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Kitabı oku: «Oeuvres complètes de Guy de Maupassant - volume 07», sayfa 7

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Une visite minutieuse fut faite du château abandonné. On n’y découvrit rien de suspect.

Aucun indice ne révéla qu’une femme y eût été cachée.

L’enquête n’aboutissant à rien, les recherches furent interrompues.

Et, depuis cinquante-six ans, je n’ai rien appris. Je ne sais rien de plus.»

Apparition a paru dans le Gaulois du mercredi 4 avril 1883.

LA PORTE

Ah! s’écria Karl Massouligny, en voici une question difficile, celle des maris complaisants! Certes, j’en ai vu de toutes sortes; eh bien, je ne saurais avoir une opinion sur un seul. J’ai souvent essayé de déterminer s’ils sont en vérité aveugles, clairvoyants ou faibles. Il en est, je crois, de ces trois catégories.

Passons vite sur les aveugles. Ce ne sont point des complaisants d’ailleurs, ceux-là, puisqu’ils ne savent pas, mais de bonnes bêtes qui ne voient jamais plus loin que leur nez. C’est, d’ailleurs, une chose curieuse et intéressante à noter que la facilité des hommes, de tous les hommes, et même des femmes, de toutes les femmes à se laisser tromper. Nous sommes pris aux moindres ruses de tous ceux qui nous entourent, de nos enfants, de nos amis, de nos domestiques, de nos fournisseurs. L’humanité est crédule; et nous ne déployons point pour soupçonner, deviner et déjouer les adresses des autres, le dixième de la finesse que nous employons quand nous voulons, à notre tour, tromper quelqu’un.

Les maris clairvoyants appartiennent à trois races. Ceux qui ont intérêt, un intérêt d’argent, d’ambition, ou autre, à ce que leur femme ait un amant, ou des amants. Ceux-ci demandent seulement de sauvegarder, à peu près, les apparences, et sont satisfaits de la chose.

Ceux qui ragent. Il y aurait un beau roman à faire sur eux.

Enfin les faibles! ceux qui ont peur du scandale.

Il y a aussi les impuissants, ou plutôt les fatigués, qui fuient le lit conjugal par crainte de l’ataxie ou de l’apoplexie et qui se résignent à voir un ami courir ces dangers.

Quant à moi, j’ai connu un mari d’une espèce assez rare et qui s’est défendu de l’accident commun d’une façon spirituelle et bizarre.

J’avais fait à Paris la connaissance d’un ménage élégant, mondain, très lancé. La femme, une agitée, grande, mince, fort entourée, passait pour avoir eu des aventures. Elle me plut par son esprit et je crois que je lui plus aussi. Je lui fis la cour, une cour d’essai à laquelle elle répondit par des provocations évidentes. Nous en fûmes bientôt aux regards tendres, aux mains pressées, à toutes les petites galanteries qui précèdent la grande attaque.

J’hésitais cependant. J’estime en somme que la plupart des liaisons mondaines, même très courtes, ne valent pas le mal qu’elles nous donnent ni tous les ennuis qui peuvent en résulter. Je comparais donc mentalement les agréments et les inconvénients que je pouvais espérer et redouter quand je crus m’apercevoir que le mari me suspectait et me surveillait.

Un soir, dans un bal, comme je disais des douceurs à la jeune femme, dans un petit salon attenant aux grands où l’on dansait, j’aperçus soudain dans une glace le reflet d’un visage qui nous épiait. C’était lui. Nos regards se croisèrent, puis je le vis, toujours dans le miroir, tourner la tête et s’en aller.

Je murmurai:

— Votre mari nous espionne.

Elle sembla stupéfaite.

— Mon mari.

— Oui, voici plusieurs fois qu’il nous guette.

— Allons donc! Vous êtes sûr?

— Très sûr.

— Comme c’est bizarre. Il se montre au contraire ordinairement on ne peut plus aimable avec mes amis.

— C’est qu’il a peut-être deviné que je vous aime?

— Allons donc! Et puis vous n’êtes pas le premier qui me fasse la cour. Toute femme un peu en vue traîne un troupeau de soupireurs.

— Oui. Mais moi, je vous aime profondément.

— En admettant que ce soit vrai, est-ce qu’un mari devine jamais ces choses-là?

— Alors, il n’est pas jaloux.

— Non... non...

Elle réfléchit quelques instants, puis reprit:

— Non... Je ne me suis jamais aperçue qu’il fût jaloux.

— Il ne vous a jamais... jamais surveillée.

— Non... Comme je vous le disais, il est très aimable avec mes amis.

A partir de ce jour, je fis une cour plus régulière. La femme ne me plaisait pas davantage, mais la jalousie probable du mari me tentait beaucoup.

Quant à elle, je la jugeais avec froideur et lucidité. Elle avait un certain charme mondain provenant d’un esprit alerte, gai, aimable et superficiel, mais aucune séduction réelle et profonde. C’était, comme je vous l’ai dit déjà, une agitée, toute en dehors, d’une élégance un peu tapageuse. Comment vous bien l’expliquer? C’était... c’était... un décor... pas un logis.

Or, voilà qu’un jour, comme j’avais dîné chez elle, son mari, au moment où je me retirais, me dit:

— Mon cher ami (il me traitait d’ami depuis quelque temps), nous allons partir bientôt pour la campagne. Or c’est, pour ma femme et pour moi, un grand plaisir d’y recevoir les gens que nous aimons. Voulez-vous accepter de venir passer un mois chez nous. Ce serait très gracieux de votre part.

Je fus stupéfait, mais j’acceptai.

Donc, un mois plus tard j’arrivais chez eux dans leur domaine de Vertcresson, en Touraine.

On m’attendait à la gare, à cinq kilomètres du château. Ils étaient trois, elle, le mari et un monsieur inconnu, le comte de Morterade à qui je fus présenté. Il eut l’air ravi de faire ma connaissance; et les idées les plus bizarres me passèrent dans l’esprit pendant que nous suivions au grand trot un joli chemin profond, entre deux haies de verdure. Je me disais: «Voyons, qu’est-ce que cela veut dire? Voilà un mari qui ne peut douter que sa femme et moi soyons en galanterie, et il m’invite chez lui, me reçoit comme un intime, a l’air de me dire: «Allez, allez, mon cher, la voie est libre!»

Puis on me présente un monsieur, fort bien, ma foi, installé déjà dans la maison, et... et qui cherche peut-être à en sortir et qui a l’air aussi content que le mari lui-même de mon arrivée.

Est-ce un ancien qui veut sa retraite? On le croirait. — Mais alors? Les deux hommes seraient donc d’accord, tacitement, par une de ces jolies petites pactisations infâmes si communes dans la société? Et on me propose, sans rien me dire, d’entrer dans l’association, en prenant la suite. On me tend les mains, et on me tend les bras. On m’ouvre toutes les portes et tous les cœurs.

Elle? une énigme. Elle ne doit, elle ne peut rien ignorer. Pourtant?.. pourtant?.. voilà... Je n’y comprends rien!

Le dîner fut très gai et très cordial. En sortant de table, le mari et son ami se mirent à jouer aux cartes tandis que j’allai contempler le clair de lune, sur le perron, avec Madame. Elle semblait très émue par la nature; et je jugeai que le moment de mon bonheur était proche. Ce soir-là vraiment je la trouvai charmante. La campagne l’avait attendrie, ou plutôt alanguie. Sa longue taille mince était jolie sur le perron de pierre, à côté du grand vase qui portait une plante. J’avais envie de l’entraîner sous les arbres et de me jeter à ses genoux en lui disant des paroles d’amour.

La voix de son mari cria:

— Louise?

— Oui, mon ami.

— Tu oublies le thé.

— J’y vais, mon ami.

Nous rentrâmes; et elle nous servit le thé. Les deux hommes, leur partie de cartes terminée, avaient visiblement sommeil. Il fallut monter dans nos chambres. Je dormis très tard et très mal.

Le lendemain une excursion fut décidée dans l’après-midi; et nous partîmes en landau découvert pour aller visiter des ruines quelconques. Nous étions, elle et moi, dans le fond de la voiture, et eux en face de nous, à reculons.

On causait avec entrain, avec sympathie, avec abandon. Je suis orphelin, et il me semblait que je venais de retrouver ma famille tant je me sentais chez moi, auprès d’eux.

Tout à coup, comme elle avait allongé son pied entre les jambes de son mari, il murmura avec un air de reproche: «Louise, je vous en prie, n’usez pas vous-même vos vieilles chaussures. Il n’y a pas de raison pour se soigner davantage à Paris qu’à la campagne.»

Je baissai les yeux. Elle portait en effet de vieilles bottines tournées et je m’aperçus que son bas n’était point tendu.

Elle avait rougi en retirant son pied sous sa robe. L’ami regardait au loin d’un air indifférent et dégagé des choses.

Le mari m’offrit un cigare que j’acceptai. Pendant plusieurs jours, il me fut impossible de rester seul avec elle deux minutes, tant il nous suivait partout. Il était délicieux pour moi d’ailleurs.

Or, un matin, comme il m’était venu chercher pour faire une promenade à pied, avant déjeuner, nous en vînmes à parler du mariage. Je dis quelques phrases sur la solitude et quelques autres sur la vie commune rendue charmante par la tendresse d’une femme. Il m’interrompit tout à coup: «Mon cher, ne parlez pas de ce que vous ne connaissez point. Une femme qui n’a plus d’intérêt à vous aimer, ne vous aime pas longtemps. Toutes les coquetteries qui les font exquises, quand elles ne nous appartiennent pas définitivement, cessent dès qu’elles sont à nous. Et puis d’ailleurs... les femmes honnêtes... c’est-à-dire nos femmes... sont... ne sont pas... manquent de... enfin ne connaissent pas assez leur métier de femme. Voilà... je m’entends.»

Il n’en dit pas davantage et je ne pus deviner au juste sa pensée.

Deux jours après cette conversation il m’appela dans sa chambre, de très bonne heure, pour me montrer une collection de gravures.

Je m’assis dans un fauteuil, en face de la grande porte qui séparait son appartement de celui de sa femme, et derrière cette porte j’entendais marcher, remuer, et je ne songeais guère aux gravures, tout en m’écriant: «Oh! délicieux! exquis! exquis!»

Il dit soudain:

— Oh! mais, j’ai une merveille, à côté. Je vais vous la chercher.

Et il se précipita sur la porte, dont les deux battants s’ouvrirent comme pour un effet de théâtre.

Dans une grande pièce en désordre, au milieu de jupes, de cols, de corsages semés par terre, un grand être sec, dépeigné, le bas du corps couvert d’une vieille jupe de soie fripée qui collait sur sa croupe maigre, brossait devant une glace des cheveux blonds, courts et rares.

Ses bras formaient deux angles pointus; et comme elle se retournait effarée, je vis sous une chemise de toile commune un cimetière de côtes qu’une fausse gorge de coton dissimulait en public.

Le mari poussa un cri fort naturel, rentra en refermant les portes, et d’un air navré: «Oh! mon Dieu! suis-je stupide! Oh! vraiment, suis-je bête! Voilà une bévue que ma femme ne me pardonnera jamais!»

Moi j’avais envie, déjà, de le remercier.

Je partis trois jours plus tard, après avoir vivement serré les mains des deux hommes et baisé celle de la femme, qui me dit adieu froidement.

Karl Massouligny se tut.

Quelqu’un demanda:

— Mais l’ami, qu’était-ce?

— Je ne sais pas... Cependant... cependant il avait l’air désolé de me voir partir si vite...

La Porte a paru dans le Gil-Blas du mardi 3 mai 1887.

LE PÈRE

Jean de Valnoix est un ami que je vais voir de temps en temps. Il habite un petit manoir, au bord d’une rivière, dans un bois. Il s’était retiré là après avoir vécu à Paris, une vie de fou, pendant quinze ans. Tout à coup il en eut assez des plaisirs, des soupers, des hommes, des femmes, des cartes, de tout, et il vint habiter ce domaine où il était né.

Nous sommes deux ou trois qui allons passer, de temps en temps, quinze jours ou trois semaines avec lui. Il est certes enchanté de nous revoir quand nous arrivons, et ravi de se retrouver seul quand nous partons.

Donc j’allai chez lui, la semaine dernière, et il me reçut à bras ouverts. Nous passions les heures tantôt ensemble, tantôt isolément. En général, il lit, et je travaille pendant le jour; et chaque soir nous causons jusqu’à minuit.

Donc, mardi dernier, après une journée étouffante, nous étions assis tous les deux, vers neuf heures du soir, à regarder couler l’eau de la rivière, contre nos pieds: et nous échangions des idées très vagues sur les étoiles qui se baignaient dans le courant et semblaient nager devant nous. Nous échangions des idées très vagues, très confuses, très courtes, car nos esprits sont très bornés, très faibles, très impuissants. Moi je m’attendrissais sur le soleil qui meurt dans la Grande Ourse. On ne le voit plus que par les nuits claires, tant il pâlit. Quand le ciel est un peu brumeux, il disparaît, cet agonisant. Nous songions aux êtres qui peuplent ces mondes, à leurs formes inimaginables, à leurs facultés insoupçonnables, à leurs organes inconnus, aux animaux, aux plantes, à toutes les espèces, à tous les règnes, à toutes les essences, à toutes les matières, que le rêve de l’homme ne peut même effleurer.

Tout à coup une voix cria dans le lointain:

— Monsieur, monsieur!

Jean répondit:

— Ici, Baptiste.

Et quand le domestique nous eut trouvés, il annonça:

— C’est la bohémienne de Monsieur.

Mon ami se mit à rire, d’un rire fou bien rare chez lui, puis il demanda:

— Nous sommes donc au 19 juillet?

— Mais oui, Monsieur.

— Très bien. Dites-lui de m’attendre. Faites-la souper. Je rentrerai dans dix minutes.

Quand l’homme eut disparu, mon ami me prit le bras.

— Allons doucement, dit-il, je vais te conter cette histoire.

«Il y a maintenant sept ans, c’était l’année de mon arrivée ici, je sortis un soir pour faire un tour dans la forêt. Il faisait beau comme aujourd’hui; et j’allais à petits pas sous les grands arbres, contemplant les étoiles à travers les feuilles, respirant et buvant à pleine poitrine le frais repos de la nuit et du bois.

Je venais de quitter Paris pour toujours. J’étais las, las, écœuré plus que je ne saurais dire par toutes les bêtises, toutes les bassesses, toutes les saletés que j’avais vues et auxquelles j’avais participé pendant quinze ans.

J’allai loin, très loin, dans ce bois profond, en suivant un chemin creux qui conduit au village de Crouzille, à quinze kilomètres d’ici.

Tout à coup mon chien, Bock, un grand saint-germain qui ne me quittait jamais, s’arrêta net et se mit à grogner. Je crus à la présence d’un renard, d’un loup ou d’un sanglier; et j’avançai doucement, sur la pointe des pieds, afin de ne pas faire de bruit; mais soudain j’entendis des cris, des cris humains, plaintifs, étouffés, déchirants.

Certes, on assassinait quelqu’un dans un taillis, et je me mis à courir, serrant dans ma main droite une lourde canne de chêne, une vraie massue.

J’approchais des gémissements qui me parvenaient maintenant plus distincts, mais étrangement sourds. On eût dit qu’ils sortaient d’une maison, d’une hutte de charbonnier peut-être. Bock, trois pas devant moi, courait, s’arrêtait, repartait, très excité, grondant toujours. Soudain un autre chien, un gros chien noir, aux yeux de feu, nous barra la route. Je voyais très bien ses crocs blancs qui semblaient luire dans sa gueule.

Je courus sur lui la canne levée, mais déjà Bock avait sauté dessus et les deux bêtes se roulaient par terre, les gueules refermées sur les gorges. Je passai et je faillis heurter un cheval couché dans le chemin. Comme je m’arrêtais, fort surpris, pour examiner l’animal, j’aperçus devant moi une voiture, ou plutôt une maison roulante, une de ces maisons de saltimbanques et de marchands forains qui vont dans nos campagnes de foire en foire.

Les cris sortaient de là, affreux, continus. Comme la porte donnait de l’autre côté, je fis le tour de cette guimbarde et je montai brusquement les trois marches de bois, prêt à tomber sur le malfaiteur.

Ce que je vis me parut si étrange que je ne compris rien d’abord. Un homme, à genoux, semblait prier, tandis que dans le lit que contenait cette boîte, quelque chose d’impossible à reconnaître, un être à moitié nu, contourné, tordu, dont je ne voyais pas la figure, remuait, s’agitait et hurlait.

C’était une femme en mal d’enfant.

Dès que j’eus compris le genre d’accident provoquant ces plaintes, je fis connaître ma présence, et l’homme, une sorte de Marseillais affolé, me supplia de le sauver, de la sauver, me promettant avec des paroles innombrables une reconnaissance invraisemblable. Je n’avais jamais vu d’accouchement, jamais secouru un être femelle, femme, chienne ou chatte, en cette circonstance, et je le déclarai ingénument en regardant avec stupeur ce qui criait si fort dans le lit.

Puis quand j’eus repris mon sang-froid, je demandai à l’homme atterré pourquoi il n’allait pas jusqu’au prochain village. Son cheval tombant dans une ornière avait dû se casser la jambe et ne pouvait plus se lever.

— Eh bien! mon brave, lui dis-je, nous sommes deux, à présent, nous allons traîner votre femme jusque chez moi.

Mais les hurlements des chiens nous forcèrent à sortir, et il fallut les séparer à coups de bâton, au risque de les tuer. Puis, j’eus l’idée de les atteler avec nous, l’un à droite, l’autre à gauche dans nos jambes, pour nous aider. En dix minutes tout fut prêt, et la voiture se mit en route lentement, secouant aux cahots des ornières profondes la pauvre femme au flanc déchiré.

Quelle route, mon cher! Nous allions, haletant, râlant, en sueur, glissant et tombant parfois, tandis que nos pauvres chiens soufflaient comme des forges dans nos jambes.

Il fallut trois heures pour atteindre le château. Quand nous arrivâmes devant la porte, les cris avaient cessé dans la voiture. La mère et l’enfant se portaient bien.

On les coucha dans un bon lit, puis je fis atteler pour chercher un médecin, tandis que le Marseillais, rassuré, consolé, triomphant, mangeait à étouffer et se grisait à mort pour célébrer cette heureuse naissance.

C’était une fille.

Je gardai ces gens-là huit jours chez moi. La mère, Mlle Elmire, était une somnambule extra-lucide qui me promit une vie interminable et des félicités sans nombre.

L’année suivante, jour pour jour, vers la tombée de la nuit, le domestique qui m’appela tout à l’heure vint me trouver dans le fumoir après dîner, et me dit: «C’est la bohémienne de l’an dernier qui vient remercier Monsieur.»

J’ordonnai de la faire entrer et je demeurai stupéfait en apercevant à côté d’elle un grand garçon, gros et blond, un homme du Nord qui, m’ayant salué, prit la parole, comme chef de la communauté. Il avait appris ma bonté pour Mlle Elmire, et il n’avait pas voulu laisser passer cet anniversaire sans m’apporter leurs remerciements et le témoignage de leur reconnaissance.

Je leur offris à souper à la cuisine et l’hospitalité pour la nuit. Ils partirent le lendemain.

Or, la pauvre femme revient tous les ans, à la même date avec l’enfant, une superbe fillette, et un nouveau... seigneur chaque fois. Un seul, un Auvergnat qui me «remerchia» bien, reparut deux ans de suite. La petite fille les appelle tous papa, comme on dit «monsieur» chez nous.»

Nous arrivions au château et nous aperçûmes vaguement, debout devant le perron, trois ombres qui nous attendaient.

La plus haute fit quatre pas, et avec un grand salut:

— Monsieur le comte, nous sommes venus ce jour, savez-vous, vous témoigner de notre reconnaissance...

C’était un Belge!

Après lui, la plus petite parla, avec cette voix apprêtée et factice des enfants qui récitent un compliment.

Moi, jouant l’innocent, je pris à part Mme Elmire et, après quelques propos, je lui demandai:

— C’est le père de votre enfant?

— Oh! non, Monsieur.

— Et le père, il est mort.

— Oh! non, Monsieur. Nous nous voyons encore quelquefois. Il est gendarme.

— Ah! bah! Alors ce n’était pas le Marseillais, le premier, celui de l’accouchement?

— Oh! non, Monsieur. Celui-là, c’était une crapule qui m’a volé mes économies.

— Et le gendarme, le vrai père, connaît-il son enfant?

— Oh! oui, Monsieur, et même il l’aime bien; mais il ne peut pas s’en occuper parce qu’il en a d’autres, avec sa femme.

Le Père a paru dans le Gil-Blas du mardi 26 juillet 1887.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 ekim 2017
Hacim:
150 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
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