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Kitabı oku: «À l’ombre des jeunes filles en fleurs», sayfa 15

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Ce n’était pas seulement l’ameublement du salon d’Odette, c’était Odette elle-même que Mme Cottard et tous ceux qui avaient fréquenté Mme de Crécy auraient eu peine s’ils ne l’avaient pas vue depuis longtemps à reconnaître. Elle semblait avoir tant d’années de moins qu’autrefois. Sans doute, cela tenait en partie à ce qu’elle avait engraissé, et, devenue mieux portante, avait l’air plus calme, frais, reposé, et d’autre part à ce que les coiffures nouvelles, aux cheveux lissés, donnaient plus d’extension à son visage qu’une poudre rose animait, et où ses yeux et son profil, jadis trop saillants, semblaient maintenant résorbés. Mais une autre raison de ce changement consistait en ceci que, arrivée au milieu de la vie, Odette s’était enfin découvert, ou inventé, une physionomie personnelle, un « caractère » immuable, un « genre de beauté », et sur ses traits décousus – qui pendant si longtemps, livrés aux caprices hasardeux et impuissants de la chair, prenant à la moindre fatigue pour un instant des années, une sorte de vieillesse passagère, lui avaient composé tant bien que mal, selon son humeur et selon sa mine, un visage épars, journalier, informe et charmant – avait appliqué ce type fixe, comme une jeunesse immortelle.

Swann avait dans sa chambre, au lieu des belles photographies qu’on faisait maintenant de sa femme, et où la même expression énigmatique et victorieuse laissait reconnaître, quels que fussent la robe et le chapeau, sa silhouette et son visage triomphants, un petit daguerréotype ancien tout simple, antérieur à ce type, et duquel la jeunesse et la beauté d’Odette, non encore trouvées par elle, semblaient absentes. Mais sans doute Swann, fidèle ou revenu à une conception différente, goûtait-il dans la jeune femme grêle aux yeux pensifs, aux traits las, à l’attitude suspendue entre la marche et l’immobilité, une grâce plus botticellienne. Il aimait encore en effet à voir en sa femme un Botticelli. Odette qui au contraire cherchait non à faire ressortir, mais à compenser, à dissimuler ce qui, en elle-même, ne lui plaisait pas, ce qui était peut-être, pour un artiste, son « caractère », mais que, comme femme, elle trouvait des défauts, ne voulait pas entendre parler de ce peintre. Swann possédait une merveilleuse écharpe orientale, bleue et rose, qu’il avait achetée parce que c’était exactement celle de la Vierge du Magnificat. Mais Mme Swann ne voulait pas la porter. Une fois seulement elle laissa son mari lui commander une toilette toute criblée de pâquerettes, de bluets, de myosotis et de campanules d’après la Primavera du Printemps. Parfois, le soir, quand elle était fatiguée, il me faisait remarquer tout bas comme elle donnait sans s’en rendre compte à ses mains pensives le mouvement délié, un peu tourmenté de la Vierge qui trempe sa plume dans l’encrier que lui tend l’ange, avant d’écrire sur le livre saint où est déjà tracé le mot Magnificat. Mais il ajoutait : « Surtout ne le lui dites pas, il suffirait qu’elle le sût pour qu’elle fît autrement. »

Sauf à ces moments d’involontaire fléchissement où Swann essayait de retrouver la mélancolique cadence botticellienne, le corps d’Odette était maintenant découpé en une seule silhouette cernée tout entière par une « ligne » qui, pour suivre le contour de la femme, avait abandonné les chemins accidentés, les rentrants et les sortants factices, les lacis, l’éparpillement composite des modes d’autrefois, mais qui aussi, là où c’était l’anatomie qui se trompait en faisant des détours inutiles en deçà ou au delà du tracé idéal, savait rectifier d’un trait hardi les écarts de la nature, suppléer, pour toute une partie du parcours, aux défaillances aussi bien de la chair que des étoffes. Les coussins, le « strapontin » de l’affreuse « tournure » avaient disparu ainsi que ces corsages à basques qui, dépassant la jupe et raidis par des baleines, avaient ajouté si longtemps à Odette un ventre postiche et lui avaient donné l’air d’être composée de pièces disparates qu’aucune individualité ne reliait. La verticale des « effilés » et la courbe des ruches avaient cédé la place à l’inflexion d’un corps qui faisait palpiter la soie comme la sirène bat l’onde et donnait à la percaline une expression humaine, maintenant qu’il s’était dégagé, comme une forme organisée et vivante, du long chaos et de l’enveloppement nébuleux des modes détrônées. Mais Mme Swann cependant avait voulu, avait su garder un vestige de certaines d’entre elles, au milieu même de celles qui les avaient remplacées. Quand le soir, ne pouvant travailler et étant assuré que Gilberte était au théâtre avec des amies, j’allais à l’improviste chez ses parents, je trouvais souvent Mme Swann dans quelque élégant déshabillé dont la jupe, d’un de ces beaux tons sombres, rouge foncé ou orange, qui avaient l’air d’avoir une signification particulière parce qu’ils n’étaient plus à la mode, était obliquement traversée d’une rampe ajourée et large de dentelle noire qui faisait penser aux volants d’autrefois. Quand par un jour encore froid de printemps elle m’avait, avant ma brouille avec sa fille, emmené au Jardin d’Acclimatation, sous sa veste qu’elle entr’ouvrait plus ou moins selon qu’elle se réchauffait en marchant, le « dépassant » en dents de scie de sa chemisette avait l’air du revers entrevu de quelque gilet absent, pareil à l’un de ceux qu’elle avait portés quelques années plus tôt et dont elle aimait que les bords eussent ce léger déchiquetage ; et sa cravate – de cet « écossais » auquel elle était restée fidèle, mais en adoucissant tellement les tons (le rouge devenu rose et le bleu lilas) que l’on aurait presque cru à un de ces taffetas gorge de pigeon qui étaient la dernière nouveauté – était nouée de telle façon sous son menton, sans qu’on pût voir où elle était attachée, qu’on pensait invinciblement à ces « brides » de chapeaux qui ne se portaient plus. Pour peu qu’elle sût « durer » encore quelque temps ainsi, les jeunes gens, essayant de comprendre ses toilettes, diraient : « Madame Swann, n’est-ce pas, c’est toute une époque ? » Comme dans un beau style qui superpose des formes différentes et que fortifie une tradition cachée, dans la toilette de Mme Swann, ces souvenirs incertains de gilets, ou de boucles, parfois une tendance aussitôt réprimée au « saute en barque », et jusqu’à une allusion lointaine et vague au « suivez-moi jeune homme », faisaient circuler sous la forme concrète la ressemblance inachevée d’autres plus anciennes qu’on n’aurait pu y trouver effectivement réalisées par la couturière ou la modiste, mais auxquelles on pensait sans cesse, et enveloppaient Mme Swann de quelque chose de noble – peut-être parce que l’inutilité même de ces atours faisait qu’ils semblaient répondre à un but plus qu’utilitaire, peut-être à cause du vestige conservé des années passées, ou encore d’une sorte d’individualité vestimentaire, particulière à cette femme et qui donnait à ses mises les plus différentes un même air de famille. On sentait qu’elle ne s’habillait pas seulement pour la commodité ou la parure de son corps ; elle était entourée de sa toilette comme de l’appareil délicat et spiritualisé d’une civilisation.

Quand Gilberte, qui d’habitude donnait ses goûters le jour où recevait sa mère, devait au contraire être absente et qu’à cause de cela je pouvais aller au « Choufleury » de Mme Swann, je la trouvais vêtue de quelque belle robe, certaines en taffetas, d’autres en faille, ou en velours, ou en crêpe de Chine, ou en satin, ou en soie, et qui non point lâches comme les déshabillés qu’elle revêtait ordinairement à la maison, mais combinées comme pour la sortie au dehors, donnaient cet après-midi-là à son oisiveté chez elle quelque chose d’alerte et d’agissant. Et sans doute la simplicité hardie de leur coupe était bien appropriée à sa taille et à ses mouvements dont les manches avaient l’air d’être la couleur, changeante selon les jours ; on aurait dit qu’il y avait soudain de la décision dans le velours bleu, une humeur facile dans le taffetas blanc, et qu’une sorte de réserve suprême et pleine de distinction dans la façon d’avancer le bras avait, pour devenir visible, revêtu l’apparence brillante du sourire des grands sacrifices, du crêpe de Chine noir. Mais en même temps, à ces robes si vives la complication des « garnitures » sans utilité pratique, sans raison d’être visible, ajoutait quelque chose de désintéressé, de pensif, de secret, qui s’accordait à la mélancolie que Mme Swann gardait toujours au moins dans la cernure de ses yeux et les phalanges de ses mains. Sous la profusion des porte-bonheur en saphir, des trèfles à quatre feuilles d’émail, des médailles d’argent, des médaillons d’or, des amulettes de turquoise, des chaînettes de rubis, des châtaignes de topaze, il y avait dans la robe elle-même tel dessin colorié poursuivant sur un empiècement rapporté son existence antérieure, telle rangée de petits boutons de satin qui ne boutonnaient rien et ne pouvaient pas se déboutonner, une soutache cherchant à faire plaisir avec la minutie, la discrétion d’un rappel délicat, lesquels, tout autant que les bijoux, avaient l’air – n’ayant sans cela aucune justification possible – de déceler une intention, d’être un gage de tendresse, de retenir une confidence, de répondre à une superstition, de garder le souvenir d’une guérison, d’un vœu, d’un amour ou d’une philippine. Et parfois, dans le velours bleu du corsage un soupçon de crevé Henri II, dans la robe de satin noir un léger renflement qui, soit aux manches, près des épaules, faisaient penser aux « gigots » 1830, soit, au contraire, sous la jupe « aux paniers » Louis XV, donnaient à la robe un air imperceptible d’être un costume, et en insinuant sous la vie présente comme une réminiscence indiscernable du passé, mêlaient à la personne de Mme Swann le charme de certaines héroïnes historiques ou romanesques. Et si je lui faisais remarquer : « Je ne joue pas au golf comme plusieurs de mes amies, disait-elle. Je n’aurais aucune excuse à être comme elles, vêtues de sweaters. »

Dans la confusion du salon, revenant de reconduire une visite, ou prenant une assiette de gâteaux pour les offrir à une autre, Mme Swann en passant près de moi, me prenait une seconde à part : « Je suis spécialement chargée par Gilberte de vous inviter à déjeuner pour après-demain. Comme je n’étais pas certaine de vous voir, j’allais vous écrire si vous n’étiez pas venu. » Je continuais à résister. Et cette résistance me coûtait de moins en moins, parce qu’on a beau aimer le poison qui vous fait du mal, quand on en est privé par quelque nécessité, depuis déjà un certain temps, on ne peut pas ne pas attacher quelque prix au repos qu’on ne connaissait plus, à l’absence d’émotions et de souffrances. Si l’on n’est pas tout à fait sincère en se disant qu’on ne voudra jamais revoir celle qu’on aime, on ne le serait pas non plus en disant qu’on veut la revoir. Car, sans doute, on ne peut supporter son absence qu’en se la promettant courte, en pensant au jour où on se retrouvera, mais d’autre part on sent à quel point ces rêves quotidiens d’une réunion prochaine et sans cesse ajournée sont moins douloureux que ne serait une entrevue qui pourrait être suivie de jalousie, de sorte que la nouvelle qu’on va revoir celle qu’on aime donnerait une commotion peu agréable. Ce qu’on recule maintenant de jour en jour, ce n’est plus la fin de l’intolérable anxiété causée par la séparation, c’est le recommencement redouté d’émotions sans issue. Comme à une telle entrevue on préfère le souvenir docile qu’on complète à son gré de rêveries où celle qui, dans la réalité, ne vous aime pas vous fait au contraire des déclarations, quand vous êtes tout seul ; ce souvenir qu’on peut arriver, en y mêlant peu à peu beaucoup de ce qu’on désire, à rendre aussi doux qu’on veut, comme on le préfère à l’entretien ajourné où on aurait affaire à un être à qui on ne dicterait plus à son gré les paroles qu’on désire, mais dont on subirait les nouvelles froideurs, les violences inattendues. Nous savons tous, quand nous n’aimons plus, que l’oubli, même le souvenir vague ne causent pas tant de souffrances que l’amour malheureux. C’est d’un tel oubli anticipé que je préférais sans me l’avouer, la reposante douceur.

D’ailleurs, ce qu’une telle cure de détachement psychique et d’isolement peut avoir de pénible le devient de moins en moins pour une autre raison, c’est qu’elle affaiblit, en attendant de la guérir, cette idée fixe qu’est un amour. Le mien était encore assez fort pour que je tinsse à reconquérir tout mon prestige aux yeux de Gilberte, lequel, par ma séparation volontaire, devait, me semblait-il, grandir progressivement, de sorte que chacune de ces calmes et tristes journées où je ne la voyais pas, venant chacune après l’autre, sans interruption, sans prescription (quand un fâcheux ne se mêlait pas de mes affaires), était une journée non pas perdue, mais gagnée. Inutilement gagnée peut-être, car bientôt on pourrait me déclarer guéri. La résignation, modalité de l’habitude, permet à certaines forces de s’accroître indéfiniment. Celles si infimes, que j’avais pour supporter mon chagrin, le premier soir de ma brouille avec Gilberte, avaient été portées depuis lors à une puissance incalculable. Seulement la tendance de tout ce qui existe à se prolonger est parfois coupée de brusques impulsions auxquelles nous nous concédons avec d’autant moins de scrupules de nous laisser aller que nous savons pendant combien de jours, de mois, nous avons pu, nous pourrions encore, nous priver. Et souvent, c’est quand la bourse où l’on épargne va être pleine qu’on la vide tout d’un coup, c’est sans attendre le résultat du traitement et quand déjà on s’est habitué à lui, qu’on le cesse. Et un jour où Mme Swann me redisait ses habituelles paroles sur le plaisir que Gilberte aurait à me voir, mettant ainsi le bonheur dont je me privais déjà depuis si longtemps comme à la portée de ma main, je fus bouleversé en comprenant qu’il était encore possible de le goûter ; et j’eus peine à attendre le lendemain ; je venais de me résoudre à aller surprendre Gilberte avant son dîner.

Ce qui m’aida à patienter tout l’espace d’une journée fut un projet que je fis. Du moment que tout était oublié, que j’étais réconcilié avec Gilberte, je ne voulais plus la voir qu’en amoureux. Tous les jours elle recevrait de moi les plus belles fleurs qui fussent. Et si Mme Swann, bien qu’elle n’eût pas le droit d’être une mère trop sévère, ne me permettait pas des envois de fleurs quotidiens, je trouverais des cadeaux plus précieux et moins fréquents. Mes parents ne me donnaient pas assez d’argent pour acheter des choses chères. Je songeai à une grande potiche de vieux Chine qui me venait de ma tante Léonie et dont maman prédisait chaque jour que Françoise allait venir en lui disant : « A s’est décollée » et qu’il n’en resterait rien. Dans ces conditions n’était-il pas plus sage de la vendre, de la vendre pour pouvoir faire tout le plaisir que je voudrais à Gilberte. Il me semblait que je pourrais bien en tirer mille francs. Je la fis envelopper, l’habitude m’avait empêché de jamais la voir ; m’en séparer eut au moins un avantage qui fut de me faire faire sa connaissance. Je l’emportai avec moi avant d’aller chez les Swann, et en donnant leur adresse au cocher, je lui dis de prendre par les Champs-Élysées, au coin desquels était le magasin d’un grand marchand de chinoiseries que connaissait mon père. À ma grande surprise, il m’offrit séance tenante de la potiche non pas mille, mais dix mille francs. Je pris ces billets avec ravissement ; pendant toute une année, je pourrais combler chaque jour Gilberte de roses et de lilas. Quand je fus remonté dans la voiture en quittant le marchand, le cocher, tout naturellement, comme les Swann demeuraient près du Bois, se trouva, au lieu du chemin habituel, descendre l’avenue des Champs-Élysées. Il avait déjà dépassé le coin de la rue de Berri, quand, dans le crépuscule, je crus reconnaître, très près de la maison des Swann mais allant dans la direction inverse et s’en éloignant, Gilberte qui marchait lentement, quoique d’un pas délibéré, à côté d’un jeune homme avec qui elle causait et duquel je ne pus distinguer le visage. Je me soulevai dans la voiture, voulant faire arrêter, puis j’hésitai. Les deux promeneurs étaient déjà un peu loin et les deux lignes douces et parallèles que traçait leur lente promenade allaient s’estompant dans l’ombre élyséenne. Bientôt j’arrivai devant la maison de Gilberte. Je fus reçu par Mme Swann : « Oh ! elle va être désolée, me dit-elle, je ne sais pas comment elle n’est pas là. Elle a eu très chaud tantôt à un cours, elle m’a dit qu’elle voulait aller prendre un peu l’air avec une de ses amies. – Je crois que je l’ai aperçue avenue des Champs-Élysées. – Je ne pense pas que ce fût elle. En tous cas ne le dites pas à son père, il n’aime pas qu’elle sorte à ces heures-là. Good evening. » Je partis, dis au cocher de reprendre le même chemin, mais ne retrouvai pas les deux promeneurs. Où avaient-ils été ? Que se disaient-ils dans le soir, de cet air confidentiel ?

Je rentrai, tenant avec désespoir les dix mille francs inespérés qui avaient dû me permettre de faire tant de petits plaisirs à cette Gilberte que, maintenant, j’étais décidé à ne plus revoir. Sans doute, cet arrêt chez le marchand de chinoiseries m’avait réjoui en me faisant espérer que je ne verrais plus jamais mon amie que contente de moi et reconnaissante. Mais si je n’avais pas fait cet arrêt, si la voiture n’avait pas pris par l’avenue des Champs-Élysées, je n’eusse pas rencontré Gilberte et ce jeune homme. Ainsi un même fait porte des rameaux opposites et le malheur qu’il engendre annule le bonheur qu’il avait causé. Il m’était arrivé le contraire de ce qui se produit si fréquemment. On désire une joie, et le moyen matériel de l’atteindre fait défaut. « Il est triste, a dit La Bruyère, d’aimer sans une grande fortune. » Il ne reste plus qu’à essayer d’anéantir peu à peu le désir de cette joie. Pour moi, au contraire, le moyen matériel avait été obtenu, mais, au même moment, sinon par un effet logique, du moins par une conséquence fortuite de cette réussite première, la joie avait été dérobée. Il semble, d’ailleurs, qu’elle doive nous l’être toujours. D’ordinaire, il est vrai, pas dans la même soirée où nous avons acquis ce qui la rend possible. Le plus souvent nous continuons de nous évertuer et d’espérer quelque temps. Mais le bonheur ne peut jamais avoir lieu. Si les circonstances arrivent à être surmontées, la nature transporte la lutte du dehors au dedans et fait peu à peu changer assez notre cœur pour qu’il désire autre chose que ce qu’il va posséder. Et si la péripétie a été si rapide que notre cœur n’a pas eu le temps de changer, la nature ne désespère pas pour cela de nous vaincre, d’une manière plus tardive il est vrai, plus subtile, mais aussi efficace. C’est alors à la dernière seconde que la possession du bonheur nous est enlevée, ou plutôt c’est cette possession même que par une ruse diabolique la nature charge de détruire le bonheur. Ayant échoué dans tout ce qui était du domaine des faits et de la vie, c’est une impossibilité dernière, l’impossibilité psychologique du bonheur que la nature crée. Le phénomène du bonheur ne se produit pas ou donne lieu aux réactions les plus amères.

Je serrai les dix mille francs. Mais ils ne me servaient plus à rien. Je les dépensai du reste encore plus vite que si j’eusse envoyé tous les jours des fleurs à Gilberte, car quand le soir venait, j’étais si malheureux que je ne pouvais rester chez moi et allais pleurer dans les bras de femmes que je n’aimais pas. Quant à chercher à faire un plaisir quelconque à Gilberte, je ne le souhaitais plus ; maintenant retourner dans la maison de Gilberte n’eût pu que me faire souffrir. Même revoir Gilberte qui m’eût été si délicieux la veille ne m’eût plus suffi. Car j’aurais été inquiet tout le temps où je n’aurais pas été près d’elle. C’est ce qui fait qu’une femme par toute nouvelle souffrance qu’elle nous inflige, souvent sans le savoir, augmente son pouvoir sur nous, mais aussi nos exigences envers elle. Par ce mal qu’elle nous a fait, la femme nous cerne de plus en plus, redouble nos chaînes, mais aussi celles dont il nous aurait jusque-là semblé suffisant de la garrotter pour que nous nous sentions tranquilles. La veille encore, si je n’avais pas cru ennuyer Gilberte, je me serais contenté de réclamer de rares entrevues, lesquelles maintenant ne m’eussent plus contenté et que j’eusse remplacées par bien d’autres conditions. Car en amour, au contraire de ce qui se passe après les combats, on les fait plus dures, on ne cesse de les aggraver, plus on est vaincu, si toutefois on est en situation de les imposer. Ce n’était pas mon cas à l’égard de Gilberte. Aussi je préférai d’abord ne pas retourner chez sa mère. Je continuais bien à me dire que Gilberte ne m’aimait pas, que je le savais depuis assez longtemps, que je pouvais la revoir si je voulais, et, si je ne le voulais pas, l’oublier à la longue. Mais ces idées, comme un remède qui n’agit pas contre certaines affections, étaient sans aucune espèce de pouvoir efficace contre ces deux lignes parallèles que je revoyais de temps à autre, de Gilberte et du jeune homme s’enfonçant à petits pas dans l’avenue des Champs-Élysées. C’était un mal nouveau, qui lui aussi finirait par s’user, c’était une image qui un jour se présenterait à mon esprit entièrement décantée de tout ce qu’elle contenait de nocif, comme ces poisons mortels qu’on manie sans danger, comme un peu de dynamite à quoi on peut allumer sa cigarette sans crainte d’explosion. En attendant, il y avait en moi une autre force qui luttait de toute sa puissance contre cette force malsaine qui me représentait sans changement la promenade de Gilberte dans le crépuscule et qui, pour briser les assauts renouvelés de ma mémoire, travaillait utilement en sens inverse mon imagination. La première de ces deux forces, certes, continuait à me montrer ces deux promeneurs de l’avenue des Champs-Élysées, et m’offrait d’autres images désagréables, tirées du passé, par exemple Gilberte haussant les épaules quand sa mère lui demandait de rester avec moi. Mais la seconde force, travaillant sur le canevas de mes espérances, dessinait un avenir bien plus complaisamment développé que ce pauvre passé en somme si restreint. Pour une minute où je revoyais Gilberte maussade, combien n’y en avait-il pas où je combinais une démarche qu’elle ferait faire pour notre réconciliation, pour nos fiançailles peut-être. Il est vrai que cette force que l’imagination dirigeait vers l’avenir, elle la puisait malgré tout dans le passé. Au fur et à mesure que s’effacerait mon ennui que Gilberte eût haussé les épaules, diminuerait aussi le souvenir de son charme, souvenir qui me faisait souhaiter qu’elle revînt vers moi. Mais j’étais encore bien loin de cette mort du passé. J’aimais toujours celle qu’il est vrai que je croyais détester. Mais chaque fois qu’on me trouvait bien coiffé, ayant bonne mine, j’aurais voulu qu’elle fût là. J’étais irrité du désir que beaucoup de gens manifestèrent à cette époque de me recevoir et chez lesquels je refusai d’aller. Il y eut une scène à la maison parce que je n’accompagnai pas mon père à un dîner officiel où il devait y avoir les Bontemps avec leur nièce Albertine, petite jeune fille, presque encore enfant. Les différentes périodes de notre vie se chevauchent ainsi l’une l’autre. On refuse dédaigneusement, à cause de ce qu’on aime et qui vous sera un jour si égal, de voir ce qui vous est égal aujourd’hui, qu’on aimera demain, qu’on aurait peut-être pu, si on avait consenti à le voir, aimer plus tôt, et qui eût ainsi abrégé vos souffrances actuelles, pour les remplacer, il est vrai, par d’autres. Les miennes allaient se modifiant. J’avais l’étonnement d’apercevoir au fond de moi-même, un jour un sentiment, le jour suivant un autre, généralement inspirés par telle espérance ou telle crainte relatives à Gilberte, à la Gilberte que je portais en moi. J’aurais dû me dire que l’autre, la réelle, était peut-être entièrement différente de celle-là, ignorait tous les regrets que je lui prêtais, pensait probablement beaucoup moins à moi non seulement que moi à elle, mais que je ne la faisais elle-même penser à moi quand j’étais seul en tête à tête avec ma Gilberte fictive, cherchais quelles pouvaient être ses vraies intentions à mon égard et l’imaginais ainsi, son attention toujours tournée vers moi.

Pendant ces périodes où, tout en s’affaiblissant, persiste le chagrin, il faut distinguer entre celui que nous cause la pensée constante de la personne elle-même, et celui que raniment certains souvenirs, telle phrase méchante dite, tel verbe employé dans une lettre qu’on a reçue. En réservant de décrire à l’occasion d’un amour ultérieur les formes diverses du chagrin, disons que de ces deux-là la première est infiniment moins cruelle que la seconde. Cela tient à ce que notre notion de la personne, vivant toujours en nous, y est embellie de l’auréole que nous ne tardons pas à lui rendre, et s’empreint sinon des douceurs fréquentes de l’espoir, tout au moins du calme d’une tristesse permanente. (D’ailleurs, il est à remarquer que l’image d’une personne qui nous fait souffrir tient peu de place dans ces complications qui aggravent un chagrin d’amour, le prolongent et l’empêchent de guérir, comme dans certaines maladies la cause est hors de proportions avec la fièvre consécutive et la lenteur à entrer en convalescence.) Mais si l’idée de la personne que nous aimons reçoit le reflet d’une intelligence généralement optimiste, il n’en est pas de même de ces souvenirs particuliers, de ces propos méchants, de cette lettre hostile (je n’en reçus qu’une seule qui le fût, de Gilberte), on dirait que la personne elle-même réside dans ces fragments pourtant si restreints, et portée à une puissance qu’elle est bien loin d’avoir dans l’idée habituelle que nous nous formons d’elle tout entière. C’est que la lettre nous ne l’avons pas, comme l’image de l’être aimé, contemplée dans le calme mélancolique du regret ; nous l’avons lue, dévorée, dans l’angoisse affreuse dont nous étreignait un malheur inattendu. La formation de cette sorte de chagrins est autre ; ils nous viennent du dehors, et c’est par le chemin de la plus cruelle souffrance qu’ils sont allés jusqu’à notre cœur. L’image de notre amie, que nous croyons ancienne, authentique, a été en réalité refaite par nous bien des fois. Le souvenir cruel, lui, n’est pas contemporain de cette image restaurée, il est d’un autre âge, il est un des rares témoins d’un monstrueux passé. Mais comme ce passé continue à exister, sauf en nous à qui il a plu de lui substituer un merveilleux âge d’or, un paradis où tout le monde sera réconcilié, ces souvenirs, ces lettres, sont un rappel à la réalité et devraient nous faire sentir par le brusque mal qu’ils nous font combien nous nous sommes éloignés d’elle dans les folles espérances de notre attente quotidienne. Ce n’est pas que cette réalité doive toujours rester la même bien que cela arrive parfois. Il y a dans notre vie bien des femmes que nous n’avons jamais cherché à revoir et qui ont tout naturellement répondu à notre silence nullement voulu par un silence pareil. Seulement celles-là, comme nous ne les aimions pas, nous n’avons pas compté les années passées loin d’elles, et cet exemple, qui l’infirmerait, est négligé par nous quand nous raisonnons sur l’efficacité de l’isolement, comme le sont, par ceux qui croient aux pressentiments, tous les cas où les leurs ne furent pas vérifiés.

Mais enfin l’éloignement peut être efficace. Le désir, l’appétit de nous revoir, finissent par renaître dans le cœur qui actuellement nous méconnaît. Seulement il y faut du temps. Or, nos exigences en ce qui concerne le temps ne sont pas moins exorbitantes que celles réclamées par le cœur pour changer. D’abord, c’est précisément ce que nous accordons le moins aisément, car notre souffrance est cruelle et nous sommes pressés de la voir finir. Ensuite, ce temps dont l’autre cœur aura besoin pour changer, le nôtre s’en servira pour changer lui aussi, de sorte que quand le but que nous nous proposions deviendra accessible, il aura cessé d’être un but pour nous. D’ailleurs, l’idée même qu’il sera accessible, qu’il n’est pas de bonheur que, lorsqu’il ne sera plus un bonheur pour nous, nous ne finissions par atteindre, cette idée comporte une part, mais une part seulement, de vérité. Il nous échoit quand nous y sommes devenus indifférents. Mais précisément cette indifférence nous a rendus moins exigeants et nous permet de croire rétrospectivement qu’il nous eût ravis à une époque où il nous eût peut-être semblé fort incomplet. On n’est pas très difficile ni très bon juge sur ce dont on ne se soucie point. L’amabilité d’un être que nous n’aimons plus et qui semble encore excessive à notre indifférence eût peut-être été bien loin de suffire à notre amour. Ces tendres paroles, cette offre d’un rendez-vous, nous pensons au plaisir qu’elles nous auraient causé, non à toutes celles dont nous les aurions voulu voir immédiatement suivies et que par cette avidité nous aurions peut-être empêché de se produire. De sorte qu’il n’est pas certain que le bonheur survenu trop tard, quand on ne peut plus en jouir, quand on n’aime plus, soit tout à fait ce même bonheur dont le manque nous rendit jadis si malheureux. Une seule personne pourrait en décider, notre moi d’alors ; il n’est plus là ; et sans doute suffirait-il qu’il revînt, pour que, identique ou non, le bonheur s’évanouît.

En attendant ces réalisations après coup d’un rêve auquel je ne tiendrais plus, à force d’inventer, comme au temps où je connaissais à peine Gilberte, des paroles, des lettres, où elle implorait mon pardon, avouait n’avoir jamais aimé que moi et demandait à m’épouser, une série de douces images incessamment recréées, finirent par prendre plus de place dans mon esprit que la vision de Gilberte et du jeune homme, laquelle n’était plus alimentée par rien. Je serais peut-être dès lors retourné chez Mme Swann sans un rêve que je fis et où un de mes amis, lequel n’était pourtant pas de ceux que je me connaissais, agissait envers moi avec la plus grande fausseté et croyait à la mienne. Brusquement réveillé par la souffrance que venait de me causer ce rêve et voyant qu’elle persistait, je repensai à lui, cherchai à me rappeler quel était l’ami que j’avais vu en dormant et dont le nom espagnol n’était déjà plus distinct. À la fois Joseph et Pharaon, je me mis à interpréter mon rêve. Je savais que dans beaucoup d’entre eux il ne faut tenir compte ni de l’apparence des personnes, lesquelles peuvent être déguisées et avoir interchangé leurs visages, comme ces saints mutilés des cathédrales que des archéologues ignorants ont refaits, en mettant sur le corps de l’un la tête de l’autre, et en mêlant les attributs et les noms. Ceux que les êtres portent dans un rêve peuvent nous abuser. La personne que nous aimons doit y être reconnue seulement à la force de la douleur éprouvée. La mienne m’apprit que, devenue pendant mon sommeil un jeune homme, la personne dont la fausseté récente me faisait encore mal était Gilberte. Je me rappelai alors que la dernière fois que je l’avais vue, le jour où sa mère l’avait empêchée d’aller à une matinée de danse, elle avait soit sincèrement, soit en le feignant, refusé tout en riant d’une façon étrange, de croire à mes bonnes intentions pour elle. Par association, ce souvenir en ramena un autre dans ma mémoire. Longtemps auparavant, ç’avait été Swann qui n’avait pas voulu croire à ma sincérité, ni que je fusse un bon ami pour Gilberte. Inutilement je lui avais écrit, Gilberte m’avait rapporté ma lettre et me l’avait rendue avec le même rire incompréhensible. Elle ne me l’avait pas rendue tout de suite, je me rappelai toute la scène derrière le massif de lauriers. On devient moral dès qu’on est malheureux. L’antipathie actuelle de Gilberte pour moi me sembla comme un châtiment infligé par la vie à cause de la conduite que j’avais eue ce jour-là. Les châtiments, on croit les éviter, parce qu’on fait attention aux voitures en traversant, qu’on évite les dangers. Mais il en est d’internes. L’accident vient du côté auquel on ne songeait pas, du dedans, du cœur. Les mots de Gilberte : « Si vous voulez, continuons à lutter » me firent horreur. Je l’imaginai telle, chez elle peut-être, dans la lingerie, avec le jeune homme que j’avais vu l’accompagnant dans l’avenue des Champs-Élysées. Ainsi, autant que (il y avait quelque temps) de croire que j’étais tranquillement installé dans le bonheur, j’avais été insensé, maintenant que j’avais renoncé à être heureux, de tenir pour assuré que du moins j’étais devenu, je pourrais rester calme. Car tant que notre cœur enferme d’une façon permanente l’image d’un autre être, ce n’est pas seulement notre bonheur qui peut à tout moment être détruit ; quand ce bonheur est évanoui, quand nous avons souffert, puis que nous avons réussi à endormir notre souffrance, ce qui est aussi trompeur et précaire qu’avait été le bonheur même, c’est le calme. Le mien finit par revenir, car ce qui, modifiant notre état moral, nos désirs, est entré, à la faveur d’un rêve, dans notre esprit, cela aussi peu à peu se dissipe, la permanence et la durée ne sont promises à rien, pas même à la douleur. D’ailleurs, ceux qui souffrent par l’amour sont, comme on dit de certains malades, leur propre médecin. Comme il ne peut leur venir de consolation que de l’être qui cause leur douleur et que cette douleur est une émanation de lui, c’est en elle qu’ils finissent par trouver un remède. Elle le leur découvre elle-même à un moment donné, car au fur et à mesure qu’ils la retournent en eux, cette douleur leur montre un autre aspect de la personne regrettée, tantôt si haïssable qu’on n’a même plus le désir de la revoir parce qu’avant de se plaire avec elle il faudrait la faire souffrir, tantôt si douce que la douceur qu’on lui prête on lui en fait un mérite et on en tire une raison d’espérer. Mais la souffrance qui s’était renouvelée en moi eut beau finir par s’apaiser, je ne voulus plus retourner que rarement chez Mme Swann. C’est d’abord que chez ceux qui aiment et sont abandonnés, le sentiment d’attente – même d’attente inavouée – dans lequel ils vivent se transforme de lui-même, et bien qu’en apparence identique, fait succéder à un premier état, un second exactement contraire. Le premier était la suite, le reflet des incidents douloureux qui nous avaient bouleversés. L’attente de ce qui pourrait se produire est mêlée d’effroi, d’autant plus que nous désirons à ce moment-là, si rien de nouveau ne nous vient du côté de celle que nous aimons, agir nous-même, et nous ne savons trop quel sera le succès d’une démarche après laquelle il ne sera peut-être plus possible d’en entamer d’autre. Mais bientôt, sans que nous nous en rendions compte, notre attente qui continue est déterminée, nous l’avons vu, non plus par le souvenir du passé que nous avons subi, mais par l’espérance d’un avenir imaginaire. Dès lors, elle est presque agréable. Puis la première, en durant un peu, nous a habitués à vivre dans l’expectative. La souffrance que nous avons éprouvée durant nos derniers rendez-vous survit encore en nous, mais déjà ensommeillée. Nous ne sommes pas trop pressés de la renouveler, d’autant plus que nous ne voyons pas bien ce que nous demanderions maintenant. La possession d’un peu plus de la femme que nous aimons ne ferait que nous rendre plus nécessaire ce que nous ne possédons pas, et qui resterait, malgré tout, nos besoins naissant de nos satisfactions, quelque chose d’irréductible.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 ağustos 2016
Hacim:
770 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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