veux, – je le demande, – je l'implore! Ulric! voulez-vous donc m'abandonner?
ULRIC
Quoi! rester pour être dénoncé, saisi, chargé de chaînes peut-être; et tout cela, par votre invincible faiblesse, votre demi-humanité, vos égoïstes remords, et cette pitié indécise qui sacrifie toute une famille pour laisser à un misérable les moyens de profiter de notre ruine! Non, non! désormais vous n'avez plus de fils.
SIEGENDORF
Je n'en ai jamais eu, et plût au ciel que vous n'en eussiez jamais porté le vain nom. Où prétendez-vous aller? je ne veux pas que vous vous éloigniez sans ressources.
ULRIC
Laissez-moi ces soins-là. Je ne suis pas seul, ni seulement l'héritier de vos domaines: j'ai à ma disposition dix mille épées, et non moins de cœurs et de bras.
SIEGENDORF
Les bandits des forêts! avec qui le Hongrois vous rencontra d'abord à Francfort?
ULRIC
Oui, – des hommes, – et des hommes dignes de ce nom! Allez dire à vos sénateurs qu'ils veillent sur Prague; dites-leur que leurs réjouissances pour la paix étaient prématurées, et qu'ils vont avoir affaire à plus de braves gens que n'en conduisit jamais Wallenstein!
(Entrent Joséphine et Ida.)
JOSÉPHINE
Qu'ai-je entendu, mon cher Siegendorf! Grâce au ciel, vous êtes sauvé.
SIEGENDORF
Sauvé!
IDA
Oui; mon bon père!
SIEGENDORF
Non, non; je n'ai plus d'enfans. Gardez-vous de jamais m'appeler de cet horrible nom de père.
JOSÉPHINE
Cher époux, que voulez-vous dire?
SIEGENDORF
Qu'un démon a pris naissance dans vos flancs!
IDA, prenant Ulric par la main
Qui ose parler ainsi d'Ulric?
SIEGENDORF
Prenez garde, Ida; il y a du sang sur cette main.
IDA, se baissant pour l'embrasser
Je l'effacerai de mes lèvres, quand ce serait le mien!
SIEGENDORF
C'est aussi le vôtre!
ULRIC
Adieu! Oui, c'est celui de votre père!
(Ulric sort.)
IDA
Juste Dieu! et c'est lui que j'aimais.
(Elle tombe sans force. Joséphine reste muette d'horreur.)
SIEGENDORF
Le malheureux, d'un seul mot, les a tuées. – Ma Joséphine! nous voilà restés seuls; et pourquoi ne l'avons-nous pas toujours été! – Tout est fini pour moi. – Ouvre-toi, maintenant, sépulcre de mon père! sa malédiction t'a creusé pour moi par les mains de mon fils. – C'en est fait de la race de Siegendorf!
FIN DE WERNER
LETTRE À JOHN MURRAY, À L'OCCASION DU RÉVÉREND W. L. BOWLES, ET DE SES OBSERVATIONS CRITIQUES
SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE POPE5
Nuit et jour, les boules m'amuseraient.
(Ancienne chanson.)
Monsieur, ma mère est vieille: elle s'est un peu oubliée avec milady, qui ne peut supporter qu'on la contredise (et en cela, il n'y a personne qui ne lui ressemble).
(Contes de mon Hôte. -Les Puritains.)
Nous sommes obligés d'interrompre l'ordre naturel des publications de notre auteur, et d'insérer ici un morceau qui, nous l'avouons, eût été mieux à sa place parmi les Miscellanées. Mais il ne reste à publier des ouvrages dramatiques de Lord Byron que les Foscari et Caïn; et l'étendue de chacune de ces deux pièces ne nous a pas permis de placer ici l'une ou l'autre, pour compléter notre volume.P. P.
LETTRE À JOHN MURRAY
Ravenne, 7 février 1821.
Cher Monsieur,
Dans les diverses brochures de la polémique entre Pope et Bowles, que vous avez eu la bonté de m'envoyer, j'ai remarqué que les deux partis avaient jugé à propos de faire intervenir mon nom. M. Bowles, dans sa lettre à M. Campbell et dans sa réplique à la Quarterly Review, fait, à plusieurs reprises, allusion à ce qu'il lui plaît de nommer une remarquable circonstance; et, de leur côté, la Quarterly et M. Gilchrist m'ont accordé le dangereux honneur d'une citation. Bien plus, M. Bowles me fait indirectement une sorte d'appel personnel, en disant: «Lord Byron, s'il se souvient de la circonstance, pourra attester…» (attester en italique, caractère assez déconsidéré aujourd'hui, en matière testimoniale6.)
Mais bien que j'aie depuis long-tems fixé en Italie ma résidence, je ne me mettrai pas à couvert derrière un non mi ricordo. Oui, je me rappelle la circonstance, et je ne vois aucune difficulté (dès que l'on m'en adjure) à la raconter aussi exactement que pourront me le permettre la distance des tems et les distractions naturellement causées par les événemens subséquens. En 1812, c'est-à-dire plus de trois ans après la publication des Poètes anglais et des Réviseurs écossais, j'eus l'honneur de rencontrer M. Bowles chez notre respectable hôte de la Vie humaine7 , etc., ce dernier Argonaute de la poésie classique en Angleterre, ce Nestor de la race infime des poètes contemporains. M. Bowles affirme que cette rencontre eut lieu bientôt après la publication de la satire, mais, à mes yeux, trois années sont une énorme fraction de l'immortalité présumée d'un poème moderne. Je n'ai pas gardé le moindre souvenir du reste de la compagnie, se retirant dans une salle voisine; et bien que la topographie de l'élégante et classique demeure de notre hôte soit encore présente à ma mémoire, je n'oserais déterminer dans quelle partie de la maison la conversation eut lieu: toutefois, le fait du poème qu'on se serait levé pour prendre, semble indiquer la bibliothèque; et si l'on s'était au contraire baissé, il faudrait reconnaître la garde-robe.
Je suppose encore que la remarquable circonstance eut lieu après dîner: le moyen de croire, en effet, que M. Bowles, en dépit de sa politesse et de son appétit, ait pu se décider à retenir le reste de la compagnie dans l'autre salle, debout derrière leurs chaises, et cela, afin de continuer notre dissertation sur les bois de Madère 8, au lieu de faire circuler les trésors bachiques de cette île? Je me rappelle aussi fort bien et non sans plaisir, l'aimable enjouement de M. Bowles, l'élégance de ses manières, et l'agrément de sa conversation. Je parle en général, et non pas d'une conversation spéciale: car, pour ce qui touche aux propres expressions que cite la brochure, je ne saurais (et lui non plus) assurer positivement qu'il les ait employées. Je ne me souviens nullement de l'air sérieux, et je croyais plutôt M. Bowles disposé à traiter légèrement la chose; car il me dit (si en cela il me dément, je n'ai rien à répondre) que plusieurs de ses meilleurs amis étaient venus à lui, en s'écriant: «Mon Dieu! Bowles! comment diable avez-vous imaginé que les bois de Madère 9, etc., etc.» Ajoutant qu'il avait eu quelque peine à leur démontrer, le livre en main, que jamais il n'avait fait faire à ces bois rien de semblable.
Il avait raison, et les torts étaient de mon côté; ils y sont restés jusqu'à ce moment où j'en fais l'aveu. Avant de commettre une inexactitude capable de causer de la peine à quelqu'un, j'aurais dû, je l'avoue, y regarder à deux fois. Le fait est que, tout en ayant lu auparavant l'Esprit de Découverte, j'avais emprunté à la Revue la citation; de plus, la méprise était de mon fait, et non celui de la Revue, qui avait, je crois, rapporté assez correctement le passage. J'ai donc commis, je ne sais comment, une bévue, en attribuant les frémissemens des amans aux bois de Madère; et je déclare, au besoin même j'atteste aujourd'hui que les bois ne frémirent pas au bruit d'un baiser, mais bien les amans. Je cite de mémoire-
Un baiser
Soudain troubla le silence attentif, etc., etc.
Ils (les amans) ont frémi, comme si le pouvoir, etc.
Et si j'avais pu croire que M. Bowles eût vu avec le plus léger plaisir cette déclaration, je n'aurais pas attendu neuf ans pour la faire, bien que les Poètes anglais et les Réviseurs écossais eussent été supprimés quelque tems avant notre rencontre chez M. Rogers. Notre digne hôte aurait pu lui dire que c'était surtout d'après ses représentations que j'avais résolu d'anéantir cette satire. En effet, on en préparait une édition nouvelle, quand M. Rogers m'avertit que «j'étais maintenant en rapport avec plusieurs de ceux dont j'avais parlé, et que je comptais même quelques amis dans ce nombre. Il connaissait, ajouta-t-il, entre autres, une famille qui verrait la suppression de l'ouvrage avec un plaisir extrême.» Je n'hésitai pas un moment: l'impression fut sur-le-champ arrêtée; et ce n'est pas ma faute si l'on en a vendu de nouvelles depuis ce tems.
En avril 1816, quand je quittai l'Angleterre, je n'éprouvai pas un violent entraînement à occuper encore de moi cette contrée; et mon dernier acte, je crois, au milieu des distractions d'une nature différente qui s'offraient à moi, fut alors de signer une procuration pour vous autoriser à prévenir ou arrêter les réimpressions que l'on pourrait tenter de cet ouvrage, et qu'on en avait déjà faites en Irlande. Il est encore à propos de remarquer que c'est d'après leurs avances ou celles de leurs amis, que je me liai par la suite avec les personnes dont j'avais cité, dans ma satire, les noms et les ouvrages. Je ne me souviens pas d'avoir jamais cherché à faire connaissance avec un seul. Il en est parmi eux dont je n'ai même encore vu que les lettres; un, entre autres, auquel j'ai le premier écrit, mais en conséquence d'une communication de vive voix faite avec bienveillance par une personne tierce.
J'ai cru devoir un instant m'arrêter sur ces détails, parce qu'on m'a plusieurs fois amèrement reproché d'avoir voulu supprimer cette satire. Jamais, et ceux qui me connaissent le savent bien, je n'ai reculé devant les conséquences personnelles d'une semblable publication. Si j'ai pu songer plus tard à l'anéantir, c'est qu'ayant conservé sur elle mes droits d'auteur j'en étais le meilleur juge et le maître incontestable. Je viens de déterminer les circonstances qui m'y engagèrent; c'est aux juges à les apprécier d'après leur candeur ou leur malveillance. M. Bowles me fait l'honneur de parler de mon ame noble, de ma généreuse magnanimité, et tout cela parce que si le livre n'avait pas été supprimé, la circonstance y eût été rappelée. Pour moi, je ne vois nulle noblesse d'ame dans un acte de simple justice; et quant au mot magnanimité, je le hais depuis que j'ai vu les imposteurs les plus grossiers en être gratifiés par les sots les plus incontestables. Cette éternelle circonstance, je l'aurais expliquée, malgré la suppression du livre, pour peu que M. Bowles en eût jamais exprimé le désir; et j'aurais répété ce que dit le galant Galbraith au bailli Jarvie: «Eh bien! le diable emporte la méprise et tout ce qu'elle a occasionné.» Pendant les dix dernières années qui viennent de s'écouler, j'aurais eu à me plaindre, une fois au moins par mois, de méprises aussi fortes et plus graves même, concernant mon caractère personnel ou littéraire; cependant, je n'ai jamais songé à les relever, une fois les quarante-huit heures passées sur l'erreur ou la calomnie.
Un mot ou deux maintenant relativement à Pope, sur lequel vous avez mon opinion plus largement développée dans une lettre inédite sur ou à (je ne le sais plus) l'éditeur du Blackwood's Edinburgh Magazine; et, je l'avoue, je crains bien que M. Bowles ne partage plus ici mes sentimens.
J'ai quelque regret, sans doute, d'avoir publié les Bardes anglais et les Réviseurs écossais; mais, dans cet ouvrage, ce qui m'en inspire le moins, est le passage relatif à M. Bowles, et son édition de Pope. En 1807 et 1808, époque de l'impression, M. Hobhouse désira m'y voir consigner notre commune opinion sur ce sujet; mais j'avais achevé ma tâche, j'éprouvais de la fatigue, je le priai donc de le faire à ma place. Il y consentit; et l'on peut voir, dans la première édition des Bardes anglais, ses quarante vers sur le Pope de M. Bowles; ils sont aussi sévères et bien autrement poétiques que les miens, sur le même sujet, dans la seconde. Mais comme je mettais mon nom à cette réimpression, j'avais dû retrancher la tirade de M. Hobhouse, pour y substituer la mienne: par là, l'ouvrage y gagna moins que M. Bowles; c'est d'ailleurs, ce que j'ai déclaré dans la Préface de la deuxième édition. Depuis longues années, je n'avais pas relu ce poème; et pour le rappeler aujourd'hui à mon souvenir, il n'a fallu rien moins que l'obligeance de la Quarterly Review, de M. Octavius Gilchrist et de M. Bowles lui-même. Or, je suis désolé de le dire, en revoyant ces anciens vers, je me repens d'avoir exprimé d'une manière si concise l'opinion que je me suis faite de l'édition de Pope. M. Bowles dit: «Lord Byron sait bien que je ne mérite pas le caractère qu'on m'impute.» Je ne sais rien de pareil. J'ai, dans la meilleure société de Londres, rencontré, par hasard, M. Bowles; j'ai cru voir, en lui, un homme aimable, bien élevé, et d'un très-grand mérite. Je ne souhaiterais que de me trouver une fois la semaine à table près d'une personne aussi agréable; mais voilà tout. Quant au fond de son caractère, je n'en connais absolument rien. De ses dehors, j'en fais le plus grand cas; cependant, je ne juge plus un homme d'après ses dehors, depuis qu'il m'est arrivé d'être volé par l'homme du monde le mieux élevé, et que j'ai fait connaissance avec Ali-Pacha, dont la politesse était des plus exquises. Si M. Bowles n'est pas seul coupable de l'édition de Pope, je ne lui ferai pas l'injustice de juger, d'après ce fait, de son caractère; ou, s'il en est autrement, la justice. Je ne veux pas mériter le titre d'exécuteur des hautes œuvres littéraires ou personnelles. M. Bowles individu, et M. Bowles éditeur, sont, à mes yeux, les deux choses du monde les plus opposées,
Et de lui-même il est une-antithèse.
Je ne dirai pas vile, le mot est trop cru: ni trompeuse, parce que cette épithète est trop longue de deux syllabes; mais je laisse au lecteur le soin de remplir la lacune à sa guise.
Au reste, ce que j'entrevis de M. Bowles augmenta mes regrets et ma surprise de ce qu'il employait ses talens à pareille tâche. Sot, on pourrait l'excuser; indigent, ou privé de considération, on trouverait moyen d'expliquer sa conduite: mais il est précisément l'opposé de cela; et avec les idées et les sentimens que Pope m'inspire, je suis incapable de comprendre ses motifs. Il faut pourtant appeler les choses par leur nom; et je ne puis dire, de son édition de Pope, que c'est une œuvre de candeur; je trouve même une déplaisante affectation de cette qualité, et dans cette œuvre, et dans les brochures dernièrement publiées.
Et pourquoi renier encor ses prisonniers?
«J'ai vu, dit M. Bowles dans ses lettres à Martha Blount, des passages que je n'ai pas publiés, et que jamais, je l'espère, personne ne publiera, tant leur grossière licence suppose une grossière débauche.»
Voilà, certes, un piquant jeu de mots! De tels passages peuvent exister ou ne pas exister; et Pope qui, bien que catholique, n'était pas un moine, peut fort bien s'être quelquefois oublié au tems de sa jeunesse, soit en paroles, soit même en actions, auprès d'une femme. Cela suffit-il pour justifier une aussi grave imputation? Et quel est donc, en Angleterre, l'homme marié, d'un certain rang (s'il n'est pas entré dans les ordres), dont la jeunesse ne présente pas des désordres bien autrement graves que ceux dont peuvent donner l'idée les lettres de Pope? À compter de ses premières années, ce grand poète ne cessa d'occuper l'attention publique. Il eut, pendant sa vie, tous les sots pour ennemis; et après sa mort, j'ai regret de le dire, quelques personnes qui n'ont pas, pour justifier leurs diffamations, la même sottise. Eh bien! qu'ont prouvé leurs ardentes attaques et leurs découvertes partiales? – une liaison équivoque avec Martha Blount, occasionnée par ses infirmités autant que par ses passions; un amour sans espérance pour lady Mary W. Montagu; une anecdote de Cibber, et deux ou trois libres passages de ses ouvrages. Qui pourrait sortir plus pur d'une enquête malveillante faite sur une vie de cinquante-six années? Et pourquoi vient-on, aujourd'hui, nous entretenir de semblables fragmens, supposé qu'ils existent? M. Bowles nous dira-t-il quel parti l'on peut tirer de cette exhumation de lettres et d'anecdotes? J'ai vu, moi-même, une collection des lettres d'un autre poète éminent et même prééminent; eh bien! elles sont d'une indécence grossière, et si artificieusement abominables, que je ne crois pas qu'on puisse leur rien comparer en ce genre dans notre langue. Ce qu'il y a d'étrange, c'est que plusieurs sont placées en forme de post-scriptum au bas de ses lettres sérieuses et les plus sentimentales, et qu'elles se trouvent réunies à des morceaux de prose ou de vers de l'indécence la plus hyperbolique. Il n'est plus, et il a dit de lui-même, que «si l'obscénité (employant une expression bien plus grossière) est un péché mortel, il ne peut certainement être sauvé.» Ces lettres existent; beaucoup d'autres personnes les connaissent aussi bien que moi. Mais je le demande, l'éditeur de ses œuvres eût-il témoigné sa candeur, en n'y faisant même que des allusions? Pour moi, spectateur indifférent, rien n'aurait pu me décider à les indiquer, sans la malheureuse tentative que l'on a faite pour flétrir la mémoire d'un homme tel que Pope.
Que dirions-nous d'un éditeur d'Addison qui citerait le passage suivant des lettres de Walpole à George Montagu? «Le docteur Young a publié un nouvel ouvrage, etc. M. Addison, au moment de mourir, envoya chercher le jeune comte de Warwick, pour lui montrer avec quel calme devait mourir un chrétien; mais par malheur il mourait pour avoir trop bu d'eau-de-vie; et rien ne contribue à calmer les terreurs de la mort, comme les épanchemens d'ivresse! Mais gardez-vous de répéter cela à Goth, où vous vous trouvez.» Maintenant, supposons que l'éditeur ait fait précéder ce passage de ces mots: – Horace Walpole parle d'un fait qui, s'il est vrai, est singulièrement scandaleux. Walpole informe Montagu, qu'Addison, avant de mourir, envoya chercher le jeune comte de Warwick, pour lui montrer avec quel calme devait mourir un chrétien; mais que malheureusement il mourait ivre, etc., etc.
Quelque chose que l'on puisse dire ailleurs ou sur la même page, quelque incrédulité que l'on affecte, en exprimant toujours la même candeur, je dirai que l'éditeur était un sot ou un menteur; jamais il ne devait accueillir une telle anecdote (à moins qu'elle ne lui fût évidemment prouvée), si ce n'est pour exprimer rapidement l'indignation qu'elle lui avait inspirée. Pourquoi les mots s'il est vrai? on n'y reconnaît pas le cachet de l'incrédule. Pourquoi appuyer les prétendus désordres de Pope, du témoignage de Cibber, et qu'est-ce que tout cela prouve? Que Pope, très-jeune encore, fut une fois entraîné par un gentilhomme avec lequel il avait joué, dans une maison de prostitution. Crime horrible! Mais M. Bowles n'a pas toujours été ecclésiastique; quand il était fort jeune, n'a-t-il jamais cédé à de pareilles séductions? Si j'étais en humeur de conter, et de répéter deux petites anecdotes, je pourrais dire de M. Bowles une bien meilleure histoire que celle de Cibber, et fondée sur une bien meilleure autorité, celle de M. Bowles lui-même. Elle, n'a pas été racontée par lui en ma présence, mais devant un tiers qu'il arrive à M. Bowles de nommer plusieurs fois dans le cours de ses répliques. Cette personne me l'a donnée comme une anecdote récréative et piquante, et elle ne se trompait pas, quels que fussent d'ailleurs ses autres mérites. Mais, pour une folie de jeunesse, faudra-t-il accuser M. Bowles d'un penchant au libertinage ou à la débauche? Et pour n'avoir pas toujours été un prêtre, n'en est-il pas moins aujourd'hui un pieux et brave homme? Loin de cela; je consens à le tenir pour une honnête personne, presque aussi honnête que Pope, mais non pas meilleure que lui.
Le fait est que, de nos jours, le grand primum mobile de l'Angleterre est la phraserie: phraserie politique, phraserie poétique, phraserie religieuse, phraserie morale, mais toujours, et dans tous les accidens de la vie, de la phraserie. C'est la mode, et tant qu'elle durera, elle entraînera toujours ceux qui ne peuvent vivre qu'en se conformant au ton du jour. Je dis phraserie, parce que c'est une affaire de mots sans la plus légère influence sur la conduite. Les Anglais n'en sont pour cela ni plus sages ni meilleurs, mais beaucoup plus pauvres, plus divisés entre eux, et bien autrement dépravés qu'ils ne l'étaient avant la vogue donnée à ce verbal décorum. Cette horreur nerveuse pour les amours équivoques et très-contestables du pauvre Pope (car Cibber lui-même avoue qu'il prévint le danger des aventures dans lesquelles il allait s'embarquer), fait très-bien dans une brochure de controverse; mais tous les gens du monde qui connaissent ce que c'est que la vie, ou du moins ce qu'elle était pour eux dans leur jeunesse, ne manqueront pas de rire des plaisantes preuves sur lesquelles se trouve fondée l'accusation d'une sorte de passion libertine, et les hommes graves regarderont sans doute ceux qui, d'après un fait isolé, se permettent une pareille imputation, comme des fanatiques ou des hypocrites, et tous les deux, peut-être. On trouve quelquefois, dans un heureux mélange, ces deux qualités confondues.
M. Octavius Gilchrist parle avec une extrême irrévérence d'un second verre de chaud Négus. Qu'entend-il par là? y a-t-il dans le Négus quelque mal? offre-t-il pour les mœurs plus de danger quand on le boit chaud? ou bien encore M. Bowles boit-il du Négus? J'ai de lui meilleure opinion. J'espérais que jamais il ne buvait que du vin non mélangé, ou que du moins, – comme l'official de Jonathan Wild, il préférait le punch, «attendu qu'on ne trouvait rien contre lui dans l'écriture.» Je serais désolé de croire que M. Bowles fût passionné pour le Négus; c'est une liqueur trop candide; un compromis trop commode entre la passion du vin et les avantages de l'eau. Mais les goûts diffèrent chez les différens écrivains. Le juge Blakstone (il avait fait des vers dans sa jeunesse) composa ses doctes commentaires avec une bouteille de Porto devant lui. Addison ne savait pas dire un mot de spirituel avant d'avoir pris une semblable dose: et peut-être le régime de ces deux grands hommes valait-il celui d'un soi-disant poète de nos jours, qui, après avoir grimpé sur de hautes montagnes, revient, se met au lit, et de là dicte ses vers, en dévorant, durant l'opération, nombre de tartines de beurre.
Maintenant je reviens à M. Bowles, et à ses invariables principes de poésie. M. Bowles et quelques-uns de ses correspondans les déclarent incontestables, du moins sont-ils incontestés par Campbell, qui semble avoir été étourdi du fracas de ces mots. On dit que le sultan offrit autrefois de s'allier à un roi de France, parce que, comme lui, il haïssait le mot de ligue; preuve que sa hautesse entendait le français: M. Campbell n'a pas besoin de mon alliance sans doute, et je n'ai pas la prétention de la lui proposer; mais je hais souverainement le mot invariable. Qu'y a-t-il en effet parmi les hommes, poésie, philosophie, génie, sagesse, science, gloire, puissance, ame, matière, vie ou mort, qui puisse se vanter d'être invariable? Je veux bien mettre les choses divines hors de la question. De tous les noms dont on a jamais eu l'arrogance de baptiser un livre, le plus ridicule est sans contredit un pareil titre dans une brochure. C'est à M. Campbell à répondre de l'ouvrage en lui-même, et de venger l'honneur de son vaisseau 10, que M. Bowles déclare de l'air le plus triomphant avoir, dès le premier feu, coulé bas.