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Kitabı oku: «Gabriel», sayfa 10

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SCÈNE VIII

GABRIEL, seul

Réfléchir à quoi? A l'étendue de mon malheur, à l'impossibilité du remède? A cette heure, Astolphe oublie tout dans une honteuse ivresse! et moi, pourrais-je jamais oublier que son sein, le sanctuaire où je reposais ma tête, a été profané par d'impures étreintes? Eh quoi! désormais chacun de ses soupçons pourra ramener ce besoin de délires abjects et l'autoriser à souiller ses lèvres aux lèvres des prostituées? Et moi, il veut me souiller aussi! il veut me traiter comme elles! il veut m'appeler devant un tribunal, devant une assemblée d'hommes; et là, devant les juges, devant la foule, faire déchirer mon pourpoint par des sbires, et, pour preuve de ses droits à la fortune et à la puissance, dévoiler à tous les regards ce sein de femme que lui seul a vu palpiter! Oh! Astolphe, tu n'y songes pas sans doute; mais quand l'heure viendra, emporté sur une pente fatale, tu ne voudras pas t'arrêter pour si peu de chose! Eh bien! moi, je dis: Jamais! Je me refuse à ce dernier outrage, et, plutôt que d'en subir l'affront, je déchirerai cette poitrine, je mutilerai ce sein jusqu'à le rendre un objet d'horreur à ceux qui le verront, et nul ne sourira à l'aspect de ma nudité… O mon Dieu! protégez-moi! préservez-moi! j'échappe avec peine à la tentation du suicide!..

(Elle se jette à genoux et prie.)

SCÈNE IX

Sur le pont Saint-Ange. Quatre heures du matin
GABRIEL, suivi de Mosca, GIGLIO
GABRIEL, marchant avec agitation et s'arrêtant au milieu au pont

Le suicide!.. Cette pensée ne me sort pas de l'esprit. Pourtant je me sens mieux ici!.. J'étouffais dans cette petite chambre, et je craignais à chaque instant que mes sanglots ne vinssent à réveiller mon pauvre Marc, fidèle serviteur dont mes malheurs avancent la décrépitude, et que ma tristesse a vieilli plus que les années! (Mosca fait entendre un hurlement prolongé.) Tais-toi, Mosca! je sais que tu m'aimes aussi. Un vieux valet et un vieux chien, voilà tout ce qui me reste!.. (Il fait quelques pas.) Cette nuit est belle! et cet air pur me fait un bien!.. O splendeur des étoiles! ô murmure harmonieux du Tibre!.. (Mosca pousse un second hurlement.) Qu'as-tu donc, frêle créature? Dans mon enfance, on me disait que, lorsque le même chien hurle trois fois de la même manière, c'est signe de mort dans la famille!.. Je ne pensais pas qu'un jour viendrait où ce présage ne me causerait aucun effroi pour moi-même… (Il fait encore quelques pas et s'appuie sur le parapet.)

GIGLIO, se cachant dans l'ombre que le château Saint-Ange projette sur le pont, s'approche de Gabriel

C'était bien sa demeure, et c'est bien lui; je ne l'ai pas perdu de vue depuis qu'il est sorti. Ce n'est pas le vieux serviteur dont on m'a parlé… Celui-ci est un jeune homme.

(Mosca hurle pour la troisième fois en se serrant contre Gabriel.)
GABRIEL

Décidément, c'est le mauvais présage. Qu'il s'accomplisse, ô mon Dieu! Je sais que, pour moi, il n'est plus de malheur possible..

GIGLIO, se rapprochant encore

Le diable de chien! Heureusement il ne paraît pas y faire attention… Par le diable! c'est si facile, que je n'ai pas le courage!.. Si je n'avais pas femme et enfants, j'en resterais là!

GABRIEL

Cependant avec la liberté… (et ma démarche auprès du pape doit me mettre à l'abri de tout), la solitude pourrait être belle encore. Que de poésie dans la contemplation de ces astres dont mon désir prend possession librement, sans qu'aucune vile passion l'enchaîne aux choses de la terre! O liberté de l'âme! qui peut t'aliéner sans folie? (Étendant les bras vers le ciel.) Rends-moi cette liberté, mon Dieu! mon âme se dilate rien qu'à prononcer ce mot: liberté!..

GIGLIO, le frappant d'un coup de poignard

Droit au coeur, c'est fait!

GABRIEL

C'est bien frappé, mon maître. Je demandais la liberté, et tu me l'as donnée. (Il tombe, Mosca remplit l'air de ses hurlements.)

GIGLIO

Le voilà mort! Te tairas-tu, maudite bête? (Il veut le prendre, Mosca s'enfuit en aboyant.) Il m'échappe! Hâtons-nous d'achever la besogne. (Il s'approche de Gabriel, et essaie de le soulever.) Ah! courage de lièvre! Je tremble comme une feuille! Je n'étais pas fait pour ce métier-là.

GABRIEL

Tu veux me jeter dans le Tibre? Ce n'est pas la peine. Laissez-moi mourir en paix à la clarté des étoiles. Tu vois bien que je n'appelle pas au secours, et qu'il m'est indifférent de mourir.

GIGLIO

Voilà un homme qui me ressemble. A l'heure qu'il est, si ce n'était l'affaire de comparaître au jugement d'en haut, je voudrais être mort. Ah! j'irai demain à confesse!.. Mais, par tous les diables! j'ai déjà vu ce jeune homme quelque part… Oui, c'est lui! Oh! je me briserai la tête sur le pavé! (Il se jette à genoux auprès de Gabriel et veut retirer le poignard de son sein.)

GABRIEL

Que fais-tu, malheureux? Tu es bien impatient de me voir mourir!

GIGLIO

Mon maître! mon ange!.. mon Dieu! Je voudrais te rendre la vie. Ah! Dieu du ciel et de la terre, empêchez qu'il ne meure!..

GABRIEL

Il est trop tard, que t'importe!

GIGLIO, à part

Il ne me reconnaît pas! Ah! tant mieux! S'il me maudissait à cette heure, je serais damné sans rémission!

GABRIEL

Qui que tu sois, je ne t'en veux pas, tu as accompli la volonté du ciel.

GIGLIO

Je ne suis pas un voleur, non. Tu le vois, maître, je ne veux pas te dépouiller.

GABRIEL

Qui donc t'envoie? Si c'est Astolphe… ne me le dis pas… Achève-moi plutôt…

GIGLIO

Astolphe? Je ne connais pas cela…

GABRIEL

Merci! Je meurs en paix. Je sais d'où part le coup… Tout est bien.

GIGLIO

Il meurt! Ah! Dieu n'est pas juste! Il meurt! Je ne peux pas lui rendre la vie… (Mosca revient et lèche la figure et les mains de Gabriel.) Ah! cette pauvre bête elle a plus de coeur que moi.

GABRIEL

Ami, ne tue pas mon pauvre chien…

GIGLIO

Ami! il m'appelle ami! (Il se frappe la tête avec les poings.)

GABRIEL

On peut venir… Sauve-toi!.. Que fais-tu là?.. Je ne peux en revenir. Va recevoir ton salaire… de mon grand-père!

GIGLIO

Son grand-père! Ah! voilà les gens qui nous emploient! voilà comme nos princes se servent de nous!..

GABRIEL

Écoute!.. je ne veux pas que mon corps soit insulté par les passants… Attache-moi à une pierre… et jette-moi dans l'eau…

GIGLIO

Non! tu vis encore, tu parles, tu peux en revenir. O mon Dieu! mon Dieu! personne ne viendra-t-il à ton secours?

GABRIEL

L'agonie est trop longue… Je souffre. Arrache-moi ce fer de la poitrine. (Giglio retire le poignard.) Merci, je me sens mieux… je me sens… libre!.. mon rêve me revient. Il me semble que je m'envole là-haut! tout en haut! (Il expire.)

GIGLIO

Il ne respire plus! J'ai hâté sa mort en voulant le soulager… Sa blessure ne saigne pas… Ah! tout est dit!.. C'était sa volonté… Je vais le jeter dans la rivière!.. (Il essaie de relever le cadavre de Gabriel.) La force me manque, mes yeux se troublent, le pavé s'enfuit sous mes pieds!.. Juste Dieu!.. l'ange du château agite ses ailes et sonne la trompette… C'est la voix du jugement dernier! Ah! voici les morts, les morts qui viennent me chercher. (Il tombe la face sur le pavé et se bouche les oreilles.)

SCÈNE X

ASTOLPHE, LE PRÉCEPTEUR, GABRIEL, mort, GIGLIO, étendu à terre
ASTOLPHE, en marchant

Eh bien! ce n'est pas vous qui aurez manqué à votre promesse. Ce sera moi qui aurai forcé votre volonté!

LE PRÉCEPTEUR, s'arrêtant irrésolu

Je suis trop faible… Gabriel ne voudra plus se fier à moi.

ASTOLPHE, l'entraînant

Je veux la voir, la voir! embrasser ses pieds. Elle me pardonnera! Conduisez-moi.

MARC, venant à leur rencontre, une lanterne à la main, l'épée dans l'autre

Monsieur l'abbé, est-ce vous?

LE PRÉCEPTEUR

Où cours-tu, Marc? ta figure est bouleversée! Où est ton maître?

MARC

Je le cherche! il est sorti… sorti pendant que je m'étais endormi! Malheureux que je suis!.. J'allais voir chez vous.

LE PRÉCEPTEUR

Je ne l'ai pas rencontré… Mais il est sorti armé, n'est-ce pas?

MARC

Il est sorti sans armes pour la première fois de sa vie, il a oublié jusqu'à son poignard. Ah! je n'ose vous dire mes craintes. Il avait tant de chagrin! Depuis quelques jours il ne mangeait plus, il ne dormait plus, il ne lisait plus, il ne restait pas un instant à la même place.

ASTOLPHE

Tais-toi, Marc, tu m'assassines. Cherchons-le!.. Que vois-je ici?.. (Il lui arrache la lanterne, et l'approche de Giglio.) Que fait là cet homme?

GIGLIO

Tuez-moi! tuez-moi!

LE PRÉCEPTEUR

Et ici un cadavre!

MARC, d'une voix étouffée par les cris

Mosca… voici Mosca qui lui lèche les mains! (Le précepteur tombe à genoux. Marc, en pleurant et en criant, relève le cadavre de Gabriel. Astolphe reste pétrifié. )

GIGLIO, au précepteur

Donnez-moi l'absolution, monsieur le prêtre! Messieurs, tuez-moi. C'est moi qui ai tué ce jeune homme, un brave, un noble jeune homme qui m'avait accordé la vie, une nuit que, pour le voler, j'avais déjà tenté, avec plusieurs camarades, de l'assassiner. Tuez-moi! J'ai femme et enfants, mais c'est égal, je veux mourir!

ASTOLPHE, le prenant à la gorge

Misérable! tu l'as assassiné!

LE PRÉCEPTEUR

Ne le tuez pas. Il n'a pas agi de son fait. Je reconnais ici la main du prince de Bramante. J'ai vu cet homme chez lui.

GIGLIO

Oui, j'ai été à son service.

ASTOLPHE

Et c'est lui qui t'a chargé d'accomplir ce crime?

GIGLIO

J'ai femme et enfants, monsieur; j'ai porté l'argent que j'ai reçu à la maison. A présent livrez-moi à la justice; j'ai tué mon sauveur, mon maître, mon Jésus! Envoyez-moi à la potence; vous voyez bien que je me livre moi-même. Monsieur l'abbé, priez pour moi!

ASTOLPHE

Ah! lâche, fanatique! je t'écraserai sur le pavé.

LE PRÉCEPTEUR

Les révélations de ce malheureux seront importantes; épargnez-le, et ne doutez pas que le prince ne prenne dès demain l'initiative pour vous accuser. Du courage, seigneur Astolphe! Vous devez à la mémoire de celle qui vous a aimé, de purger votre honneur de ces calomnies.

ASTOLPHE, se tordant les bras

Mon honneur! que m'importe mon honneur? (Il se jette sur le corps de Gabriel. Marc le repousse.)

MARC

Ah! laissez-la tranquille à présent! C'est vous qui l'avez tuée.

ASTOLPHE, se relevant avec égarement

Oui, c'est moi! oui, c'est moi! Qui ose dire le contraire? C'est moi qui suis son assassin!

LE PRÉCEPTEUR

Calmez-vous et venez! Il faut soustraire cette dépouille sacrée aux outrages de la publicité. Le jour est loin de paraître, emportons-la. Nous la déposerons dans le premier couvent. Nous l'ensevelirons nous-mêmes, et nous ne la quitterons que quand nous aurons caché dans le sein de la terre ce secret qui lui fut si cher.

ASTOLPHE

Oh! oui, qu'elle l'emporte dans la tombe, ce secret que j'ai voulu violer!

LE PRÉCEPTEUR, à Giglio

Suivez-nous, puisque vous éprouvez des remords salutaires. Je tâcherai de faire votre paix avec le ciel; et, si vous voulez faire des révélations sincères, on pourra vous sauver la vie.

GIGLIO

Je confesserai tout, mais je ne veux pas de la vie, pourvu que j'aie l'absolution.

ASTOLPHE, en délire

Oui, tu auras l'absolution, et tu seras mon ami, mon compagnon! Nous ne nous séparerons plus, car nous sommes deux assassins!

(Marc et Giglio emportent le cadavre, l'abbé entraîne Astolphe.)
FIN DE GABRIEL
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
150 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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