Kitabı oku: «Contes merveilleux, Tome II», sayfa 13
La tirelire
Il y avait une quantité de jouets dans la chambre d'enfants. Tout en haut de l'armoire trônait la tirelire sous la forme d'un cochon en terre cuite; il avait naturellement une fente dans le dos, et cette fente avait été élargie à l'aide d'un couteau pour pouvoir y glisser aussi de grosses pièces. On en avait déjà glissé deux dedans, en plus de nombreuses menues monnaies.
Le cochon était si bourré que l'argent ne pouvait plus tinter dans son ventre et c'est bien le maximum de ce que peut espérer un cochon-tirelire. Il se tenait tout en haut de l'armoire et regardait les jouets en bas, dans la chambre; il savait bien qu'avec ce qu'il avait dans le ventre il aurait pu les acheter tous et cela lui donnait quelque orgueil.
Les autres le savaient aussi même s'ils n'en parlaient pas, ils avaient d'autres sujets de conversation. Le tiroir de la commode était entrouvert et une poupée un peu vieille et le cou raccommodé regardait au-dehors. Elle dit:
–Je propose de jouer aux grandes personnes, ce sera une occupation!
Alors, il y eut tout un remue-ménage, les tableaux eux-mêmes se retournèrent contre le mur ils savaient pourtant qu'ils avaient un envers—mais ce n'était pas pour protester.
On était au milieu de la nuit; la lune, dont les rayons entraient par la fenêtre, offrait un éclairage gratuit. Le jeu allait commencer et tous étaient invités, même la voiture de poupée bien qu'elle appartînt aux jouets dits vulgaires.
Chacun est utile à sa manière, disait-elle; tout le monde ne peut pas appartenir à la noblesse, il faut bien qu'il y en ait qui travaillent.
Le cochon-tirelire seul reçut une invitation écrite. On craignait que, placé si haut, il ne pût entendre une invitation orale. Il se jugea trop important pour donner une réponse et ne vint pas. S'il voulait prendre part au jeu, ce serait de là-haut, chez lui; les autres s'arrangeraient en conséquence. C'est ce qu'ils firent.
Le petit théâtre de marionnettes fut monté de sorte qu'il pût le voir juste de face. Il devait y avoir d'abord une comédie, puis le thé, ensuite des exercices intellectuels. Mais c'est par ceux-ci qu'on commença tout de suite.
Le cheval à bascule parla d'entraînement et de pur-sang, la voiture de poupée de chemins de fer et de traction à vapeur: cela se rapportait toujours à leur spécialité. La pendule parla politique—tic, tac—elle savait quelle heure elle avait sonné, mais les mauvaises langues disaient qu'elle ne marchait pas bien.
La canne se tenait droite, fière de son pied ferré et de son pommeau d'argent; sur le sofa s'étalaient deux coussins brodés, ravissants mais stupides. La comédie pouvait commencer.
Tous étaient assis et regardaient. On les pria d'applaudir, de claquer ou de gronder suivant qu'ils seraient satisfaits ou non. La cravache déclara qu'elle ne claquait jamais pour les vieux, mais seulement pour les jeunes non encore fiancés.
–Moi, j'éclate pour tout le monde, dit le pétard.
–Être là ou ailleurs… déclarait le crachoir. Et c'était bien l'opinion de tous sur cette idée de jouer la comédie.
La pièce ne valait rien, mais elle était bien jouée. Les acteurs présentaient toujours au public leur côté peint, ils étaient faits pour être vue de face, pas de dos. Tous jouaient admirablement, tout à fait en avant et même hors du théâtre, car leurs fils étaient trop longs, mais ils n'en étaient que plus remarquables.
La poupée raccommodée était si émue qu'elle se décolla et le cochon-tirelire, bouleversé à sa façon, décida de faire quelque chose pour l'un des acteurs, par exemple: le mettre sur son testament pour qu'il soit couché près de lui dans un monument funéraire quand le moment serait venu.
Tous étaient enchantés, de sorte qu'on renonça au thé et on s'en tint à l'intellectualité. On appelait cela jouer aux grandes personnes et c'était sans méchanceté puisque ce n'était qu'un jeu. Chacun ne pensait qu'à soi-même et aussi à ce que pensait le cochon-tirelire et lui pensait plus loin que les autres: à son testament et à son enterrement. Quand en viendrait l'heure? Toujours plus tôt qu'on ne s'y attend....
Patatras! Le voilà tombé de l'armoire. Le voilà gisant par terre en mille morceaux; les pièces dansent et sautent à travers la pièce, les plus petites ronflent, les plus grandes roulent, surtout le daler d'argent qui avait tant envie de voir le monde. Il y alla, bien sûr; toutes les pièces y allèrent, mais les restes du cochon allèrent dans la poubelle.
Le lendemain, sur l'armoire, se tenait un nouveau cochon-tirelire en terre vernie.
Il ne contenait encore pas la moindre monnaie, et rien ne tintait en lui. En cela, il ressemblait à son prédécesseur. Il n'était qu'un commencement et, pour nous, ce sera la fin du conte.
La vieille maison
Au beau milieu de la rue se trouvait une antique maison, elle avait plus de trois cents ans: c'est là ce qu'on pouvait lire sur la grande poutre, où au milieu de tulipes et de guirlandes de houblon était gravée l'année de la construction. Et on y lisait encore des versets tirés de la Bible et des bons auteurs profanes; au-dessus de chaque fenêtre étaient sculptées des figures qui faisaient toute espèce de grimaces. Chacun des étages avançait sur celui d'en dessous; le long du toit courait une gouttière, ornée de gros dragons, dont la gueule devait cracher l'eau des pluies; mais elle sortait aujourd'hui par le ventre de la bête; par suite des ans, il s'était fait des trous dans la gouttière.
Toutes les autres maisons de la rue étaient neuves et belles à la mode régnante; les carreaux de vitre étaient grands et toujours bien propres; les murailles étaient lisses comme du marbre poli. Ces maisons se tenaient bien droites sur leurs fondations, et l'on voyait bien à leur air qu'elles n'entendaient rien avoir de commun avec cette construction des siècles barbares.
«N'est-il pas temps, se disaient-elles, qu'on démolisse cette bâtisse surannée, dont l'aspect doit scandaliser tous les amateurs du beau? Voyez donc toutes ces moulures qui s'avancent et qui empêchent que de nos fenêtres on distingue ce qui se passe dans la baraque. Et l'escalier donc qui est aussi large que si c'était un château! que d'espace perdu! Et cette rampe en fer forgé, est-elle assez prétentieuse! Comme ceux qui s y appuient doivent avoir froid aux mains! Comme tout cela est sottement imaginé!»
Dans une des maisons neuves, bien propres, d'un goût bien prosaïque, celle qui était juste en face, se tenait souvent à la fenêtre un petit garçon aux joues fraîches et roses; ses yeux vifs brillaient d'intelligence. Lui, il aimait à contempler la vieille maison; elle lui plaisait beaucoup, qu'elle fût éclairée par le soleil ou par la lune. Il pouvait rester des heures à la considérer, et alors il se représentait les temps où, comme il l'avait vu sur une vieille gravure, toutes les maisons de la rue étaient construites dans ce même style, avec des fenêtres en ogive, des toits pointus, un grand escalier menant à la porte d'entrée, des dragons et autres terribles gargouilles tout autour des gouttières; et, au milieu de la rue, passaient des archers, des soldats en cuirasse, armés de hallebardes.
C'était vraiment une maison qu'on pouvait contempler pendant des heures. Il y demeurait un vieillard qui portait des culottes de peau et un habit à grands boutons de métal, tout à fait à l'ancienne mode; il avait aussi une perruque, mais une perruque qui paraissait bien être une perruque, et qui ne servait pas à simuler habilement de vrais cheveux. Tous les matins, un vieux domestique venait, nettoyait, faisait le ménage et les commissions, puis s'en allait.
Le vieillard à culottes de peau habitait tout seul la vieille maison. Parfois il s'approchait de la fenêtre; un jour, le petit garçon lui fit un gentil signe de tête en forme de salut; le vieillard fit de même; le lendemain ils se dirent de nouveau bonjour, et bientôt ils furent une paire d'amis, sans avoir jamais échangé une parole.
Le petit garçon entendit ses parents se dire: «Le vieillard d'en face a de bien grandes richesses; mais c'est affreux comme il vit isolé de tout le monde.»
Le dimanche d'après, l'enfant enveloppa quelque chose dans un papier, sortit dans la rue et accostant le vieux domestique qui faisait les commissions, il lui dit: «Écoute! Veux-tu me faire un plaisir et donner cela de ma part à ton maître? J'ai deux soldats de plomb; en voilà un; je le lui envoie pour qu'il ait un peu de société; je sais qu'il vit tellement isolé de tout le monde, que c'est lamentable.»
Le vieux domestique sourit, prit le papier et porta le soldat de plomb à son maître. Un peu après, il vint trouver les parents, demandant si le petit garçon ne voulait pas venir rendre visite au vieux monsieur. Les parents donnèrent leur permission, et le petit partit pour la vieille maison.
Les trompettes sculptées sur la porte, ma foi, avaient les joues plus bouffies que d'ordinaire, et si on avait bien prêté l'oreille, on les aurait entendus, qui soufflaient dans leurs instruments: «Schnetterendeng! Ta-ra-ra-ta: le voilà, le voilà, le petit schnetterendeng!»
La grande porte s'ouvrit. Le vestibule était tout garni de vieux portraits de chevaliers revêtus de cuirasses, de châtelaines en robes de damas et de brocart; l'enfant crut entendre les cuirasses résonner et les robes rendre un léger froufrou. Il arriva à un grand escalier, avec une belle rampe en fer tout ouvragée, et ornée de grosses boules de cuivre, où on pouvait se mirer; elles brillaient comme si on venait de les nettoyer pour fêter la visite du petit garçon, la première depuis tant d'années.
Après avoir monté bien des marches, l'enfant aperçut, donnant sur une vaste cour, un grand balcon; mais les planches avaient des fentes et des trous en quantité; elles étaient couvertes de mousse, d'herbe, de sedum, et toute la cour et les murailles étaient de même vertes de plantes sauvages qui poussaient là sans que personne s'en occupât. Sur le balcon se trouvaient de grands pots de fleurs, en vieille et précieuse faïence; ils avaient la forme de têtes fantastiques, à oreilles d'âne en guise d'anses; il y poussait des plantes rares; c'étaient des touffes de feuilles, sans presque aucune fleur. Il y avait là un pot d'œillet tout en verdure, et il chantait à voix basse: «Le vent m'a caressé, le soleil m'a donné une petite fleur, une petite fleur pour dimanche.»
Ensuite, le petit garçon passa par une grande salle; les murs étaient recouverts de cuir gaufré, à fleurs et arabesques toutes dorées, mais ternies par le temps.
«La dorure passe, le cuir reste,» marmottaient les murailles.
Puis l'enfant fut conduit dans la chambre où se tenait le vieux monsieur, qui l'accueillit avec un doux sourire, et lui dit: «Merci pour le soldat de plomb, mon petit ami; et merci encore de ce que tu es venu me voir.»
Et les hauts fauteuils en chêne, les grandes armoires et les autres meubles en bois des îles craquaient, et disaient: «knick, knack», ce qui pouvait bien vouloir dire: «Bien le bonjour!»
À la muraille pendait un tableau, représentant une belle dame, jeune, au visage gracieux et avenant; elle était habillée d'une robe vaste et raide, tenue par des paniers; ses cheveux étaient poudrés. De ses doux yeux elle regardait l'enfant.
«Qui cela peut-il donc être; dit-il. D'où vient cette belle madame?
–De chez le marchand de bric-à-brac, répondit le vieux monsieur. Il a souvent des portraits à vendre et pas chers. Les originaux sont morts et enterrés; personne ne s'occupe d'eux. Cette dame, je l'ai connue toute jeune; voilà un demi-siècle qu'elle a quitté ce monde; j'ai retrouvé son portrait chez le marchand et je l'ai acheté.»
Au-dessous du portrait, se trouvait sous verre un bouquet de fleurs fanées; elles avaient tout l'air d'avoir été cueillies juste cinquante ans auparavant.
«On dit chez nous, reprit l'enfant, que tu es toujours seul, et que cela fait de la peine, rien que d'y penser.
–Mais pas tant que cela, dit le vieux monsieur. Je reçois la visite de mes pensées d'autrefois, et je revois passer devant moi tous ceux que j'ai connus. Et, maintenant, toi tu es venu me rendre visite; je me sens très heureux.»
Il tira alors d'une armoire un grand livre à images, et les montra au petit garçon; c'étaient des fêtes et processions des siècles passés; d'énormes carrosses tout dorés, des soldats qui ressemblaient au valet de trèfle de nos cartes; des bourgeois, habillés tous différemment selon leurs métiers et professions. Les tailleurs avaient une bannière où se voyaient des ciseaux, tenus par deux lions; celle des cordonniers représentait un aigle à deux têtes, parce que chez eux il faut toujours la paire. Oui, c'étaient de fameuses images, et le petit s'en amusait tout plein.
Le vieux monsieur alors alla chercher dans l'office des gâteaux, des confitures, des fruits. Qu'on était bien dans cette vieille maison!
«Je n'y tiens plus, s'écria tout à coup le soldat de plomb qui était sur la cheminée. Non, c'est par trop triste ici, celui qui a goûté de la vie de famille ne peut s'habituer à une pareille solitude. J'en ai assez. Le jour déjà ne semble pas vouloir finir; mais la soirée sera encore plus affreuse. Ce n'est pas comme chez toi, mon maître; ton père et ta mère causent joyeusement; toi et tes frères et sœurs vous faites un délicieux tapage d'enfer. On se sent vivre au milieu de ce bruit. Le vieux, ici, jamais on ne lui donne de baisers, ni d'arbre de Noël. On lui donnera un jour un cercueil et ce sera fini. Non, j'en ai assez.
–Il ne faut pas voir les choses du mauvais côté, répondit le petit garçon. À moi, tout ici me paraît magnifique, et encore n'ai-je pas vu toutes les belles choses que les vieux souvenirs font passer devant les yeux du maître de céans.
–Moi non plus, je ne les aperçois, ni ne les verrai jamais, reprit le soldat de plomb. Je te prie, emporte-moi.
–Non, dit le petit, il faut que tu restes pour tenir compagnie à ce bon vieux monsieur.»
Le vieillard, qui paraissait tout rajeuni et avait l'air tout heureux, revint avec d'excellents gâteaux, des confitures délicieuses, des pommes, des noix et autres friandises; il plaça tout devant son petit ami, qui, ma foi, ne pensa plus aux peines du soldat de plomb.
L'enfant retourna chez lui, s'étant diverti à merveille. Le lendemain, il était à sa fenêtre, et il fit un signe de tête au vieux monsieur, qui le lui rendit en souriant. Une neuvaine se passa, et alors on revint prendre le petit garçon pour le mener à la vieille maison.
Les trompettes entonnèrent leur schnetterendeng, ta-ta-ra-ta. Les chevaliers et les belles dames se penchèrent hors de leur cadre pour voir passer ce petit être, si jeune; les fauteuils débitèrent leur knik-knak; le cuir des murailles déclara qu'il était plus durable que la dorure; enfin tout se passa comme la première fois; rien ne changeait dans la vieille maison.
«Oh! Que je me sens malheureux», s'écria le soldat de plomb.» C'est à périr ici. Laisse-moi plutôt partir pour la guerre, dussé-je y perdre bras et jambes, ce serait au moins un changement. Oh, emmène-moi! Maintenant je sais ce que c'est que de recevoir la visite de ses vieux souvenirs, et ce n'est pas amusant du tout à la longue.»
«Je vous revoyais tous à la maison, comme si j'étais encore au milieu de vous. C'était un dimanche matin, et vous autres enfants vous étiez réunis, et les mains jointes vous chantiez un psaume; ton père et ta mère écoutaient pieusement. Voilà que la porte s'ouvre et que ta petite sœur Maria, qui n'a que deux ans, fait son entrée. Elle est si vive et elle est toujours prête à danser quand elle entend n'importe quelle musique. Cette fois vos chants la mirent en mouvement, mais cela n'allait guère en mesure; la mélodie marchait trop lentement; l'enfant levait sa petite jambe, mais il lui fallait la tenir trop longtemps en l'air; cependant elle dandinait comme elle pouvait de la tête. Vous gardiez votre sérieux, c'était pourtant bien difficile. Moi, je ris tant, qu'au moment où une grosse voiture vint ébranler la maison, je perdis l'équilibre et je tombai à terre, j'en ai encore une bosse. Cela me fit bien mal; mais j'aimerais encore mieux tomber dix fois par jour, chez vous, que de rester ici, hanté par ces vieux souvenirs.
Dis-moi, chantez-vous encore les dimanches? Raconte-moi quelque chose de la petite Maria! Et mon bon camarade, l'autre soldat de plomb? Doit-il être heureux, lui! Ne pourrait-il pas venir me relever de faction? Oh, emmène-moi!»
–Tu n'es plus à moi, répondit le petit garçon. Tu sais bien que je t'ai donné en cadeau au vieux monsieur. Il faut te faire une raison.»
Cette fois le vieillard montra à son petit ami des cassettes où il y avait toutes sortes de jolis bibelots des temps passés; des cartes à jouer, grandes et toutes dorées, comme on n'en voit même plus chez le roi. Le vieux monsieur ouvrit le clavecin, qui, à l'intérieur, était orné de fines peintures, de beaux paysages avec des bergers et des bergères; il joua un ancien air; l'instrument n'était guère d'accord, et les sons étaient comme enroués. Mais on aurait dit que le portrait de la belle dame, celui qui avait été acheté chez le marchand de bric-à-brac, s'animait en entendant cette antique mélodie; le vieux monsieur la regardait, ses yeux brillaient comme ceux d'un jeune homme; un doux sourire passa sur ses lèvres.
«Je veux partir en guerre, en guerre!», s'écria le soldat de plomb de toutes ses forces; mais, à ce moment, le vieux monsieur vint prendre quelque chose sur la cheminée et il renversa le soldat qui roula par terre. Où était-il tombé? Le vieillard chercha, le petit garçon chercha; ils ne purent le trouver. Disparu le soldat de plomb!»Je le retrouverai demain», dit le vieux monsieur. Mais, jamais, il ne le revit. Le plancher était rempli de fentes et de trous; le soldat avait passé à travers, et il gisait là, sous les planches, comme enterré vivant.
Malgré cet incident la journée se passa gaiement, et, le soir, le petit garçon rentra chez lui. Des semaines s'écoulèrent, et l'hiver arriva. Les fenêtres étaient gelées, et l'enfant était obligé de souffler longtemps sur les carreaux, pour y faire un rond par lequel il pût apercevoir la vieille maison. Les sculptures de la porte, les tulipes, les trompettes, on les voyait à peine, tant la neige les recouvrait. La vieille maison paraissait encore plus tranquille et silencieuse que d'ordinaire; et, en effet, il n'y demeurait absolument plus personne: le vieux monsieur était mort, il s'était doucement éteint.
Le soir, comme c'était l'usage dans le pays, une voiture tendue de noir s'arrêta devant la porte; on y plaça un cercueil, qu'on devait porter bien loin, pour le mettre dans un caveau de famille. La voiture se mit en marche; personne ne suivait que le vieux domestique; tous les amis du vieux monsieur étaient morts avant lui. Le petit garçon pleurait, et il envoyait de la main des baisers d'adieu au cercueil.
Quelques jours après, la vieille maison fut pleine de monde, on y faisait la vente de tout ce qui s'y trouvait. Et, de la fenêtre, le petit garçon vit partir, dans tous les sens, les chevaliers, les châtelaines, les pots de fleurs en faïence, les fauteuils qui poussaient des knik-knak plus forts que jamais. Le portrait de la belle dame retourna chez le marchand de bric-à-brac; si vous voulez le voir, vous le trouverez encore chez lui; personne ne l'a acheté, personne n'y a fait attention.
Au printemps, on démolit la vieille maison.» Ce n'est pas dommage qu'on fasse disparaître cette antique baraque», dirent les imbéciles, et ils étaient nombreux comme partout. Et, pendant que les maçons donnaient des coups de pioche, qui fendaient le cœur du petit garçon, on voyait, de la rue, pendre des lambeaux de la tapisserie en cuir doré, et les tulipes volaient en éclats, et les trompettes tombaient par terre, lançant un dernier schnetterendeng.
Enfin, on enleva tous les décombres et on construisit une grande belle maison à larges fenêtres et à murailles bien lisses, proprement peintes en blanc. Par devant, on laissa un espace pour un gentil petit jardin qui, sur la rue, était entouré d'une jolie grille neuve: «Que tout cela a bonne façon!» disaient les voisins. Dans le jardin, il y avait des allées bien droites, et des massifs bien ronds; les plantes étaient alignées au cordeau, et ne poussaient pas à tort et à travers comme autrefois, dans la cour de la vieille maison.
Les gens s'arrêtaient à la grille et regardaient avec admiration. Les moineaux par douzaines, perchés sur les arbustes et la vigne vierge qui couvrait les murs de côté babillaient de toutes sortes de choses, mais pas de la vieille maison; aucun d'eux ne l'avait jamais vue: car il s'était passé, depuis lors, bien du temps, oui, tant d'années que, dans l'intervalle, le petit garçon était devenu un homme, et un homme distingué qui faisait la joie de ses vieux parents.
Il s'était marié et il habitait, avec sa jeune femme, justement la belle maison dont nous venons de parler.
Un jour, ils étaient dans le jardin, et la jeune dame plantait une fleur des champs qu'elle avait rapportée de la promenade, et qu'elle trouvait aussi belle qu'une fleur de serre. Elle raffermissait, de ses petites mains, la terre autour de la racine, lorsqu'elle se sentit comme piquée aux doigts.
«Aïe!» s'écrie-t-elle, et elle aperçoit quelque chose qui brille. Qu'était-ce? Devinez-vous? C'était le soldat de plomb, que le vieux monsieur avait cherché vainement et qui était tombé là pendant les démolitions, se trouvait sous terre depuis tant d'années.
La jeune dame le retira, et, sans lui en vouloir de ce qu'il l'avait piquée, elle le nettoya avec une feuille humide de rosée, et le sécha avec son mouchoir fin, qui sentait bon. Et le soldat de plomb était bien aise, comme s'il se réveillait d'un long évanouissement.
«Laisse-moi le voir», dit le jeune homme, en souriant. Puis il hocha la tête et continua: «Non, ce ne peut pas être le même; mais il me rappelle un autre soldat de plomb que j'avais lorsque j'étais petit.»
Et il raconta l'histoire de la vieille maison, et du vieux monsieur, auquel il avait envoyé, pour lui tenir compagnie, son soldat de plomb. La jeune dame fut touchée jusqu'aux larmes de ce récit, surtout quand il fut question du portrait qui avait été acheté chez le marchand de bric-à-brac.
«Il serait cependant possible, dit-elle, que ce fût le même soldat de plomb. Je veux le garder avec soin; il me rappellera ce que tu viens de me conter. Tu me conduiras, n'est-ce pas, sur la tombe du vieux monsieur?
–Je ne sais pas où elle se trouve, répondit-il; j'ai demandé à la voir, personne n'a pu me l'indiquer. Tous ses amis étaient morts. Je sais seulement que c'est très loin d'ici; au moment où on a emporté le cercueil, je n'ai pas questionné; j'étais trop petit pour aller si loin y porter des fleurs.
–Oh! Comme il a été seul, dans sa tombe également! dit la dame, personne n'en aura pris soin.
–Moi aussi, j'ai été longtemps bien seul, se dit le soldat de plomb; mais, quelle compensation aujourd'hui; je ne suis pas oublié!»
Comme la dame l'emportait dans la maison, il jeta un dernier regard sur l'endroit où il était resté tant d'années; que vit-il, ressemblant à de la vulgaire terre? Un morceau de la belle tapisserie. La dorure, elle, avait entièrement disparu. Et, de sa fine oreille, le soldat entendit un murmure où il distinguait ces paroles:
«La dorure passe, mais le cuir reste.»
S'il avait pu, il aurait volontiers haussé les épaules; chez lui, couleur et dorure étaient restées.