Kitabı oku: «La Comédie humaine – Volume 03», sayfa 37
Ce fut en ce moment que les trois médecins entrèrent; ils fatiguèrent Calyste de questions; mais, quant au père, l'examen dura peu; leur conviction fut complète en un moment, ils étaient surpris qu'il vécût encore. Le médecin de Guérande annonça tranquillement à la baronne que, relativement à Calyste, il fallait probablement aller à Paris consulter les hommes les plus expérimentés de la science, car il en coûterait plus de cent louis pour leur déplacement.
– On meurt de quelque chose, mais l'amour, ce n'est rien, dit mademoiselle de Pen-Hoël.
– Hélas! quelle que soit la cause, Calyste meurt, dit la baronne, je reconnais en lui tous les symptômes de la consomption, la plus horrible des maladies de mon pays.
– Calyste meurt? dit le baron en ouvrant les yeux d'où sortirent deux grosses larmes qui cheminèrent lentement, retardées par les plis nombreux de son visage, et restèrent au bas de ses joues, les deux seules larmes qu'il eût sans doute versées de toute sa vie. Il se dressa sur ses jambes, il fit quelques pas vers le lit de son fils, lui prit les mains, le regarda.
– Que voulez-vous, mon père? lui dit-il.
– Que tu vives! s'écria le baron.
– Je ne saurais vivre sans Béatrix, répondit Calyste au vieillard qui tomba sur son fauteuil.
– Où trouver cent louis pour faire venir les médecins de Paris? il est encore temps, dit la baronne.
– Cent louis! s'écria Zéphirine. Le sauverait-on?
Sans attendre la réponse de sa belle-sœur, la vieille fille passa ses mains par l'ouverture de ses poches et défit son jupon de dessous, qui rendit un son lourd en tombant. Elle connaissait si bien les places où elle avait cousu ses louis, qu'elle les décousit avec une promptitude qui tenait de la magie. Les pièces d'or tombaient une à une sur sa jupe en sonnant. La vieille Pen-Hoël la regardait faire en manifestant un étonnement stupide.
– Mais ils vous voient! dit-elle à l'oreille de son amie.
– Trente-sept, répondit Zéphirine en continuant son compte.
– Tout le monde saura votre compte.
– Quarante-deux.
– Des doubles louis, tous neufs: où les avez-vous eus, vous qui n'y voyez pas clair?
– Je les tâtais. Voici cent quatre louis, cria Zéphirine. Sera-ce assez?
– Que vous arrive-t-il? demanda le chevalier du Halga qui survint et ne put s'expliquer l'attitude de sa vieille amie tendant sa jupe pleine de louis.
En deux mots mademoiselle de Pen-Hoël expliqua l'affaire au chevalier.
– Je l'ai su, dit-il, et venais vous apporter cent quarante louis que je tenais à la disposition de Calyste, il le sait bien.
Le chevalier tira de sa poche deux rouleaux et les montra. Mariotte, en voyant ces richesses, dit à Gasselin de fermer la porte.
– L'or ne lui rendra pas la santé, dit la baronne en pleurs.
– Mais il lui servira peut-être à courir après sa marquise, répondit le chevalier. Allons, Calyste!
Calyste se dressa sur son séant et s'écria joyeusement: En route!
– Il vivra donc, dit le baron d'une voix douloureuse, je puis mourir. Allez chercher le curé.
Ce mot répandit l'épouvante. Calyste, en voyant pâlir son père atteint par les émotions cruelles de cette scène, ne put retenir ses larmes. Le curé, qui savait l'arrêt porté par les médecins, était allé chercher mademoiselle des Touches, car autant il avait eu de répugnance pour elle, autant il manifestait en ce moment d'admiration, et il la défendait comme un pasteur doit défendre une de ses ouailles préférées.
A la nouvelle de l'état désespéré dans lequel était le baron, il y eut une foule dans la ruelle: les paysans, les paludiers et les gens de Guérande s'agenouillèrent dans la cour pendant que l'abbé Grimont administrait le vieux guerrier breton. Toute la ville était émue de savoir le père mourant auprès de son fils malade. On regardait comme une calamité publique l'extinction de cette antique race bretonne. Cette cérémonie frappa Calyste. Sa douleur fit taire pendant un moment son amour; il demeura, durant l'agonie de l'héroïque défenseur de la monarchie, agenouillé, regardant les progrès de la mort et pleurant. Le vieillard expira dans son fauteuil, en présence de toute la famille assemblée.
– Je meurs fidèle au roi et à la religion. Mon Dieu, pour prix de mes efforts, faites que Calyste vive! dit-il.
– Je vivrai, mon père, et je vous obéirai, répondit le jeune homme.
– Si tu veux me rendre la mort aussi douce que Fanny m'a fait ma vie, jure-moi de te marier.
– Je vous le promets, mon père.
Ce fut un touchant spectacle que de voir Calyste, ou plutôt son apparence, appuyé sur le vieux chevalier du Halga, un spectre conduisant une ombre, suivant le cercueil du baron et menant le deuil. L'église et la petite place qui se trouve devant le portail furent pleines de gens accourus de plus de dix lieues à la ronde.
La baronne et Zéphirine furent plongées dans une vive douleur en voyant que, malgré ses efforts pour obéir à son père, Calyste restait dans une stupeur de funeste augure. Le jour où la famille prit le deuil, la baronne avait conduit son fils sur le banc au fond du jardin, et le questionnait. Calyste répondait avec douceur et soumission, mais ses réponses étaient désespérantes.
– Ma mère, disait-il, il n'y a plus de vie en moi: ce que je mange ne me nourrit pas, l'air en entrant dans ma poitrine ne me rafraîchit pas le sang; le soleil me semble froid, et quand il illumine pour toi la façade de notre maison, comme en ce moment, là où tu vois les sculptures inondées de lueurs, moi je vois des formes indistinctes enveloppées d'un brouillard. Si Béatrix était ici, tout redeviendrait brillant. Il n'est qu'une seule chose au monde qui ait sa couleur et sa forme, c'est cette fleur et ce feuillage, dit-il en tirant de son sein et montrant le bouquet flétri que lui avait laissé la marquise.
La baronne n'osa plus rien demander à son fils, ses réponses accusaient plus de folie que son silence n'annonçait de douleur. Cependant Calyste tressaillit en apercevant mademoiselle des Touches à travers les croisées qui se correspondaient: Félicité lui rappelait Béatrix. Ce fut donc à Camille que ces deux femmes désolées durent le seul mouvement de joie qui brilla au milieu de leur deuil.
– Eh! bien, Calyste, dit mademoiselle des Touches en l'apercevant, la voiture est prête, nous allons chercher Béatrix ensemble, venez?
La figure maigre et pâle de ce jeune homme en deuil fut aussitôt nuancée par une rougeur, et un sourire anima ses traits.
– Nous le sauverons, dit mademoiselle des Touches à la mère qui lui serra la main et pleura de joie.
Mademoiselle des Touches, la baronne du Guénic et Calyste partirent pour Paris huit jours après la mort du baron, laissant le soin des affaires à la vieille Zéphirine.
La tendresse de Félicité pour Calyste avait préparé le plus bel avenir à ce pauvre enfant. Alliée à la famille de Grandlieu, où se trouvaient deux charmantes filles à marier, les deux plus ravissantes fleurs du faubourg Saint-Germain, elle avait écrit à la duchesse de Grandlieu l'histoire de Calyste, en lui annonçant qu'elle vendait sa maison de la rue du Mont-Blanc, de laquelle quelques spéculateurs offraient deux millions cinq cent mille francs. Son homme d'affaires venait de lui remplacer cette habitation par l'un des plus beaux hôtels de la rue de Grenelle, acheté sept cent mille francs. Sur le reste du prix de sa maison de la rue du Mont-Blanc, elle consacrait un million au rachat des terres de la maison du Guénic, et disposait de toute sa fortune en faveur de celle des deux demoiselles de Grandlieu qui guérirait Calyste de sa passion pour madame de Rochegude.
Pendant le voyage, Félicité mit la baronne au fait de ces arrangements. On meublait alors l'hôtel de la rue de Grenelle, qu'elle destinait à Calyste au cas où ses projets réussiraient. Tous trois descendirent alors à l'hôtel de Grandlieu, où la baronne fut reçue avec toute la distinction que lui méritait son nom de femme et de fille. Mademoiselle des Touches conseilla naturellement à Calyste de voir Paris pendant qu'elle y chercherait à savoir où se trouvait en ce moment Béatrix, et elle le livra aux séductions de toute espèce qui l'y attendaient. La duchesse, ses deux filles et leurs amis firent à Calyste les honneurs de Paris au moment où la saison des fêtes allait commencer. Le mouvement de Paris donna de violentes distractions au jeune Breton. Il trouva dans Sabine de Grandlieu, qui certes était alors la plus belle et la plus charmante fille de la société parisienne, une vague ressemblance avec madame de Rochegude, et il prêta dès lors à ses coquetteries une attention que nulle autre femme n'aurait obtenue de lui. Sabine de Grandlieu joua d'autant mieux son rôle que Calyste lui plut infiniment, et les choses furent si bien menées que, pendant l'hiver de 1837, le jeune baron du Guénic, qui avait repris ses couleurs et sa fleur de jeunesse, entendit sans répugnance sa mère lui rappeler la promesse faite à son père mourant, et parler de son mariage avec Sabine de Grandlieu. Mais, tout en obéissant à sa promesse, il cachait une indifférence secrète que connaissait la baronne, et qu'elle espérait voir se dissiper par les plaisirs d'un heureux ménage.
Le jour où la famille de Grandlieu et la baronne accompagnée en cette circonstance de ses parents venus d'Angleterre, siégeaient dans le grand salon à l'hôtel de Grandlieu, et que Léopold Hannequin, le notaire de la famille, expliquait le contrat avant de le lire, Calyste, sur le front de qui chacun pouvait voir quelques nuages, refusa nettement d'accepter les avantages que lui faisait mademoiselle des Touches; il comptait encore sur le dévouement de Félicité qu'il croyait à la recherche de Béatrix.
En ce moment, et au milieu de la stupéfaction des deux familles, Sabine entra, vêtue de manière à rappeler la marquise de Rochegude, et remit la lettre suivante à Calyste.
CAMILLE A CALYSTE
«Calyste, avant d'entrer dans ma cellule de novice, il m'est permis de jeter un regard sur le monde que je vais quitter pour m'élancer dans le monde de la prière. Ce regard est entièrement à vous, qui, dans ces derniers temps, avez été pour moi tout le monde. Ma voix arrivera, si mes calculs ne m'ont point trompée, au milieu d'une cérémonie à laquelle il m'était impossible d'assister. Le jour où vous serez devant un autel, donnant votre main à une jeune et charmante fille qui pourra vous aimer à la face du ciel et de la terre, moi je serai dans une maison religieuse à Nantes devant un autel aussi, mais fiancée pour toujours à celui qui ne trompe et ne trahit personne. Je ne viens pas vous attrister, mais vous prier de n'entraver par aucune fausse délicatesse le bien que j'ai voulu vous faire dès que je vous vis. Ne me contestez pas des droits si chèrement conquis. Si l'amour est une souffrance, ah! je vous ai bien aimé, Calyste; mais n'ayez aucun remords: les seuls plaisirs que j'aie goûtés dans ma vie, je vous les dois, et les douleurs sont venues de moi-même. Récompensez-moi donc de toutes ces douleurs passées en me donnant une joie éternelle. Permettez au pauvre Camille, qui n'est plus, d'être pour un peu dans le bonheur matériel dont vous jouirez tous les jours. Laissez-moi, cher, être quelque chose comme un parfum dans les fleurs de votre vie, m'y mêler à jamais sans vous être importune. Je vous devrai sans doute le bonheur de la vie éternelle, ne voulez-vous pas que je m'acquitte envers vous par le don de quelques biens fragiles et passagers? Manquerez-vous de générosité? Ne voyez-vous pas en ceci le dernier mensonge d'un amour dédaigné? Calyste, le monde sans vous n'était plus rien pour moi, vous m'en avez fait la plus affreuse des solitudes, et vous avez amené l'incrédule Camille Maupin, l'auteur de livres et de pièces que je vais solennellement désavouer, vous avez jeté cette fille audacieuse et perverse, pieds et poings liés, devant Dieu. Je suis aujourd'hui ce que j'aurais dû être, un enfant plein d'innocence. Oui, j'ai lavé ma robe dans les pleurs du repentir, et je puis arriver aux autels présentée par un ange, par mon bien-aimé Calyste! Avec quelle douceur je vous donne ce nom que ma résolution a sanctifié! Je vous aime sans aucun intérêt propre, comme une mère aime son fils, comme l'Église aime un enfant. Je pourrai prier pour vous et pour les vôtres sans y mêler aucun autre désir que celui de votre bonheur. Si vous connaissiez la tranquillité sublime dans laquelle je vis, après m'être élevée par la pensée au-dessus des petits intérêts mondains, et combien est douce la pensée d'avoir fait son devoir, selon votre noble devise, vous entreriez d'un pas ferme et sans regarder en arrière, ni autour de vous, dans votre belle vie! Je vous écris donc surtout pour vous prier d'être fidèle à vous-même et aux vôtres. Cher, la société dans laquelle vous devez vivre ne saurait exister sans la religion du devoir, et vous la méconnaîtriez, comme je l'ai méconnue, en vous laissant aller à la passion, à la fantaisie, ainsi que je l'ai fait. La femme n'est égale à l'homme qu'en faisant de sa vie une continuelle offrande, comme celle de l'homme est une perpétuelle action. Or ma vie a été comme un long accès d'égoïsme. Aussi, peut-être, Dieu vous a-t-il mis, vers le soir, à la porte de ma maison comme un messager chargé de ma punition et de ma grâce. Écoutez cet aveu d'une femme pour qui la gloire a été comme un phare dont la lueur lui a montré le vrai chemin. Soyez grand, immolez votre fantaisie à vos devoirs de chef, d'époux et de père! Relevez la bannière abattue des vieux du Guénic, montrez dans ce siècle sans religion ni principe le gentilhomme dans toute sa gloire et dans toute sa splendeur. Cher enfant de mon âme, laissez-moi jouer un peu le rôle d'une mère: l'adorable Fanny ne sera plus jalouse d'une fille morte au monde, et de qui vous n'apercevrez plus que les mains toujours levées au ciel. Aujourd'hui la noblesse a plus que jamais besoin de la fortune; acceptez donc une partie de la mienne, Calyste, et faites-en un bel usage, car ce n'est pas un don, mais un fidéicommis. J'ai pensé plus à vos enfants et à votre vieille maison bretonne qu'à vous-même en vous offrant les gains que le temps m'a procurés sur la valeur de ma maison à Paris.»
– Signons, dit le jeune baron.