Kitabı oku: «Le Guaranis», sayfa 6
II
TAROU-NIOM 10
De tous les Indiens du Nouveau Monde, les aborigènes du Brésil sont ceux qui ont défendu le plus opiniâtrement leur indépendance et lutté avec le plus d'acharnement contre l'envahissement de leur territoire par les blancs. Aujourd'hui encore cette guerre commencée aux premiers jours de la conquête se continue aussi implacable des deux parts, sans que l'issue s'en puisse prévoir autrement que par l'entière destruction de la race infortunée si déplorablement spoliée par les Européens.
Nous croyons nécessaire, pour l'intelligence de cette histoire, d'entrer dans quelques détails sur les mœurs de ces nations dont beaucoup n'existent plus aujourd'hui et dont les autres ne tarderont pas, à moins d'un miracle, à disparaître à jamais de la surface du globe.
L'histoire des origines américaines est encore aujourd'hui un mystère; une seule chose, à notre avis, est maintenant prouvée, c'est que la population de l'Amérique opérée graduellement et sur plusieurs points l'a été par des races différentes, qui elles-mêmes ont asservi, ainsi que le démontrent d'anciens monuments, ceux de Palenque entre autres, dont la date est plus ancienne que les plus vieux monuments égyptiens, ont asservi, disons-nous, une race autochtone dont il n'est plus possible aujourd'hui de découvrir l'origine, mais qui avait atteint un état de civilisation avancée.
Des grandes nations indiennes qui couvraient le sol du Brésil à l'époque de la conquête, la plupart, telles que les Tapuyas, les Tubaïaras, les Tupinambas, les Tumoyos, les Tupiniquins, les Aymorès, et tant d'autres trop nombreuses pour être citées, sont détruites ou réduites à un trop petit nombre pour continuer à former un corps de nation; elles se sont fondues les unes dans les autres; et, tout en se retirant pas à pas devant les blancs, elles ont formé des confédérations afin de résister plus facilement à l'envahissement de leur territoire, et ont ainsi donné naissance aux tribus qui, aujourd'hui, continuent la guerre.
Les principales nations existant aujourd'hui au Brésil sont les Botocudos ou Botocudis, descendants des Aymorès, dont ils ont conservé presque toutes les coutumes, entre autres celle de s'introduire dans la lèvre inférieure un disque de bois, de jade vert ou de coquillage large souvent de deux ou trois pouces.
Viennent ensuite les Patachos, les Machacelis, les Malalis, les Maconis, les Camacans (ceux-ci sont civilisés), les Mucunis, les Panhames, les Capochos, et beaucoup d'autres encore, mais moins importantes, et qui sont plutôt de simples tribus que des nations. Ces Indiens, indépendants presque tous et menant la vie nomade, se sont réservé dans les déserts et les forêts vierges du Brésil des repaires inexpugnables d'où ils bravent presque avec impunité la puissance portugaise.
Bien que toujours en guerre entre eux, car le plus futile prétexte leur suffit pour, s'entre-détruire, cependant ils oublient leur haine et se liguent ensemble dès qu'il s'agit d'attaquer les blancs; aussi sont-ils tellement redoutés des Portugais que ceux-ci les traquent comme des bêtes fauves et les exterminent sans pitié, lorsque, ce qui est rare à cause de leur finesse et de leur astuce poussées à un degré fabuleux, ils réussissent à les surprendre.
Le principal reproche adressé par les historiens anciens, comme par les modernes, aux Indiens est celui d'anthropophagie.
Malheureusement, malgré les énergiques dénégations des Indiens, cette coutume horrible ne peut pas être mise en doute. Depuis le malheureux Hans Staden, prisonnier au seizième siècle des Tupinambas et auquel son maître, le féroce Koniam-Bèbè, disait avec d'affreuses menaces qu'il avait déjà dévoré cinq Européens, jusqu'à aujourd'hui l'anthropophagie s'est conservée parmi les indigènes du Brésil.
Cette épouvantable coutume n'est pas pour eux le résultat du manque d'aliments; ils mangent par goût, et quelquefois par vengeance, la chair humaine. Souvent, après une bataille, ils dévorent leurs prisonniers, réservant seulement les têtes qu'ils momifient et conservent comme trophées.
Cependant, pour être juste, nous constaterons ici que quelques tribus, sept ou huit, peut-être, ont toujours su se garder de cette affreuse coutume et sont demeurées pures de ce crime.
Au fur et à mesure que nous avancerons dans notre récit, nous donnerons des détails plus circonstanciés sur les mœurs singulières et bizarres des nations brésiliennes, mœurs à peu près ignorées en France. Cependant elles sont d'autant plus intéressantes à connaître, que dans un jour prochain elles n'existeront plus qu'à l'état de légende, à cause des progrès incessants de la civilisation qui amèneront l'extinction complète de la race aborigène dans ces contrées, de même que dans toutes les autres parties du nouveau monde.
A une dizaine de lieues environ du plateau où la caravane dont nous avons précédemment parlé avait campé pour la nuit, le même jour, un peu avant le coucher du soleil, dans une vaste clairière située sur la rive gauche du Rio Paraguay, à l'entrée d'une catinga ou forêt basse assez étendue, trois hommes assis sur des troncs d'arbres morts et renversés sur le sol avaient entre eux une conversation fort animée.
Ces personnages, bien qu'il fût facile au premier coup d'œil de les reconnaître pour Indiens, appartenaient cependant sinon à des races, du moins à des nations complètement distinctes.
Le premier, autant qu'on pouvait le supposer, car l'âge des Indiens est extrêmement difficile à préciser, était un homme qui paraissait avoir atteint le milieu de la vie, c'est-à-dire trente-cinq à quarante ans; sa taille était haute et bien proportionnée, ses membres vigoureux et bien attachés montraient une grande vigueur; ses traits réguliers auraient été beaux s'ils n'eussent été défigurés par des peintures et des tatouages bizarres, incisés à la pointe du diamant; mais, en l'examinant avec soin, on voyait briller dans ses yeux une finesse qui dénotait une intelligence peu commune; la noblesse de ses gestes et sa contenance fière et hautaine donnaient à toute sa personne un cachet de grandeur sauvage parfaitement en harmonie avec le sombre et mystérieux paysage dont il était le centre.
Le costume de cet Indien, quoique fort simple, ne manquait cependant ni de grâce, ni d'élégance; le bandeau d'un rouge vif, dans lequel étaient fichées quelques plumes d'aras et qui lui ceignait la tête dont les cheveux étaient rasés comme ceux des religieux franciscains, dénonçait non seulement sa nationalité de Guaycurus, mais encore sa qualité de chef; un collier en dents de jaguar entourait son cou, un poncho aux couleurs voyantes était jeté sur ses épaules, son large caleçon de cuir tombant au genou était serré aux hanches par une ceinture en peau de tapir dans laquelle était passé un long coutelas; ses jambes étaient protégées contre les morsures des serpents par des bottes faites avec le cuir des jambes de devant d'un cheval, enlevé d'une seule pièce, et tout chaud encore, entré comme un fourreau, de sorte que ce cuir, en se séchant, avait pris la forme des membres qu'il devait préserver.
Outre le couteau pendant à sa ceinture, le chef guaycurus avait posé sur le sol, auprès de lui, un carquois de quatre pieds de long, en peau de tapir, rempli de flèches; un arc de palo d'arco poli et luisant, d'une force et d'une dimension peu communes, gisait près du carquois et à portée de sa main; appuyée contre un palmier, se trouvait une énorme lance, longue d'au moins quinze pieds et armée d'un fer tranchant, garni à son extrémité inférieure d'une touffe de plumes d'autruche.
Le second Indien était à peu près du même âge que son interlocuteur; les traits de son visage, malgré la peinture et les tatouages qui les défiguraient, étaient beaux, et sa physionomie, douée d'une extrême mobilité; il était vêtu et armé comme le premier; seulement, à la coiffure faite avec le cocon fibreux et élastique de la fleur du palmier ubassa, qui lui couvrait le sommet de la tête, il était facile de le reconnaître pour un chef payagoas, nation presque aussi puissante que celle des Guaycurus, et qui a avec elle une origine commune, bien que souvent elles soient en guerre l'une contre l'autre.
Le dernier Indien était un pauvre diable, à demi nu, maigre, courbé, d'une apparence timide et maladive: un esclave, selon toute probabilité; il se tenait craintivement hors de portée de voix des deux chefs, dont il surveillait les chevaux qu'il était chargé de garder. Ces chevaux, peints comme leurs maîtres de différentes couleurs, n'avaient pour tout harnachement qu'une selle grossière, garnie d'étriers de bois, recouverte d'une peau de tapir, et à droite et à gauche de laquelle pendaient un lasso et les redoutables bolas; en guise de bride, ils n'avaient qu'une corde filée avec les fibres de l'ananas sauvage.
Au moment où nous mettons en scène ces trois personnages, le chef guaycurus parlait, tout en fumant une espèce de calumet fait de feuilles de palmier roulé, écouté avec la plus sérieuse déférence par l'autre chef, qui se tenait debout devant lui, appuyé nonchalamment sur sa longue lance.
«L'homme que mon frère Emavidi-Chaimè m'a annoncé ne vient pas, dit-il, le soleil descend rapidement sous la terre; plusieurs heures se sont écoulées depuis que j'attends au rendez-vous; que pense le chef des Payagoas?
– Il faut attendre encore; l'homme viendra; il a promis: bien que dégénéré, ce n'est point une face pâle; il a dans les veines quelques gouttes du sang des Tupis.»
Le Guaycurus hocha à plusieurs reprises la tête d'un air de dédain.
«Quel est le nom de cette homme? reprit-il.
– Tarou-Niom le connaît? Il a Une fois déjà traité avec lui; c'est un mamaluco. Son nom est Malco Díaz.
– Je l'ai vu,» dit laconiquement le chef en penchant d'un air pensif la tête sur sa poitrine.»
Il y eut un silence de quelques instants; ce fut le Guaycurus qui le rompit.
«Mon frère Emavidi-Chaimè a-t-il vu jamais, dit-il d'une voix sourde, les jaguars s'attaquer entre eux et se faire la guerre?
– Jamais, répondit le chef payagoas.
– Alors, pourquoi le chef croit-il à la bonne foi de cet homme? Le sang indien, s'il lui en reste quelques gouttes, est tellement mêlé dans ses veines avec celui des blancs et des noirs, qu'il a perdu toute sa vigueur et n'est plus qu'une eau rougeâtre sans qualité efficace.
– Mon frère parle bien, ses paroles sont justes, aussi n'est-ce pas sur la bonne foi de ce mamaluco que je compte.»
Tarou-Niom leva la tête.
«Sur quoi donc alors? demanda-t-il.
– Sur sa haine, d'abord, et ensuite …
– Ensuite?..
– Sur son avarice.»
Le chef guaycurus réfléchit un instant.
«Oui, reprit-il enfin, c'est à ces deux sentiments seuls qu'on doit s'adresser lorsqu'on veut s'allier à ces chiens sans foi; mais ce mamaluco n'est-il pas un Paulista?
– Non, c'est au contraire un Sertanejo.
– Les blancs, n'importe à quelle classe ils appartiennent sont toujours mauvais; quelle garantie ce Malco a-t-il donnée au capitão des Payagoas?
– La meilleure que je pusse désirer; son fils, qu'il avait chargé de me porter son message, est venu dans mon village avec deux esclaves noirs; un esclave est reparti, mais l'autre est demeuré avec l'enfant, entre les mains de mes guerriers.
– Bon, répondit Tarou-Niom avec un geste de satisfaction, je reconnais à ce trait la prudence de mon frère Emavidi-Chaimè; si le père est un traître, l'enfant mourra.
– Il mourra.»
Le silence régna de nouveau pendant un laps de temps assez long entre les deux interlocuteurs.
Le soleil avait complètement disparu, l'ombre couvrait la terre, les ténèbres enveloppaient comme d'un linceul funèbre la forêt où se trouvaient les deux hommes; déjà, dans les profondeurs inexplorées du désert, de sourds rugissements commençaient à retentir et annonçaient le réveil des hôtes sinistres de la nuit.
L'esclave qui était un Indien mundrucus, sur l'ordre de son maître Tarou-Niom, le capitão des Guaycurus, car les Indiens de cette nation ont adopté les titres portugais, rassembla du bois sec, en forma une espèce de bûcher entre les deux chefs et y mit le feu, afin que la lueur éloignât les bêtes fauves.
«Il est bien tard, dit encore le Guaycurus.
– La route est longue pour venir ici, répondit laconiquement le Payagoas.
– Le mamaluco a-t-il expliqué à mon frère pour quelle raison il désirait le concours de ses guerriers et des miens.
– Non, Malco est prudent, un esclave peut trahir la confiance de son maître et vendre son secret à un ennemi; le mamaluco se réserve de nous instruire lui-même de l'affaire qu'il nous veut proposer; mais je connais Malco depuis longtemps déjà, et je sais que jusqu'à un certain point nous aurions tort de ne pas nous fier à lui.
– Bon! répondit le chef avec hauteur; à moi, que m'importe cet homme? Je ne suis venu que sur l'invitation de mon frère; je sais que lui ne me trahira pas, cela me suffit.
– Je remercie mon frère Tarou-Niom de son opinion sur moi; depuis longtemps déjà je lui suis dévoué.»
En ce moment, on entendit un bruit éloigné, léger, presque insaisissable d'abord, mais qui se rapprocha rapidement et ressembla bientôt au grondement d'un tonnerre lointain.
Les deux Indiens prêtèrent l'oreille pendant quelques secondes, puis ils échangèrent un sourire.
«C'est le galop d'un cheval, dit Tarou-Niom.
– Dans quelques minutes, il sera ici.»
Les chefs ne s'étaient pas trompés, c'était en effet le galop furieux d'un cheval qui arrivait avec une extrême rapidité.
Bientôt les branches se brisèrent, les buissons s'écartèrent sous l'effort puissant du poitrail d'un cheval lancé à toute course, et un cavalier bondit dans la clairière.
Arrivé à deux pas des guerriers, il arrêta court sa monture, sauta à terre et abandonna la bride à l'esclave, qui s'en empara et conduisit le noble animal auprès des deux autres qu'il surveillait déjà.
Le cavalier, qui n'était autre que le mamaluco que nous avons déjà présenté au lecteur dans la tente du marquis, salua les Indiens et s'assit en face d'eux.
«Mon ami a bien tardé, lui dit au bout d'un instant le Payagoas.
– C'est vrai, capitão, répondit Malco en essuyant du revers de la main droite son front couvert de sueur; depuis longtemps déjà j'aurais dû être ici; mais cela m'a été impossible: mon maître a campé dans un lieu plus éloigné que je ne le supposais, et, malgré mon vif désir d'être exact au rendez-vous que je vous avais assigné, il m'a été impossible de venir plus tôt.
– Bon; ce n'est rien, puisque voilà le Sertanejo. Quelques heures de perdues ne sont rien, si l'affaire qu'il nous veut proposer est bonne.
– Bonne, je la crois telle; d'ailleurs, vous la jugerez; êtes-vous toujours résolus de rompre la trêve que, il y a sept lunes, vous avez conclue avec les blancs?
– Que fait cela au Sertanejo? répondit sèchement le Guaycurus.
– J'ai besoin de le savoir avant de vous expliquer ce qui m'amène.
– Que le guerrier parle, des capitãos l'écoutent; ils jugeront de la franchise de ses paroles.
– Fort bien. Voici pourquoi je vous ai de prime abord adressé cette question: je sais la loyauté que vous apportez dans toutes vos transactions, même avec les blancs, malgré la haine que vous avez pour eux; si vous consentiez, comme on vous en prie, je le sais depuis quelques jours, à prolonger la trêve, je n'aurais rien à vous proposer, par la raison toute simple que vous refuseriez, j'en suis convaincu d'avance, de m'accorder votre concours contre des gens avec lesquels vous seriez en paix et que nulle considération ne vous persuaderait de trahir. Vous voyez que je vous parle loyalement.»
Ces paroles, qui témoignaient du respect des Indiens pour la foi jurée et de l'honnêteté qu'ils apportent dans leurs relations avec leurs mortels ennemis, furent, malgré l'éloge qu'elles renfermaient, écoutées froidement et presque avec indifférence par les deux chefs.
«Deux soleils déjà se sont écoulés, répondit fièrement le Guaycurus depuis que j'ai fait signifier aux Paulistas la rupture de la trêve.»
Malco Díaz, si maître qu'il fût de lui-même, ne put contenir un geste de satisfaction à cette déclaration si nette et si péremptoire.
«Ainsi, vous avez recommencé la guerre? dit-il.
– Oui, répondit simplement l'Indien.
– Alors, tout est bien, fit le métis.
– J'attends, reprit le Guaycurus.
– La nuit s'avance, le Sertanejo n'est pas venu aussi vite au rendez-vous que lui-même a donné, pour parler de choses futiles aux puissants capitãos, ajouta le Payagoas.»
Malco Díaz sembla se recueillir pendant quelques minutes, puis il reprit la parole.
«Je puis compter sur mes frères? dit-il en jetant aux Indiens un regard de vipère sous ses sourcils croisés.
– Nous sommes des guerriers, que le mamaluco s'explique; si ce qu'il veut faire peut être avantageux à la guerre qui recommence, nous le servirons en nous servant nous-mêmes, répondit Tarou-Niom, en éteignant un sourire de mépris entre ses lèvres serrées.»
Le métis connaissait trop bien les Indiens pour ne pas comprendre l'intention ironique des paroles prononcées par le chef guaycurus. Cependant, il sembla ne pas avoir saisi cette intention, et il reprit d'un ton dégagé:
«Je vous amène une caravane nombreuse, d'autant plus facile à surprendre que n'ayant point la moindre méfiance et croyant que la trêve existe toujours, elle marche presque sans se garder.
– Ah! firent les deux Indiens.
– Oui, reprit Malco, je suis d'ailleurs d'autant plus certain de ce que j'avance, que depuis deux lunes, c'est-à-dire depuis le jour où cette caravane a quitté Nelherohy11, c'est moi qui lui ai servi de guide.
– Bon, ainsi le doute n'est pas possible? dit le Guaycurus.
– En aucune façon.
– Et vers quel pays se dirige cette caravane?
– Elle ne compte s'arrêter que lorsqu'elle aura atteint le rio San Lourenço.»
Malco Díaz comptait beaucoup, pour la réussite de ses projets, sur l'effet produit par cette révélation; en effet, le rio San Lourenço est situé au cœur du pays habité et possédé par les Guaycurus; mais il se trompa: les deux chefs demeurèrent froids et immobiles, et il fut impossible d'apercevoir sur leurs visages impassibles la moindre trace d'émotion.
«Ces hommes sont des Paulistas? demanda Tarou-Niom.
– Non, répondit nettement le métis.»
Les deux chefs échangèrent un regard.
Malco Díaz surprit ce regard.
«Mais, reprit-il, bien qu'ils ne soient pas Paulistas, cependant ce sont pour vous des ennemis.
– Peut-être, fit le Payagoas.
– Est-il ami celui qui entre dans un pays pour s'emparer des richesses qu'il renferme sans l'autorisation des véritables maîtres de ce pays?
– Telle est la pensée du chef de cette caravane? demanda Tarou-Niom.
– Non seulement sa pensée, mais encore son but bien arrêté.
– Que pense de cela le Sertanejo?
– Moi?
– Oui.
– Qu'il faut l'en empêcher,
– Fort bien, mais quelles sont les richesses dont ces hommes prétendent s'emparer?
– L'or et les diamants qui sont dans le pays.
– Ils savent donc qu'il y en a?»
Le métis sourit avec ironie.
«Non seulement ils le savent, dit-il, mais encore ils connaissent si bien tous les gisements, qu'ils peuvent s'y rendre sans guide.
– Ah! firent les deux Indiens en couvrant le métis d'un regard scrutateur.
– C'est comme cela, fit-il, sans se déconcerter.
– Et qui donc les a si bien instruits des richesses de notre pays? demanda le Guaycurus.
– Moi, répondit effrontément Malco.
– Toi! s'écria Tarou-Niom, alors tu es un traître.»
Le mamaluco haussa les épaules.
«Un traître, fit-il avec ironie, suis-je donc un des vôtres, moi? Est-ce que j'appartiens à votre nation? M'avez-vous confié ce secret en me défendant de le révéler? Je l'ai découvert, je l'ai divulgué, c'était mon droit.
– Mais alors, si tu as vendu ton secret à ces hommes, pourquoi nous les dénonces-tu aujourd'hui?
– Cela est mon affaire et me regarde seul; quant à vous, voyez s'il vous convient de laisser des étrangers pénétrer chez vous.
– Écoute, dit sévèrement Tarou-Niom, tu es bien l'homme que désigne ta couleur, c'est-à-dire un faux blanc, tu vends tes frères; nous ne chercherons pas à découvrir quel motif assez sérieux te pousse à cette indigne trahison; c'est un compte à régler entre toi et ton honneur, cette trahison nous est avantageuse, nous en profiterons. Quel prix exiges-tu? Réponds, et sois bref.»
Le métis fronça les sourcils à cette rude apostrophe, mais se remettant aussitôt:
«Peu de chose, dit-il, le droit de prendre le prisonnier qui me conviendra et de le choisir sans que nul s'y puisse opposer.
– Soit, il sera fait ainsi.
– Alors, vous acceptez?
– Certes; seulement, comme d'après ton propre aveu ces gens ignorent la rupture de la trêve, et qu'il ne serait pas loyal de les attaquer à l'improviste, nous les ferons avertir de se tenir sur leurs gardes.»
Un éclair de fureur jaillit des yeux du métis, mais il s'éteignit aussitôt.
«Et si après cet avertissement ils renonçaient à leur projet? demanda-t-il.
– Alors ils seraient libres de se retirer sans craindre d'être inquiétés dans leur retraite, répondit sèchement le Guaycurus.»
Malco Díaz fit un geste de fureur; mais, au bout d'un instant, un sourire railleur plissa ses lèvres.
«Oh! murmura-t-il, ils se feront tuer tous avant de reculer d'un pas.