Kitabı oku: «La Cible Zéro», sayfa 4

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CHAPITRE TROIS

“Comment vous sentez-vous ce soir, Monsieur ?” demanda poliment l’infirmière de nuit en entrant dans sa chambre d’hôpital. Il savait qu’elle s’appelait Elena et qu’elle était Suisse, même si elle lui parlait anglais avec un accent. Elle était petite, jeune, jolie même, et plutôt gaie comme personne.

Rais ne répondit rien. Il ne répondait jamais. Il se contenta de l’observer, alors qu’elle posait un gobelet en polystyrène sur sa table de chevet. Puis, elle se mis à inspecter soigneusement ses blessures. Il savait bien que sa gaité servait à donner le change pour ne pas montrer qu’elle avait peur. Il savait bien qu’elle n’aimait pas se retrouver seule avec lui, malgré les gardes armés derrière elle, observant chacun de ses mouvements. Elle n’aimait pas le soigner, ni même lui parler.

Personne n’en avait envie.

Pourtant, l’infirmière Elena inspecta soigneusement ses blessures. Il pouvait sentir sa nervosité d’être si près de lui. Ils savaient tous ce qu’il avait fait : tuer au nom d’Amon.

Ils auraient encore plus peur s’ils savaient combien de personnes, songea-t-il avec ironie.

“Vous guérissez bien,” lui dit-elle. “Plus vite que prévu.” Elle lui disait ça chaque soir, ce qu’il décodait comme “j’espère que vous partirez bientôt.”

Ce n’était pas une bonne nouvelle pour Rais, car quand il irait assez bien pour quitter cet endroit, il serait conduit dans une geôle, un horrible trou sous terre, un site secret de la CIA, dans le désert, où il subirait de nouvelles blessures puisqu’ils le tortureraient afin d’obtenir des renseignements.

En tant qu’Amon, nous endurons. Cette phrase avait été son mantra pendant plus d’une décennie de sa vie, mais c’était fini tout ça. Autant que Rais le sache, Amon n’était plus rien depuis l’attentat déjoué à Davos. Ses leaders avaient été capturés ou tués et chaque force de police du monde entier connaissait la marque, le glyphe d’Amon que ses membres brûlaient au fer rouge sur leur peau. Rais n’avait pas le droit de regarder la télévision, mais il apprenait les nouvelles par ses gardes armés qui parlaient beaucoup (et très longtemps, souvent au grand dam de Rais).

Il avait lui-même arraché la marque de sa peau en la découpant avant d’être amené à l’hôpital de Sion, mais ça n’avait servi à rien. Ils savaient qui il était et ce qu’il avait fait, du moins en partie. Quand bien même, la cicatrice rose irrégulière et marbrée, là où il portait auparavant la marque sur son bras, était là pour lui rappeler quotidiennement qu’Amon n’existait plus. Donc il lui paraissait tout à fait logique que son mantra change.

J’endure.

Elena prit le gobelet en polystyrène, le remplit d’eau fraîche et ajouta une paille. “Vous voulez boire un peu ?”

Rais ne répondit pas, mais il se pencha légèrement en avant et entrouvrit les lèvres. Elle guida précautionneusement la paille vers lui, les deux bras tendus, coudes serrés, son corps penché en arrière dans un angle bizarre. Elle avait peur. Quatre jours plus tôt, Rais avait essayé de mordre le Dr. Gerber. Ses dents avaient juste éraflé le cou du médecin, pas même entaillé la peau, mais ça lui avait quand même valu de prendre un coup à la mâchoire de la part de l’un de ses gardes.

Rais ne tenta rien cette fois. Il prit de longues et lentes gorgées à la paille, amusé par la peur de la fille et la tension angoissée des deux officiers de police qui observaient la scène, derrière elle. Quand il eut terminé, il se pencha de nouveau en arrière. Elle poussa un audible soupir de soulagement.

J’endure.

Il avait enduré pas mal de choses ces quatre dernières semaines. Il avait subi une néphrectomie pour retirer son rein perforé. Il avait enduré une seconde chirurgie pour extraire une portion de son foie lacéré. Et il avait subi une troisième procédure visant à s’assurer qu’aucun autre de ses organes vitaux n’étaient endommagés. Il avait passé plusieurs jours en soins intensifs, avant de se retrouver dans une unité médico-chirurgicale, mais il n’avait jamais quitté le lit auquel il était attaché par les deux poignets. Les infirmiers le retournaient, changeaient son bassin hygiénique et essayaient de lui apporter autant de confort que possible, mais il n’était jamais autorisé à s’asseoir, se lever ou se déplacer de son plein gré.

Les sept blessures par coups de couteau dans son dos, ainsi que celle dans sa poitrine, avaient été suturées et, comme l’infirmière de nuit Elena le lui rappelait continuellement, elles guérissaient bien. Toutefois, les médecins ne pouvaient pas faire grand-chose pour ses nerfs endommagés. Parfois, son dos entier s’engourdissait jusqu’aux épaules, voire même jusqu’aux biceps par moments. Il ne sentait plus rien, comme si ces parties de son corps appartenaient à quelqu’un d’autre.

À d’autres moments, il se réveillait d’un sommeil de plomb avec un hurlement dans la gorge, alors qu’une douleur brûlante s’emparait de lui comme un orage colérique. Ça ne durait jamais très longtemps, mais c’était vif, intense et de survenance irrégulière. Les médecins appelaient ça des “aiguillons,” un effet secondaire parfois observé chez les personnes ayant eu des dommages nerveux aussi étendus que les siens. Ils lui avaient assuré que ces aiguillons s’estompent souvent et cessent entièrement de se manifester, mais ils ne pouvaient pas lui dire quand ce serait le cas. Au lieu de ça, ils lui avaient dit qu’il avait de la chance que sa moelle épinière n’ait pas été endommagée. Ils lui avaient d’ailleurs dit qu’il avait de la chance tout court d’avoir survécu à ses blessures.

C’est ça, de la chance, avait-il amèrement pensé. Chanceux de guérir uniquement pour tomber aux mains impatientes de la CIA dans un site secret. Chanceux que tout ce pourquoi il avait œuvré ait été réduit en pièces en un seul jour. Chanceux d’avoir été battu non pas une, mais deux fois par Kent Steele, un homme qu’il haïssait et abhorrait de toutes les fibres possibles de son être.

J’endure.

Avant de quitter la pièce, Elena remercia en allemand les deux officiers et promit de leur apporter du café quand elle repasserait plus tard. Une fois partie, ils retournèrent à leur poste, juste derrière la porte qui restait toujours ouverte, et ils reprirent leur conversation à propos d’un récent match de football. Rais maîtrisait plutôt bien l’allemand, mais les particularités du dialecte suisse-allemand et la vitesse à laquelle ils parlaient ne lui permettaient pas de comprendre par moments. Toutefois, les officiers de l’équipe de jour parlaient souvent en anglais, grâce à quoi il avait appris la plupart des nouvelles sur ce qui se passait en-dehors de sa chambre d’hôpital.

Les deux hommes faisaient partie de la Police Fédérale Suisse qui avait imposé qu’il y ait en permanence deux grades devant sa porte, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils faisaient des rotations toutes les huit heures, avec des gardes totalement différents le vendredi et le week-end. Ils étaient toujours deux. Toujours. Si un des officiers devait aller aux toilettes ou chercher quelque chose à manger, ils devaient d’abord appeler un membre de la sécurité de l’hôpital et attendre qu’il arrive. La plupart des patients dans son état et son avancement de guérison auraient certainement été transféré dans une maison de repos de moindre niveau, mais Rais était resté à l’hôpital. C’était un bâtiment mieux sécurisé avec ses unités fermées et ses gardes armés.

Ils étaient toujours deux. Toujours. Et Rais avait fini par se dire qu’il pourrait en tirer avantage.

Il avait eu beaucoup de temps pour préparer son évasion, en particulier ces derniers jours, car le niveau de ses médicaments avait diminué et il pouvait donc réfléchir de façon tout à fait lucide. Il avait passé en revue plusieurs scénarios dans sa tête, encore et encore. Il avait mémorisé les plannings et écouté les conversations. Il ne faudrait pas longtemps avant qu’ils se débarrassent de lui, quelques jours tout au plus.

Il devait agir et il avait décidé de le faire cette nuit.

Ses gardes étaient devenus complaisants au fil des semaines à rester postés devant sa porte. Ils l’appelaient le “terroriste” et savaient qu’il était un meurtrier mais, en dehors de l’incident mineur avec le Dr. Gerber quelques jours plus tôt, Rais n’avait rien fait d’autre que rester allongé en silence, immobile la plupart du temps, permettant aux équipes d’effectuer leur tâche sans encombre. Si personne ne se trouvait avec lui dans sa chambre, les gardes faisaient à peine attention à lui et ne lui jetaient qu’un bref coup d’œil de temps à autre.

Il n’avait pas essayé de mordre le médecin par dépit ou par malice, mais par nécessité. Gerber s’était penché pour lui afin d’inspecter la blessure sur son bras, là où il avait découpé la marque d’Amon, et la poche de la blouse blanche du médecin avait effleuré les doigts de la main enchaînée de Rais. Il s’était précipité, claquant des mâchoires, et le docteur avait fait un bond en arrière, effrayé, alors que les dents éraflaient son cou.

Et un stylo-plume était resté fermement accroché dans le poing de Rais.

L’un des officiers de garde lui avait donné une belle claque sur le visage à cause de ça et, au moment où il avait reçu le coup, Rais avait fait glisser le stylo sous ses draps, juste en-dessous de sa cuisse gauche. Il y était resté trois jours, caché sous les draps, jusqu’à la nuit précédente. Il l’avait ressorti pendant que les gardes discutaient dans le couloir. D’une main, incapable de voir ce qu’il était en train de faire, il avait séparé les deux moitiés du stylo et retiré la cartouche, agissant lentement et sans secousses pour ne pas renverser l’encre. Le stylo était de style classique avec une plume dorée qui pouvait s’avérer être un outil dangereux. Il glissa cette partie sous les draps. L’autre partie possédait une pointe pour percer la cartouche qu’il repoussa en arrière avec son pouce jusqu’à ce qu’il se détache.

L’attache de son poignet gauche lui laissait un peu moins de trente centimètres de mobilité pour son bras, mais s’il tendait la main au maximum, il pouvait atteindre les premiers centimètres de sa table de chevet. Son plateau était simple, avec un panneau lisse en contreplaqué, mais le dessous était rugueux comme du papier de verre. La nuit précédente, pendant quatre heures éprouvantes et fatigantes, Rais avait doucement frotté la pointe sous le dessous de la table en faisant bien attention à ne pas faire trop de bruit. À chaque mouvement, il avait peur que la pointe lui glisse des doigts ou que les gardes remarquent un mouvement, mais sa chambre était sombre et ils avaient une conversation animée. Il travailla sans relâche pour aiguiser la pointe jusqu’à ce qu’elle soit comme une aiguille. Puis, il la fit également disparaître sous les draps, à côté de la plume du stylo.

Il avait appris par des bribes de conversation qu’il y aurait trois infirmiers de nuit ce soir-là dans l’unité médico-chirurgicale, Elena incluse, ainsi que deux autres suppléants si besoin. Eux, plus ses gardes, signifiait qu’il aurait au moins cinq personnes à gérer, voire sept au maximum.

Personne, dans l’équipe médicale, n’aimait trop s’occuper de lui, sachant ce qu’il était. Aussi, ils venaient s’assurer que tout allait bien assez rarement. À présent qu’Elena était passée et repartie, Rais savait qu’il avait à peu près soixante à quatre-vingt-dix minutes devant lui avant qu’elle ne revienne.

Son bras gauche était maintenu avec une sangle d’hôpital standard, que les professionnels appelaient parfois sangle “quatre points.” Il s’agissait d’un brassard bleu clair autour de son poignet avec une sangle en nylon blanche autour, l’autre bout étant fermement attaché à la barre en acier de son lit. À cause de la sévérité de ses crimes, son poignet droit était menotté.

À l’extérieur, les deux gardes discutaient en allemand. Rais écoutait attentivement. Celui de gauche, Luca, semblait se plaindre que sa femme prenne du poids. Rais eut presque envie de rire : Luca était loin d’être mince lui-même. L’autre, qui s’appelait Elias, était plus jeune et musclé, mais il buvait du café à des doses qui paraissaient mortelles pour le commun des mortels. Chaque nuit, au bout de quatre-vingt-dix minutes à deux heures après le début de leur garde, Elias appelait le garde de nuit pour pouvoir aller se soulager. Pendant qu’il y était, Elias sortait dehors fumer une cigarette, donc cette pause pipi signifiait qu’il était généralement absent entre huit et onze minutes. Rais avait passé ces dernières nuits à compter en silence les secondes des absences d’Elias.

Il avait une fenêtre de tir très étroite, mais il s’y était préparé.

Il chercha la pointe acérée sous ses draps et la prit du bout des doigts de sa main gauche. Puis, avec précaution, il la jeta en arc de cercle par-dessus son corps, de sorte qu’elle atterrit habilement dans la paume de sa main droite.

Maintenant, venait la partie la plus compliquée de son plan. Il tira sur son poignet afin que la chaîne des menottes soit tendue et, pendant qu’il le maintenait ainsi, il tourna sa main et travailla avec la pointe aiguisée sur le trou de la serrure des menottes autour de la barre de lit. C’était difficile et hasardeux, mais il s’était déjà défait de menottes ainsi par le passé. Il savait que le mécanisme de verrouillage à l’intérieur était conçu pour qu’une clé universelle puisse ouvrir presque n’importe quelle paire. Il savait également que le fonctionnement interne d’un verrou impliquait seulement de faire les bons ajustements pour déclencher les broches à l’intérieur. Il devait surtout bien faire attention à garder le poignet tendu pour empêcher les menottes de claquer contre la barre métallique et d’alerter ses gardes.

Il lui fallut près de vingt minutes à tordre et à tourner, en faisant de petites pauses pour soulager ses doigts douloureux, mais il finit par faire sauter le verrou et la menotte s’ouvrit. Rais la décrocha lentement du montant du lit.

Une main de libre.

Il se pencha et défit à la hâte l’attache du côté gauche.

Deux mains de libre.

Il remit la pointe sous les draps et en sortit l’autre partie du stylo, la tenant dans sa paume de sorte que seul le bout pointu de la plume dépasse.

Devant sa porte, le jeune officier se leva soudainement. Rais retint sa respiration et fit semblant de dormir, alors qu’Elias jetait un coup d’œil dans sa chambre.

“Tu veux bien appeler Francis ?” dit Elias en allemand. “Il faut que j’aille pisser.”

“Pas de souci,” répondit Luca en bâillant. Il appela par radio le garde de nuit de l’hôpital, généralement posté derrière le bureau d’accueil du premier étage. Rais avait vu Francis un paquet de fois C’était un homme âgé, pas loin de la soixantaine, peut-être plus, à la carrure fine. Il portait une arme, mais ses mouvements étaient lents.

C’était pile ce que Rais avait espéré. Il ne voulait pas devoir affronter le jeune officier de police à ce stade inachevé de sa guérison.

Trois minutes plus tard, Francis apparut dans son uniforme blanc avec cravate noire, et Elias se précipita aux toilettes. Les deux hommes devant la porte échangèrent des plaisanteries et Francis s’affala sur la chaise en plastique d’Elias avec un gros soupir.

C’était le moment d’agir.

Rais se glissa doucement au bas de son lit et posa ses pieds nus sur le carrelage froid. Il n’avait pas utilisé ses jambes depuis un bon moment, mais il était confiant : ses muscles n’avaient pas pu s’atrophier au point qu’il soit incapable de s’en servir.

Il se leva avec précaution, en silence… mais ses genoux cédèrent. Il agrippa le rebord du lit pour se soutenir et jeta un rapide coup d’œil vers la porte. Personne ne vint et les voix continuèrent à parler. Les deux hommes n’avaient rien entendu.

Rais debout, tremblant et haletant, fit quelques pas en silence. Ses jambes étaient faibles, bien sûr, mais il avait toujours trouvé la force quand c’était nécessaire. Et il se devait d’être fort maintenant. Sa blouse d’hôpital flottait autour de lui, ouverte dans le dos. Ce vêtement impudique ne faisant que l’entraver, il le retira brusquement, se retrouvant totalement nu dans sa chambre d’hôpital.

La plume du stylo en main, il prit position juste derrière la porte ouverte et émit un fort sifflement.

Les deux hommes l’avaient apparemment entendu, puisqu’il y eut soudainement un bruit de chaises qui raclent le sol, alors qu’ils se levaient de leurs sièges. La silhouette de Luca apparut dans l’encadrement de la porte, alors qu’il scrutait la pièce sombre.

“Mein Gott !” murmura-t-il en entrant en trombes, ayant constaté que le lit était vide.

Francis le suivit, une main sur l’étui de son arme.

Dès que le vieux garde eut passé le seuil, Rais bondit en avant. Il enfonça la plume du stylo dans la gorge de Luca et tourna, perçant ainsi la carotide. Le sang se mit à jaillir de la blessure ouverte, arrosant en partie le mur opposé.

Il lâcha le bout de stylo et se précipita sur Francis qui luttait pour libérer son arme. Déclipser, enlever de l’étui, retirer le cran de sûreté, viser… les réactions du vieux garde étaient lentes, ce qui lui coûta plusieurs secondes précieuses qu’il n’avait tout simplement pas le luxe de gaspiller.

Rais asséna deux coups, le premier vers le haut, juste en-dessous du nombril, immédiatement suivi du deuxième coup porté au plexus solaire. L’un força l’air à entrer dans les poumons, alors que le deuxième le força à sortir. Et l’effet choquant soudain sur un corps confus embrouillait généralement la vision et menait parfois même à une perte de connaissance.

Francis chancela, incapable de respirer, puis tomba à genoux. Rais pivota derrière lui et, d’un seul mouvement précis, brisa le cou du garde.

Luca agrippa sa gorge à deux mais alors qu’il saignait, des gargouillis et de légers hoquets s’échappant de sa gorge. Rais l’observa et compta onze secondes, le temps nécessaire pour que l’homme perde connaissance Sans personne pour arrêter le flot de sang, il serait mort d’ici moins d’une minute.

Il délesta rapidement les deux gardes de leurs armes et les posa sur le lit. La phase suivante de son plan n’allait pas être facile : il devrait se faufiler dans le couloir sans être vu et atteindre le placard à fournitures où il trouverait les vêtements de rechange de l’équipe médicale. Il ne pouvait pas vraiment quitter l’hôpital dans les vêtements reconnaissables de l’uniforme de Francis, ni dans ceux de Lucas, à présent trempés de sang.

Il entendit une voix masculine dans le couloir et s’immobilisa d’un coup.

C’était l’autre officier, Elias. Déjà ? L’anxiété gagna la poitrine de Rais. C’est alors qu’il entendit la deuxième voix, celle de l’infirmière de nuit, Elena. Apparemment, Elias avait abrégé sa pause cigarette pour discuter avec la jeune et jolie infirmière. Aussi, à présent, ils marchaient tous deux dans le couloir en direction de sa chambre. Ils seraient devant dans un instant.

Il aimait autant ne pas avoir à tuer Elena. Mais s’il devait choisir entre elle et lui, elle devrait mourir.

Rais attrapa l’une des armes sur le lit. C’était un Sig P220 tout noir, calibre .45. Il le prit dans sa main gauche. Le tenir était bienvenu et familier, comme un ancien amour. De la main droite, il attrapa la moitié ouverte des menottes. Puis, il attendit.

Les voix se turent dans le couloir.

“Luca ?” appela Elias. “Francis ?” Le jeune officier déclipsa la sangle de son étui et posa la main sur son pistolet en entrant dans la chambre sombre. Elena se glissa derrière lui.

Les yeux d’Elias s’écarquillèrent d’horreur à la vue des deux hommes morts.

Rais enfonça le crochet des menottes ouvertes sur le côté du cou de l’homme, puis tira son bras vers l’arrière. Le métal lui arrachait le poignet et ses blessures au dos irradiaient, mais il ignora la douleur en déchirant la gorge du jeune homme. Une grosse quantité de sang s’écoula et courut le long du bras de l’assassin.

De la main gauche, il appuya le Sig contre le front d’Elena.

“Ne crie pas,” dit-il rapidement à voix basse. “Ne pleure pas. Garde le silence et reste en vie. Fais un seul bruit et tu mourras. C’est compris ?”

Un léger couinement s’échappa des lèvres d’Elena, alors qu’elle tentait d’étouffer le sanglot qui la soulevait. Elle acquiesça, même si les larmes emplissaient ses yeux. Même si Elias était tombé en avant, à plat, le visage contre le sol carrelé.

Il la détailla de haut en bas. Elle était petite, mais ses vêtements de travail étaient assez amples et il y avait une bande élastique à la taille. “Déshabille-toi,” ordonna-t-il.

La bouche d’Elena s’ouvrit grand de terreur.

Rais prit un air moqueur. Il pouvait comprendre sa confusion : après tout, il était encore totalement nu. “Je ne suis pas ce type de monstre,” lui assura-t-il. “J’ai besoin de vêtements et je ne le répèterai pas deux fois.”

En tremblant, la jeune femme fit passer sa blouse au-dessus de ses épaules, puis retira son pantalon par-dessus ses sneakers blancs, alors qu’elle se tenait debout devant la mare du sang d’Elias.

Rais prit les vêtements et les enfila un peu bizarrement, d’une seule main, visant toujours la fille de l’autre avec le Sig. Les habits étaient serrés et le pantalon un peu court, mais ça ferait l’affaire. Il fourra le pistolet à l’arrière du pantalon et récupéra l’autre sur le lit.

Elena se tenait toujours debout, en sous-vêtements, bras repliés contre elle. Rais le remarqua et lui tendit sa blouse d’hôpital. “Couvre-toi et mets-toi dans le lit.” Pendant qu’elle s’exécutait, il trouva un trousseau de clés à la ceinture de Luca, ce qui lui permit de déverrouiller l’autre bout de ses menottes. Ensuite, il fit passer la chaîne autour de l’une des barres en acier et menotta les mains d’Elena.

Il posa les clés le plus loin possible sur la table de chevet, hors de son atteinte. “Quelqu’un viendra te libérer une fois que je serai parti,” lui dit-il. “Mais, d’abord, j’ai quelques questions. Il faut que tu sois honnête avec moi car, si ce n’est pas le cas, je reviendrai et je te tuerai. Tu comprends ?”

Elle acquiesça frénétiquement, des larmes coulant sur ses joues.

“Il y a combien d’autres infirmiers dans ce service cette nuit ?”

“J-je vous en prie, ne leur faites pas de mal,” bégaya-t-elle.

“Elena. Il y a combien d’autres infirmiers dans ce service cette nuit ?” répéta-t-il.

“D-deux…” Elle renifla. “Thomas et Mia. Mais Tom est en pause. Il doit être en bas.”

“OK.” Le badge avec son nom accroché à sa poitrine faisait à peu près la taille d’une carte de crédit. Il y avait une petite photo d’Elena et, de l’autre côté, une bande noire qui courait sur toute la longueur. “Ce service est verrouillé la nuit ? Et ton badge, c’est la clé ?”

Elle acquiesça et renifla de nouveau.

“Bien.” Il fourra la deuxième arme dans la bande élastique à la taille du pantalon, puis il s’agenouilla près du corps d’Elias. Ensuite, il retira ses deux chaussures pour les mettre à ses propres pieds Elles étaient un peu trop serrées, mais c’était supportable, le temps de s’échapper. “Une dernière question. Tu sais ce que Francis conduit ? Le garde de nuit ?” Il désigna du doigt l’homme mort en uniforme blanc.

“Je-je ne suis pas sûre. Un… un camion, je crois.”

Rais fouilla dans les poches de Francis et trouva un jeu de clés. Il y avait un boîtier électronique qui allait lui permettre de localiser le véhicule. “Merci pour ton honnêteté,” dit-il. Puis, il déchira une grosse bande de tissu sur le rebord du drap de lit et la fourra dans sa bouche pour l’empêcher de crier.

Le couloir était vide et vivement éclairé. Rais garda une main sur le Sig, mais le laissa caché dans son dos, alors qu’il se faufilait le long du couloir. Il ouvrait sur un palier plus large, avec le bureau des infirmiers en forme de U et, au-delà, la porte de sortie de cette unité. Une femme brune à lunettes rondes lui tournait le dos, en train de taper sur un ordinateur.

“Retourne-toi, s’il te plaît,” lui dit-il.

Étonnée, la femme pivota et découvrit leur patient/prisonnier en uniforme d’infirmier, un bras ensanglanté, pointant une arme sur elle. Elle en eut le souffle coupé et écarquilla les yeux.

“Tu dois être Mia,” dit Rais. La femme avait la quarantaine, certainement l’infirmière en chef, avec de gros cernes noirs sous ses grands yeux. “Haut les mains.”

Elle obéit.

“Qu’est-il arrivé à Francis ?” demanda-t-elle doucement.

“Francis est mort,” lui répondit Rais sans aucune émotion. “Si tu veux le rejoindre, fais quelque chose de téméraire. Si tu veux vivre, écoute-moi attentivement. Je vais sortir par cette porte. Une fois qu’elle se refermera derrière moi, tu compteras lentement jusqu’à trente. Ensuite, tu iras dans ma chambre. Elena est vivante, mais elle a besoin de ton aide. Enfin, tu pourras agir comme on t’a formée à le faire dans une telle situation. C’est bien compris ?”

L’infirmière acquiesça vivement d’un signe de tête.

“Est-ce que j’ai ta parole que tu vas suivre ces instructions ? Je préfère ne pas tuer de femmes quand je peux l’éviter.”

Elle acquiesça de nouveau, plus lentement cette fois.

“Bien.” Il fit le tour du bureau, saisit le badge de sa blouse en même temps et le passa dans la fente de cartes à droite de la porte. Un petit voyant passa du rouge au vert et le verrou émit un bruit. Rais poussa la porte, jeta un dernier coup d’œil à Mia, qui n’avait pas bougé, puis regarda la porte se refermer derrière lui.

Ensuite, il se mit à courir.

Il se dépêcha de quitter le couloir, fourrant le Sig dans son pantalon. Il descendit les marches quatre à quatre, se rua vers une porte latérale, et déboula dehors, dans la nuit suisse. L’air frais s’abattit sur lui comme une douche nettoyante, et il prit un moment pour respirer l’air de la liberté.

Ses jambes titubèrent et menacèrent de céder à nouveau. L’adrénaline de son évasion décroissait rapidement et ses muscles étaient encore très faibles. Il attrapa le boîtier de clés de Francis dans la poche du pantalon et appuya sur le bouton d’alerte rouge. L’alarme du SUV retentit et les phares s’allumèrent. Il se dépêcha de les éteindre et de ficher le camp.

Il savait qu’ils finiraient par rechercher ce véhicule, mais pas dans l’immédiat. Il devrait rapidement s’en débarrasser, trouver de nouveaux vêtements et, le matin venu, il se dirigerait vers Hauptpost, où il trouverait tout ce dont il avait besoin pour fuir de Suisse sous une fausse identité.

Puis, tant qu’il en était encore capable, il allait trouver et tuer Kent Steele.

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