Kitabı oku: «L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793», sayfa 9
LES PRIX
Les prix, régulièrement décernés à partir de l’année 1721, devaient accroître l’autorité de l’Académie et lui donner en quelque sorte une vie nouvelle en lui demandant des jugements plus solennels sur des travaux souvent considérables. Rouillé de Meslay, conseiller au Parlement, avait légué à l’Académie une rente de quatre mille livres, au principal de cent mille livres, constituée à son profit par les prévôts des marchands et échevins de la ville de Paris, à condition que Messieurs de l’Académie des sciences proposeraient tous les ans un prix de la moitié de ladite somme pour être donné par eux à qui aurait le mieux réussi par raison et non par éloquence, mais en quelque langue et style que ce soit, au jugement de Messieurs de l’Académie, partie d’icelle, ou des commissaires par elle nommés, sur un traité philosophique ou dissertation touchant ce qui contient, soutient et fait mouvoir en son ordre les planètes et autres substances contenues dans l’univers, le fond premier et principal de leurs productions et formations, le principe de la lumière et du mouvement. «Mes méditations, ajoutait-il, m’ont ce me semble, conduit à cette importante découverte et approché les yeux de mon entendement de la connaissance de l’éternel et premier être. Mais n’ayant les talents de mettre au jour mes conséquences, je m’en remets aux savants, et j’espère qu’en suivant ces recherches, ils dévoileront des vérités autant essentielles que manifestes et qui augmenteront l’admiration qu’on doit à Dieu. Et sur l’autre moitié de ladite rente, il en sera employé le quart pour les rétributions ou épices de MM. les juges, l’autre quart à M. le secrétaire de l’Académie, pour les frais des annonces et publications et copies des traités qui seront faits, et d’en fournir deux exemplaires du plus prisé avec extrait des principaux: un pour le château de Meslay-le-Vidame, aux seigneurs, comtes et leurs successeurs; l’autre pour les propriétaires de ma maison rue du Temple et de Meslay, à Paris, y adresse. En cas de remboursement de ladite rente, l’emploi sera fait en fonds sujet aux mêmes charges; et si cela manquait d’être exécuté pendant quelques années, le revenu accumulé grossirait autant le prix et rétribution jusqu’au double et triple; mais si quatre années se passaient sans effet desdites conditions, le contrat de cent mille livres, ou le fonds qui lui aurait servi de remploi, retournerait à mes héritiers en ligne directe.
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«Item, je donne et lègue à l’Académie des sciences de Paris la rente de mille livres, au principal de vingt-cinq mille livres, constituée à mon profit par messieurs les marchands et échevins de la ville de Paris, à condition que Messieurs de l’Académie proposeront tous les ans un prix de la moitié de ladite rente, pour être par eux donné tous les ans à celui qui aura le mieux réussi en une méthode courte et facile pour prendre plus exactement les hauteurs et degrés de longitude en mer et en les découvertes utiles à la navigation et grands voyages.
«Et en cas que ces matières se trouvassent épuisées ou poussées à leur perfection, il sera proposé de faire par cantons commencés au choix de Messieurs de l’Académie, des cartes topographiques marquant le niveau des terrains et cours des eaux par rapport à la mer à mi-marée et lit ordinaire, en sorte que ces cartes rassemblées dans la suite des temps, on puisse s’en servir pour les desseins de canaux et communications de navigation, ménage et utilité de torrents perdus ou nuisibles, et autres avantages que le bien public fait tenter, dont les succès ou projets peuvent avoir besoin de ce principe des niveaux qui peuvent diriger le choix des entreprises. Le niveau des puits ou sources vives n’étant pas suffisant, je substitue dans ce legs plusieurs sujets: celui des longitudes m’a occupé en vain, par rapport à la sphère céleste; les constellations, les hauteurs et les phénomènes paraissent les mêmes à pareilles heures, sur toute la longitude, quand on ne change pas de latitude. Les savants peuvent aller plus loin; mais je me trompe fort si le hasard mis à profit, ne fournit plus pour cette découverte que l’astronomie ou règles de mathématiques. Peut-être que ce globe donnera quelque aimant avec cette propriété. J’avais cru qu’il se pourrait qu’un coq par exemple de Portugal, accoutumé de chanter à minuit, ne chanterait en France qu’à une heure du matin et quelques épreuves de recherche me persuadaient de la diversité que je n’ai pu approfondir avec les expériences requises.»
Le fils de Meslay, plus soucieux de sa richesse que de l’honneur de sa famille, osa résister aux dernières volontés de son père et disputer avec acharnement la part trop généreusement faite par son testament à des œuvres bonnes et utiles. L’exagération, la singularité ou l’extravagance de certaines clauses furent injurieusement invoquées comme preuves péremptoires de l’insanité de son esprit.
Le procès dura plusieurs années.
«Je supplie la divine Providence, avait dit M. de Meslay, qu’il me soit accordé d’ordonner ou de disposer que d’une manière qui soit agréable à sa divine sagesse et que je meure plutôt que de faire aucune chose qui lui déplaise, et je désire ne respirer à l’avenir que pour faire le bien et mon devoir. Plaise à Dieu que les douleurs longues et aiguës dont je suis affligé depuis tant d’années me soient utiles pour implorer l’effet de sa miséricorde.» A ces lignes, qui montrent tant d’ardeur pour le bien, le fils de Meslay ne trouvait rien à redire, mais la suite était livrée à l’ironie de son avocat: «Je veux, avait écrit Meslay, être inhumé sans bière ni cérémonie, ordonnant que tous les frais mortuaires et services seront faits à l’instar des pauvres sauf le salaire dû aux porteurs qu’on payera au quadruple de la taxe ordinaire.» Une telle parcimonie était-elle d’un homme sain d’esprit? On alléguait encore un grand nombre de libéralités et legs peu considérables à des domestiques, fermiers ou pauvres du voisinage, sous la condition qu’ils promettraient de s’abstenir de viande et de poisson pendant le reste de leur vie. «Je regrette, disait-il, de n’avoir pas gardé cette abstinence toute ma vie.»
Une condition aussi insensée devait suffire, disait-on, pour invalider tout le testament.
Mais l’avocat de M. Meslay fils insistait surtout sur le choix des questions indiquées à l’Académie. N’est-il pas absurde de demander une dissertation sur ce qui contient les planètes? «Ce sont, disait-il, les espaces imaginaires sur lesquels ni l’Académie ni personne ne sauraient rien nous apprendre.» La recherche des principes de la lumière et du mouvement lui semblait non moins ridicule, «c’est Dieu,» disait-il, et il défiait l’Académie d’en proposer une autre.
Me Chevalier plaidant pour l’Académie ne le contestait pas: «Dieu, disait-il, est la cause universelle de tout ce qui est; c’est lui qui a fait la lumière, mais est-il interdit pour cela de chercher à s’en faire une idée plus claire et plus distincte?» L’espoir enfin d’estimer les longitudes à l’aide du chant d’un coq attirait les sarcasmes et y prêtait un peu; mais Me Chevalier, que rien ne déconcerte, triomphe au contraire sur ce point en invoquant l’autorité imposante de Descartes.
«Tout le monde sait, disait-il, que suivant les principes de la nouvelle philosophie tous les animaux sont des automates ou des machines dont la structure est d’autant plus parfaite que leur auteur surpasse infiniment tous les hommes dans la connaissance des véritables principes de la mécanique. Cela supposé, si la structure de ce coq est telle qu’il doit chanter à la même heure qu’il chante dans le lieu où il est né, dans quelque partie du monde qu’il soit transporté, on aurait dans ce cas, cette montre ou pendule que l’on cherche avec tant de soin pour reconnaître en mer l’heure qu’il est au lieu de départ.»
Le Parlement, plein de courtoisie pour l’Académie, la pria de s’expliquer sur les assertions de son adversaire pour en convenir ou en disconvenir. L’Académie se déclara, avec beaucoup de raison, prête à proposer chaque année les deux sujets demandés par M. Meslay qui pouvaient tous deux donner lieu à des dissertations utiles et intéressantes. Le célèbre axiome, ab actu ad posse valet consequentia, était d’ailleurs une preuve convaincante. Les travaux de Descartes, de Malebranche et de Newton ne pouvaient être le dernier effort de la philosophie; pourquoi les découvertes de ces grands hommes ne seraient-elles pas imitées ou accrues? Et quant au second legs relatif aux longitudes, il suffisait de faire remarquer que depuis longtemps déjà l’Angleterre proposait 500,000 fr., la Hollande presque autant, et le régent de France 100,000 livres pour cette précieuse découverte; il faudrait donc, si elle est impossible, associer ces noms respectables aux visions et à la bizarrerie que l’on osait imputer au testateur.
Le procès dura quatre ans; l’Académie le gagna sur tous les points. Le Parlement, par une sentence immédiatement exécutoire, lui accorda le capital et les arrérages qui portèrent le revenu total à 6,000 livres. Me Chevalier n’accepta pour honoraires qu’un exemplaire des ouvrages publiés par l’Académie et le droit d’assister à ses séances.
Le Parlement avait bien jugé. Utile à l’Académie comme à la science, l’inspiration de M. de Meslay fut des plus heureuses; le champ de recherches que les héritiers présentaient comme étroit et stérile se trouva au contraire aussi vaste que fécond; et quoique les paroles du fondateur ne portent pas toujours jusqu’où tend son esprit, l’Académie, fidèle sans explication forcée à ses volontés évidentes, eut, grâce à lui pendant plus d’un demi-siècle, l’honneur de diriger les géomètres vers les plus grandes voies de la science en récompensant d’admirables découvertes qu’elle avait souvent provoquées.
Le choix judicieux des questions proposées, l’excellence des mémoires couronnés et la juste célébrité des concurrents, devaient accroître, avec l’étendue de son influence, le renom de l’Académie des sciences de Paris. Entrant en commerce continu avec les savants les plus illustres de l’Europe, et montrant le sentier qu’ils consentaient à suivre, elle semblait marcher en quelque sorte devant eux, et partager leur gloire en la proclamant.
Ses décisions un peu timides d’abord mais presque toujours reçues dans la suite avec applaudissement, devaient au début donner prise à de sévères critiques et causer bien des murmures. Nulle autorité en matière de science ne prévaut contre la vérité, et les concurrents étaient en droit de juger leurs juges. On peut croire qu’ils n’y manquèrent pas. Le début, il faut en convenir, ne fut pas heureux. Les concurrents devaient traiter du principe, de la nature et de la communication du mouvement. Jean Bernoulli concourut; l’Académie, sans comprendre la portée de son excellent mémoire, couronna le discours superficiel et insignifiant d’un M. de Crousas. L’injustice était flagrante, ou plutôt la méprise. L’Académie, en effet, ne possédait alors aucun géomètre de marque; les mécaniciens, plus habiles dans la pratique que dans la science spéculative, croyaient s’assurer sur les théories de Descartes. Leur esprit, préoccupé de ses assertions tranchantes et obscurci par ses erreurs respectées, aurait eu beaucoup à désapprendre pour prononcer avec exactitude sur des principes qu’ils entendaient fort mal. Bernoulli, irrité et blessé, protesta de toutes ses forces contre une décision qu’il ne devait oublier ni pardonner. «Il faut, écrivait-il à Mairan, en parlant de son concurrent, que son système erroné et contre la raison tombe de lui-même. Cela étant, dites-moi avec quelle justice peut-on avoir couronné son mémoire en le préférant à un autre, où je défie qui qu’il soit de montrer le moindre faux raisonnement. N’est-ce pas favoriser l’erreur au préjudice de la vérité? Quelle honte! Qui est-ce qui voudra travailler désormais sur vos questions, s’il ne peut plus compter ni sur la clairvoyance ni sur l’équité de la plupart des commissaires?» Sa colère, vingt ans après, dans une lettre à Euler, s’exhale avec la même énergie, et sans se soucier du principe de la chose jugée, il se croirait fondé à revendiquer ses droits devant les successeurs des juges qui les ont méconnus.
Après avoir décerné quatre prix, l’Académie rencontra un embarras imprévu: une mesure financière, qu’il est permis de nommer une banqueroute, réduisit à 3,700 livres la rente de 6,000 livres constituée par-devant notaire sur les revenus de la ville de Paris, et il s’éleva une question difficile à résoudre; l’Académie ne pouvait plus satisfaire aux obligations formellement imposées par le testament de M. de Meslay. Quel usage devait-elle faire du revenu qui lui était laissé? Le Parlement consulté, sans décliner sa compétence, déclara s’en rapporter à la sagesse de MM. les académiciens, dont les avis furent fort partagés. Fallait-il réduire proportionnellement la somme allouée pour chaque prix ou diminuer le nombre des récompenses? L’abandon des épices attribués aux juges aurait tout arrangé, mais l’idée n’en vint alors à l’esprit de personne. Il fut décidé, après longues discussions, que l’Académie décernerait chaque année, et alternativement, un prix de 2,500 livres sur une question relative au système général du monde, et l’autre de 2,000 sur un sujet touchant à la navigation.
Les savants les plus illustres trouvaient alors ces récompenses fort considérables et les disputaient avec ardeur. Les familles d’Euler et de Bernoulli se partagèrent près de la moitié des prix décernés par l’ancienne Académie. Lagrange, qui leur succéda, fut couronné pour trois de ses plus beaux mémoires de mécanique céleste. L’orgueilleux Jean Bernoulli lui-même rentra souvent dans la lice; il était fort sensible à la gloire; «mais vous savez, écrivait-il à Mairan, qu’il faut quelque chose de plus solide pour faire bouillir la marmite.» Aussi, lorsqu’il recevait le prix, ne négligeait-il aucun soin pour recevoir la somme due par la voie la plus avantageuse.
«Depuis ma dernière lettre, écrit-il à Mairan (27 mai 1734), nous attendions toujours, moi et mon fils, d’apprendre la proclamation de nos pièces victorieuses, avant que de disposer de la somme du prix. Nous voyons présentement par l’honneur de la vôtre, du 19 mai, que la proclamation se fit à la rentrée publique, suivant la coutume, quoique nous ne sachions pas encore si elle a été annoncée au public dans la Gazette de Paris, comme cela se pratiquait les autres fois, ce qui m’apprenait d’abord le nom de celui qui avait remporté le prix par l’extrait que l’on faisait toujours de votre Gazette à mettre dans la nôtre. Quoi qu’il en soit, il n’y a rien de perdu, la somme qui nous a été adjugée étant en bonne sûreté, soit chez vous, soit encore chez le trésorier. Nous croyons aussi que mon seul récépissé que je vous ai envoyé suffira pour toute la somme, mais il en faudra parler à M. de Maupertuis, à qui mon fils écrivit la semaine passée pour lui donner plein pouvoir de retirer sa part afin que M. de Maupertuis puisse se rembourser d’une petite dette que mon fils lui doit. Le reste et ma portion ensemble pourraient nous être remis par une lettre de change qui serait tirée sur un banquier d’Amsterdam et que nous pourrions négocier ici avec plus d’avantage que si elle s’adressait immédiatement à quelque marchand ou banquier d’ici.»
Tout en veillant de son mieux à ses intérêts, Bernoulli mettait l’honneur du succès à un plus haut prix encore. «Je vous avoue, dit-il, que l’événement du prix échu à moi et à mon fils nous est infiniment glorieux, aussi est-ce l’honneur que nous estimons beaucoup plus que l’intérêt pécuniaire, quelque considérable qu’il soit. C’est pour cette raison que nous désirons savoir si cet événement a été rendu public dans votre Gazette, suivant la coutume.»
L’Académie dut à l’institution de ses prix l’honneur de jouer un grand rôle dans l’histoire du célèbre problème des longitudes.
Presque tous les gouvernements de l’Europe avaient depuis longtemps, par des promesses considérables, dirigé les recherches des inventeurs vers ce difficile et important problème. Philippe III d’Espagne avait promis 100,000 écus; les États de Hollande 100,000 florins, et l’Angleterre 20,000 livres sterling à qui pourrait déterminer la longitude en mer avec l’exactitude nécessaire aux marins; une somme de 2,000 livres (50,000 fr.) était mise en même temps à la disposition de la Commission permanente chargée de juger les inventions de toute sorte que l’espoir d’une telle récompense faisait naître presque chaque jour.
L’emploi du loch et de la boussole élude la question et ne la résout pas; il consiste à déterminer d’heure en heure la position du navire par la grandeur et la direction du chemin parcouru. Un flotteur nommé loch est dans ce but jeté à la mer, et l’on suppose qu’il y reste immobile; l’écart du navire pendant trente secondes étant alors multiplié par 120 est considéré comme le chemin parcouru pendant une heure dans la direction indiquée par la boussole. Les erreurs d’une telle méthode peuvent dans une courte traversée s’élever à plusieurs degrés.
L’heure étant la même sur tous les points d’un même méridien, il suffirait pour connaître la longitude d’obtenir, directement ou indirectement, l’heure exacte du lieu d’où l’on est parti; mais si l’on songe que quatre minutes d’erreur correspondent à un degré, c’est là en pratique une très-grande difficulté; construire une horloge qui, après plusieurs mois de traversée, ne laisse pas craindre d’erreur de cet ordre, semblait au XVIIe siècle une entreprise impossible, et Jean-Baptiste Morin, qui le premier proposa une solution raisonnable du problème, doutait qu’une créature mécanique, fût-elle l’œuvre du diable, pût atteindre une telle précision idvero, dit-il, an ipsi dæmonio possibile sit, nescio.
Professeur d’astronomie au Collége de France, Morin, quoique inventif et hardi, repoussait le système de Copernic, contre lequel, en 1643, l’année même de la mort de Galilée, il publiait sous ce titre triomphant: Alæ telluris fractæ, une dissertation devenue fort rare. Morin de plus était astrologue, et, s’il faut en croire ses disciples, souvent heureux dans ses prédictions. Quoi qu’il en soit, on lui doit une idée excellente et pleine d’avenir. Les horloges ne pouvant donner l’heure exacte et certaine, c’est aux astres qu’il la demande, et sans recourir, comme Galilée, aux mouvements mal connus des satellites invisibles de Jupiter, il résout le problème en observant la distance de la lune aux étoiles voisines. Malgré le rapport défavorable de la commission nommée qui déclarait avec raison la méthode impraticable dans l’état actuel de la science, une pension plus que triple de ses appointements au collége royal, récompensa justement l’excellente idée de Morin. Le célèbre géologue et théologien Whiston proposa au contraire un projet absolument ridicule dont on fit grand bruit cependant; il fut l’occasion de la récompense si considérable promise par le Parlement britannique, et que plusieurs commissions examinèrent très-minutieusement.
Whiston proposait simplement de placer sur les routes que peuvent tenir les vaisseaux une série de navires attachés par leurs ancres, sorte d’îles flottantes de position fixe et connue, sur chacune desquelles, à minuit précis, heure de Londres, on lancerait chaque jour une fusée qui, en éclatant à 6,000 pieds de hauteur, montrerait l’heure exacte ou la ferait entendre à plusieurs centaines de milles à la ronde.
On fit aussi beaucoup de bruit, en France, d’une méthode proposée à Louis XIV par un aventurier suédois nommé Reussner Neystadt. L’inventeur ne voulait la livrer qu’en échange d’une riche récompense. Il consentit néanmoins à en expliquer le principe devant une commission dans laquelle siégeaient, sous la présidence de Colbert, Huyghens, Duquesne, de Carcavy, Roberval, Picard et Auzout. Les explications fort confuses de Reussner étaient données en allemand et traduites immédiatement par Huyghens qui, dans la commission, pouvait seul les entendre. L’approbation de son projet devait faire accorder à Reussner une somme de 60,000 livres à laquelle se serait ajouté à perpétuité un droit de quatre sols par tonneau pour chaque voyage des vaissaux qui emploieraient sa méthode. Mais le projet, qu’il est inutile de rapporter ici, se trouva impraticable et fondé sur des principes inexacts; les commissaires furent unanimes à le rejeter.
Henri Sully, célèbre horloger établi en France, présenta en 1724 à l’Académie, une horloge marine qui ne donna pas de bons résultats; cette manière d’aborder la question sembla cependant reprendre faveur, et plusieurs artistes habiles s’illustrèrent en s’y appliquant. Sully, découragé, paraissait cependant passer condamnation.
«Puisque, dit-il, le pendule lui-même a manqué de réussir pour donner avec certitude la connaissance des longitudes en mer et cela seulement à cause des changements auxquels les métaux sont sujets par la chaleur, le froid, les autres causes physiques, par l’inégalité de la force élastique, par l’inégalité de l’action de la pesanteur des corps et par les mouvements violents des vaisseaux sur la mer, quelle apparence y a-t-il qu’on trouve jamais de remède à tous ces inconvénients? Peut-on changer la nature des corps?»
Un simple charpentier anglais, Jean Harrison, merveilleusement doué du génie de la mécanique, entreprit à son tour de mériter la riche récompense promise par le parlement. Ses premiers essais datent de 1726. Il parvint à cette époque à construire deux pendules dont l’écart n’était pas d’une seconde en un mois. En 1736, une horloge présentée par lui supporta sans dérangement un voyage à Lisbonne. La Société royale de Londres lui accorda en 1737 la médaille de Copley qui, chaque année depuis cent cinquante ans, récompense l’œuvre scientifique jugée par elle la plus remarquable et la plus méritante. Vingt-cinq ans plus tard, en 1762, Harrison, avançant toujours dans la même voie, soumettait à l’amirauté anglaise une horloge éprouvée par deux voyages successifs à la Jamaïque; elle fut déclarée fort utile et lui valut une récompense de 2,500 livres (65,000 francs). Le succès, sans être jugé complet et définitif, produisit une grande sensation.
Le 16 avril 1763, M. Saint-Florentin communiquait à l’Académie des sciences la lettre suivante, écrite à M. de Choiseul par l’ambassadeur de France en Angleterre.
«Je crois devoir avoir l’honneur de vous informer qu’un Anglais, nommé Harrison, a trouvé un instrument propre, à ce qu’on croit par sa justesse, à fixer la longitude. C’est une espèce de pendule qui, dans le voyage de la Jamaïque, l’aller et le retour pris ensemble, n’a souffert qu’une minute cinquante-quatre secondes de variation. Cette machine va être examinée publiquement et en même temps on donnera environ 100,000 francs à l’auteur. Ces 100,000 francs seront à-compte du prix total promis à la découverte des longitudes, et la somme entière du Præmium ne sera adjugée au sieur Harrison qu’après une nouvelle épreuve dans un voyage aux îles qu’il fera encore cet été. Les savants ou artistes qui voudraient assister à l’examen de l’instrument devront donner incessamment leurs noms pour être enregistrés et doivent se rendre ici de leur personne. On m’a chargé de vous demander si vous voudriez envoyer ici un Français pour être témoin et partie de l’examen, et on m’a dit qu’il faudrait que ce fût un habile et savant horloger comme sans doute nous en avons.»
L’Académie, en confiant cette mission à l’un de ses membres, eut le bon esprit de lui adjoindre Ferdinand Berthoud; c’était pour l’illustre horloger français l’invitation la plus pressante à égaler, à surpasser peut-être un jour l’œuvre excellente qu’il était capable de juger et digne d’admirer sans réserve. Malheureusement Harrison, mécontent de ses juges, refusa de montrer les détails de son horloge, et le voyage fut inutile à Berthoud. Les commissaires, presque tous astronomes, tout en jugeant l’horloge d’Harrison excellente et utile, refusèrent de la déclarer parfaitement sûre. Les observations de la lune restaient indispensables suivant eux pour corriger les bizarres inégalités qui surviennent parfois dans les meilleurs instruments. L’horloge n’obtint donc que la moitié de la récompense promise, et Mayer de Gottingue reçut pour ses tables de la lune la plus grande partie de l’autre moitié. C’est dix ans plus tard seulement, qu’un nouvel acte du parlement compléta pour Harrison la récompense de 20,000 livres; il était âgé de soixante-dix ans.
L’Académie des sciences, qui bien des fois déjà, par le programme de ses prix, avait rappelé à l’attention des savants le problème des longitudes, proposa de nouveau, en 1765, la recherche du meilleur moyen de déterminer la longitude en mer. Le succès d’Harrison et la connaissance sommaire de ses procédés avaient déjà encouragé et stimulé le zèle de Berthoud qui, s’adressant directement au ministre de la marine, lui avait proposé plusieurs horloges dont sa grande renommée exigeait un sérieux examen. Le ministre organisa une expédition dont le plan tracé par les officiers de marine fut approuvé par l’Académie. Mais elle avait en même temps à juger les pièces du concours auquel Berthoud refusait de prendre part: par l’organe de son président le marquis de Courtanvaux, elle demanda au ministre la disposition d’un bâtiment pour y faire ses études. M. de Saint-Florentin répondit, comme on aurait pu s’y attendre, qu’un bâtiment étant frété pour éprouver les horloges de M. Berthoud, il était très-facile d’y embarquer celles des concurrents, et que MM. les académiciens qui voudraient les accompagner trouveraient à bord toutes les facilités et tous les égards désirables. Peu satisfait de cette réponse, M. de Courtanvaux, président de l’Académie, se décida à faire construire à ses frais une corvette appropriée par son peu de tirant d’eau aux nombreuses relâches qu’il conviendrait de faire, et, prenant Pingré à son bord, il partit du Havre le 14 mai 1767, emportant deux montres présentées au concours par P. Leroy, qui voulut les suivre lui-même et faire partie de l’expédition.
Craignant que l’exactitude vérifiée au retour ne résultât d’une compensation d’erreurs, il plaça sur son itinéraire un grand nombre de points dont la longitude bien connue devait fournir des vérifications. Comme il s’agissait d’éprouver les montres, non de s’en servir, elles furent placées dans le lieu le plus défavorable, c’est-à-dire le plus agité du navire. Les deux montres réalisèrent les promesses de Leroy; l’une d’elles, il est vrai, avait varié de 2′, 34″ dans les trente-cinq premiers jours, mais réglées de nouveau à Amsterdam, la première varia de 36″ seulement, et l’autre de 7″½ pendant quarante-huit jours de traversée. Elles furent jugées dignes du prix, et Leroy le reçut dans la séance publique de 1769.
Berthoud n’avait pas concouru, mais sur le rapport très-favorable des commissaires nommés par le ministre, il obtint une pension de 3,000 livres avec le titre d’horloger de la Marine et d’inspecteur de ses horloges.
L’Académie, malgré la perfection des pièces présentées par Leroy, ne regardait pas le problème comme définitivement résolu, et malgré les justes louanges qu’il lui accorda, son rapporteur l’engageait à mieux faire encore. La même question fut proposée en 1771 et le prix n’étant pas décerné fut doublé et remis à 1773. Cette fois, pour éprouver les montres présentées au concours, le ministre mit à la disposition de l’Académie une frégate commandée par M. de Verdun et sur laquelle Borda, lieutenant de vaisseau et membre lui-même de l’Académie, s’embarqua avec l’infatigable et dévoué Pingré.
Outre les montres des concurrents, les commissaires emportaient celles de Berthoud qui, tout en continuant à refuser le concours se prêtait loyalement à la comparaison.
On se rendit successivement sur la côte d’Afrique, aux Antilles, à Terre-Neuve, en Islande et en Danemark. La longitude fournie par les montres fut comparée à chaque station avec les résultats astronomiques les plus précis. Les montres de Leroy et celles de Berthoud justifièrent cette fois encore toute la réputation de leurs auteurs: malgré le froid de l’Islande, la chaleur de la côte d’Afrique et les agitations de la mer, on n’obtint qu’un demi-degré d’erreur en moyenne pour six semaines de traversée. Le prix fut une seconde fois décerné à Leroy.
Ces horloges n’étaient pas portatives, et c’était un grave inconvénient; souvent même les pièces les plus parfaites étaient gâtées pendant le transport au navire. L’Académie, toujours préoccupée des progrès de l’horlogerie, appela une fois encore sur ce sujet l’attention des savants et des artistes. Le dernier programme de prix, publié par elle en 1793, était ainsi conçu:
«Le prix sera décerné à la meilleure montre de poche propre à déterminer les longitudes en mer, en observant que les divisions indiquent les parties décimales du jour, le jour étant divisé en dix heures, l’heure en cent minutes, et la minute en cent secondes.»
Le prix devait être décerné en 1795, mais l’Académie n’existait plus alors et le concours se trouva annulé. La première classe de l’Institut l’ouvrit de nouveau et couronna le neveu de Berthoud.
M. de Meslay eut des imitateurs. Montyon d’abord, en cachant son nom qui devait être tant de fois répété depuis, fit don à l’Académie en 1779, d’une rente de 1,080 livres, pour récompenser chaque année un mémoire soutenu d’expériences tendant à simplifier les procédés de quelque art mécanique.
Montigny, mort en 1782, légua une rente de 600 livres, destinée à établir un prix annuel dont l’objet serait de quelque art dépendant de la chimie.
L’abbé Raynal enfin, célèbre, disent les programmes de 1790 à 1793, par ses ouvrages, par son patriotisme et par son zèle pour les droits et le bonheur des hommes, fit don à l’Académie d’une rente de 1,200 livres, pour fonder un prix dont le sujet était laissé à son choix.
L’Académie elle-même renonçant en 1777, sur la proposition de d’Alembert, aux honoraires alloués pour le jugement des prix, les consacra à fonder un prix d’histoire naturelle qui, sous le nom de prix de physique, devait être décerné tous les deux ans.