Kitabı oku: «Tous Les Moyens Nécessaires», sayfa 19
Chapitre 50
1h43
Bureau du médecin légiste en chef – Washington DC
Ashwal Nadoori raccrocha le téléphone.
Il s'assit pensivement à son bureau pendant un instant. Un robuste homme noir était assis en face de lui dans une chaise roulante. La vue de cet homme, et le type d'homme qu'il était, rappelait de mauvais souvenirs à Ashwal.
“Est-ce qu'il t'a dit ce dont il a besoin?” demanda l'homme.
Ashwal hocha la tête. “Il veut un cadavre, si possible intact. Une femme près de la cinquantaine, avec des cheveux blonds. Quelqu'un qui avait l'air en bonne santé avant de mourir.”
“Et c'est quelque chose que tu peux faire?”
Ashwal haussa les épaules. “Cet endroit est vaste et nous y gardons beaucoup de corps. Je suis sûr qu'on devrait en trouver un qui correspond à la description.”
Il y eut une époque, dans une autre vie, où Ashwal avait été médecin. Ici en Amérique, ils ne reconnaissaient pas son éducation irakienne. Alors maintenant, il n'était qu'un assistant médical. Il travaillait dans cette morgue immense, traitait les corps, aidait durant les autopsies, bref faisait ce qu'on lui disait de faire. C'était un travail qui aurait pu être désagréable mais c'était paisible d'une certaine manière.
Les personnes ici étaient déjà mortes. Il n'y avait pas de lutte pour la vie. Il n'y avait pas de douleur, ni de peur de mourir. Le pire qui pouvait arriver était déjà arrivé. Aucun besoin d'essayer d'intervenir et aucun besoin de prétendre que ce n'était pas couru d'avance.
Ashwal sentait son estomac se retourner. Dérober un cadavre, c'était risquer son boulot. Et c'était un boulot respectable. Il vivait chichement et le boulot payait plus que ses factures. Il vivait dans une maison modeste avec ses deux filles. Ils ne manquaient de rien. Ce serait une honte terrible de perdre ce qu'ils avaient.
Mais il n'avait pas le choix. Ashwal était Bahá'í. C'était une foi magnifique, de paix, d'unité et de désir de connaître Dieu. Ashwal aimait sa religion. Il aimait tout à son sujet. Mais beaucoup de musulmans n'étaient pas de cet avis. Ils pensaient que c'était une apostasie. Ils pensaient que c'était une hérésie. Beaucoup pensaient que les adeptes devraient être punis de mort.
Quand il était enfant, sa famille avait fui l'Iran afin d'échapper à la persécution des Bahá'í dans ce pays. Ils se réfugièrent en Irak, qui était à l'époque l'ennemi mortel de l'Iran. L'Irak était géré par un fou, mais un fou qui laissait généralement les Bahá'í tranquilles. Ashwal devint un homme, bossa dur pendant ses études et devint médecin. Il jouit des fruits et des privilèges de cette vocation. Mais le fou fut renversé et soudain être Bahá'í devenait dangereux.
Une nuit, des extrémistes islamiques sont venus et ont pris sa femme. Peut-être que certains d'entre eux étaient d'anciens patients, ou même peut-être ses voisins. Ça n'avait pas d'importance. Il ne la revit jamais. Encore aujourd'hui, dix ans plus tard, il n'osait pas imaginer son visage ou prononcer son nom. Il pensait seulement “épouse,” et bloquait le reste. Il ne supportait de penser à elle.
Il ne supportait pas de penser que lorsqu'elle avait été enlevée, il n'y avait personne vers qui il aurait pu se tourner pour demander de l'aide. La société ne fonctionnait plus. Les pires tendances se déchaînaient. Les gens riaient ou regardaient ailleurs quand il marchait dans la rue.
Deux semaines plus tard, durant la nuit, un autre groupe d'hommes vint chez lui. Ils étaient une douzaine. Ils étaient différents, inconnus de lui. Ils portaient des cagoules noires. Ils les emmenèrent lui et ses filles dans le désert, à l'arrière d'un pick-up. Ils marchèrent dans le sable. Ils les forcèrent à se mettre à genoux au bord d'une tranchée. Ses filles pleuraient. Ashwal ne parvenait pas à pleurer. Il ne parvenait pas non plus à les réconforter. Il était trop engourdi. Dans un sens, il accueillait presque le soulagement que ça lui apporterait.
Soudain des coups de feu retentirent. Une arme automatique.
Au début, Ashwal pensa qu'il était mort. Mais ce n'était pas le cas. Un des hommes tirait sur les autres. Il les descendit tous. Ça prit moins de dix secondes. Le bruit était assourdissant. Quand ce fut terminé, trois des hommes étaient toujours vivants et rampaient, essayant de s'échapper. L'homme s'approcha calmement de chacun d'entre eux et leur tira une balle dans la nuque. Ashwal tressaillit à chaque coup de feu.
L'homme retira sa cagoule. Il portait la barbe remplie des moudjahidines. Sa peau était foncée par le soleil du désert. Mais ses cheveux était clairs, presque blonds, comme un occidental. Il s'approcha d'Ashwal et lui tendit la main.
“Lève-toi,” dit-il. Sa voix était ferme. Il n'y avait aucune compassion. C'était la voix d'un homme habitué à donner des ordres.
“Viens avec moi si tu veux vivre.”
L'homme s'appelait Luke Stone. C'était le même homme qui venait juste de lui donner l'ordre de dérober un cadavre. Il n'avait pas le choix. Ashwal ne demanda même pas pourquoi il en avait besoin. Luke Stone avait sauvé sa vie et celle de ses filles. Leurs vies étaient bien plus importantes qu'un boulot.
La dernière chose que Luke Stone lui avait dit au téléphone termina par le décider, s'il n'était pas déjà décidé.
“Ils ont pris ma famille,” dit-il.
Ashwal regarda l'homme noir assis dans la chaise roulante. “On devrait aller à l'arrière et voir ce qu'on peut trouver.”
Chapitre 51
1h50
Bowie, Maryland – Banlieue est de Washington DC
Un cortège de véhicules avait foncé dans la nuit pour arriver jusqu'ici.
Il y avait plus d'une douzaine de voitures, pour la plupart des jeeps et des berlines. Elles étaient toutes noires, sans aucune identification d'aucune sorte. Le dernier véhicule était une sorte de fourgon cellulaire, à disposition dans le cas peu probable qu'il y eut des prisonniers. Les véhicules se garèrent silencieusement, à deux pâtés de la maison. Le quartier était un cul-de-sac de banlieue. Il y avait un seul accès. Deux berlines se garèrent face à face en travers.
Entretemps, une équipe d'assaut de vingt hommes se dirigeait vers la maison.
Huit hommes s'approchaient par l'avant, et cinq autres de chaque côté. Deux hommes, les chefs d'équipe, restèrent à l'arrière, agenouillés derrière des voitures garées à distance. Ils allaient utiliser leur position comme point de vue et poste de commandement. Les hommes portaient tous des combinaisons en kevlar et des casques. Tous les casques étaient équipés de radios internes.
Les huit hommes traversaient silencieusement devant le double garage. L'homme de tête portait un bélier en acier d'une dizaine de kilos, qui devait abattre la porte d'entrée en un ou deux mouvements de balancier. Chaque homme tenait une grenade offensive neutralisante et portait un fusil. Le plan était d'abattre la porte, puis de lancer les grenades. Si l'équipe avait de la chance, les explosions et la lumière aveuglante handicaperaient les sujets ou les forceraient à sortir en courant de la maison où le reste de l'équipe d'assaut pourrait facilement les descendre.
Le troisième homme de la ligne, un jeune gars appelé Rafer, essuya la sueur qui lui coulait sur les yeux. Pour dire vrai, il était nerveux.
Il le ressentait dans ses intestins, cette sensation de mou comme avant un échange de coups de feu. Il salissait facilement ses pantalons. Il sourit. La diarhée était son porte-bonheur. Trois périodes de service en Irak et en Afghanistan et il n'avait jamais reçu plus d'une égratignure au combat.
Arrête. Fais attention.
Il ramena son esprit à l'instant présent. Les hommes étaient appuyés contre la porte du garage. Les marches d'entrée se trouvaient à trois mètres à droite. Il fallait que ça aille vite. Il se l'imagina mentalement. BOUM! La porte cèda et ils lancèrent leurs grenades. Il serait le deuxième à intervenir. Se replier, attendre les explosions puis s'élancer à l'intérieur.
Quelque part, tout près, il y eut un bruit.
C'était un bruit étouffé, mais on aurait dit le moteur d'une voiture. Et on aurait dit que ça venait directement de l'autre côté de cette porte de garage.
Le gars devant lui se retourna pour regarder Rafer. Ses yeux s'agrandirent. Ils se retournèrent tous les deux et regardèrent la porte.
* * *
Luke était assis à la place conducteur de la Suburban, à l'intérieur du garage fermé de Walter Brenna. Brenna était assis à côté de lui. À l'arrière, se trouvaient Susan Hopkins et Charles Berg. Brenna avait son M1 posé sur ses genoux. Chuk avait un beretta neuf millimètres. Susan n'avait rien. Luke était un peu comme le père à l'avant et ils étaient un peu comme sa petite famille.
Ses mains agrippèrent le volant. Le silence planait à l'intérieur de la berline. Dans le coin du garage, se trouvait un petit écran vidéo. Il montrait ce qui se passait à l'extérieur des portes du garage. Des hommes étaient là dehors, équipés comme une escouade du SWAT. Luke n'avait aucune idée de qui ils étaient, ni de ce qu'ils pensaient représenter.
Savaient-ils qu'il y avait eu un coup d'état? Savaient-ils que le vrai Président était ici à l'intérieur? Peut-être qu'ils pensaient être sur le point d'éliminer des terroristes.
Il secoua la tête. Ça n'avait pas d'importance. Ils étaient sur le point d'attaquer la maison et ça signifiait que c'était les mauvais.
“Ils ne s'attendent pas à ça,” dit-il tout bas. “Nous avons donc l'initiative mais ça ne durera pas.”
“Avez-vous l'intention de tuer ces hommes?” demanda Susan.
“Oui.”
Il tourna la clé dans le contact et le moteur se mit en route. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière maintenant.
Il enclencha la vitesse et inspira profondément.
“Prêts?”
“C'est une voiture vraiment lourde,” dit Brenna. “Il faut lui donner un bon coup.”
Luke écrasa la pédale d'accélérateur.
Les pneus crissèrent sur le sol en béton du garage et la Suburban partit en hurlant, passa à fond à travers la porte, la démolissant et la faisant voler en éclats. La berline jaillit dans la nuit. Ils cahotèrent en passant au-dessus de quelque chose, des morceaux de porte, des ralentisseurs, des hommes, Luke n'en savait rien et il s'en fichait.
À sa droite et à sa gauche, des hommes en noir couraient.
Il tourna à gauche, sans jamais lâcher l'accélérateur. Des hommes s'accroupirent et tirèrent, arrosant de balles le côté de la voiture.
DOUH-DOUH-DOUH-DOUH-DOUH…
Susan hurla.
“Susan!” dit Luke. “Baissez la tête, le plus bas possible sur les genoux de Chuck. On ne sait pas combien de temps ces vitres vont tenir le coup. Je ne veux pas que vous soyiez assise quand elles nous lâcheront.”
La berline prit de la vitesse. Luke sentait l'accélération.
Deux pâtés de maison plus loin, deux berlines sombres étaient garées nez à nez au milieu de la rue. Des hommes avaient pris position derrière elles. Luke vit l'éclair du canon de leurs fusils. Ils étaient déjà occupés à tirer.
“On va par où, Walter?”
“Tout droit. C'est la seule sortie.”
“Je pense que nous allons tout de suite savoir combien de temps ces vitres résistent aux balles.”
Luke écrasa la pédale d'accélérateur jusqu'au bout. Il vit comment les voitures garées se rapprochaient à toute allure. Toujours plus près. Une douzaine d'hommes en noir tiraient. Le pare-brise était mitraillé de balles.
Deux hommes s'allongèrent en travers du capot des berlines et continuaient à tirer.
“Allez, on y va!”
BOUM!
La Suburban heurta violemment entre les deux berlines, déchirant le métal. Elle se fraya un chemin entre elles, les faisant tourner et les envoyant au loin comme des jouets. Les deux tireurs furent aspirés en-dessous et écrasés.
La Suburban ralentit à peine.
Luke appuya à fond sur l'accélérateur. La voiture s'élança en prenant de la vitesse.
Des coups de feu s'écrasèrent sur le pare-brise arrière. Susan cria à nouveau, mais moins fort cette fois-ci. Puis ils se retrouvèrent hors de portée, avançant rapidement. Luke jeta un coup d'oeil dans le rétroviseur. Des hommes couraient et sautaient dans leurs véhicules.
“OK,” dit Luke. “Ça s'est plutôt bien passé. Où est l'entrée d'autoroute?”
“Tout droit devant,” dit Walter. “Sur la droite à un kilomètre.”
La voiture se déplaçait rapidement à travers la ville silencieuse. Luke ralentit à peine pour l'entrée d'autoroute, prenant durement le virage serré. Ils rejoignirent une autoroute à quatre bandes quasiment désertes, en direction de la ville à l'ouest.
La voiture continuait à prendre de la vitesse. Le compteur numérique indiquait cent-vingt, cent-quarante, cent-soixante. La voiture se ruait, la conduite s'adoucissait. Luke suivait les courbes de la route sans effort. Il intégrait la vitesse et l'euphorie. Il sourit pendant un instant. La Suburban avait fait sa percée avec succès.
Derrière eux, les premiers véhicules de poursuite apparurent. Luke voyait leurs phares dans le rétroviseur. Pourrait-il les semer avec cette voiture? Il ne pensait pas.
Il accéléra. Cent-quatre-vingts à l'heure maintenant.
Deux cents.
À l'intérieur de l'habitacle, c'était le silence. Personne n'acclamait. Pas de cris de guerre. Ils n'avaient encore rien gagné. Ils en étaient encore loin. Ils devaient tous l'avoir compris.
Devant eux, des voitures envoyaient des signaux et se mettaient sur le côté. Luke jeta un coup d'oeil dans le rétroviseur. Des lumières intermittentes rouges et bleues maintenant, arrivant à toute allure.
“On est sur le point d'avoir beaucoup de compagnie,” dit-il.
Derrière eux, les véhicules de poursuite se rapprochaient. Ils passèrent une bretelle d'entrée. Trois berlines noires supplémentaires fonçaient vers l'autoroute à côté d'eux. Deux cents mètres devant eux, deux autres avaient ralenti au point de quasiment s'arrêter. Leurs feux arrières de stop s'allumèrent dans l'obscurité.
“Stone!” dit Chuck Berg. “Ils veulent nous enfermer.”
“C'est ce que je vois.”
Susan releva la tête. “Qu'est-ce qu'il se passerait,” dit-elle, “si on abandonnait?”
“Ils nous tueraient,” dit Brenna.
“En est-on sûr? Je veux dire par là, c'est dingue. S'ils me voient ici, ils vont juste me descendre?”
Brenna haussa les épaules. “Vous voulez vraiment le découvrir?”
Tous les quelques kilomètres, ils passaient de petits renfoncements destinés à faire demi-tour, où les policiers se garaient généralement pour surveiller le trafic au radar, ou tout simplement pour repartir dans l'autre sens. Ils allaient en passer un dans un instant.
Une berline se mit au même niveau qu'eux sur le côté gauche. Un tireur se pencha à travers la fenêtre arrière.
“Baissez-vous!” cria Luke.
L'homme tira sur l'arrière de la Suburban et mitrailla le côté de balles. Susan hurla. La fenêtre arrière se fissura mais ne se brisa pas. Luke tourna violemment le volant à gauche. La voiture blindée heurta la berline noire et l'envoya dans la paroi latérale en béton. La voiture se déforma, ses pneus crissèrent et elle se retourna. La Suburban continua.
Luke se retourna pour la regarder. “Susan, je vous ai dit de vous baisser. Pas de temps en temps. Mais tout le temps. Ils s'en fichent de nous. C'est vous qu'ils visent. Je préférerais que vous ne leur montriez pas où vous vous trouvez.”
Ils étaient entourés de berlines maintenant. Trois devant, une sur le côté et deux derrière. Les trois devant eux ralentirent fortement. Il n'y avait pas moyen de les contourner. Leurs feux arrières passaient de clair à foncé, au fur et à mesure qu'ils freinaient. Luke regarda le compteur. Quatre-vingt-dix kilomètres à l'heure. Quatre-vingt. Soixante-dix. Soixante. Ils ralentissaient rapidement. Ils étaient piégés. Il n'y avait pas d'issue.
“Je suis sur le point de faire quelque chose de très mal vu,” dit Luke. “Je proposerais bien un vote mais je doute que quelqu'un vote avec moi.”
“C'est quoi?” dit Brenna.
Le prochain renfoncement s'approchait.
“Ça,” dit Luke, et il tourna à nouveau violemment le volant.
La grosse Suburban vira à travers le renfoncement, rebondit sur un morceau irrégulier de route et se retrouva sur les bandes de l'autre côté de l'autoroute, mais en contresens du trafic.
Des phares surgirent devant eux, beaucoup de phares.
“Mon Dieu!”
Luke se précipita droit vers les phares, la mâchoire durcie. Il appuya de nouveau sur l'accélérateur.
Ils s'enfoncèrent dans le trafic. Les voitures venant en sens inverse s'éparpillaient comme des feuilles.
Un semi-remorque passa sur leur gauche. La voiture entière trembla.
“Luke!” hurla Susan. “Arrêtez!”
La Suburban accéléra au sein du trafic. Les voitures déviaient de leur trajectoire. Les phares étaient presqu'aveuglants. Il n'avait pas le temps de jeter un œil derrière lui. Il avait les yeux fixés droit devant, les deux mains agrippant le volant, sa concentration au niveau ultime.
C'était un long tronçon, les voitures venaient en nombre. Luke s'enfonçait à travers le trafic comme un bateau brisant les flots. Il commença à ressentir une certaine confiance en lui, ce sentiment de bourdonnement que lui procurait la prise de Dexedrine. Il fallait qu'il fasse attention. Une confiance excessive pouvait tuer.
Les voitures filaient à côté d'eux, comme des missiles.
“Est-ce qu'ils nous ont suivi et ont pris le renfoncement?” demanda Luke.
Brenna regarda en arrière.
“Non. Personne n'est assez fou.”
“Tant mieux.”
Luke vira vers la gauche et quitta à toute allure l'autoroute à la bretelle d'entrée suivante.
Chapitre 52
2h21
Bureau du médecin légiste en chef – Washington DC
Luke repéra Ed Newsam appuyé contre le mur de l'édifice, tenant son fusil M4 dans les bras.
L'édifice faisait quatre étages de haut et comportait une entrée en verre. Il était situé juste à l'extérieur de la zone évacuée à risque de radiations d'un kilomètre autour de la Maison Blanche. Les rues étaient entièrement désertes. Il semblerait que la plupart des gens aient pensé qu'un kilomètre, ce n'était pas assez loin.
Luke laissa la voiture rouler jusqu'à s'arrêter sur le trottoir devant l'édifice.
“Et maintenant?” dit Susan.
“Maintenant, vous sortez. Vous restez avec Ed, Chuck et Walter à l'intérieur de ce bâtiment. Peu importe ce qui arrive, ou qui se présente, vous restez avec eux. Restez aussi près que possible d'Ed. Chuck et Walter sont très bons mais Ed, c'est une machine à tuer. OK?”
“OK.”
“Faisons ça rapidement.”
Luke sortit de la voiture. De la fumée sortait du radiateur. Toutes les portes étaient criblées de balles. Trois des quatre pneus étaient déchiquetés. Mais au final, la voiture avait exceptionnellement bien tenu le coup. Luke devait s'en procurer une dans le genre.
“Ça a chauffé, hein?” dit Ed.
Luke sourit. “Tu aurais dû être là.”
Derrière lui, les passagers sortaient de la voiture.
“Ed, tu te rappelles de la Présidente, n'est-ce pas?”
“Bien sûr.”
Ed ouvrit la porte de l'édifice. Il avait très peu de force et il dut utiliser le poids de son corps pour le faire. Ils entrèrent dans le vestibule principal. Ashwal se tenait là avec une chaise roulante. C'était un homme foncé, dégarni, avec des lunettes. Ça faisait des années que Luke ne l'avait plus vu. Attachée droite dans le fauteuil roulant, se trouvait une femme morte avec une coupe au carré blonde. Elle portait un sweat blanc printanier et un pantalon. Sa peau était grise et détendue mais sinon on aurait pu penser qu'elle était juste endormie.
“Ashwal,” dit Luke.
L'homme le fixa du regard. “Luke.”
Luke fit un geste vers Susan avec ses deux mains. “Ashwal, voici Susan Hopkins, la Présidente des États-Unis. Elle est blessée. J'aimerais que tu inspectes ses blessures et que tu la soignes avec ce que tu as sous la main. On ne peut pas l'amener à l'hôpital. Des gens essaient de la tuer.”
Ashwal fixa Susan des yeux. Quelque chose apparut lentement dans son regard.
“Je ne suis plus médecin.”
“Tu l'es ce soir.”
Ashwal hocha la tête, le visage grave. “OK.”
Susan fixait le cadavre du regard.
“C'est supposé être moi?” demanda-t-elle.
“Oui.”
“Et qu'est-ce que vous allez faire avec elle?”
Luke haussa les épaules. “Je vais la tuer.”
Chapitre 53
2h30
Rues de Washington DC
Ils recherchaient probablement cette voiture. Le plus facile serait de les aider à la retrouver.
Luke était seul maintenant dans la Suburban. Il avait le fusil M1 Garand de Brenna avec lui sur le siège avant. Il était chargé avec un magasin à huit coups de cartouches perforantes incendiaires .30-06. Dix magasins supplémentaires se trouvaient au sol devant le siège.
Sur le siège arrière, le cadavre était assis là où Susan s'était trouvée. La ceinture de sécurité maintenait le corps droit. Sa tête s'agitait et bougeait avec les mouvements de la voiture.
Luke roulait doucement à travers les rues désertes près de l'esplanade nationale et du Capitole. Il était à la limite de la zone de confinement de radiation. Quelque part dans le coin, les flics de Washington devaient avoir bloqué les rues.
Là, lumières intermittentes, en bas d'une rue secondaire à sa droite. Il passa l'intersection puis se rangea sur le côté. Pas de voitures et personne nulle part.
C'était bien, les flics. C'était un début. Mais ce que Luke voulait, c'était les mauvais. Les flics n'avaient aucune idée de ce qui se passait. Cette voiture serait insignifiante pour eux. Il resta assis pendant une minute à réfléchir. Était-il possible qu'il les ait si bien perdus là bas sur l'autoroute qu'ils n'aient aucune idée d'où il se trouvait? Il ne pensait pas que ce soit le cas.
Il avait toujours son téléphone portable sur lui. Il savait que c'était stupide de le garder mais il espérait toujours recevoir un appel ou un message de Becca. Il sortit le téléphone et regarda sa lueur étrange dans l'obscurité.
“Oh, et puis merde,” dit-il. Il composa son numéro.
Son téléphone était éteint. Il ne sonna même pas.
“Bonjour, c'est Becca. Je ne peux pas répondre à votre…”
Il raccrocha. Il resta assis silencieusement pendant quelques instants, essayant de ne penser à rien. Peut-être qu'ils le trouveraient, ou peut-être pas. Si ce n'était pas le cas, il allait devoir les trouver, lui. Il ferma les yeux et respira profondément. Il s'enfonça dans le siège conducteur pendant un instant.
Progressivement, il commença à prendre conscience d'un son. C'était le grondement sourd d'un grand hélicoptère. Il ne s'alarma pas pour autant. Il pouvait y avoir des milliers de raisons pour lesquelles un hélicoptère, même de type militaire, soit dans le ciel au-dessus de Washington aujourd'hui. Il se rassit et regarda à travers le pare-brise. Il avait une vue dégagé sur le large boulevard en face de lui.
L'hélico s'approchait droit devant. Il volait bas et lentement. En quelques secondes, sa forme lui rappela quelque chose de familier.
Ça ne pouvait pas être ce qu'il pensait, ce n'était pas possible, pas ici au milieu de la ville.
Mais c'était…
…un hélicoptère de combat Apache.
“Oh non.”
Luke enclencha rapidement une vitesse et appuya à fond sur l'accélérateur. Il tourna violemment le volant vers la gauche et fit un énorme demi-tour au milieu de la rue.
L'hélico fit feu avec sa mini mitraillette.
Des balles trente-cinq millimètres mitraillèrent le toit de la berline, arrachant le blindage de la voiture.
Luke tressaillit mais continua à rouler. Il prit un autre virage serré à gauche, se retrouvant dans la rue secondaire. L'hélico passa derrière lui.
Devant lui, quatre flics se tenaient devant une barrière basse en béton. Ils regardaient le ciel, leur attention attirée soudainement par l'hélico. Deux voitures de patrouille étaient garées de chaque côté, avec leurs girophares allumés en silence. Luke inspira profondément.
De vrais flics! Il n'imaginait pas d'autres personnes auxquelles il aimerait se rendre à l'instant présent. À cent mètres de distance, il écrasa l'accélérateur. La Suburban prit de la vitesse et fonça en direction des flics.
Les quatre flics se dispersèrent.
Trois secondes plus tard, il traversa la barrière en béton, la brisant en deux et emportant avec lui les deux morceaux croulants. Il s'arrêta en dérapant, fit marche arrière de quelques mètres, puis les contourna.
Derrière lui, les flics avaient sauté dans leurs voitures de patrouille. Quelques instants plus tard, le gémissement de la sirène familière retentit.
Luke prit à gauche sur l'avenue de l'indépendance. Il scrutait le ciel à la recherche de l'hélico. Il pouvait l'entendre mais il ne pouvait pas le voir. De la fumée sortait des impacts de balle dont la Suburban était criblée. Il les avait gravement sous-estimés. Un Apache! Ils allaient abattre cette voiture et ils se fichaient de savoir qui serait au courant.
Il poussa la voiture au maximum. Elle avait perdu un peu de puissance et atteignait à peine les cent-vingt kilomètres à l'heure. Il fonça le long de l'avenue de l'indépendance, longeant le côté sud de l'esplanade. Le Tidal Basin1 était à sa gauche. Les lumières de la rue faisaient miroiter l'eau.
Derrière lui, les flics le poursuivaient à toute allure.
L'hélico Apache fondit sur lui à sa droite. Il se trouvait à une douzaine de mètres de haut. La mini mitraillette fit feu à nouveau. Les balles pleuvaient, on aurait dit un marteau-piqueur. La fenêtre arrière droite se brisa, recouvrant le cadavre de morceaux de verre.
Luke fit une folle embardée, son pied à fond sur l'accélérateur. La route défilait à toute vitesse. Loin à sa gauche, il pouvait voire le Lincoln Memorial, illuminé dans la nuit.
L'hélico revint à la charge. Il abandonna la mitraillette et commença à tirer des roquettes Hydra. Une ligne de roquettes surgit à tout vitesse du côté droit de l'hélico. Trois, quatre, cinq.
Devant lui, la chaussée explosa en tons de rouge et de jaune. BOUM… BOUM… BOUM.
Il vira violemment vers la gauche. La berline brisa une barrière en chaîne et rebondit sur du gazon. Luke fut projeté dans son siège. Ses mains agrippèrent le volant. Il leva à peine le pied de l'accélérateur.
D'autres roquettes suivirent. L'une d'entre elles mit le feu à des cerisiers en fleur. Les collines explosaient tout autour de lui.
La voiture fut touchée à l'arrière.
Luke sentit que l'arrière de la voiture se soulevait. Il ouvrit la portière et sauta.
Il aterrit sur l'herbe et roula loin vers la gauche. Les roues arrières de la voiture rebondirent sur le sol et la voiture continua à rouler, tout droit vers l'étendue d'eau.
Luke vit l'étincelle au moment où une autre roquette Hydra fut lancée. Elle fila à travers les airs, pénétra le blindage de la berline et fit mouche. Des flammes surgirent un instant avant que la voiture n'explose.
BOUUUUUM.
Luke se jeta au sol et se protégea la tête des lourds morceaux de blindage volant dans les airs. Un instant plus tard, il se retourna pour jeter un coup d'oeil. La voiture roulait toujours, des flammes rouges et orange s'élevant comme des bras dans le ciel nocturne. Dans la voiture, une femme de près de cinquante ans brûlait, une personne non réclamée, une femme sans nom. Luke pouvait voir sa silhouette.
La voiture, complètement en feu, roula doucement jusqu'au bord de l'étendue d'eau. Le rebord du Tidal Basin était à pic. La voiture passa au-dessus et resta suspendue durant quelques instants, à moitié dans l'eau, à moitié en-dehors. Puis elle sombra entièrement. Elle continua à brûler pendant qu'elle coulait.
L'hélico vira de bord et s'éloigna. Quelques instants plus tard, il n'était plus qu'une ombre foncée et distante dans le ciel nocturne.
Luke était couché dans l'herbe, le souffle court. Une voiture de police du district du Capitole s'arrêta en dérappant derrière lui, toute sirène hurlante. Deux flics en sortirent, un blanc et un noir. Ils s'approchèrent de lui avec des torches et leurs flingues en main.
“À plat ventre. Écarte les bras.”
Luke fit ce que l'homme lui disait. De rudes mains le fouillèrent. Elles replièrent ses bras dans son dos et le menottèrent.
“Vous avez le droit de garder le silence,” commença à dire l'un des flics.