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Kitabı oku: «Le Guaranis», sayfa 7

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III
LE MARQUIS DE CASTELMELHOR

L'homme que le marquis avait appelé immédiatement après son entrevue avec le mamaluco, et qu'il avait aussitôt fait entrer dans sa tente, était petit, trapu, mais bien fait et nerveux; âgé d'une quarantaine d'années au plus, il avait atteint le point culminant du développement des forces humaines.

Indien de pure race, il portait sur son visage intelligent, que ne défiguraient ni tatouages ni peinture, les traits distinctifs, bien qu'un peu effacés, de la race mogole; ses yeux noirs, vifs et bien ouverts, son nez droit, sa bouche grande, ses pommettes un peu saillantes, lui formaient une physionomie qui, sans être belle, ne manquait pas d'un certain charme sympathique, tant elle respirait l'audace et la franchise, mêlées à la finesse inhérente à sa race. Ainsi que nous l'avons dit, il commandait les quelques soldados da conquista attachés à la caravane.

Le capitão, car tel est le titre qu'il portait, salua respectueusement le marquis et attendit qu'il lui plût de lui adresser la parole.

«Asseyez-vous, Diogo, lui dit avec bonté le marquis, nous avons à causer longuement ensemble.»

L'Indien s'inclina et s'assit modestement sur l'extrême bord d'un siège.

«Vous avez vu l'homme qui est sorti de cette tente il n'y a qu'un instant, n'est-ce pas? reprit le marquis en entrant du premier coup dans le cœur de la question.

– Oui, Excellence, répondit le capitão.

– Et sans doute vous l'avez reconnu?»

L'Indien sourit sans autrement répondre.

«Bien; que pensez-vous de lui?»

Le capitão fit tourner avec embarras son feutre entre ses mains, en baissant les yeux pour éviter le regard que le marquis fixait sur lui.

«De qui, Excellence? dit-il.

– De l'homme dont je vous parle et que vous connaissez bien.

– Dame! Excellence, reprit-il, j'en pense ce que vous en pensez vous-même probablement.

– Je vous demande votre opinion, senhor don Diogo, afin de juger si elle se rapporte à la mienne.

– Eh! Eh! fit l'Indien en hochant la tête.

– Ce qui signifie…

– Que cet individu est un traître, puisque vous exigez absolument que je le dise, Excellence.

– Ainsi, vous aussi vous croyez à une trahison de sa part?

– Dame! Excellence, pour parler franchement, car c'est une explication franche que vous me demandez, n'est-ce pas?

– Certes!

– Eh bien! Je suis convaincu que ce mamaluco maudit nous mène tout doucement à quelque traquenard qu'il a préparé de longue main sous nos pas, et dans lequel il nous fera tomber au moment où nous y penserons le moins.

– Ceci est fort sérieux, savez-vous? répondit le marquis d'un air rêveur.

– Très sérieux, en effet, Seigneurie; Malco est un Sertanejo, et, dans la langue du désert, sertão est le synonyme de trahison.

– Eh bien! Je vous l'avoue, capitão, les soupçons que vous émettez en ce moment sur notre guide ne m'étonnent pas: ils m'étaient, depuis quelques jours, venus à moi-même.

– Je suis heureux, Excellence, de vous voir partager mon opinion; seulement, permettez-moi de vous dire que je n'ai pas de soupçons.

– Comment, vous n'avez pas de soupçons? s'écria le marquis avec surprise.

– Non, j'ai une certitude.

– Une certitude! Et vous ne m'en avez rien dit jusqu'à présent.

– Excellence, c'est toujours une chose fort sérieuse que de dénoncer un homme et de l'accuser, lorsque surtout on n'a à l'appui de cette accusation à montrer aucune preuve matérielle; j'ai une certitude morale, oui, mais il me serait impossible de prouver ce que j'avance en ce moment devant vous.»

Le marquis laissa tomber sa tête sur la poitrine et demeura silencieux pendant quelques instants.

«Mais, reprit-il, cette certitude morale dont vous me parlez se base sur des indices quelconques?

– Oh! Les indices ne manquent pas, Excellence; malheureusement, ces indices paraîtraient bien futiles si je les révélais à des personnes qui ne fussent pas prévenues; voilà pourquoi je me suis abstenu de vous rien dire avant que vous m'interrogeassiez.

– Peut-être avez-vous eu raison d'agir ainsi, don Diogo, mais maintenant la position est changée; c'est moi qui de mon propre mouvement vous ai demandé cet entretien; la situation dans laquelle nous nous trouvons est critique, elle peut le devenir davantage encore, ne craignez donc pas de vous expliquer nettement avec moi.

– Je le ferai, puisque vous le désirez, Seigneurie; d'ailleurs, quoi qu'il arrive, j'ai pour moi la conviction de faire mon devoir, et cela me suffit, quand même Malco parviendrait à prouver à Votre Excellence que je ne lui ai pas dit la vérité.

– Vous n'avez rien à redouter du senhor Malco.

– Tout violent et tout méchant qu'il est, Seigneurie, répondit le capitão avec une certaine animation, je ne le crains pas, et il le sait bien; cette fois-ci n'est pas la première où nous avons eu maille à partir ensemble; déjà à diverses reprises nous nous sommes mesurés et nos griffes se sont trouvées de même longueur.

– Je n'attachais pas à mes paroles le sens que vous leur prêtez, senhor, vous n'avez rien à redouter de Malco Diaz, par la raison toute simple qu'il n'est plus à mon service et qu'il a quitté le camp pour ne plus y revenir, sans doute.

– Comment, Seigneurie, s'écria l'Indien avec étonnement, vous l'avez congédié?

– Non pas, c'est lui-même, de son plein gré qui nous a abandonnés à nous-mêmes.»

Le capitão fronça les sourcils en hochant la tête à plusieurs reprises.

«Votre Excellence a eu tort de le laisser partir; lorsqu'on tient en son pouvoir un coquin de cette trempe, on ne le lâche pas.

– Que pouvais-je faire? Son engagement était terminé, il a refusé de le renouveler ou seulement de le prolonger de quelques jours, j'ai été contraint de consentir à son départ.

– C'est juste, Excellence, pardonnez-moi; cet homme était libre, vous ne pouviez pas le retenir; c'est égal, en pareil cas, moi je n'aurais pas agi ainsi, surtout après les soupçons que vous m'avez dit avoir sur lui.

– Je sais bien que j'ai eu tort; malheureusement je n'avais aucun prétexte à lui donner, aucune raison plausible à faire valoir pour l'arrêter, cela aurait produit un scandale que j'ai voulu éviter; si j'avais échoué cela aurait probablement précipité la catastrophe qui sans doute nous menace.

– Oui, oui, tout cela est vrai; mais, croyez-moi, Seigneurie, si Malco nous a aussi brusquement quittés, c'est qu'il avait de fortes raisons pour cela, qu'il nous a sans doute conduits juste au point où il voulait nous faire arriver, et qu'il a près d'ici des affidés avec lesquels il prépare notre perte.

– Je le crois comme vous, don Diogo; mais quels sont ces affidés? Où sont-ils embusqués? Voilà ce que je ne saurais dire, et cependant ce qu'il serait fort important pour nous de savoir, et cela le plus tôt possible.»

Le capitão sourit avec finesse.

«Seuls les oiseaux et les poissons ne laissent pas de traces de leur passage, dit-il; si adroit que soit un homme, on peut toujours, en s'en donnant la peine, découvrir sa piste.

– Ainsi, vous vous feriez fort de savoir où cet homme s'est retiré?

– Parfaitement, Excellence; malgré les précautions dont il a entouré sa fuite et le soin qu'il a pris pour cacher sa piste, je suis certain de la découvrir en moins d'une heure, et cela d'autant plus facilement que depuis longtemps déjà je le surveille et que j'ai étudié ses habitudes.

– Malheureusement, avant de rien entreprendre, il nous faut attendre le lever du soleil, et la nuit lui suffira pour se mettre à l'abri de notre atteinte.

– Pourquoi attendrions-nous jusqu'à demain, Excellence? Je vous prie de me pardonner d'oser vous interroger.

– Dame, il me semble que pour découvrir une piste, serait-elle même très bien indiquée, la première condition est d'y voir clair, et en ce moment nous sommes enveloppés de ténèbres d'autant plus épaisses que la nuit est sans lune.

– Ceci est de peu d'importance, Seigneurie, répondit en souriant le capitão; pour un homme accoutumé, ainsi que je le suis, à parcourir le désert à toute heure et dans tous les sens, les ténèbres n'existent pas.

– Ainsi, s'écria le marquis avec un vif mouvement de satisfaction, si je vous ordonnais de monter à cheval?..

– J'y monterais à l'instant, Seigneurie.

– Et vous me rapporteriez des nouvelles?

– Cela ne fait pas de doute, ne suis-je pas un Indien moi-même, Excellence, un Indien civilisé, il est vrai, mais cependant j'ai conservé assez de la sagacité qui distingue la race à laquelle j'appartiens, pour ne pas craindre d'échouer dans une démarche qui, quoiqu'elle vous semble très difficile à mener à bien, n'est pourtant pour moi qu'un jeu d'enfant.

– Puisqu'il en est ainsi, don Diogo, mettez-vous donc en selle le plus tôt possible, et allez, au nom du ciel; j'attends votre retour avec la plus vive impatience.

– Avant le lever du soleil, je reviendrai, soyez sans inquiétude, Excellence, et avec de bonnes nouvelles; mais j'ai besoin que vous me laissiez conduire cette affaire à ma guise.

– Agissez comme vous le voudrez, capitão, je m'en rapporte à votre finesse et à votre loyauté.

– Je ne tromperai pas votre attente, Seigneurie,» répondit le capitão en se levant.

Le marquis l'accompagna jusqu'au rideau de la tente, puis il revint s'asseoir; mais, après quelques minutes de réflexion, il se leva brusquement, sortit et se dirigea à grands pas vers la tente mystérieuse dont nous avons déjà eu occasion de dire quelques mots, et dans laquelle il entra après s'être fait reconnaître par les sentinelles qui avaient été, sur son ordre exprès, chargées de veiller sur elle.

Cette tente, beaucoup plus vaste que celle dressée pour le marquis, était divisée en plusieurs compartiments par des murailles de toile ingénieusement adaptées, et ressemblait plutôt, pour le luxe et le confort, à une habitation disposée pour durer plusieurs mois, qu'à un campement éphémère de quelques heures.

Le compartiment dans lequel s'était introduit le marquis était garni de sofas: un tapis recouvrait le sol, et une lampe d'argent curieusement ciselée, posée sur un meuble, répandait une lumière douce et mystérieuse.

Une jeune négresse d'une vingtaine d'années, à la mine éveillée et à la tournure friponne, s'occupait, à l'entrée du marquis, à agacer un magnifique ara posé sur un perchoir de bois de rose, où il était retenu par une chaîne d'or attachée à l'une de ses pattes.

La négresse, sans interrompre l'occupation dans laquelle elle semblait se complaire, et tout en faisant pousser à l'oiseau des cris discordants, se pencha nonchalamment vers le marquis, en se tournant à demi de son côté par un mouvement rempli d'une suprême insolence, laissa filtrer un regard railleur entre ses longs cils et attendit qu'il lui adressât la parole.

Le marquis, sans paraître remarquer l'attitude hostile arborée par l'esclave, fit quelques pas vers elle et, la touchant légèrement du doigt:

«Phœbé, lui dit-il en espagnol, vous plairait-il de remarquer ma présence?

– Que me fait votre présence à moi, señor marqués, répondit-elle en haussant légèrement les épaules.

– A vous, rien, Phœbé, c'est vrai, aussi n'est-ce pas pour vous que je suis venu, mais pour votre maîtresse, à laquelle je vous prie d'annoncer sans plus de retard ma présence.

– A cette heure?

– Pourquoi pas?

– Parce que doña Laura, fatiguée à ce qu'il paraît par le long trajet qu'il lui a fallu faire aujourd'hui, s'est retirée en m'ordonnant de ne laisser personne parvenir jusqu'à elle, et que, selon toute probabilité, elle s'est immédiatement livrée au repos.»

Une rougeur fébrile envahit le visage du marquis, ses sourcils se froncèrent à se joindre; il fît un geste de colère, mais, comprenant sans doute le ridicule d'une scène avec une esclave qui accomplissait un ordre donné, il se maîtrisa aussitôt et, s'inclinant avec un sourire:

«C'est bien, dit-il en haussant avec intention légèrement la voix, votre maîtresse est libre chez elle d'agir à sa guise; je ne me permettrai pas d'insister davantage, seulement cet entretien que depuis quelques jours elle me refuse avec une si grande obstination, je saurai là contraindre à me l'accorder.»

A peine avait-il prononcé ces paroles qu'un rideau fut soulevé, et doña Laura entra dans le salon:

«Vous me menacez, je crois, don Roque de Castelmelhor,» dit-elle d'une voix incisive et fière.

Et s'adressant à la jeune esclave:

«Retire-toi, Phœbé, ajouta-t-elle; mais ne t'éloigne pas assez pour que, si j'avais besoin de toi, tu ne pusses accourir aussitôt.»

Phœbé baissa la tête, jeta un dernier regard au marquis et sortit du salon.

«Maintenant, señor caballero, reprit doña Laura dès que l'esclave eut disparu, parlez, je vous écoute.»

Le marquis s'inclina respectueusement devant elle.

«Pas avant, señorita, que vous ayez daigné prendre un siège.

– A quoi bon? Mais, ajouta-t-elle avec intention, si cette preuve de condescendance de ma part doit abréger cette entrevue, j'aurais mauvaise grâce de ne pas vous obéir.»

Le marquis se mordit les lèvres, mais il ne répondit pas.

Doña Laura alla s'asseoir sur le sofa le plus éloigné, et, croisant d'un air ennuyé les bras sur la poitrine, tout en fixant sur son interlocuteur un regard hautain:

«Parlez donc maintenant, je vous prie, dit-elle, Phœbé ne vous a pas menti, caballero, je suis extrêmement fatiguée, et l'obligation dans laquelle je suis d'obéir à vos ordres a pu seule me contraindre à vous recevoir.»

Ces paroles furent sifflées, si nous pouvons employer l'heureuse expression d'un vieil auteur, du bec le plus affilé qui se puisse imaginer et doña Laura pencha sa tête sur un coussin en dissimulant à demi un bâillement.

Mais la résolution du marquis était prise de ne rien voir et de ne rien comprendre; il s'inclina en signe de remercîment et se prépara à parler.

Doña Laura avait seize ans; elle était toute gracieuse et toute mignonne; sa taille hardiment cambrée avait cette désinvolture que possèdent seules les femmes espagnoles; sa démarche était empreinte de cette nonchalante langueur si remplie de voluptueuses promesses dont les Hispano-Américaines ont dérobé le secret aux Andalouses. Ses longs cheveux châtain foncé tombaient en boucles soyeuses sur ses épaules d'une blancheur éclatante; ses yeux bleus et rêveurs semblaient refléter l'azur du ciel et étaient couronnées par des sourcils noirs dont la ligne pure était tracée comme avec un pinceau; son nez droit aux ailes roses et mobiles, sa bouche petite et charmante, qui laissait en s'entr'ouvrant paraître le double chapelet de ses dents de perles, lui complétaient une beauté rendue plus suave et plus noble encore par la finesse et la transparence de son épiderme, sous lequel on voyait circuler un sang riche et généreux.

Vêtue de gaze et de mousseline de même que toutes les créoles, la jeune fille était ravissante, blottie sur son sofa, comme le beija flor dans le calice d'une fleur; en ce moment surtout qu'une colère contenue et maîtrisée à grand-peine faisait palpiter son sein virginal et couvrait ses joues d'un incarnat fébrile, doña Laura avait en elle quelque chose de séduisant et de majestueux à la fois qui imposait le respect et commandait presque la vénération.

Don Roque de Castelmelhor, malgré le parti pris et l'intention formelle qu'il avait laissé deviner, ne put résister au charme puissant de cette beauté si noble et si pure; son regard se baissa devant celui de la jeune fille tout chargé de haine et presque de mépris, et ce fut d'une voix légèrement émue qu'il entama cet entretien auquel il paraissait attacher tant de prix.

«Nous avons atteint señorita, dit-il, après des fatigues extrêmes, la limite des contrées civilisées du Brésil; car, si je ne me trompe, la route que maintenant il nous faut suivre, s'enfonce dans des déserts où, avant nous, quelques hardis explorateurs seulement ont osé s'aventurer; je crois donc que le moment est venu de nous expliquer franchement et de bien établir notre situation vis-à-vis l'un de l'autre.»

Doña Laura sourit avec dédain, et, l'interrompant du geste:

«Cette situation, caballero, dit-elle avec amertume, est cependant on ne peut plus claire et surtout on ne peut plus nette, je vous éviterai, si vous le désirez, l'embarras d'entrer dans certains détails en vous les rappelant moi-même… Oh! Ne m'interrompez pas, fit-elle avec vivacité, car le jeune homme essayait de lui couper la parole, voici le fait en deux mots: mon père, Don Zèno Álvarez de Cabral, descendant de l'un des plus illustres conquistadores de ce pays, réfugié aux environs de Buenos Aires pour des motifs que j'ignore, mais qui sans doute vous importent peu, donna l'hospitalité à un voyageur égaré qui, vers le milieu de la nuit, pendant un orage effroyable se présenta à la porte de son hacienda; ce voyageur c'était vous, señor, vous, descendant d'une race non moins illustre que la nôtre, puisqu'un de vos ancêtres a été gouverneur du Brésil pour le roi. Le nom du marquis don Roque de Castelmelhor offrait à mon père toutes les garanties d'honneur et de loyauté qu'il pouvait désirer, vous fûtes donc reçu par l'exilé, non pas comme un étranger, non pas même comme un compatriote, mais comme un ami, comme un frère. Notre famille devint la vôtre; tout cela, n'est-il pas vrai? Répondez-moi, señor.

– Tout cela est vrai, señorita, répondit le marquis, dominé, malgré lui, par l'accent de la jeune fille.

– Je vois avec plaisir que vous avez, à défaut d'autre qualité, la franchise, señor, reprit ironiquement la jeune fille. Je continue: dépouillée de tous ses biens, ma famille, exilée depuis près d'un siècle du pays découvert par un de ses ancêtres, ne vivait que difficilement et ne parvenait à conserver son rang, au milieu de la population étrangère parmi laquelle le sort la contraignait à vivre, qu'en se livrant à l'élève des bestiaux sur une grande échelle et en faisant valoir des terres acquises péniblement sur la limite du désert. Vous vous étiez présenté à mon père comme une victime des intrigues politiques des gens entre les mains desquels le roi de Portugal a délégué ses pouvoirs; cette raison suffisait pour que notre maison devînt la vôtre et que mon père ne conservât pas de secrets pour vous; il en était un cependant dont, malgré toute votre adresse, il vous fut impossible d'obtenir la révélation; c'est que de la découverte de ce secret dépendait la fortune à venir de sa famille, si, ainsi que mon père l'espérait, le roi lui permettait un jour de rentrer au Brésil; ce secret que mon père, mon frère et moi nous savions seuls, par quels moyens étiez-vous arrivé, sinon à le découvrir entièrement, du moins à le pénétrer assez pour que votre convoitise et votre avarice s'éveillassent au point de vous faire trahir vos bienfaiteurs, voilà ce que je ne chercherai pas à expliquer; la bassesse humaine a des replis dans lesquels il ne saurait me convenir de fouiller; bref, vous qui, pendant plusieurs mois, aviez vécu dans notre intimité sans paraître m'honorer de la moindre attention, me traitant plutôt en enfant qu'en jeune fille, et ne m'accordant que cette politesse banale dont l'éducation vous faisait un devoir, je remarquai que tout à coup vos manières avaient complètement changé à mon égard et que vous me faisiez une cour assidue. Folle et rieuse enfant, comme je l'étais alors, cela m'étonna, sans cependant me toucher; vos attentions, loin de me plaire, me fatiguaient. Vous voyez que moi aussi je suis franche, caballero.

– Continuez, señorita, répondit en souriant le marquis, depuis longtemps déjà je connais votre franchise, il me reste à apprendre si vous poussez aussi loin la perspicacité.

– Vous ne tarderez pas à en juger, señor, reprit-elle ironiquement; peut-être vos soins et vos attentions auraient obtenu le résultat que vous en espériez, et en serais-je arrivée, sinon à vous aimer, du moins à m'intéresser à vous, mais malheureusement, ou heureusement pour moi, je ne tardai pas à voir clair, sinon dans votre cœur, du moins dans votre pensée. Emporté par l'insatiable avarice qui vous dévorait, et vous dévore sans doute encore, vous vous étiez, à plusieurs reprises, laissé aller devant moi à me parler de toute autre chose que de votre feint amour.

– Oh! Señorita! exclama le marquis avec un geste de dénégation.

– Oui, reprit-elle avec une amère raillerie, je sais que vous êtes un comédien consommé, et qu'il ne tiendrait qu'à moi, aujourd'hui encore, de croire à cette passion dont vous faites un si grand étalage; malheureusement les faits sont là, péremptoires et sans réplique, pour donner un éclatant démenti à vos paroles.»

La jeune fille fit une pause de quelques secondes comme pour laisser au marquis la facilité de lui répondre, mais celui-ci, loin de le faire, se mordit les lèvres avec dépit et courba la tête.

Doña Laura sourit.

«La façon brutale dont vous m'avez enlevée traîtreusement au mépris de toutes lois divines et humaines, lorsque mes dédains réitérés vous eurent fait acquérir la certitude que je vous avais deviné, est pour moi la preuve la plus évidente de l'odieuse machination dont j'ai été la victime; si vous m'aimiez réellement, rien ne vous était plus facile que de demander ma main à mon père; pourquoi ne l'avez-vous pas fait?

– Vous-même, señorita, n'aviez-vous pas répondu par un refus à la demande que j'avais eu l'honneur de vous adresser, répondit le marquis avec un accent de sarcasme caché.

– Certes, mais je ne suis qu'une jeune fille, répondit-elle avec animation, une enfant, vous-même l'avez dit, qui s'ignore soi-même et qui ne sait encore ni ce qu'elle aime ni ce qu'elle hait. Cette demande en mariage ne devait donc en aucune façon, et surtout au point de vue des convenances, m'être adressée à moi, mais à mon père seul, ou, à son défaut, à mon frère; mais non, vous aviez un autre but: ce mariage n'était qu'un prétexte pour vous emparer des immenses richesses que vous convoitez. En ce moment, vous n'oseriez me soutenir en face le contraire.

– Qui sait? murmura-t-il d'un air railleur.

– Aussi vous avez préféré me faire tomber dans un guet-apens, m'enlever à ma famille, que ma disparition plonge dans le plus profond désespoir, et me forcer à vous suivre, moi, pauvre enfant innocente et sans défense, prisonnière au milieu des bandits dont vous êtes le chef, au fond d'horribles déserts.

– Depuis que, selon votre expression, señorita, je vous ai si brutalement enlevée à votre famille, me suis-je conduit envers vous autrement que doit le faire un gentilhomme de mon nom et de ma race! N'ai-je pas, au contraire, toujours été pour vous l'esclave le plus dévoué et le plus attentif; ne vous ai-je pas, autant que le permettent les circonstances difficiles où je me trouve, entourée des soins les plus assidus et du respect le plus profond.

– C'est vrai, répondit-elle en éclatant d'un rire nerveux, de cela je dois convenir, mais quelle est la cause de ces soins et de ces respects?

– L'amour le plus sincère et le plus …

– Assez de mensonges, señor, s'écria-t-elle avec violence, votre premier mot, en entrant sous cette tente, vous a trahi malgré vous!

– Señora!

– Vous vous croyez arrivé dans les parages du pays diamantaire découvert par un de mes ancêtres, et vous voulez essayer d'obtenir enfin de moi, par persuasion ou peut-être par violence, car l'avarice vous aveugle, la révélation du secret que vous vous imaginez que je possède! Osez me soutenir le contraire.»

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 mayıs 2017
Hacim:
310 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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