Kitabı oku: «Le Parc de Mansfield», sayfa 2

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Ses attentions pour elle étaient de la plus haute importance pour le perfectionnement de son esprit et l’augmentation de ses plaisirs. Il reconnaissait qu’elle était intelligente, qu’elle avait autant de facilité d’esprit que de bon sens, et un amour pour la lecture qui, bien dirigé, est seule une éducation. Miss Lee lui apprit la langue française et lui fit répéter chaque jour une leçon d’histoire ; mais c’était Edmond qui lui indiquait les livres qui charmaient ses heures de loisir ; il encourageait son goût, il rectifiait son jugement, il lui rendait ses lectures utiles en lui parlant de ce qu’elle avait lu, et il augmentait son goût pour l’instruction par des éloges judicieux. En retour de semblables services, elle l’aimait plus que toute autre personne au monde, à l’exception de William ; son cœur était partagé entre eux deux.

CHAPITRE III.

Le premier évènement de quelque importance qui eut lieu dans la famille, fut la mort de M. Norris, qui arriva lorsque Fanny atteignit l’âge de quinze ans. Il devait en résulter nécessairement quelques changemens : madame Norris, en quittant le presbytère, demeura quelque temps à Mansfield, et alla ensuite habiter une petite maison qui appartenait à sir Thomas dans le village. Elle se consola de la perte de son mari en réfléchissant que sa dépense serait diminuée.

Le presbytère devait appartenir par la suite à Edmond, et si M. Norris fût mort quelques années plutôt ; cette cure aurait été donnée à quelque ami qui l’aurait occupée jusqu’à ce qu’Edmond eût été en âge de recevoir les ordres ; mais l’extravagance de Thomas avait été si grande avant que cette époque fût arrivée, qu’il fallut changer ces dispositions et se contenter pour Edmond d’une autre cure moins considérable.

Sir Thomas fit à cette occasion de fortes remontrances à son fils aîné. Celui-ci les écouta avec quelque confusion et quelque regret ; mais il tâcha d’y échapper aussi promptement qu’il le pût faire, et s’en consola en pensant que ses dettes n’étaient pas de moitié aussi considérables que celles de quelques-uns de ses amis.

Après la mort de M. Norris, la cure fut dévolue à M. le docteur Grant, qui vint en conséquence résider au presbytère de Mansfield, et qui, âgé seulement de quarante-cinq ans, paraissait devoir conserver sa place long-temps.

Il avait une femme plus jeune que lui de quinze ans, mais il n’avait point d’enfans. Ils furent représentés suivant la coutume, dans le voisinage, comme des gens aimables et respectables.

L’époque était venue où sir Thomas s’attendait que sa belle sœur prendrait sa nièce avec elle. Son état de veuve et l’âge de Fanny semblaient rendre cette réunion on ne peut plus convenable. Quelques pertes récentes faites aux Indes occidentales et les dépenses folles de son fils aîné, faisaient désirer à sir Thomas de n’être plus chargé de l’entretien de Fanny. Il croyait cet arrangement tellement naturel, qu’il en parla à sa femme comme d’une chose arrêtée ; et, dès que lady Bertram se trouva avec Fanny, elle lui dit tranquillement : « Eh bien, Fanny ! vous allez nous quitter et vivre avec ma sœur. En serez-vous contente ? »

Fanny fut trop étonnée pour ne pas faire répéter les mêmes paroles à sa tante. « Moi vous quitter ! » dit-elle » « Oui, ma chère. De quoi vous étonnez-vous ? vous avez été cinq ans avec nous, et ma sœur a toujours eu l’intention de vous prendre chez elle aussitôt que M. Norris serait mort. »

Cette nouvelle fut aussi désagréable à Fanny qu’elle lui était inattendue. Elle n’avait jamais reçu de témoignages d’amitié de sa tante Norris, et elle ne pouvait l’aimer.

« Je serai très-fâchée de m’en aller, » dit Fanny d’une voix timide.

« Oui, je le crois. Cela est assez naturel ; car je pense que vous avez été aussi peu tourmentée dans cette maison, qu’aucune personne dans le monde. »

« J’espère que je ne suis pas une ingrate, ma tante, » dit Fanny modestement.

« Non, ma chère, je ne le suppose pas ; je vous ai toujours trouvée une très-bonne fille. »

« Et je ne vivrai plus ici de nouveau ? »

« Non ma chère. Mais vous n’en aurez pas moins une agréable résidence. Peu vous importe d’être dans une maison ou dans l’autre ? »

Fanny quitta l’appartement avec un cœur attristé. Aussitôt qu’elle vit Edmond, elle lui fît part de son chagrin. « Mon cousin, dit-elle, il arrive quelque chose qui me fait de la peine ; et, quoique vous m’ayez souvent dit que je devais me réconcilier avec des choses qui me déplaisaient d’abord, je crois que vous penserez comme moi cette fois-ci. Je vais vivre entièrement auprès de ma tante Norris. »

« Vraiment ! »

« Oui, ma tante Bertram vient de me l’apprendre ; c’est une chose décidée : je dois quitter le parc de Mansfield et aller à la maison de ma tante. »

« Eh bien, Fanny, si ce plan ne vous déplaisait pas, je le trouverais excellent. »

« Oh ! mon cousin ! »

« Ma tante agit comme une femme sensible, en désirant vivre avec vous. Elle choisit une amie et une compagne exactement telle qu’elle doit le faire, et je suis bien aise que son amour pour l’argent ne soit pour rien dans cette affaire ; j’imagine, Fanny, que vous n’êtes pas trop fâchée d’aller auprès d’elle ? »

« Pardonnez-moi, je ne puis trouver cela agréable : j’aime cette maison-ci, et tout ce qui s’y trouve. Je n’aimerai rien dans l’autre ; vous savez combien je suis peu dans les bonnes grâces de ma tante Norris ? »

« Elle a été de même avec nous tous ; elle n’a jamais su se rendre agréable aux enfans. Mais aujourd’hui vous êtes d’un âge à être traitée autrement. Il me semble qu’elle se conduit déjà mieux à votre égard ; et quand vous serez sa seule compagne, vous obtiendrez nécessairement de l’importance à ses yeux. »

« Je ne puis jamais avoir quelque importance pour qui que ce soit. »

« Et par quelle raison ? »

« Par une infinité de raisons : ma situation, mon ignorance, ma timidité. »

« Croyez-moi, Fanny, vous vous servez d’expressions qui ne vous conviennent point ; par-tout où vous serez connue vous exciterez de l’intérêt ; vous avez du bon sens, vous avez un aimable caractère, et je suis certain que vous avez un cœur reconnaissant qui vous portera toujours à montrer votre gratitude de la bonté que l’on vous témoignera. Je ne connais aucune meilleure qualité pour une amie et une compagne. »

« Vous avez trop d’indulgence, dit Fanny en rougissant à chaque louange qu’Edmond lui donnait. Comment puis-je vous remercier d’une opinion aussi flatteuse pour moi ? Ah ! mon cousin, si je quitte cette maison-ci, je me rappellerai votre bonté jusqu’au dernier moment de ma vie. »

« En vérité, Fanny, vous parlez comme si vous partiez pour deux cents lieues ; mais songez donc que vous serez presque aussi rapprochée de nous qu’auparavant. Nous nous réunirons tous les jours, et la seule différence qu’il y aura, sera que madame Norris, en vous ayant auprès d’elle, sera forcée de vous rendre justice. »

Fanny soupira, et dit : « Je ne puis voir comme vous ; mais je dois croire que vous pensez d’une manière plus juste que moi, et je vous suis très obligée de ce que vous cherchiez à me réconcilier avec ce que je ne puis empêcher. »

Ainsi se termina cette conversation. Fanny aurait bien pu s’épargner le chagrin que le projet dont elle venait de parler à Edmond lui avait causé, car madame Norris n’avait pas la moindre intention de la prendre avec elle. Lady Bertram s’en assura bientôt. « Je pense, ma sœur, dit-elle à madame Norris, que nous n’aurons plus besoin de miss Lee quand Fanny ira vivre avec vous ? »

« Vivre avec moi ! chère lady Bertram ! » s’écria madame Norris presque en tressaillant.

« Je pensais que c’était une chose arrangée avec sir Thomas ? »

« Jamais, jamais je n’ai dit une syllabe de cela à sir Thomas. Fanny vivre avec moi ! c’est la dernière chose au monde à laquelle je penserais. Bon Dieu ! que pourrais-je faire avec Fanny ? Moi, pauvre veuve, dont les esprits sont abattus, Je devrais prendre soin d’une jeune fille de quinze ans ! Sir Thomas est trop mon ami pour vouloir me charger d’un pareil fardeau. Je ne me refuse pas à cet embarras par un motif d’économie : mon objet, lady Bertram, est d’être utile à ceux qui viennent après moi ; c’est pour le bien de vos enfans que je conserve ce que j’ai ; je n’ai personne qui m’intéresse davantage, et je voudrais bien pouvoir leur laisser quelque chose qui fût digne d’eux. »

« Vous êtes bien bonne, mais ne vous gênez pas à cause de cela ; ils sont sûrs d’avoir de la fortune ; sir Thomas y pourvoira. »

« Tant mieux : je veux dire seulement que mon seul désir est d’être utile à votre famille. Ainsi, lorsque sir Thomas vous reparlera d’envoyer Fanny chez moi, vous pourrez lui dire que ma santé et ma situation d’esprit s’opposent entièrement à ce que cela ait lieu ; et de plus, que véritablement je n’ai pas un lit à lui donner, car je veux avoir une chambre à offrir à un ami. »

Lady Bertram, en répétant cet entretien à son mari, le convainquit qu’il s’était trompé sur les vues de sa belle-sœur. Il ne fut plus question d’envoyer Fanny chez elle ; sir Thomas réfléchissant que tout ce qu’elle possédait était réservé à sa famille, ne songea plus à la contrarier pour cet objet. Fanny apprit bientôt qu’elle avait eu tort de s’affliger pour ce projet, et la joie qu’elle ressentit de le voir détruit, consola Edmond de ce que les avantages qu’il en avait attendus pour Fanny fussent évanouis.

M. et Mme Grant, montrant des dispositions amicales et sociables, donnèrent beaucoup de satisfaction aux diverses personnes de leur voisinage. Ils avaient leurs défauts, et madame Norris sut bientôt les découvrir. Le docteur Grant aimait beaucoup la table, et madame Grant, au lieu d’user d’économie, payait un cuisinier aussi cher que celui de Mansfield. Madame Norris ne tarissait point sur les prodigalités du presbytère.

Depuis un an, ils étaient l’objet de ses remarques, quand un évènement qui survint dans la famille changea le sujet des conversations de madame Norris et de lady Bertram. Sir Thomas jugea convenable à ses intérêts d’aller lui-même à Antigoa ; et, pour mieux arranger ses affaires, il emmena son fils aîné avec lui, afin de le détacher de quelques liaisons pernicieuses. Ils quittèrent l’Angleterre, en présumant être absens pendant une année.

La nécessité de cette mesure, sous le rapport pécuniaire, et l’espérance de l’utilité quelle aurait pour son fils, consolèrent sir Thomas de ce qu’il quittait sa famille et ses filles, sur-tout au moment le plus important de leur vie : il ne pouvait pas se fier entièrement dans lady Bertram pour le remplacer ; mais, avec l’active attention de madame Norris et le jugement d’Edmond, il crut pouvoir partir sans craindre aucun mauvais résultat de son absence.

Lady Bertram ne fut nullement satisfaite du départ de son mari ; mais elle ne conçut aucune alarme sur sa santé, étant du nombre de ces personnes qui regardent les difficultés ou les dangers comme ayant de l’importance suivant le degré où leurs individus y sont exposés.

Les filles de sir Thomas étaient à plaindre dans cette occasion, non pas à cause de leur chagrin, mais plutôt parce qu’elles n’en éprouvaient point. Elles n’avaient aucune affection pour leur père ; il n’avait jamais paru l’ami de leurs plaisirs, et son absence malheureusement leur était très-agréable : elles sentaient qu’elles allaient être leurs maîtresses absolues, et que toute indulgence leur serait accordée. Fanny éprouvait à peu près les sensations de ses cousines ; mais son caractère plus tendre lui faisait se les reprocher comme une ingratitude, et elle s’affligeait de ce quelle ne pouvait s’affliger. « Sir Thomas avait tant fait pour elle et pour ses frères ! Il partait peut-être pour ne plus revenir ; comment le voir partir sans répandre une larme ? c’était une honteuse insensibilité. » Il lui avait dit de plus, dans la matinée, qu’elle pourrait voir William dans le cours de l’hiver, et il l’avait chargée de lui écrire et de l’inviter de venir à Mansfield aussitôt que l’on apprendrait que l’escadre à laquelle il appartenait serait arrivée en Angleterre. Quelle bonté ! quelle attention ! mais il avait fini son discours d’une manière qui avait été une triste mortification pour Fanny. « Si William, avait-il dit, vient à Mansfield, j’espère que vous serez à même de le convaincre que les années qui se sont écoulées depuis que vous êtes séparés, ne se sont pas passées inutilement pour votre instruction, quoique je craigne qu’il ne trouve sa sœur, à l’âge de seize ans, aussi peu avancée pour son éducation que lorsqu’elle en avait dix. » Fanny pleura amèrement, à cause de cette réflexion, lorsque son oncle fut parti ; et ses cousines, en lui voyant les yeux rouges, l’accusèrent d’être une hypocrite.

CHAPITRE IV.

Le fils aîné de sir Thomas Bertram avait passé si peu de temps avant son départ à la maison paternelle, que l’on ne pouvait s’apercevoir de son absence ; et lady Bertram fut bientôt étonnée de voir comment les choses suivaient leur cours accoutumé, malgré l’absence de son mari, et comment Edmond le remplaçait en parlant à l’intendant, en écrivant au procureur, et lui épargnant tous les embarras de l’administration de sa maison.

On reçut bientôt la nouvelle de l’heureuse arrivée des deux voyageurs à Antigoa. L’hiver vint, et se passa sans que sir Thomas annonçât son retour. Les nouvelles qu’il donnait continuaient à être très-bonnes.

Les demoiselles Bertram étaient alors pleinement établies parmi les belles du voisinage ; et comme elles joignaient à la beauté des talens brillans, des manières naturellement aisées et polies, elles faisaient l’objet de l’admiration de leur tante, madame Norris. Lady Bertram n’allait point en public avec ses filles ; elle était trop indolente pour aller jouir de leurs triomphes ; cette agréable charge était confiée à sa sœur, qui ne désirait rien tant qu’une aussi honorable représentation, et qui trouvait fort commode de jouir des plaisirs de la société sans avoir besoin de louer une voiture.

Fanny ne prenait aucune part aux fêtes de la saison ; mais elle trouvait une grande jouissance à être une compagne utile pour sa tante Bertram, quand toute la famille était dehors ; et comme miss Lee avait quitté Mansfield, elle était devenue naturellement nécessaire à lady Bertram dans les soirées où il y avait un bal ou une partie. Elle lui parlait, elle l’écoutait, elle lui faisait une lecture ; et la tranquillité de ces soirées, sa sécurité parfaite dans ce tête-à-tête, rendaient ces momens extrêmement agréables pour elle. Elle aimait à entendre ses cousines lui raconter ce qui s’était passé au bal, lui dire avec qui Edmond avait dansé. Mais elle avait une idée trop peu élevée de sa situation pour imaginer qu’elle pût jamais être admise à partager ces amusemens, et elle en écoutait le détail sans penser qu’elle y pût prendre aucun autre intérêt. L’hiver se passa agréablement pour elle. Quoique William ne fût pas venu en Angleterre, l’espoir de le revoir bientôt avait adouci le regret de la prolongation de son absence.

Le printemps et l’été se passèrent sans que sir Thomas revînt. Au mois de septembre, des circonstances défavorables étant survenues qui reculaient encore la conclusion de ses affaires, il se détermina à renvoyer son fils en Angleterre ; et à rester seul à Antigoa, pour y terminer ses opérations. Thomas arriva en bonne santé, et donna les meilleures nouvelles de celle de son père. Madame Norris tira un mauvais augure de ce que sir Thomas se fût ainsi séparé de son fils ; de tristes pressentimens l’assiégeaient, et pour y échapper, elle venait chaque jour dîner au parc de Mansfield. Mais le retour des plaisirs de l’hiver ne fut pas sans effet, et bientôt madame Norris ne fut plus occupée qu’à surveiller les destinées de sa nièce aînée. « Si le pauvre sir Thomas était condamné à ne plus revenir, se disait-elle, ce serait une consolation que de voir la chère Maria bien mariée. Elle pensait souvent à cela, sur-tout quand elle voyait dans les cercles où elle se trouvait, quelques jeunes gens d’une grande fortune, parmi lesquels elle en avait remarqué un qui venait d’hériter d’une des propriétés les plus belles et les plus considérables du pays.

M. Rushworth fut frappé de la beauté de miss Bertram dès la première fois qu’il l’aperçut ; et comme il était disposé à se marier, il crut éprouver de l’amour. C’était un jeune homme lourd, n’ayant qu’un bon sens vulgaire ; mais comme il n’y avait rien de désagréable dans sa figure, miss Bertram fut charmée de faire sa conquête. Maria Bertram ayant atteint l’âge de vingt-un ans, commençait à penser que le mariage était un devoir ; et comme en épousant M. Rushworth elle aurait la jouissance d’un revenu plus considérable que celui de son père, ainsi qu’un hôtel à Londres, ce qui était un point capital, il lui devint évident qu’elle devait épouser M. Rushworth, si cela lui était possible. Madame Norris mit beaucoup de zèle pour effectuer ce mariage ; et entr’autres moyens qu’elle employa pour y parvenir, elle chercha à faire naître une intimité avec la mère de M. Rushworth, qui vivait avec lui. Elle détermina même lady Bertram à faire dix milles d’une route assez mauvaise, pour aller lui rendre une visite du matin. Madame Rushworth annonça elle-même que son fils désirait beaucoup se marier, et déclara que de toutes les personnes qu’elle avait vues, miss Bertram lui avait paru, par ses aimables qualités, la plus susceptible de faire le bonheur de son fils. Madame Norris accepta le compliment, admira le discernement de madame Rushworth en distinguant Maria, qui, en effet, dit-elle, était sans aucun défaut, était un ange et tellement entourée d’admirateurs, qu’elle pouvait être difficile dans son choix. Mais autant que madame Norris pouvait en juger d’après une si courte connaissance, M. Rushworth paraissait être précisément le jeune homme qui pouvait la mériter et lui inspirer de l’attachement.

Après avoir dansé ensemble à un certain nombre de bals, les jeunes gens justifièrent ces opinions ; et avec la réserve convenable pour l’absence de sir Thomas, un engagement fut pris entre les deux familles, à leur satisfaction mutuelle et à celle de tout le voisinage, qui depuis plusieurs semaines avait décidé que M. Rushworth devait épouser miss Bertram.

Il fallait un délai de quelques mois avant que le consentement de sir Thomas pût être reçu ; mais comme on ne doutait point qu’il ne fût charmé de cette union, les deux familles se fréquentèrent habituellement, et la seule mesure de mystère qui fut adoptée, fut que madame Norris dirait partout que c’était une affaire dont il ne fallait pas parler pour le présent.

Edmond était le seul de la famille qui ne vît pas favorablement ce mariage. Toutes les représentations de sa tante ne pouvaient lui faire trouver dans M. Rushworth une liaison à rechercher. Il ne pouvait nier que sa sœur ne dût mieux juger que personne de son propre bonheur ; mais il aurait désiré qu’elle ne l’eût point basé sur un grand revenu ; et il disait souvent de M. Rushworth : « Si ce jeune homme n’avait pas douze mille livres sterlings de rente, ce serait un très-stupide garçon. »

Sir Thomas toutefois fut très-satisfait d’une alliance si avantageuse, et dont il n’entendait dire que des choses agréables. Il envoya son consentement aussi promptement que possible. La seule condition qu’il y mit, fut que le mariage ne serait célébré qu’à son retour en Angleterre, qui devait avoir lieu incessamment. Il écrivait en avril, et il avait l’espoir de terminer heureusement toutes ses affaires à Antigoa avant la fin de l’été.

Telle était la situation des choses à Mansfield, au mois de juillet ; et Fanny venait d’atteindre sa dix-huitième année, lorsque la société du village fut augmentée de deux personnes : le frère et la sœur de madame Grant, monsieur et miss Crawford, enfans de la mère de madame Grant par un second mariage. Ils étaient jeunes l’un et l’autre et fort riches. Le fils avait une belle propriété dans le comté de Norfolk, la fille avait vingt mille livres sterling. Madame Grant les avait aimés tendrement dans leur enfance ; mais comme peu de temps après son mariage, leur mère commune était morte, et qu’ils avaient été confiés alors à un frère de leur père, elle les avait à peine vus depuis cette époque. Ils avaient trouvé une agréable maison dans celle de leur oncle, nommé l’amiral Crawford. L’amiral aimait vivement son neveu, et sa femme avait la même amitié pour sa nièce ; mais madame Crawford étant venue à mourir, sa protégée fut obligée d’aller habiter une autre maison. L’amiral Crawford était un homme d’une conduite peu régulière, qui, au lieu de chercher à retenir sa nièce, fut bien aise qu’elle s’éloignât, pour qu’il pût loger sa maîtresse dans sa propre maison. Ce fut à cela que madame Grant dut la demande que lui fit sa sœur de venir demeurer avec elle, demande qui fut aussi bien accueillie d’un côté qu’elle était pressante de l’autre. Madame Grant n’avait point d’enfans, et éprouvait le besoin d’avoir un peu de variété dans son genre de vivre. L’arrivée d’une sœur qu’elle avait toujours aimée, lui fut donc très-agréable ; sa seule crainte était que Mansfield ne parut un peu triste à une jeune personne accoutumée aux plaisirs de Londres.

Miss Crawford partageait un peu cette appréhension, et ce n’avait été qu’après avoir essayé vainement de persuader à son frère d’habiter avec elle sa maison de campagne, qu’elle s’était résolue à venir chez sa sœur. Henri Crawford avait une aversion insurmontable pour tout domicile fixe, et toute restriction de société. Il ne pouvait satisfaire sa sœur sur un point de cette importance ; mais il l’accompagna avec la plus grande complaisance dans le comté de Northampton, et s’engagea à être à ses ordres aussitôt quelle lui écrirait qu’elle se déplairait dans cette nouvelle situation.

Le premier abord fut satisfaisant réciproquement. Miss Crawford trouva une sœur tendre, sans affectation ; un beau-frère qui avait tout l’air d’un gentleman, et une maison commode et bien tenue. Madame Grant reçut dans ceux qu’elle espérait aimer mieux que jamais, un jeune homme et une jeune personne de l’apparence la plus avantageuse. Marie Crawford était très-jolie ; Henri, sans avoir de la beauté, avait un air noble et agréable. Leurs manières étaient vives et enjouées, et madame Grant les jugea immédiatement propres à réussir par-tout. Elle était charmée de les voir l’un et l’autre ; mais Marie était sa favorite. N’ayant jamais été dans le cas de se glorifier de sa propre beauté, elle était enchantée de pouvoir tirer vanité de celle de sa sœur. Elle n’avait pas attendue qu’elle fût arrivée pour penser à lui faire former un mariage convenable, et ses vues s’étaient fixées sur Thomas Bertram. Le fils aîné d’un baronet n’était pas un parti trop avantageux pour une jeune personne ayant vingt mille livres sterling, avec toutes les grâces et l’élégance que madame Grant apercevait en elle ; et comme madame Grant s’épanchait facilement, Marie avait à peine passé trois heures auprès d’elle, qu’elle lui fit part de tous ses plans.

Miss Crawford fut charmée de trouver une famille de cette importance dans son voisinage, et ne fut nullement fâchée du projet de sa sœur et du choix qu’elle avait fait. Le mariage était son objet, pourvu qu’il fût avantageux ; et comme elle avait vu M. Bertram à Londres, elle ne trouvait pas plus d’objection à faire sur sa personne que sur le rang qu’il avait dans la société. En conséquence, tout en ayant l’air d’en plaisanter, elle y pensa sérieusement. Le plan fut bientôt répété à Henri.

« Et maintenant, ajouta madame Grant, j’ai pensé à compléter entièrement cette affaire. Je voudrais vous fixer tous les deux dans ce pays ; c’est pourquoi, Henri, il faut que vous épousiez la plus jeune des demoiselles Bertram ; une jeune fille innocente, belle, d’un aimable caractère, qui vous rendra très-heureux. »

Henri s’inclina et la remercia.

« Ma chère sœur, dit Marie, si vous pouvez persuader à Henri de se marier, il faut que vous ayiez l’adresse d’une française. Tout ce que l’habileté anglaise a pu faire y a échoué. Trois de mes intimes amies se sont consumées d’amour pour lui successivement. Toutes les peines que l’on a prises pour lui persuader de se courber sous le joug du mariage sont inconcevables ; c’est le plus inconstant papillon que l’on puisse imaginer. Si les demoiselles Bertram ne veulent pas avoir le cœur tourmenté, il faut qu’elles évitent Henri. »

« Mon frère, dit madame Grant, je ne veux pas croire cela de vous. »

« Et vous avez bien raison, répondit Crawford. Vous aurez plus d’indulgence que Marie. Je suis défiant, et ne veux pas risquer mon bonheur dans un moment de précipitation. Personne n’a une plus haute idée du mariage que moi, et je crois qu’un poëte a eu raison de le nommer le dernier don du ciel. »

« Voyez-vous comme, il sourit en parlant ainsi, dit miss Crawford. Je vous assure qu’il est détestable. Les leçons de l’amiral l’ont tout à fait perdu. »

« Je crois dit madame Grant, que lorsque les jeunes gens montrent peu d’inclination pour le mariage, c’est qu’ils n’ont pas encore rencontré l’objet qu’ils doivent aimer. »

Le docteur Grant félicita en riant miss Crawford de ses sentimens.

« Je n’en suis point honteuse, dit miss Crawford ; je voudrais que chacun se mariât quand on trouve à s’unir convenablement. Je n’aime point que l’on se marie sans y réfléchir ; mais aussitôt qu’on le peut faire avec avantage, il ne faut pas en laisser échapper l’occasion. »

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18 mart 2025
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ISBN:
9788027302413
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