Kitabı oku: «Le Parc de Mansfield», sayfa 3

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CHAPITRE V.

Les jeunes gens des deux familles se plurent mutuellement. La beauté de miss Crawford ne nuisait point à celle des demoiselles Bertram ; elles étaient trop belles pour être fâchées qu’une autre femme qu’elles fût favorisée des dons de la nature. Elles furent presqu’aussi charmées que leurs frères, de la vivacité des yeux noirs de miss Crawford et de sa gentillesse générale. Si elle eût été grande, parfaitement bien faite, cela aurait pu tirer à conséquence : mais telle qu’elle était, il ne pouvait y avoir de comparaison, et les demoiselles Bertram convenaient volontiers que miss Crawford était une jolie personne, tandis qu’elles étaient les deux plus belles jeunes femmes du pays.

Son frère ne leur parut pas beau. La première fois qu’elles le virent, elles le trouvèrent brun et tout simple. Mais il y avait cependant de la distinction dans son air et de la grâce dans ses manières. À la seconde entrevue, il ne parut plus si simple ; son air avait tant de noblesse, il avait de si belles dents et il était si bien fait, que l’on ne pouvait plus le regarder comme un homme ordinaire ; et après la troisième entrevue, après que l’on eut dîné au presbytère, il fut trouvé l’homme le plus agréable que les deux sœurs eussent connu, et il leur plut également. L’engagement contracté par miss Bertram faisait que la conquête d’Henri Crawford appartenait de droit à Julia, ce que celle-ci sentait très-bien ; et avant qu’une semaine se fût écoulée, elle était toute disposée à s’éprendre d’amour pour lui.

Les idées de Maria sur ce sujet étaient plus confuses. Elle pensait qu’elle ne faisait aucun mal en trouvant M. Crawford aimable. Chacun connaissait sa situation, se disait-elle ; M. Crawford devait veiller sur lui-même ; mais M. Crawford ne croyait point être dans quelque danger. Les demoiselles Bertram étaient dignes de plaire, mais il n’avait d’autre projet en ce moment que de leur plaire un peu lui-même.

« J’aime infiniment les demoiselles Bertram, ma sœur ! dit-il en venant de les reconduire à leur voiture après le dîner du presbytère. Ce sont de très-élégantes et très-agréables personnes. »

« Elles le sont en effet, répondit madame Grant, et je suis charmée de vous entendre parler ainsi. Mais Julia est celle qui vous plaît davantage ? »

« Oh oui ! Julia est celle qui me plaît le plus. »

« Mais, parlez-vous franchement ? car miss Bertram est regardée en général comme la plus belle. »

« Je le crois aussi. Elle a tous les traits plus délicats, et je préfère son air. Mais j’aime mieux Julia. Miss Bertram est certainement la plus belle et je la trouve la plus agréable ; mais j’aimerai toujours mieux Julia, parce que vous me l’ordonnez. »

« Je sais, Henri, que vous finirez par l’aimer mieux. »

« Ne vous dis-je pas que je l’aime mieux d’abord ? »

« Et en outre miss Bertram est engagée. Souvenez-vous-en, mon cher frère : son choix est fait. »

« Oui ; et je l’aime davantage à cause de cela. Une femme engagée est toujours plus agréable qu’une autre qui ne l’est pas. Elle est contente d’elle-même ; elle n’a plus de soucis, et elle sent qu’elle peut faire usage de tous ses moyens de plaire sans soupçon. Avec une femme engagée il n’y a rien à redouter. Elle ne peut faire aucun mal. »

« M. Rushworth est un très-bon jeune homme et c’est un grand mariage pour miss Bertram. »

« Mais miss Bertram ne s’en soucie guère : voilà ce que vous pensez de votre intime amie. Je ne pense pas comme cela moi ; je suis certain que miss Bertram est très-attachée à M. Rushworth. Je l’ai lu dans ses yeux quand il a été question de lui. Je pense trop bien de miss Bertram pour croire qu’elle veuille donner sa main sans y joindre son cœur. »

« Allons ! allons, dit madame Grant, je vois que vous avez besoin que j’entreprenne votre guérison. Restez avec nous, et nous vous ferons perdre vos mauvaises idées. »

Henri Crawford et sa sœur étaient très-disposés à rester au presbytère. Marie trouvait la maison fort à son gré, et Henri n’était pas moins disposé à prolonger sa visite. Il n’avait eu l’intention que de passer quelques jours auprès de madame Grant ; mais Mansfield lui promettait des plaisirs, et il n’avait rien en ce moment qui l’appelât autre part. Madame Grant était charmée de ce qu’ils fussent avec elle, et le docteur Grant en était aussi on ne peut plus satisfait. Une jeune et jolie femme ; parlant agréablement et volontiers, était une société précieuse pour un homme d’un caractère indolent, et sortant peu de sa maison, tel que le docteur Grant.

L’admiration des demoiselles Bertram pour M. Crawford, était plus vive que celle de miss Crawford pour les habitans de Mansfield. Elle reconnaissait toutefois que les deux fils Bertram étaient de très-beaux jeunes gens, tels que l’on en rencontrait peu souvent à Londres, et que l’aîné sur-tout avait des manières très-distinguées : il avait beaucoup fréquenté Londres, et avait plus de vivacité et de galanterie qu’Edmond. Il devait en conséquence être préféré, et sa qualité d’aîné n’était pas à dédaigner. Miss Crawford avait eu, à ce qu’elle croyait, un pressentiment qu’elle aimerait mieux l’aîné.

Mais les courses de chevaux appelèrent Thomas Bertram à B*** peu de jours après le commencement de cette liaison. Il devait rester absent plusieurs semaines. Il engagea vivement miss Crawford à venir assister aux courses. On parla de former une nombreuse partie, mais cela se borna à la conversation.

Et Fanny, que devenait-elle ? Quelle opinion avait-elle des nouveaux venus ? Paisible, échappant à l’attention générale, elle payait son tribut d’admiration à la beauté de miss Crawford ; mais, comme elle continuait à trouver M. Crawford un homme très-ordinaire, en dépit de ses deux cousines, elle n’en parlait jamais.

CHAPITRE VI.

M. Bertram partit pour B***. Miss Crawford se prépara à trouver un grand vide dans la société qu’il venait de quitter ; et, dînant bientôt après à Mansfield, elle reprit sa place accoutumée au centre de la table, s’attendant bien à une grande différence dans le plaisir qu’elle trouvait auparavant avec les mêmes convives. Edmond, en comparaison de son frère, n’avait pas un mot à dire. Le premier service eut lieu sans qu’elle proférât une parole, sans qu’elle racontât quelque anecdote plaisante, sans qu’elle parlât de son amie A… de son amie B… Elle se borna à trouver quelque amusement à observer M. Rushworth qui, au bout de la table, paraissait pour la première fois à Mansfield depuis l’arrivée de Crawford : il avait été voir un de ses amis dans le voisinage, qui avait fait faire récemment des embellissemens sur ses terres par un homme de l’art. Il était revenu la tête pleine de ce sujet, et très-impatient de faire exécuter sur sa propriété des embellissemens du même genre. Il ne pouvait parler d’autre chose quoiqu’il n’y entendît rien. Ce sujet de conversation avait déjà été longuement traité dans le salon, et il fut encore repris à table. Il s’adressait évidemment à miss Bertram, dans tout ce qu’il disait, et cherchait à obtenir son approbation ; et quoique miss Bertram manifestât dans son air le sentiment qu’elle avait de sa supériorité sur l’intelligence de M. Rushworth, le nom de Sotherton, et les idées qu’elle attachait à cette superbe propriété, lui donnaient une sorte de complaisance à écouter M. Rushworth, et l’empêchaient de paraître désobligeante pour lui. Madame Norris s’empressait d’approuver tout ce que disait M. Rushworth sur les changemens qu’il voulait faire exécuter à Sotherton. Lady Bertram l’engageait à faire des plantations ; et M. Rushworth assurait qu’il ferait le plus grand cas de leurs observations. Il voulut partir de là pour faire un compliment à lady Bertram ; mais il s’embarrassa tellement dans sa soumission au goût de sa seigneurie, sa disposition à suivre les avis des dames, et l’insinuation qu’il y en avait une sur-tout à laquelle il voulait plaire, qu’Edmond fut obligé de venir à son secours en offrant du vin. Mais M. Rushworth, quoique parlant peu ordinairement, avait encore beaucoup de choses à dire sur un sujet qui lui tenait si fort à cœur. « Mon ami Smith, dit-il en reprenant la même conversation, n’a guère qu’une centaine d’acres dans son terrain, ce qui n’est pas bien considérable, et il est étonnant que l’on ait pu faire de tels embellissemens dans un si petit espace. À Sotherton, nous avons bien sept cents acres sans compter les prairies ; de sorte que, si on a pu faire tant de choses chez Smith, nous ne devons pas nous désespérer. Il a fait abattre deux ou trois grands arbres qui étaient auprès de la maison, ce qui donne une perspective étonnante, cela me fait penser qu’il faudra sans doute que nous abattions l’avenue de Sotherton, l’avenue qui conduit de la façade du midi au sommet de la montagne. » Et en disant cela, il s’adressait à miss Bertram ; mais miss Bertram crut devoir répondre : « L’avenue ! je ne me la rappelle pas. Je connais très-peu Sotherton. »

Fanny, qui était assise vis-à-vis d’Edmond en face de miss Crawford, et qui avait écouté tout ce qui s’était dit, regarda Edmond et lui dit à demi-voix :

« Jeter bas une avenue ! quel dommage ! cela ne vous fait-il pas penser à Cooper lorsqu’il dit : « Beaux arbres renversés, je pleure votre sort non mérité. »

Edmond sourit et répondit : « Je crains que l’avenue n’ait un mauvais sort, Fanny ! »

« J’aimerais bien voir Sotherton avant qu’elle fût abattue. J’aimerais à voir ce château avec son aspect d’antiquité, tel qu’il existe aujourd’hui ; mais je ne crois pas que cela puisse être. »

« Vous n’y êtes jamais allé ? Non ; vous ne le pouviez pas ; malheureusement c’est un peu trop loin pour une course à cheval. Je voudrais que nous puissions y aller. »

« Oh ! ce que je dis n’a aucune importance : si je vois ce château quelque jour, vous me direz ce qu’on y aura changé. »

« Je présume, dit miss Crawford, que Sotherton est une ancienne construction qui a quelque grandeur. Y a-t-il un style particulier d’architecture ? »

« Le château, répondit Edmond, a été bâti du temps d’Elisabeth. C’est un bâtiment vaste, régulier, construit en briques, lourd, mais d’un aspect assez imposant, et où il y a beaucoup d’appartemens assez commodes. Il est mal placé, dans une des parties les plus basses du parc, et, à cet égard, il n’est pas favorable à des embellissemens. Mais les bois sont beaux, et il y a un ruisseau dont je crois que l’on peut tirer un bon parti. M. Rushworth a raison, à ce que je pense, de vouloir donner à sa demeure un air moderne, et je ne doute point qu’il ne le fasse avec beaucoup de succès. »

Miss Crawford écouta avec soumission, et se dit à elle-même :

« C’est un homme bien né, son ton est excellent. » Edmond continua : « Je ne veux pas influencer M. Rushworth ; mais si j’avais un lieu à embellir, je ne voudrais pas en confier le soin à un homme salarié. J’aimerais mieux un degré moindre de beauté, pourvu qu’elle fût de mon propre choix. J’aimerais mieux avoir à me reprocher les fautes que j’aurais faites, que les siennes. »

« Pour moi, dit miss Crawford, je n’ai aucun goût pour ces sortes de choses ; que lorsque je les vois devant mes yeux ; et si j’avais une propriété à la campagne, j’aimerais assez trouver quelqu’un qui lui donnât des embellissemens autant qu’il le pourrait faire pour mon argent, et je ne regarderais jamais cette besogne qu’elle ne fût achevée. »

« Je serais charmée, dit Fanny, de suivre les progrès de tout cela. »

« Parce que vous avez été élevée de manière à y prendre goût, répondit miss Crawford : cela n’est entré pour rien dans mon éducation. Il y a trois ans, l’amiral, mon très-honoré oncle, acheta une maison de campagne à Twickenham, pour que nous y allassions passer l’été. Ma tante et moi nous la trouvâmes ravissante : mais attendu qu’elle était très-jolie, il fallut bientôt regarder comme nécessaire de l’embellir ; et pendant trois mois nous fûmes dans la boue et le désordre sans pouvoir trouver un sentier sablé pour nous promener, ni un banc pour nous asseoir. Henri diffère de moi : il aime ce genre d’occupation. »

Edmond fut fâché d’entendre miss Crawford, qu’il était disposé à admirer, parler si légèrement de son oncle. Cela n’était pas d’accord avec ses idées, et il garda le silence jusqu’à ce que miss Crawford eût changé de conversation.

« M. Bertram, lui dit-elle avec un aimable sourire, j’ai reçu enfin des nouvelles de ma harpe ; j’ai appris qu’elle est arrivée à Northampton en bon état. » Edmond en exprima sa satisfaction, et parla de la harpe comme de son instrument favori, en disant qu’il espérait que miss Crawford lui permettrait de l’écouter. Fanny n’avait jamais entendu de harpe : elle désirait aussi vivement goûter ce plaisir.

« Je serai très-satisfaite de jouer pour vous deux, dit miss Crawford, du moins aussi long-temps que vous pourrez aimer à m’écouter. Maintenant, M. Bertram, si vous écrivez à votre frère, je vous prie de lui dire que j’ai reçu ma harpe. Il m’a entendue tellement la regretter !… Vous pourrez ajouter que je vais préparer mes airs les plus mélancoliques pour son retour, pour être en harmonie avec ses sentimens, car je suis sûre que son cheval perdra la course. »

« Si j’écris, je dirai tout ce que vous m’ordonnerez d’écrire ; mais, pour le moment, je ne prévois aucune occasion pour le faire. »

« Quels singuliers frères êtes-vous donc ? vous ne vous écrivez que dans les nécessités les plus urgentes ; et quand vous prenez la plume pour dire que tel cheval est malade, ou que tel parent est mort, cela est toujours écrit avec le moins de mots possibles. Vous n’avez qu’un style parmi vous ; je sais cela parfaitement. Henri, qui est à tous égards un excellent frère pour moi, n’a jamais tourné la feuille d’une lettre en m’écrivant. « Chère Marie ! je viens d’arriver ; Bath paraît être rempli, et tout est comme à l’ordinaire. Votre dévoué, etc. » Voilà le véritable style d’un homme ; c’est là une lettre complète pour un frère. »

« Quand ils sont éloignés de leur famille, dit Fanny en rougissant, à cause de William, ils peuvent aussi écrire de longues lettres. »

« Miss Price a un frère en mer, dit Edmond, qui est un excellent correspondant, ce qui fait qu’elle vous trouve trop sévère à notre égard. »

« Ah, ah ! le frère de miss Price est au service du Roi ! »

Fanny aurait bien voulu qu’Edmond eût donné les renseignemens que miss Crawford demandait ; mais comme il gardait le silence, Fanny fut obligée de prendre la parole pour expliquer la situation de son frère. Sa voix était animée en parlant de sa profession et des voyages qu’il avait faits. Elle ne put mentionner le nombre des années depuis lesquelles il était éloigné d’elle, sans que des larmes ne vinssent humecter ses paupières. Miss Crawford dit avec politesse qu’elle lui désirait de l’avancement

« Savez-vous quelque chose du capitaine de mon cousin, du capitaine Marshall ? dit Edmond. Vous devez avoir beaucoup de connaissances dans la marine ? »

« Oui, parmi les amiraux, répondit miss Crawford ; mais (avec un air de grandeur) nous connaissons très-peu les rangs inférieurs. Les capitaines peuvent être de très-braves gens, mais ils ne nous appartiennent pas. Je pourrais vous parler de tous les amiraux ; vous dire leurs pavillons, leurs grades, leur solde, leurs brigues, leurs jalousies : ma demeure chez mon oncle m’a mise à même d’en connaître un grand nombre ; ils sont tous assez insignifians, je vous assure. »

Edmond devint grave de nouveau, et dit seulement : « C’est une noble profession ! »

« Oui, la profession est assez bonne sous deux conditions : si elle fait acquérir de la fortune, et s’il y a de la modération dans la dépense de cette fortune. Mais enfin cette profession ne me plaît pas ; elle ne m’a jamais présenté une forme aimable. »

Edmond revint à la harpe, et fut charmé d’avoir l’espérance d’entendre miss Crawford sur cet instrument.

Les autres convives avaient continué de s’entretenir de l’embellissement des terres, et madame Grant ne put s’empêcher de s’adresser à son frère sur ce sujet, quoique ce fût l’enlever à miss Julia. « Mon cher Henri, n’avez-vous rien à dire sur ce sujet ? Vous avez vous-même fait des embellissemens ; et d’après ce que j’ai entendu dire d’Everingham, cette terre peut être comparée avec toutes les maisons de campagne d’Angleterre. Il est vrai que les beautés naturelles en sont grandes ; il y a un si heureux mouvement de terrain, de si beaux bois ; que ne donnerais-je pas pour revoir cette maison ! »

« Rien ne me serait plus agréable que d’avoir votre opinion là-dessus, répondit Crawford ; mais vous trouveriez peu de chose qui fût digne de vos idées actuelles. L’étendue est presque nulle ; et quant aux embellissemens, j’ai eu si peu de choses à faire que je ne puis en parler. J’aurais préféré avoir plus de besogne. »

« Vous aimez cette sorte d’occupation ? » dit Julia.

« Excessivement. Je suis disposé à envier à M. Rushworth d’avoir tant de bonheur devant lui. J’ai dévoré le mien. »

« Les personnes qui voient rapidement, prennent leur résolution promptement et agissent de même, dit Julia ; mais au lieu d’envier le sort de M. Rushworth, vous pourriez l’aider de vos conseils. »

Madame Grant appuya fortement sur cette dernière idée ; et comme miss Bertram la saisit avec autant de promptitude, et y donna son approbation en disant qu’il valait beaucoup mieux consulter des amis désintéressés que de se mettre à la merci d’hommes qui faisaient leur profession de ces sortes de travaux, M. Rushworth s’empressa de prier M. Crawford de lui donner son assistance ; et M. Crawford, après avoir parlé comme il le devait faire de son peu d’habileté, mit ses services à sa disposition. M. Rushworth demanda alors à M. Crawford de lui faire l’honneur de venir à Sotherton et d’y accepter un lit. Mais madame Norris, qui semblait lire dans l’esprit de ses nièces et deviner le peu d’approbation qu’elles donnaient à un plan qui éloignait M. Crawford, se hâta de mettre un amendement à la proposition, « Il n’y a point de doute, dit-elle, de l’acceptation de M. Crawford ; mais pourquoi ne ferions-nous pas une petite partie ? Il y a ici plus d’une personne qui s’intéresse à vos embellissemens, et qui serait charmée d’entendre l’opinion de M. Crawford sur le lieu même. Pour moi, il y a long-temps que je désire faire une nouvelle visite à votre mère ; pendant que je resterais quelques heures avec elle, vous autres jeunes gens vous examineriez le terrain, et nous reviendrons dîner ici plus tard qu’à l’ordinaire ; ou bien si votre mère le voulait, nous dînerions à Sotherton et reviendrions au clair de lune. M. Crawford nous conduirait, mes nièces et moi, dans sa calèche. Edmond pourrait aller à cheval, et Fanny resterait ici avec vous, ma sœur. »

Lady Bertram ne fit aucune objection. Chacun de ceux qui étaient compris dans le voyage s’empressa de l’approuver, excepté Edmond, qui entendit tout sans rien dire.

CHAPITRE VII.

« Eh bien, Fanny, dit Edmond le jour suivant, comment trouvâtes-vous miss Crawford hier ? »

« Très-bien. J’aime à l’entendre parler ; elle m’amuse, et elle est si jolie, que j’ai beaucoup de plaisir à la regarder. »

« C’est principalement sa physionomie qui est attrayante ; mais n’y a-t-il rien eu dans sa conversation que vous ayez blâmé ? »

« Ah ! il me semble qu’elle n’aurait pas dû parler de son oncle comme elle l’a fait ; j’ai été toute étonnée. Cet oncle avec lequel elle a demeuré pendant tant d’années, et qui traite le frère de miss Crawford comme son fils, à ce qu’on dit ; je n’aurais pas cru qu’elle en eût parlé ainsi. »

« J’ai bien pensé que vous en auriez été frappée ; cela n’était point convenable. »

« Et j’y trouve même de l’ingratitude. »

« De l’ingratitude ! c’est peut-être trop dire. Il est à présumer que l’amiral n’a pas beaucoup de droits à sa reconnaissance, et que c’est à la femme de l’amiral que miss Crawford en doit plutôt qu’à lui. »

« Et peut-être comme elle a été entièrement élevée par sa tante, madame Crawford, elle n’a pas reçu d’elle des notions précises sur les égards qui étaient dus à l’amiral.

« Votre remarque est juste. Oui, nous devons croire que les légers défauts de miss Crawford doivent être attribués à la manière dont elle a été élevée. Son esprit est si vif, qu’il saisit tout ce qui lui présente une idée amusante. Je suis bien aise que vous l’ayez jugée à peu près comme moi. »

Il y avait toutefois une différence dans cette manière de juger miss Crawford entre Edmond et Fanny. Edmond était très-disposé à lui vouer une sorte d’admiration qui ne pouvait être partagée par Fanny. La harpe arriva, et ajouta encore à la beauté, aux grâces, aux charmes de miss Crawford, car elle jouait de cet instrument avec un goût particulier. Edmond était chaque jour au presbytère pour entendre son instrument favori. Chaque matinée se terminait par une invitation pour la matinée suivante ; miss Crawford n’était pas fâchée d’avoir un auditeur, et tout allait le mieux possible.

Une jeune femme jolie, aimable, vive, tenant une harpe aussi élégante qu’elle-même, placée auprès d’une fenêtre qui s’ouvrait sur un jardin, présentant un gazon entouré d’arbres et d’arbrisseaux ornés du plus beau feuillage que l’été pouvait leur donner, c’en était assez pour émouvoir le cour d’un jeune homme sensible. La saison, la scène, l’air, tout était favorable à la tendresse et au sentiment. Aussi Edmond, après avoir joui pendant une semaine des charmes d’une pareille société, était-il passablement amoureux. Et quoiqu’il ne fût ni un homme du monde, ni un fils aîné, et qu’il ignorât l’art de la flatterie et des aimables riens, il commençait à être agréable à Marie Crawford. Elle trouvait un charme dans sa sincérité, dans sa candeur, dans son intégrité. Toutefois elle ne cherchait pas à approfondir ces dispositions de bienveillance. Il lui plaisait pour le moment ; elle aimait à le voir auprès d’elle, cela lui suffisait.

Fanny ne pouvait être surprise qu’Edmond fût chaque matin au presbytère. Elle aurait été charmée d’y aller aussi pour entendre la harpe, sans être aperçue. Mais elle s’étonnait qu’Edmond fut presque toujours avec miss Crawford, sans qu’il ne remarquât plus rien de ce ton léger et inconsidéré qu’il avait d’abord blâmé en elle. La première peine réelle que miss Crawford occasionna à Fanny fut le résultat de l’inclination qu’elle témoigna pour apprendre à monter à cheval à l’exemple des jeunes personnes du parc de Mansfield. Edmond s’empressa de l’encourager dans ce désir, et lui offrit son propre cheval parfaitement dressé, et qui était celui dont Fanny se servait. Cette proposition fut faite par Edmond, sans qu’il crût qu’il en résultât la moindre peine pour Fanny. Le cheval devait seulement être mené au presbytère une demi-heure avant qu’elle fût prête à faire sa promenade accoutumée ; et Fanny fut pénétrée de reconnaissance de ce qu’Edmond lui demandât la permission de faire cet arrangement.

Miss Crawford fit son premier essai sans inconvénient pour Fanny. Edmond, qui avait présidé à tout, revint avec le cheval avant que Fanny et le vieux cocher qui l’accompagnait ordinairement quand elle faisait sa promenade sans ses cousines, fussent prêts à partir. Le second jour ne se passa pas tout à fait aussi innocemment. Miss Crawford prenait tant de plaisir à l’exercice du cheval, qu’elle ne savait comment l’interrompre. Vive, hardie, et sans être grande, d’une stature vigoureuse, elle semblait faite pour y réussir. Fanny était prête et attendait. Madame Norris commençait à la gronder de ce qu’elle ne fût pas déjà partie. Mais ni Edmond ni son cheval ne paraissaient. Pour échapper à sa tante, elle sortit à pied.

Les deux maisons, quoiqu’à peine éloignées d’un quart de lieue, n’étaient pas en vue l’une de l’autre. Mais après avoir fait une centaine de pas, Fanny pouvait se placer sur une éminence d’où on avait la vue du presbytère et de ses environs. Fanny y alla et aperçut bientôt dans la prairie du docteur Grant, Edmond et miss Crawford, tous deux à cheval, allant l’un près de l’autre, tandis que le docteur, madame Grant et M. Crawford les regardaient. Les accens de joie de miss Crawford montaient jusqu’à l’oreille de Fanny, qui s’étonnait qu’Edmond l’oubliât, et ne pouvait se défendre d’un serrement de cœur. Elle ne pouvait détourner ses yeux de la prairie et s’empêcher d’examiner tout ce qui s’y passait. D’abord miss Crawford et son compagnon firent le tour de la prairie au pas, puis ils prirent le galop, et Fanny fut surprise malgré elle de la bonne grâce de miss Crawford. Quelques minutes après ils s’arrêtèrent ; Edmond prenait la main de miss Crawford pour lui montrer à tenir les rênes. Fanny pensait que M. Crawford aurait bien pu éviter cette peine à Edmond. Un moment après, miss Crawford à cheval, accompagnée par Edmond à pied, se dirigea vers le parc, et y entrant, vint vers l’endroit où se trouvait Fanny qui, craignant de paraître trop impatiente, marcha lentement de leur côté.

« Ma chère miss Price, dit miss Crawford aussitôt qu’elle fut à portée d’être entendue, je viens vous faire mes excuses de vous avoir fait attendre. Je réclame mon pardon, car je ne dissimule point combien je suis coupable d’égoïsme. Mais il faut que vous me pardonniez, car l’égoïsme est une maladie pour laquelle il n’y a point d’espoir de guérison. »

La réponse de Fanny fut extrêmement polie ; et Edmond ajouta que miss Crawford devait être tranquille, parce que sa cousine avait encore le double du temps qu’il lui fallait pour faire sa promenade accoutumée. Fanny, après avoir reçu les adieux de miss Crawford, prit une autre route du parc, suivie du vieux cocher et sa gaîté ne revint point, lorsqu’en se détournant elle aperçut Edmond et miss Crawford qui descendaient ensemble la montagne en prenant le chemin du village.

Le soir, lorsque les deux familles se séparèrent, Edmond demanda à Fanny si elle avait l’intention de monter à cheval le jour suivant.

« Non, je ne crois pas, si vous avez besoin du cheval, » répondit Fanny.

« Je n’en ai pas besoin pour moi ; mais si vous avez l’intention de rester à la maison, je crois que miss Crawford sera bien aise d’avoir le cheval plus long-temps à sa disposition, et même pour toute une matinée. Elle a un grand désir de voir les environs de Mansfield ; mais elle serait fâchée de vous contrarier en cela. Vous montez à cheval pour votre santé, tandis que c’est un exercice qu’elle ne prend que pour son plaisir. »

« Je resterai à la maison demain, bien certainement, répondit Fanny, et vous savez que je suis assez forte maintenant pour me promener à pied, si je voulais sortir. »

Edmond parut satisfait, ce qui consola un peu Fanny. La promenade à cheval dans les environs de Mansfield fut arrêtée pour le lendemain matin. Tous les jeunes gens des deux familles en faisaient partie, à l’exception de Fanny, et ils jouissaient d’avance, dans leurs conversations, du plaisir qu’ils se promettaient. Un premier projet en amena un second, et quatre jours se passèrent en semblables promenades, pour montrer aux Crawford les plus belles vues du pays.

Edmond se repentit un peu de priver aussi long-temps Fanny de l’exercice qu’elle était accoutumée à prendre ; mais il résolut fermement que cela n’arriverait point une seconde fois, quoiqu’il ne voulût cependant pas, à cause de cela, ôter à miss Crawford un de ses plaisirs.

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Litres'teki yayın tarihi:
18 mart 2025
Hacim:
380 s. 1 illüstrasyon
ISBN:
9788027302413
Tercüman:
Yayıncı:
Telif hakkı:
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