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Kitabı oku: «Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868», sayfa 13

Yazı tipi:

LX
A M. LE DIRECTEUR DU JOURNAL DES DÉBATS

Paris, 25 décembre 1853.

Monsieur,

Le procès intenté à l'administration de l'Opéra par M. le comte Tyczkiewickz, à propos de la représentation de Freischütz sur ce théâtre, a fait du bruit en Allemagne, et j'en ai été informé comme tout le monde. Mais j'ignorais, avant mon retour à Paris, de quelle façon je me trouve mêlé à ce procès. En lisant dans le Journal des Débats la plaidoirie de Me Celliez, et en me voyant accusé d'être l'auteur des mutilations du chef-d'œuvre de Weber, j'ai éprouvé un instant d'indécision entre la colère et l'hilarité. Mais comment ne pas finir par rire d'une telle accusation lancée contre moi, dont la profession de foi en pareilles matières a été faite de tant de façons et en tant de circonstances!

Il faut que Me Celliez ait eu une grande confiance dans l'historien qu'il a consulté, pour accueillir de pareils documents en faveur de sa cause et leur donner place dans sa plaidoirie. Me croyant néanmoins à l'abri du soupçon à cet égard, en tenant compte de la profonde indifférence du public pour de telles questions, je n'eusse point réclamé contre l'imputation de ce méfait musical.

Mais j'apprends que les journaux de musique du Bas-Rhin y ajoutent foi (il faut avoir bien envie de me croire coupable!) et me maltraitent avec une violence qui les honore. L'un d'eux m'appelle brigand tout simplement. Or voici la vérité.

Les coupures, les suppressions, les mutilations dont s'est plaint à si juste titre M. Tyczkiewickz furent faites dans la partition de Weber à une époque où je n'étais même pas en France; je ne les connus que longtemps après, par une représentation du chef-d'œuvre ainsi lacéré, et ma surprise alors égala au moins celle que j'éprouve aujourd'hui de me les voir attribuer.

Une seule fois, plus tard, lors de la mise en scène du nouveau ballet, le Freischütz, qui devait lui servir de lever de rideau, paraissant trop long encore, je fus invité à me rendre à l'Opéra. Il s'agissait de raccourcir mes récitatifs. En présence des ravages déjà faits dans la partition de Weber, la prétention de conserver intacts mes récitatifs eût paru ridicule, pour ne rien dire de plus. Je laissai donc faire en disant que je serais honteux d'être mieux traité que le maître. Mais c'était déjà un point résolu; on m'avait appelé seulement pour indiquer les soudures à faire entre les divers tronçons du dialogue, procédé de pure politesse, car il y a, à l'Opéra, des soudeurs d'une rare habileté, grâce à l'extrême habitude qu'ils ont de ces sortes d'opérations.

Je suis donc étranger aux attentats commis sur la partition de Weber autant que peuvent l'être MM. les rédacteurs des gazettes musicales du Bas-Rhin, et M. Celliez, et M. Tyczkiewickz lui-même.

Quelle que soit l'invraisemblance de l'opinion contraire, il m'importe qu'elle ne puisse s'accréditer auprès des vrais amis de l'art en général et de ceux d'Allemagne en particulier, et je vous prie, Monsieur, de vouloir bien accueillir ma juste réclamation.

LXI
A JOSEPH D'ORTIGUE

Paris, 17 janvier 1854.

Oui, mon bon cher d'Ortigue, tu as raison; c'est mon indomptable passion pour tout ce que je connais de l'art, qui me donne si facilement des sujets de chagrin, de douleur même. Pardonne-moi de t'avoir laissé lire si aisément dans ma pensée; je sentais que cela devait te faire de la peine et il m'était impossible de retenir les paroles qui me brûlaient les lèvres. Il est tout naturel que tes convictions religieuses aient amené des opinions analogues dans tes théories sur l'art. J'aurais dû y songer et me taire. Quand il s'agit des jugements portés sur ce qui me regarde directement, sur mes ouvrages, par exemple, l'extrême habitude de la contradiction me fait les supporter, comme je le dois, c'est-à-dire silencieusement et même avec résignation. Mais, dès que la contradiction frappe sur mes idoles (car je suis un fanatique évidemment), tout mon sang se bouleverse, mon cœur bondit et bat si rudement, que sa souffrance ressemble à de la colère et doit paraître offensante à mes interlocuteurs.

J'ai l'amour du beau et du vrai, tu as raison d'en convenir; mais j'ai un autre amour bien autrement furieux et immense: j'ai l'amour de l'amour. Or, quand quelque idée tend à priver les objets de mes affections des qualités qui me les font aimer, et qu'on veut ainsi m'empêcher de les aimer, ou m'engager à les aimer moins, alors quelque chose en moi se déchire et je crie comme un enfant dont on a brisé le jouet. La comparaison est juste: c'est certainement puéril, je le sens et je ferai tous mes efforts pour me corriger. Enfin, tu m'as puni chrétiennement, en rendant le bien pour le mal; car ta lettre m'a rendu heureux. Laisse-moi te serrer la main et te remercier.

Tes notes sont excellentes. Je crois que je m'en tirerai. Mais jamais je ne fus moins disposé à écrire. Ce feuilleton est du grand nombre de ceux que je ne sais pas commencer. Et je suis si triste en dedans… La vie s'écoule… Je voudrais tant travailler et je suis obligé de labourer pour vivre… Mais qu'importe tout!..

Adieu, adieu

LXII
A M. BRANDUS

Paris, 22 janvier 1854.

Mon cher Brandus,

Plusieurs journaux de Paris annoncent mon prochain départ pour une ville d'Allemagne, où je serais, à les en croire, nommé depuis peu maître de chapelle. Je conçois tout ce que mon départ définitif de France doit avoir de cruel pour beaucoup de gens, et avec quelle peine ils en sont venus à donner foi à cette grave nouvelle et à la mettre en circulation.

Il me serait donc agréable de pouvoir la démentir tout simplement en disant comme le héros d'un drame célèbre: «Je te reste, France chérie, rassure-toi!» Mon respect pour la vérité m'oblige à ne faire qu'une rectification. Le fait est que je dois quitter la France, un jour, dans quelques années, mais que la chapelle musicale dont la direction m'a été confiée n'est point en Allemagne. Et puisque tout se sait tôt ou tard dans ce diable de Paris, j'aime autant vous dire maintenant le lieu de ma future résidence: je suis directeur général des concerts particuliers de la reine des Ovas à Madagascar. L'orchestre de Sa Majesté Ova est composé d'artistes malais fort distingués et de quelques Malgaches de première force. Ils n'aiment pas les blancs, il est vrai, et j'aurais en conséquence beaucoup à souffrir sur la terre étrangère dans les premiers temps, si tant de gens en Europe n'avaient pris à tâche de me noircir. J'espère donc arriver au milieu d'eux bronzé contre leur malveillance. En attendant, veuillez faire savoir à vos lecteurs que je continuerai à habiter Paris le plus possible, à aller dans les théâtres le moins possible, mais à y aller cependant et à remplir mes fonctions de critique comme auparavant, plus qu'auparavant. Je veux pour la fin m'en donner à cœur joie, puisque aussi bien il n'y a pas de journaux à Madagascar.

Recevez, etc.

LXIII
A M. B. JULLIEN

Paris, 23 janvier 1854.

Recevez, monsieur, mes sincères remerciements pour le beau livre86 que vous avez bien voulu m'envoyer. Je l'ai déjà lu deux fois, je l'étudie et je l'admire. C'est radieux de raison et de bon sens. Vous êtes, ce me semble, le premier qui ayez traité avec intelligence, et sans se laisser décevoir par le mirage des folies antiques et modernes, ces diverses questions.

Vos études sur la prosodie latine m'ont expliqué bien des choses demeurées pour moi complétement obscures jusqu'à ce jour. Aussitôt que je le pourrai, je tenterai de donner aux lecteurs du Journal des Débats une idée des rares mérites de votre ouvrage, et je vous prie d'avance de recevoir mes excuses pour l'insuffisance de ma critique, qui n'aura d'autre mérite que la bonne foi.

LXIV
A LOUIS BERLIOZ, ASPIRANT VOLONTAIRE A BORD DE L'AVISO LE CORSE, A CALAIS

Lundi, 6 mars 1854.

Pauvre cher Louis, tu as reçu ma lettre d'hier; maintenant tu sais tout. Je suis là tout seul à t'écrire dans le grand salon de Montmartre, à côté de sa chambre déserte87. Je viens encore du cimetière; j'ai porté sur sa tombe deux couronnes, une pour toi, une pour moi. Je n'ai pas la tête à moi; je ne sais pourquoi je suis rentré ici… Les domestiques y sont encore pour quelques jours. Elles mettent tout en ordre et je tâcherai que ce qu'il y a puisse produire le plus possible pour toi. J'ai gardé ses cheveux; ne perds pas cette petite épingle que je lui avais donnée. Tu ne sauras jamais ce que nous avons souffert l'un par l'autre, ta mère et moi, et ce sont ces souffrances mêmes qui nous avaient tant attachés l'un à l'autre. Il m'était aussi impossible de vivre avec elle que de la quitter. Enfin, elle t'a vu avant de mourir. Moi, j'étais venu la veille, le lendemain de ton départ et je suis rentré dix minutes après qu'elle venait de rendre sans secousses ni douleurs le dernier soupir. La voilà délivrée. Je t'aime, mon cher fils. Nous avons longuement parlé de toi hier, dans ce triste jardin, avec Alexis Bertschtold. Combien il me tarde de te voir devenir un homme raisonnable! que je serais heureux de te savoir sûr de toi-même! Je pourrai maintenant t'aider plus que par le passé, mais toujours en prenant des précautions pour que tu ne puisses gaspiller l'argent. Alexis lui-même est de cet avis. Je suis sans ressources dans ce moment.

Ma gêne durera encore six mois au moins, car il faut que je paye le médecin et la vente des meubles ne rapportera presque rien. J'ai reçu hier une lettre de l'intendant du roi de Saxe; on m'attend à Dresde pour le mois prochain. Il faut que j'emprunte de l'argent pour faire ce voyage. Hier soir, Alexis m'a envoyé sous enveloppe la lettre que tu lui avais laissée pour moi et que son portier avait gardée.

Je n'ai pas de réponse de M. de Maucroix; demande-lui, je t'en prie, s'il a reçu ma lettre. J'espérais de lui quelques détails sur la destination du Corse, etc.

Adieu, je t'embrasse de tout mon cœur. Aime-moi comme je t'aime.

LXV
AU MÊME

Paris, jeudi 23 mars 1854.

Cher ami,

Ta lettre m'a causé une joie bien inattendue; te voilà donc avec 70 francs par mois, et, si tu sais t'arranger et renoncer à ta manière d'employer l'argent, tu peux sans aucun doute en économiser une partie. Écris-moi, si tu crois pouvoir tôt ou tard dégager ta montre que tu as, je le crains, mise en gage au Havre au temps de ta folie. Elle t'avait été donnée par mon père… Si tu ne peux pas la retrouver, je t'en achèterai une autre sur l'argent que j'ai à toi. Je viens de te faire faire un cordon de montre avec les cheveux de ta pauvre mère et je voudrais bien que tu le conservasses religieusement. J'ai fait faire aussi un bracelet que je donnerai à ma sœur et je garde le reste des cheveux… Je ne pourrai t'envoyer ton linge que samedi prochain 25, à cause d'une formalité qu'il y a à remplir à ce sujet, et que le feuilleton que je fais aujourd'hui et demain m'oblige de remettre à la fin de la semaine. Je pense que tu as vu les choses charmantes que J. Janin a dites sur ta pauvre mère dans son feuilleton de lundi dernier, et avec quelle délicatesse il a fait allusion à mon ouvrage sur Roméo et Juliette en citant les paroles de la marche funèbre: «Jetez des fleurs». Le Siècle d'hier contenait aussi quelques mots; beaucoup d'autres journaux que tu ne connais pas ont parlé de notre cruelle perte… Je pars dimanche prochain à huit heures du soir pour Hanovre, où je serai jusqu'au 3 ou 4 avril. Après cette date, je ne sais où je devrai aller; mais, en tout cas, je serai certainement à Dresde (Saxe) du 15 avril au 1er mai. Écris-moi le plus souvent possible pour m'informer de tes affaires. J'attends une lettre de toi avant dimanche et je compte en recevoir une autre à Hanovre, où tu m'informeras si tu as reçu le paquet que je vais t'envoyer. Le reste des objets que je n'ai pas vendus à Montmartre, tes livres, les portraits de ta mère et le mien, resteront à Paris, rue de Boursault, dans une malle fermée et portant ton adresse et la déclaration que cela t'appartient. J'ai donné deux de mes portraits à Joséphine et à Madeleine, qui me les ont demandés. En outre, j'ai donné plusieurs objets d'habillement de ta mère à Joséphine. Dieu veuille que mon voyage d'Allemagne me rapporte quelque chose! L'appartement de Montmartre n'est pas loué et il faudra peut-être que je le paye pendant un an encore.

Adieu, très cher enfant; mon affection pour toi semble avoir doublé depuis la perte que nous avons faite.

Je t'embrasse de tout mon cœur.

LXVI
AU MÊME

Dresde, 14 avril 1854.

Mon bien cher Louis,

Je reçois ta lettre et j'y réponds à l'instant. Tu m'annonces à la fois de bonnes et de mauvaises nouvelles. Te voilà donc obligé d'aller dans la Baltique; mais quoi faire donc? puisque tu me dis que vous ne vous trouverez pas dans la bagarre. Je ne le devine pas. Enfin, j'espère que, hors du théâtre de la guerre, tu pourras continuer à te rendre utile et à mériter l'estime de ton nouveau commandant. Je t'autorise à faire toucher chez M. Réty, au Conservatoire, les cent francs qu'il devait te remettre dans le cas où tu serais allé chez ta tante. Tu lui enverras le billet ci-joint et tu m'écriras ensuite pour m'accuser réception de la somme quand Alexis te l'aura fait parvenir. Mais prends garde, il me semble que tu recommences à gaspiller ton argent. Je t'en ai envoyé deux fois le mois dernier. Achète une montre de peu de prix, mais excellente.

Je n'ai pas touché un sou depuis que je suis en Allemagne. On devait m'envoyer ici une somme de quatre cents francs de Hanovre, avec la croix que le roi m'avait fait annoncer; je n'ai reçu ni croix ni argent. J'ai écrit à ce sujet à trois personnes; aucune ne m'a répondu. Cela me fait partir la tête d'impatience. Je trouve tout le monde ici parfaitement disposé; on espère faire un grand riche concert. C'est une ville splendide, immense et animée comme Paris. Tous mes anciens amis s'y trouvent encore.

Adieu, cher enfant; écris-moi toujours le plus souvent possible, surtout quand tu auras quitté la France. Ne manque aucune occasion de me donner de tes nouvelles en m'indiquant bien où je devrai adresser mes lettres.

Je t'embrasse de tout mon cœur.

LXVII
A M. HANS DE BULOW

28 juillet 1854.

C'est une charmante surprise que vous m'avez faite, et votre manuscrit est arrivé d'autant plus à propos que l'éditeur Brandus, qui grave en ce moment Cellini, avait déjà choisi un assez obscur tapoteur de piano pour arranger l'ouverture.

Votre travail est admirable; c'est d'une clarté et d'une fidélité rares et aussi peu difficile qu'il était possible de le faire sans altérer ma partition. Je vous remercie donc de tout mon cœur. Je vais voir Brandus ce soir, et lui porter votre précieux manuscrit. J'ai beaucoup travaillé depuis mon retour de Dresde; j'ai fait la première partie de ma trilogie sacrée: le Songe d'Hérode. Cette partition précède l'embryon que vous connaissez sous le nom de Fuite en Égypte, et formera avec l'Arrivée à Saïs un ensemble de seize morceaux, durant en tout une heure et demie avec les entr'actes. C'est peu assommant, comme vous voyez, en comparaison des saints assommoirs qui assomment pendant quatre heures.

J'ai essayé quelques tournures nouvelles: l'air de l'Insomnie d'Hérode est écrit en sol mineur sur cette gamme, déterminée sous je ne sais quel nom grec dans le plain-chant:


Cela amène des harmonies très sombres, et des cadences d'un caractère particulier, qui m'ont paru convenables à la situation. Vous avez été bien taciturne en m'envoyant le paquet de musique; j'eusse été si heureux de recevoir quelques lignes de votre main!

Mademoiselle votre sœur a passé dernièrement à Paris, mais si vite, que, quand on nous a remis la carte qu'elle a laissée à la maison un matin de bonne heure, elle était déjà partie pour Londres.

Veuillez, je vous prie, saluer de ma part madame votre mère. Ne viendrez-vous pas à Paris? Je pars dans quelques jours pour Munich, où je resterai trois semaines. Plus tard, vers novembre, je retournerai encore en Allemagne et peut-être vous reverrai-je à Dresde.

Rappelez-moi au souvenir de M. et madame Pohl et serrez la main à cet excellentissisme Lipinski.

LXVIII
A M. AUGUSTE MOREL

Paris, 28 août 1854.

J'espère que vous êtes bien portant et que vous et notre ami Lecourt avez échappé à la terrible maladie dont Marseille a tant eu à souffrir. Donnez-moi vite de vos nouvelles. Vous avez dû recevoir, il y a trois semaines, l'épreuve déjà corrigée de votre quatuor. L'avez-vous renvoyée? avez-vous écrit à Brandus?

J'ai manqué mon voyage à Munich, à cause de la vacance survenue à l'Institut. On m'a poussé à me mettre sur les rangs, à faire les visites et démarches d'usage en pareille circonstance. J'ai fait tout cela, j'ai vu tous les académiciens l'un après l'autre; et, après mille belles paroles extrêmement flatteuses, un accueil chaleureux, etc., ils ont nommé hier Clapisson. A la prochaine vacance maintenant. Je suis résolu à persister avec une patience égale à celle d'Eugène Delacroix et de M. Abel de Pujol, qui s'est présenté dix fois.

Reber m'a donné toutes les marques possibles de sincère sympathie et les trois autres musiciens de sincère antipathie. Z… a travaillé pour moi d'une main, j'ignore ce qu'il a fait de l'autre. On songe déjà sérieusement à faire admettre Leborne tôt ou tard. Vous voyez que tout va bien et qu'on progresse dans la voie de l'absurde. Je viens de passer huit jours aux bords de la mer, à Saint-Valéry, pour me décolériser. Ce grand air des falaises, ce vaste horizon, cette solitude et ce silence m'ont tout à fait remis. J'y serais demeuré plus longtemps sans les anxiétés que j'éprouvais au sujet de Louis. Et je suis revenu dans l'espoir d'obtenir plus vite à Paris des nouvelles du siège de Bomarsund, où il se trouvait. Heureusement il s'en est tiré sain et sauf, je viens de recevoir une lettre de lui. Dieu vous préserve, mon cher Morel, de connaître jamais de semblables émotions…

Madame Stoltz rentre mercredi prochain.

La *** ne tardera pas à revenir; ces deux tigresses vont s'entre-dévorer; ce sera cet hiver un spectacle curieux. Perrin vient de donner sa démission de directeur du Théâtre-Lyrique, il borne son ambition au trône de l'Opéra-Comique. Les criailleries des barbouilleurs de papier réglé l'ont effrayé.

LXIX
A M. HANS DE BULOW

1er septembre 1854.

J'ai été bien enchanté de votre aimable lettre et je me hâte de vous en remercier. Je ne suis pas allé à Munich. Au moment de partir, une place est devenue vacante à l'Académie des beaux-arts de notre Institut, et je suis resté à Paris pour faire les démarches imposées aux candidats. Je me suis résigné très franchement à ces terribles visites, à ces lettres, à tout ce que l'Académie inflige à ceux qui veulent intrare in suo docto corpore (latin de Molière); et on a nommé M. Clapisson.

A une autre fois maintenant. Car j'y suis résolu; je me présenterai jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Je viens de passer une semaine au bord de l'Océan, dans un village peu connu de la Normandie; dans quelques jours, je partirai pour le Sud, où je suis attendu par ma sœur et mes oncles pour une réunion de famille.

Je ne compte retourner en Allemagne que dans l'hiver. Sans doute, Liszt a raison en vous approuvant d'avoir accepté la position qui vous était offerte en Pologne; en tout cas, il ne faut pas perdre de vue votre voyage à Paris, si vous pouvez le faire avec une complète indépendance d'esprit, eu égard au résultat financier des concerts. Je me fais une fête de vous mettre en rapports avec tous nos hommes d'art dont les qualités d'esprit et de cœur pourront vous rendre ces rapports agréables.

Vous savez si bien le français, que vous pourrez comprendre le parisien; et vous trouverez peut-être amusant de voir comment tout ce monde d'écrivains danse sur la phrase, comment ceux qui osent encore accepter le titre de philosophes dansent sur l'idée.

Je serai tout à vous à mon retour, et fort désireux de connaître les compositions d'orchestre dont vous me parlez. Ma partition de Cellini ne saurait trouver un critique plus intelligent ni plus bienveillant que vous; laissez-moi vous remercier d'avoir songé à faire, dans le livre de M. Pohl, le travail qui s'y rapporte. Au reste, cette œuvre a décidément du malheur; le roi de Saxe se fait tuer au moment où on allait s'occuper d'elle à Dresde… C'est de la fatalité antique, et l'on pourrait dire à son sujet ce que Virgile dit sur Didon:

 
Ter sese attollens cubitoque adnixa levavit:
Ter revoluta toro est.
 

Quel grand compositeur que Virgile! quel mélodiste et quel harmoniste! C'était à lui qu'il appartenait de dire en mourant: Qualis artifex pereo! et non à ce farceur de Néron qui n'a eu qu'une seule inspiration dans sa vie, le soir où il a fait mettre le feu aux quatre coins de Rome… preuve brillante qu'un homme médiocre peut quelquefois avoir une grande idée.

Hier, on a rouvert l'Opéra. Madame Stoltz a fait sa réapparition dans le rôle de la Favorite. En la voyant entrer en scène, je l'ai prise en effet pour une apparition. Sa voix aussi a subi du temps l'irréparable outrage. La nouvelle administration de l'Opéra avait fait un coup d'État et retiré leurs entrées à tous les journalistes; cette pauvre Stoltz va avoir fait une rentrée inutile. Il y a eu conseil, au foyer, de toutes les plumes (d'oie) puissantes, et nous avons décidé, à l'unanimité, qu'il fallait déclarer à l'Opéra la guerre du silence. En conséquence, on ne dira pas un mot de sa réouverture ni du début de madame Stoltz, jusqu'à ce que la direction revienne à de meilleurs sentiments.

Je travaille à un long feuilleton de silence qui paraîtra la semaine prochaine et qui m'ennuie fort. Adieu, je me suis un peu délassé à vous écrire.

86.L'excellent ouvrage dont il est question ici a pour titre: De quelques points des sciences dans l'antiquité: physique, métrique, musique. A plusieurs reprises, H. Berlioz est revenu à la charge; la métrique, la poésie et la musique des anciens l'intéressaient vivement; il songeait à ses Troyens! Quelques années après cette première lettre, il écrirait à M. B. Jullien, père de M. Ad. Jullien, le jeune et savant critique auquel on doit déjà tant de travaux, tels que la Cour et l'Opéra sous Louis XVI, Airs variés, etc.: «Malgré vos efforts, j'ai bien peur que la France ne reste barbare et que le sens harmonique des langues anciennes ne lui reste interdit…» Et, le 20 avril 1867: «Permettez-moi de vous demander si vous êtes d'avis, comme tout porte à le croire, que les anciens ne prononçaient pas, dans les vers, les syllabes élidées. J'espérais trouver dans votre livre excellent un chapitre spécial sur ce sujet et je n'y trouve que l'exemple de l'élision d'une fin de vers lacertosque, avec le début d'un autre: Exuit…; vous ne dites pas qu'on prononçât membror artus, magn'orsa; et sans cela pourtant il n'y a point d'élision et le vers a deux syllabes de trop.»
87.Berlioz venait de perdre sa première femme: Henriette Smithson, mère de Louis Berlioz.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
25 haziran 2017
Hacim:
358 s. 14 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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