Kitabı oku: «Histoire de ma Vie, Livre 3 (Vol. 10 - 13)», sayfa 30
Et vous aussi, Henri Martin, Edgard Quinet, Michelet, vous élevez nos cœurs, dès que vous placez les faits de l'histoire sous nos yeux. Vous ne touchez point au passé sans nous faire embrasser les pensées qui doivent nous guider dans l'avenir.
Et vous aussi, Lamartine, bien que, selon nous, vous soyez trop attaché aux civilisations qui ont fait leur temps, vous répandez, par le XIII p. 149 charme et l'abondance de votre génie, des fleurs de civilisation sur notre avenir.
Se préparer chacun pour l'avenir, c'est donc l'œuvre des hommes que le présent empêche de se préparer en commun. Sans nul doute, elle est plus prompte et plus animée, cette initiation de la vie publique, sous le régime de la liberté; les ardentes ou paisibles discussions des clubs et l'échange inoffensif ou agressif des émotions du forum éclairent rapidement les masses, sauf à les égarer quelquefois; mais les nations ne sont pas perdues parce qu'elles se recueillent et méditent, et l'éducation des sociétés se continue sous quelque forme que rêvete la politique des temps.
En somme, le siècle est grand, bien qu'il soit malade, et les hommes d'aujourd'hui, s'ils ne font pas les grandes choses de la fin du siècle dernier, en conçoivent, en rêvent et peuvent en préparer de plus grandes encore. Ils sentent déjà profondément qu'ils le doivent.
Et nous aussi, nous avons nos moments d'abattement et de désespoir, où il nous semble que le monde marche follement vers le culte des dieux de la décadence romaine. Mais si nous tâtons notre cœur, nous le trouvons épris d'innocence et de charité comme aux premiers jours de notre enfance. Eh bien, faisons tous ce retour sur nous-mêmes et disons-nous les uns aux autres que notre affaire n'est pas de surprendre XIII p. 150 les secrets du ciel au calendrier des âges, mais de les empêcher de mourir inféconds dans nos âmes.
CONCLUSION
Je n'avais pas eu de bonheur dans toute cette phase de mon existence. Il n'est de bonheur pour personne. Ce monde-ci n'est pas établi pour une stabilité de satisfactions quelconques.
J'avais eu des bonheurs, c'est-à-dire des joies, dans l'amour maternel, dans l'amitié, dans la réflexion et dans la rêverie. C'était bien assez pour remercier le Ciel. J'avais goûté les seules douceurs dont je pusse avoir soif.
Quand je commençai à écrire le récit que je suspends ici, je venais d'être abreuvée de douleurs plus profondes encore que celles que j'ai pu raconter. J'étais cependant calme et maîtresse de ma volonté, en ce sens que, mes souvenirs se pressant devant moi sous mille facettes qui pouvaient être différentes à mon appréciation, je sentis ma conscience assez saine et ma religion assez bien établie en moi-même pour m'aider XIII p. 151 à saisir le vrai jour dont le passé devait s'éclairer à mes propres yeux.
Maintenant que je vais fermer l'histoire de ma vie à cette page, c'est-à-dire plus de sept ans après en avoir tracé la première page, je suis encore sous le coup d'une épouvantable douleur personnelle.
Ma vie, deux fois ébranlée profondément, en 1847 et en 1855, s'est pourtant défendue de l'attrait de la tombe; et mon cœur, deux fois brisé, cent fois navré, s'est défendu de l'horreur du doute.
Attribuerai-je ces victoires de la foi à ma propre raison, à ma propre volonté? Non. Il n'y a en moi rien de fort que le besoin d'aimer.
Mais j'ai reçu du secours, et je ne l'ai pas méconnu, je ne l'ai pas repoussé.
Ce secours, Dieu me l'a envoyé, mais il ne s'est pas manifesté à moi par des miracles. Pauvres humains, nous n'en sommes pas dignes, nous ne serions pas capables de les supporter, et notre faible raison succombe dès que nous croyons voir apparaître la face des anges dans le nimbe flamboyant de la Divinité. Mais la grâce m'est venue comme elle vient à tous les hommes, comme elle peut, comme elle doit leur venir, par l'enseignement mutuel de la vérité. Leibnitz d'abord, et puis Lamennais, et puis Lessing, et puis Herder expliqué par Quinet, et puis Pierre Leroux, et puis Jean XIII p. 152 Reynaud, et puis Leibnitz encore, voilà les principaux repères qui m'ont empêchée de trop flotter dans ma route à travers les diverses tentatives de la philosophie moderne. De ces grandes lumières, je n'ai pas tout absorbé en moi à dose égale, et je n'ai pas même gardé tout ce que j'avais absorbé à un moment donné. Ce qui le prouve, c'est la fusion, qu'à une certaine distance de ces diverses phases de ma vie intérieure j'ai pu faire en moi de ces grandes sources de vérité, cherchant sans cesse, et m'imaginant parfois trouver le lien qui les unit, en dépit des lacunes qui les séparent. Une doctrine toute d'idéal et de sentiment sublime, la doctrine de Jésus, les résume encore, quant aux points essentiels, au-dessus de l'abîme des siècles. Plus on examine les grandes révélations du génie, plus la céleste révélation du cœur grandit dans l'esprit, à l'examen de la doctrine évangélique.
Ceci n'est peut-être pas une formule très-avancée dans l'opinion de mon siècle. Le siècle ne va pas de ce côté-là pour le moment. Peu importe, les temps viendront.
Terre de Pierre Leroux, Ciel de Jean Reynaud, Univers de Leibnitz, Charité de Lamennais, vous montez ensemble vers le Dieu de Jésus; et quiconque vous lira sans s'attacher trop aux subtilités de la métaphysique et sans se cuirasser dans les armures de la discussion sortira de votre XIII p. 153 rayonnement plus lucide, plus sensible, plus aimant et plus sage. Chaque secours de la sagesse des maîtres vient à point en ce monde où il n'est pas de conclusion absolue et définitive. Quand, avec la jeunesse de mon temps, je secouais la voûte de plomb des mystères, Lamennais vint à propos étayer les parties sacrées du temple. Quand, indignés après les lois de septembre, nous étions prêts encore à renverser le sanctuaire réservé, Leroux vint, éloquent, ingénieux, sublime, nous promettre le règne du ciel sur cette même terre que nous maudissions. Et, de nos jours, comme nous désespérions encore, Reynaud, déjà grand, s'est levé plus grand encore pour nous ouvrir, au nom de la science et de la foi, au nom de Leibnitz et de Jésus, l'infini des mondes comme une patrie qui nous réclame.
J'ai dit le secours de Dieu qui m'a soutenue par l'intermédiaire des enseignements du génie; je veux dire, en finissant, le secours également divin qui m'a été envoyé par l'intermédiaire des affections du cœur.
Sois bénie, amitié filiale qui a répondu à toutes les fibres de ma tendresse maternelle; soyez bénis, cœurs éprouvés par de communes souffrances, qui m'avez rendue chaque jour plus chère la tâche de vivre pour vous et avec vous!
Sois béni aussi, pauvre ange arraché de mon sein et ravi par la mort à ma tendresse sans XIII p. 154 bornes! Enfant adoré, tu as été rejoindre dans le ciel de l'amour le George adoré de Marie Dorval. Marie Dorval est morte de sa douleur, et moi, j'ai pu rester debout, hélas:
Hélas, et merci, mon Dieu. Puisque la douleur est le creuset où l'amour s'épure, et puisque, véritablement aimée de quelques-uns, je peux encore ne pas tomber sur la route où la charité envers tous nous commande de marcher.
14 juin 1855.