Kitabı oku: «Ndura. Fils De La Forêt», sayfa 3
3ème JOUR
MES SOUFFRANCES COMMENCENT
Quelque chose m’attaquait. Je sentais comment cela me piquait l’ensemble du corps. Je me levai d’un bond, totalement éveillé tout d’un coup et en criant. Je regardai mes mains, elles étaient couvertes de fourmis rouges à la tête énorme, mon corps était entièrement recouvert par elles. Elles me piquaient partout, sans interruption. J’enlevai mes vêtements, les arrachant presque, et commençai à frotter mon corps avec les mains, à sauter, à m’agiter et me tordre comme la queue d’un lézard, poussant des cris et gémissant de douleur. Certaines entraient dans ma bouche, m’obligeant à cracher encore et encore, j’en avais d’autres dans le nez, les oreilles, partout. C’était comme si un essaim entier d’abeilles avait décidé de m’attaquer. Je réussis peu à peu à me débarrasser des fourmis, mais il me fallut au moins dix minutes de plus pour que je sois certain que plus aucune ne parcourait impunément mon corps. Une interminable colonne de fourmis passait là où je m’étais couché9. J’avais l’ensemble du corps rougi par les coups que je m’étais donné pour retirer les fourmis et étais rempli de petits points encore plus rouges à cause des piqûres faites par ces maudits insectes. Tout me piquait tellement que je ne savais même pas quoi commencer à gratter. Bien qu’il n’en reste plus une seule sur moi, j’avais parfois l’impression de sentir quelque chose circuler dans un coin et m’agitais convulsivement à nouveau.
Lorsque je parvins à dominer ma colère et ma frustration, je pris mon sac et en fis partir toutes les fourmis, de même que sur la couverture et sur les habits que j’avais dispersé au sol. Je n’enfilai que les chaussures, gardant le reste dans le sac. J’attrapai des pierres et des branches que je jetai avec furie en direction de la colonne bien ordonnée tandis que je les insultais. Je perdis le contrôle un instant, je fus submergé par la colère. Tout était bien de la faute des fourmis. Je devais en finir avec les fourmis car elles m’avaient mené à cette stupide situation et elles allaient le payer. Je les écrasai plusieurs fois, furieux, frénétique, comme possédé par un feu destructeur impossible à arrêter. Certaines d’entre elles me montaient par la jambe, me piquant à nouveau, mais je ne sentais plus rien, la douleur ayant cessé l’espace d’un instant. Une unique pensée occupait mon esprit: en finir avec les fourmis. Je tapai des pieds, trépignant celles qui étaient par terre, écrasant à grands coups de main celles que j’avais sur le corps, les broyant contre mes jambes, mes bras ou ma poitrine. Ce fut mon unique guerre pendant quelques minutes, mon seul monde: des piétinements, des coups de main, des cris de fureur, de frustration contenue pendant trop longtemps. Un Gulliver furibond détruisant le monde de Lilliput. Je m’éloignai ensuite de quelques pas, je m’écroulai au sol et restai un moment dans la lune, totalement abandonné a mon sort, aveugle à ce qui se passait autour de moi, ignorant toute chose qui ne soit pas le néant, le vide intérieur. Je réagis, à toute fin. Pendant la nuit, il m’avait semblé entendre le murmure d’un cours d’eau proche. Je partis donc à sa recherche, déshabillé, négligé, tremblant, le corps entier me piquant, le bâton à la main et le sac à l’épaule. Derrière moi, une myriade de fourmis écrasées et encore plus grouillant tout autour dans une folle danse désorganisée bien particulière.
Effectivement, mon oreille ne m’avait pas trompé. Un fleuve de quelques cinq mètres de large se frayait un chemin parmi l’étendue boisée, devant mes yeux. Ma première intention fut de m’enlever les chaussures et me jeter à l’eau, mais je me rappelai quelque chose sur les sangsues et inspectai d’abord l’eau de la berge avec précaution, laissant un moment la prudence prendre la place de mon désespoir. La simple idée que l’une d’entre elles se colle à mon corps, s’accroche et suce mon sang me faisait tressaillir. En touchant l’eau de la main, je remarquai que la température était suffisamment agréable pour pouvoir y rester un moment. Je ne vis rien, excepté de très jolis petits poissons colorés, les uns plus que les autres, trop petits pour pouvoir être mangés et trop beaux pour être tués. Ils avaient le corps allongé et aplati, la queue divisée en trois, la partie centrale ressemblant à des plumes d’oiseau. Ils avaient les yeux plus gros que la tête, de couleur bleu irisé et, lorsque les rayons du soleil réfléchissaient sur leur corps, une incroyable gamme, allant du bleu jusqu’au violet, apparaissait sur leurs écailles10. Je cherchai d’autres animaux comme des piranhas, des crocodiles ou quelque chose du genre mais ne trouvai rien. Je décidai donc de me baigner après avoir bu un peu d’eau.
Après m’être assuré, tout d’abord, à l’aide du bâton, que le sol était ferme, je me mis à l’eau avec les chaussures aux pieds, parce que je redoutais de me faire piquer par une bête ou de me planter quelque chose dans le pied. Je ressentis tout d’abord un frisson à cause du contraste entre la température de l’eau et celle de l’air ambiant, mais je m’habituai rapidement. Des libellules aux formes allongées et aux couleurs vives volaient autour de moi, de leur vol rapide et sûr. Il y avait aussi une grande quantité d’insectes, aussi bien volant que glissant à la surface de l’eau, comme s’il s’agissait d’une patinoire.
Je m’arrêtai lorsque j’eus de l’eau jusqu’aux genoux et me mouillai l’ensemble du corps à l’aide des mains. L’effet rafraîchissant de l’eau sur les innombrables piqûres de fourmis, les nombreuses griffures et sur le genou enflammé me produisit une sensation indescriptible de soulagement. Pouvoir être dans l’eau un bon moment, oubliant tout, profitant de chaque seconde, me relaxa profondément. Je fermai les yeux et mis la tête sous l’eau, retenant la respiration le plus longtemps possible, sentant la fraîcheur parcourir ma peau, l’enveloppant et la caressant en douceur. Pendant un court laps de temps, tous les problèmes et les soucis s’évanouirent. Je bus aussi de grandes gorgées d’eau, jusqu’à ce que ma soif soit complètement étanchée. Au sortir de l’eau j’étais décidé à survivre coûte que coûte, j’avais recouvré le moral, mon esprit était disposé à lutter.
J’entendis un bruit dans un arbre tout proche et me cachai rapidement derrière l’épaisseur feuillue. Ils m’avaient trouvé, nu et au dépourvu, ils allaient surement me tuer, m’assassiner sans aucune pitié, me sacrifier tel un animal. Je ne voulais pas mourir. N’avais-je pas pu les semer? N’avais-je pas droit à un peu de tranquillité? N’en avais-je pas eu assez avec les fourmis ? Les images de Juan criblé de balles par les rebelles apparurent dans ma tête comme une succession de courts flashs. Le corps sans vie d’Alex assis dans l’avion après le choc, le sang coulant sur son front, vint me tourmenter une fois de plus. Je m’imaginai saignant de divers orifices produits par les tirs des rebelles, allongé sur le sol au pied d’un grand arbre, eux riant, moi agonisant. La douleur… J’observai à travers les branches des arbres et finis par découvrir l’origine du bruit: un singe mesurant à peu près 50 centimètres de haut avec une queue de la même longueur, la face bleutée, une bande de poils sombres de chaque côté entre l’œil et l’oreille, la majeure partie du corps brun-jaune et le cou, la poitrine et le ventre blancs11. Je n’étais peut-être pas destiné à mourir ce jour-là. Il en apparut d’autres petit à petit et cinq d’entre eux se réunirent, sautant de branche en branche et poussant des cris perçants. Ils devaient être en train de jouer : ils grimpaient à une branche et la secouaient énergiquement en criant. Peut-être était-ce la saison des amours, je ne le savais pas. En tout cas c’était un spectacle grandiose. Mon cœur recommença peu à peu à battre normalement. En dernier, j’en vis un attraper au sol quelque chose ressemblant de loin à une scolopendre et la manger.
Un autre singe, d’apparence similaire mais aux couleurs différentes, apparut sur l’autre rive du fleuve. Celui-là avait la face noire, les pattes et la barbe blanches, de même que la poitrine et une partie des bras. Sa couleur s’obscurcissait et il avait une tache rouge-orangée triangulaire sur le dos. Il était plus grand et plus trapu que le singe d’avant12. Il but un peu d’eau à l’aide de sa main et disparut. Je restai un peu à regarder les autres jouer et sauter, c’était une expérience unique que je n’aurais jamais imaginé pouvoir vivre. Je me souvins une nouvelle fois de mes deux amis décédés et pensai au plaisir qu’ils prendraient à voir cela, surtout Alex, toujours jovial et curieux de tout. A présent, avec qui commenter ces moments ? Avec qui les partager? Personne ne les avait vécues avec moi pour pouvoir le comprendre. Non, je ne devais pas penser à cela! Cela ne m’aidait pas à aller de l’avant et j’avais besoin à présent d’emmagasiner la plus grande quantité possible d’énergie pour pouvoir survivre. Mon seul objectif devait être de sortir de cette maudite jungle. Echapper à cet enfer de verdure.
Je m’enlevai les baskets et les tordis un peu afin d’en essorer l’eau puis les accrochai à l’extrémité d’une branche pour les faire sécher. Je pris ensuite la bouteille d’eau et cherchai un endroit avec du courant pour la remplir, il me semblait avoir lu qu’il valait mieux ne pas en prendre là où l’eau était stagnante car il y avait davantage de possibilités qu’elle soit insalubre ou qu’elle contienne des bestioles. J’aurais pu m’en rappeler avant de boire. L’ensemble du corps me piquait sans arrêt, mais moins qu’avant. Je sentais des piqûres dans la cuisse et, lorsque je regardai pour voir si j’étais blessé, je vis une sangsue qui s’était collée à ma jambe pour sucer mon sang. C’était une espèce de limace, peut-être plus mince. Je pris d’abord peur mais ensuite je réagis et pensai à comment solutionner cela. Si mes souvenirs étaient bons, on enlevait les sangsues avec du sel ou en les brûlant. Je sortis le briquet et plaçai la flamme tout contre jusqu’à ce qu’elle se recroqueville, j’en profitai pour la décoller avec le couteau. Il ne restait qu’une tache rouge à l’endroit où elle avait été, une goutte de sang coulait sur le bord. Je passai la flamme sur la pointe du couteau et cautérisai la plaie avec précaution. Je ne savais pas du tout si les sangsues infectaient la plaie qu’elles faisaient ou pas et préférais ne pas prendre de risque. La douleur fut tellement grande que je dus faire de gros efforts pour ne pas crier de toutes mes forces. Je passai en revue le reste du corps au cas où il y en aurait eu une autre mais c’était la seule. J’avais maintenant la pointe de mon couteau marquée au feu sur la cuisse. J’allais avoir une cloque énorme. Je n’aurais peut-être pas dû faire cette bêtise.
La paresse prit le contrôle de mon corps et je décidai de ne rien faire de la matinée. Autant d’émotions à la suite m’avaient fatigué, j’étais éreinté et j’avais l’impression que mon corps pesait des tonnes. Je cherchai un endroit ombragé et, une fois sec, je m’habillai. J’utilisai le t-shirt souvenir de Namibie qui était dans mon sac pour protéger ma tête, visage inclus, des nombreux insectes agaçants qui jalonnaient la rive. J’observai un arbuste proche de moi avant de m’allonger. J’en avais déjà vu plusieurs comme ça, au fruit couleur carmin, plutôt voyant, avec de petits pépins bleus13. Serait-ce comestible? J’écrasai une fourmi esseulée que je n’avais pas encore réussi à enlever de sur les habits. Je fermai les yeux et entrai sans résister dans un état de somnolence, d’assoupissement. La chaleur et l’humidité produisaient une lourdeur qui retombait sur les muscles et sur la volonté.
Un coup de feu, puis une rafale d’arme automatique, d’autres coups de feu. Je me levai d’un bond. Ils provenaient des berges du fleuve, bien qu’éloignés. Là ce n’était pas le fruit de mon imagination, ils allaient me trouver d’un instant à l’autre. Je repris conscience d’un coup que ma situation ne me permettait pas de me reposer, que si je ne maintenais pas mes sens constamment en alerte je courais à ma perte certaine.
Je rangeai tout rapidement, mis le t-shirt dans le sac, enfilai mes chaussettes et mes chaussures et je pris mon bâton. Elles étaient encore mouillées, mais à ce moment-là je n’avais pas le temps de faire attention à ces détails. Je décidai que le meilleur chemin possible pour arriver quelque part était de continuer par le lit du fleuve, mais longer la rive me paraissait trop dangereux et je m’enfonçai donc dans la forêt une fois de plus pour essayer de passer inaperçu entre le feuillage et marcher quatre ou cinq mètres en parallèle du fleuve. C’était un monde clos. Où que se posent mes yeux, je ne trouvais qu’un impénétrable mur de verdure sans issue. Je ne voyais tout au plus qu’à 3 ou 4 mètres devant moi. Je perdis bientôt le cours du fleuve et, une fois de plus, me retrouvai en route pour nulle part.
Je marchai en alternant rythme soutenu et rythme plus lent l’après-midi durant, faisant de courtes pauses. Le juste et nécessaire pour reprendre mon souffle et écouter si des coups de feu étaient tirés. A chacun de mes pas, je devais supporter en permanence le bruit de mes souliers, semblable à celui que l’on produit lorsqu’on marche dans une flaque d’eau, ainsi que de sporadiques signaux de crampes dans le mollet. La densité du feuillage augmentait par moments, plongeant certains endroits dans l’ombre. Il y avait des moustiques partout qui n’arrêtaient pas de me harceler comme s’il s’agissait d’une bataille sans fin. Ils me rappelaient parfois les kamikazes japonais de la Seconde Guerre Mondiale, fonçant en piqué sur leur objectif sans se soucier de leurs vies. Les moustiques leur ressemblaient en cela, se ruant sur mon corps en continu sans se soucier des pertes causées par les coups de mains, que j’utilisais comme artillerie anti–aérienne. Certains étaient tellement gros qu’ils ressemblaient davantage à de gigantesques bombardiers qu’à des avions de chasse. Leur seule présence était redoutée des ennemis. J’étais tendu dès que je les apercevais, prêt à les esquiver. Il y en avait toujours un qui avait faim et mes bras et mes jambes n’étaient que piqûres, là où les habits ne me couvraient plus. Certaines piqûres avaient même été faites par-dessus celles des fourmis au réveil. C’était une bataille perdue d’avance, une lutte banale, futile, inutile, car ils n’arrêteraient pas et que j’étais de plus en plus fatigué. Ils m’importunaient tellement que je décidai de recouvrir de terre humide les parties où je n’avais pas d’habits, formant ainsi une barrière impénétrable. Cette idée lumineuse me sauva. Ce n’était pas pratique à l’heure de faire des mouvements, surtout quand ça séchait, mais les attaques continuelles de moustiques étaient pires. Grâce à cette astuce je pus oublier les implacables insectes pendant un bon moment et, bien que je n’obtienne pas la victoire, j’eus au moins droit à une trêve temporaire. De plus, à ma grande surprise, cela eut pour effet de soulager les piqûres de fourmis. Un peu de chance, enfin.
J’observai tout autour de moi, j’avais la constante sensation d’être suivi, d’être à chaque fois un peu plus encerclé, traqué dans une jungle sans fin. J’avais même l’impression d’entendre des pas et des voix derrière moi ou de voir de fugaces visages de guérilleros me regardant d’un air féroce entre les arbres, surveillant sans cesse. A vrai dire, je n’en vis aucun clairement, je ne pus même pas trouver une trace de leur présence dans la zone. J’avais l’impression que les arbres ployaient au-dessus de ma tête, m’emprisonnant toujours plus dans une cellule de bois vivante. Je ne savais pas si je devenais paranoïaque ou quoi, mais je devais arriver à me calmer pour pouvoir survivre dans cette jungle inconnue et mortelle.
Je tombai sur un tableau dantesque au cours de cette démente déambulation. Ce qui semblait être les membres d’une famille de primates, de la taille d’un chimpanzé ou d’une espèce semblable, gisaient dans une clairière, au milieu de grandes flaques de sang séché et entourés par des myriades de mouches et par toute sorte d’insectes et de charognards. Ils étaient dépourvus de mains, de pieds et de têtes. La puanteur qui s’en échappait était insupportable et je ne pus réprimer l’envie de vomir qui me monta instantanément à la gorge. Je rassemblai tout mon courage et regardai à nouveau. Il devait y avoir deux adultes et un plus jeune. Il ne semblait pas y avoir de petit, je ne savais pas si c’était parce qu’on l’avait capturé, parce qu’il n’y en avait pas ou parce qu’on l’avait emporté pour le vendre au marché noir. Je savais que certaines parties d’animaux se vendaient très bien en guise d’aphrodisiaques dans les pays d’Asie : les cornes de rhinocéros, les os de tigres et autres choses dans ce genre. Peut-être était-ce en rapport avec cela. Je décidai de m’éloigner de cet endroit maudit le plus vite possible. Cette découverte ne me démontra pas seulement une nouvelle fois la cruauté humaine, mais elle me fit également comprendre que je me trouvais dans des zones fréquentées par des braconniers, sûrement peu amicaux avec les étrangers.
Tout ce qui se passait m’affectait grandement. Je ressentis à moment donné une forte crampe dans le mollet droit, ce qui m’obligea à m’arrêter pour l’étirer, pinçant fortement les lèvres à cause de la douleur et me tordant de douleur au sol. Je dus rester assis un bon moment avant de pouvoir me remettre en mouvement et je sentis une gêne constante tout le reste de la journée. Je crus plusieurs fois que la crampe revenait et je dus m’arrêter pour étirer la jambe. J’étais complètement épuisé à la tombée du jour. Je n’avais pas beaucoup avancé étant donné le rythme peu soutenu que j’avais dû prendre. J’avais surtout les jambes fatiguées après avoir autant marché, le genou et le mollet me faisaient mal et mes pieds étaient comme endormis. Je regardais le côté positif: si je m’en sortais, j’en aurais fini avec ce ventre naissant de buveur de bière que j’étais en train de mettre. C’était toujours ça. Je ne devais pas perdre le sens de l’humour, c’était ce qui pourrait me sauver. C’était tout ce qui me restait, ça et mon envie de vivre. Elena, je donnerais tout, tout de suite pour que tu me prennes dans tes bras, pour ton sourire! Ou pour un de ces bons petits plats que tu préparais!
Je m’assis sur un tronc déraciné, mangeai toute la pâte de coings qui restait et bus une grande gorgée d’eau. Il ne me restait qu’un fond de bouteille et je n’avais plus aucune nourriture. Je passerais ma troisième nuit dans un arbre, une nouvelle fois. Je ne pensais pas arriver à m’endormir après l’expérience des fourmis, bien qu’elles soient aussi bien sur le sol que dans les arbres. Mais j’avais encore moins envie de me faire attraper pendant mon sommeil par les canailles des coups de feu. Comme je le fis la première nuit, je cherchai un arbre adéquat et, après l’avoir trouvé, j’eus l’idée de me hisser jusqu’à la branche choisie à l’aide d’une plante grimpante. Dès que je posai ma main sur la plante je dus la retirer car je sentis une piqûre aigüe. Elle avait des épines. Je frottai la paume endolorie et cherchai un autre arbre auquel grimper. Après l’avoir trouvé, je montai en faisant très attention et me disposai à passer une nouvelle nuit dans cet enfer. J’ôtai mes baskets et mes chaussettes et priai pour que tout soit sec le lendemain, j’en doutais car l’air était humide presque en permanence. J’avais les pieds fripés et de couleur vert-brun clair. Je les séchai du mieux possible, mais la sensation de mal-être persista malgré tout. J’essayai de me réchauffer mais je n’y parvins pas, pas même avec la couverture, ni en me frottant le corps. J’étais constamment dérangé par les piqûres de moustiques et de fourmis mais je ne pouvais rien y faire. La seule chose qui me soulageait était la boue humide que j’appliquais sur mon corps pour éviter d’être piqué. La démangeaison permanente était alors remplacée par une sensation réconfortante que je ne saurais décrire. Je sentais une douleur diffuse et continue dans les jambes, de même que dans le dos. J’avais le bras droit endormi de fatigue à force de donner, toute la journée, ce qui ressemblait à des coups de machette à l’aide du bâton.
J’étais tellement épuisé que je m’endormis de suite. Ma dernière pensée fut l’espoir de pouvoir savourer au réveil un petit déjeuner composé d’un grand bol de lait au miel et d’une ou deux tartines avec beaucoup de beurre et de confiture de fraises ou de mûres.
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