Kitabı oku: «La Quête Des Héros», sayfa 17
Soudain, elle se pencha et planta ses lèvres sur les siennes. Elles étaient plus douces qu'il aurait pu l'imaginer et, quand leurs bouches se rencontrèrent, pour la première fois de sa vie, il se sentit véritablement en vie.
Il ferma les yeux, elle ferma les siens et ils ne bougèrent plus. Leurs lèvres restèrent collées pendant un temps indéfini. Il aurait voulu que cela ne s'arrête jamais.
Finalement, lentement, elle se retira. Quand elle ouvrit lentement les yeux, elle sourit encore et resta allongée là, collée contre Thor.
Ils restèrent comme ça longtemps, les yeux dans les yeux.
“D'où viens-tu ?” demanda-t-elle doucement en souriant.
Il lui sourit. Il ne savait pas comment répondre.
“Je ne suis qu'un garçon ordinaire”, dit-il.
Elle secoua la tête et sourit.
“Non. Je le sens. Je soupçonne que tu es vraiment bien plus que ça.”
Elle se pencha et l'embrassa encore et, cette fois-ci, ses lèvres se joignirent aux siennes bien plus longtemps. Il leva le bras et lui passa la main dans les cheveux, et elle passa la sienne dans ses cheveux à lui. Il ne pouvait s'arrêter d'avoir mille pensées à la minute.
Il se demandait déjà comment ça allait finir. Pouvaient-ils vraiment être ensemble, avec tout ce qui s'opposait à eux ? Pourraient-ils vraiment former un couple ?
Thor espérait qu'ils le pourraient, plus que toute autre chose. Maintenant, il désirait encore plus être avec elle qu'être dans la Légion.
Alors qu'il pensait à tout ça, ils entendirent un bruissement soudain dans l'herbe et se retournèrent tous les deux, étonnés. Krohn bondit dans l'herbe, à seulement quelques mètres, et ils entendirent un autre bruissement. Krohn glapit, puis grogna, et il y eut un sifflement. Finalement, ils n'entendirent plus rien.
Gwen se dégagea de Thor. Ils se relevèrent tous les deux et regardèrent. Thor se leva d'un bond pour protéger Gwen en se demandant ce que ça pouvait être. Il ne vit personne. Cependant, il devait y avoir quelqu'un ou quelque chose à seulement quelques mètres dans les hautes herbes.
Krohn apparut devant eux et, dans sa gueule, dans ses petits crocs acérés, pendait un immense serpent blanc, flasque. Il devait faire trois mètres de long. Sa peau blanche brillait et il avait l'épaisseur d'une grande branche d'arbre.
Thor se rendit compte de ce qui s'était passé en un instant : Krohn les avait protégés tous les deux contre l'attaque de ce reptile mortel. Il ressentit énormément de gratitude pour le petit.
Gwen resta bouche bée.
“Un Dos Blanc”, dit-elle. “Le reptile le plus mortel de tout le royaume.”
Thor le regarda fixement avec un respect mêlé d'admiration.
“Je croyais que ce serpent n'existait pas. Je pensais que ce n'était qu'une légende.”
“Il est très rare”, dit Gwen. “Je n'en ai vu qu'un de toute ma vie. Le jour où le père de mon père a été tué. C'est un présage.”
Elle se retourna et regarda Thor.
“Cela signifie que la mort arrive. La mort de quelqu'un de très proche.”
Thor eut froid au dos. Une brise froide parcourut soudain la prairie ce jour d'été et, avec une certitude absolue, Thor sut que Gwen avait raison.
CHAPITRE VINGT-CINQ
Gwendolyn marchait seule dans le château. Elle prit l'escalier en colimaçon et monta au sommet en suivant sa spirale. Elle ne cessait de penser à Thor. A leur promenade. A leur baiser. Puis à ce serpent.
Elle souffrait d'émotions contradictoires. D'un côté, elle avait été enchantée d'être avec lui; d'un autre côté, elle était terrorisée par ce serpent, par le présage de mort qu'il apportait. Cependant, elle ne savait pas qui ce présage concernait et n'arrivait pas non plus à penser à autre chose. Elle craignait que ce soit pour un membre de sa famille. Cela pouvait-il être un de ses frères ? Godfrey ? Kendrick ? Cela pouvait-il être sa mère ? Ou, et rien que la pensée la fit frissonner, son père ?
La vue de ce serpent avait jeté une ombre funeste sur leur joyeuse journée et, quand leur joie avait volé en éclats, ils n'avaient pas su la retrouver. Ils étaient repartis ensemble pour la cour et s'étaient séparés juste avant de sortir du bois pour ne pas être vus. La dernière chose qu'elle voulait, c'était que sa mère les surprenne ensemble. Cependant, Gwen n'abandonnerait pas Thor aussi facilement et elle trouverait un moyen d'affronter sa mère; il lui fallait du temps pour trouver une stratégie.
Quitter Thor avait été douloureux; en y repensant, elle se sentait mal à l'aise. Elle avait voulu lui demander s'il voulait bien la revoir, avait voulu organiser un autre jour. Cependant, elle avait été dans un état second, tellement désemparée par la vue de ce serpent qu'elle avait oublié. Maintenant, elle craignait qu'il pense qu'elle ne l'aimait pas.
La seconde où elle était arrivée à la Cour du Roi, les serviteurs de son père l'avaient convoquée. Elle avait monté les marches depuis, le cœur battant, se demandant pourquoi il voulait la voir. Avait-elle été repérée avec Thor ? Il ne pouvait y avoir aucune autre raison pour que son père veuille la voir de manière si pressante. Allait-il, lui aussi, lui interdire de le voir ? Elle avait peine à l'imaginer en train de faire une chose pareille. Il l'avait toujours défendue.
Gwen, presque essoufflée, finit par atteindre le sommet. Elle se précipita dans le couloir, passa les serviteurs qui se mirent au garde à vous et lui ouvrirent la porte des appartements de son père. Deux autres serviteurs, qui attendaient à l'intérieur, firent leur révérence quand elle entra.
“Laissez-nous”, leur dit son père.
Ils firent leur révérence et quittèrent précipitamment la pièce en fermant la porte, qui résonna derrière eux.
Son père se leva de son bureau en faisant un grand sourire et s'avança vers elle en traversant la grande pièce. Elle se sentit à l'aise quand elle le vit, comme toujours, et se sentit soulagée de ne voir aucune trace de colère dans son expression.
“Ma chère Gwendolyn”, dit-il.
Il tendit les bras et la serra fortement contre lui. Elle en fit autant et il lui indiqua deux immenses chaises placées à l'angle d'une cheminée où brûlait un beau feu. Plusieurs gros chiens, des lévriers irlandais qu'elle connaissait pour la plupart depuis son enfance, se sortirent de leur chemin quand ils s'approchèrent du feu. Deux d'entre eux la suivirent et posèrent la tête sur ses genoux. Elle était contente qu'il y ait du feu : cette journée d'été s'était exceptionnellement refroidie.
Son père se pencha vers le feu et regarda fixement les flammes qui crépitaient devant eux.
“Tu sais pourquoi je t'ai convoquée ?” demanda-t-il.
Elle regarda son visage mais n'était toujours pas sûre.
“Je ne sais pas, Père.”
Il la regarda avec surprise.
“Notre discussion de l'autre jour. Avec tes frères et sœurs. Sur la royauté. C'est ce dont je voulais discuter avec toi.”
Gwen se sentit soudain soulagée. Ce n'était pas à propos de Thor. C'était une histoire de politique, de stupide politique, dont elle n'avait que faire. Elle soupira de soulagement.
“Tu as l'air soulagée”, dit-il. “De quoi pensais-tu que nous allions discuter ?”
Son père était trop perspicace; il l'avait toujours été. C'était une des rares personnes qui pouvait lire en elle comme dans un livre. Il fallait qu'elle soit prudente quand il était avec elle.
“Rien, Père”, dit-elle rapidement.
Il sourit encore.
“Bon, dans ce cas, dis-moi. Que penses-tu de mon choix ?” demanda-t-il.
“Choix ?” demanda-t-elle.
“Comme héritière ! Du royaume !”
“Vous voulez dire moi ?” demanda-t-elle.
“Qui d'autre ?” répondit-il en riant.
Elle rougit.
“Père, ça m'a surprise, pour dire le moins. Je ne suis pas l'aînée, et je suis une femme. Je n'y connais rien en politique et ça ne m'attire pas plus que gouverner un royaume. Je n'ai aucune ambition politique. Je ne sais pas pourquoi vous m'avez choisie.”
“C'est précisément pour ces raisons”, dit-il avec une expression on ne peut plus sérieuse. “C'est parce que tu n'as pas envie de monter sur le trône. Tu ne veux pas être reine et tu ne connais rien à la politique.”
Il inspira profondément.
“Cela dit, tu connais la nature humaine. Tu es très perspicace. Tu tiens ça de moi. Tu as la vivacité d'esprit de ta mère, mais aussi ma compétence sociale. Tu sais comment juger les gens; tu vois très bien leur jeu, et c'est ce dont un roi a besoin. De connaître la nature des autres. C'est tout ce dont tu as besoin. Le reste n'est qu'artifice. Tu as besoin de savoir qui sont tes sujets. De les comprendre. De faire confiance à tes instincts. D'être bonne avec eux. C'est tout.”
“Gouverner un royaume, c'est sûrement plus que ça”, dit-elle.
“Pas vraiment”, dit-il. “Tout en découle. Les décisions en découlent.”
“Mais, Père, vous oubliez que, d'abord, je n'ai aucune envie de gouverner, et qu'ensuite, vous n'allez pas mourir. Tout ça n'est qu'une tradition idiote liée au jour de mariage de votre enfant aîné. Pourquoi s'y attarder ? Je préférerais ne même pas en parler, ni y réfléchir. J'espère que le jour où je vous verrai mourir ne viendra jamais, ce qui fait que tout cela est hors de propos.”
Il se racla la gorge, l'air grave.
“J'ai parlé à Argon et il voit un avenir sombre pour moi. Je l'ai senti moi-même. Je dois me préparer”, dit-il.
Gwen sentit son estomac se serrer.
“Argon est fou. C'est un sorcier. La moitié de ce qu'il dit ne se produit jamais. Ne tenez pas compte de lui. Ne vous laissez pas abuser par ses présages ridicules. Vous allez bien. Vous ne mourrez jamais.”
Cependant, le Roi secoua lentement la tête, Gwendolyn vit la tristesse sur son visage et elle sentit son estomac se serrer encore plus.
“Gwendolyn, ma fille, je t'aime. J'ai besoin que tu sois préparée. Je veux que tu sois le prochain souverain de l'Anneau. Je parle sérieusement. Ce n'est pas une demande. C'est un ordre.”
Il la regarda avec tant de sérieux, d'un air de plus en plus sombre, que ça l'effraya. Elle n'avait jamais vu cette expression sur le visage de son père.
Elle sentit les larmes lui venir aux yeux, leva la main et essuya une larme.
“Je suis désolé de t'avoir bouleversée”, dit-il.
“Dans ce cas, arrêtez de parler de ça”, dit-elle en pleurant. “Je ne veux pas que vous mouriez.”
“Je suis désolé, mais c'est impossible. Je veux que tu me répondes.”
“Père, je ne veux pas vous insulter.”
“Alors, dis oui.”
“Mais comment pourrais-je gouverner ?” supplia-t-elle.
“Ce n'est pas aussi dur que tu le crois. Tu seras entourée de conseillers. La première règle, c'est de ne faire confiance à aucun d'eux. Aie confiance en toi-même. Tu peux le faire. Ton manque de connaissance, ta naïveté, c'est ça qui fera ta grandeur. Tu prendras des décisions sincères. Promets-moi”, insista-t-il.
Elle le regarda dans les yeux et vit à quel point cela comptait pour lui. Elle voulait changer de sujet, même si ce n'était que pour calmer sa morbidité et lui remonter le moral.
“D'accord, je vous le promets”, dit-elle à la hâte. “Est-ce que cela vous soulage ?”
Il se pencha en arrière et elle vit qu'il était très soulagé.
“Oui”, dit-il. “Merci.”
“Bien, et maintenant, peut-on parler d'autres choses ? De choses qui pourraient vraiment arriver ?” demanda-t-elle.
Son père se pencha en arrière et éclata de rire; il avait l'air infiniment plus insouciant.
“C'est pour ça que je t'aime”, dit-il. “Toujours si joyeuse. Tu sais toujours me faire rire.”
Il l'examina et elle sentit qu'il cherchait quelque chose.
“Tu as toi-même l'air inhabituellement heureuse”, dit-il. “Est-ce une histoire de garçon ?”
Gwen rougit. Elle se leva et alla vers la fenêtre en lui tournant le dos.
“Je suis désolée, Père, mais c'est privé.”
“Ce n'est pas privé si tu gouvernes mon royaume”, dit-il, “mais je ne veux pas être indiscret. Cependant, ta mère a demandé à te voir et je suppose qu'elle ne sera pas aussi indulgente. Je n'ai rien contre mais prépare-toi.”
Son estomac se serra. Elle se retourna et regarda par la fenêtre. Elle détestait cet endroit. Elle aurait voulu être à n'importe quel autre endroit. Dans un simple village, dans une ferme ordinaire, à vivre une vie simple avec Thor. Loin de tout ça, de toutes ces forces qui essayaient de la contrôler.
Elle sentit une main douce se poser sur son épaule, se retourna et vit son père qui se tenait là et lui souriait.
“Ta mère peut être féroce mais, quoi qu'elle décide, sache que je te soutiendrai. En amour, il faut pouvoir choisir librement.”
Gwen leva les bras et serra son papa contre elle. A ce moment, elle l'aimait plus que tout. Elle essaya de ne plus penser au mauvais présage de ce serpent en priant de toutes ses forces pour qu'il ne soit pas destiné à son père.
*
Gwen erra de couloir en couloir, passa des rangées de vitraux et se dirigea vers les appartements de sa mère. Elle détestait être convoquée par sa mère, détestait son attitude autoritaire. De plus d'une façon, c'était en fait sa mère qui gouvernait le royaume. Elle était plus forte que son père de plus d'une façon, tenait bon plus longtemps, cédait moins facilement. Bien sûr, le royaume ne le savait pas du tout; le Roi se montrait autoritaire et avait l'air d'être le maître.
Cependant, quand il revenait au château, derrière les portes closes, c'était elle à qui il demandait conseil. C'était elle la plus sagace. La plus froide. La plus calculatrice. La plus coriace. L'intrépide. Elle était solide comme un roc et gouvernait leur grande famille d'une main de fer. Quand elle voulait quelque chose, surtout si elle avait l'idée que c'était pour le bien de la famille, elle faisait tout ce qu'il fallait pour que ça arrive.
Et maintenant, la volonté de fer de sa mère était sur le point de se retourner contre elle; elle se préparait déjà à la confrontation. Elle sentait que c'était en rapport avec sa vie amoureuse et craignait qu'on l'ait repérée avec Thor. Cependant, elle était déterminée à ne pas céder, quoi qu'il en coûte. S'il fallait qu'elle quitte cet endroit, elle le ferait. Sa mère pouvait la jeter au cachot, elle n'en avait que faire.
Quand Gwen s'approcha des appartements de sa mère, la grande porte en chêne fut ouverte par ses serviteurs, qui s'écartèrent quand elle entra puis refermèrent la porte derrière elle.
Les appartements de sa mère étaient bien plus petits que ceux de son père, plus intimes, avec de grands tapis et un petit service à thé et un plateau de jeu installés à côté d'une belle flambée et de plusieurs chaises délicates en velours jaune. Sa mère étaient assise dans une des chaises, tournant le dos vers Gwen, alors qu'elle l'attendait. Elle était face au feu, buvait lentement son thé et déplaçait de temps à autre une des pièces sur le plateau de jeu. Derrière elle se trouvaient deux dames d'honneur. L'une d'elles s'occupait de ses cheveux et l'autre lui serrait l'arrière de la robe.
“Entre, mon enfant”, dit la voix sévère de sa mère.
Gwen détestait quand sa mère faisait ça, faisait des manières devant ses dames d'honneur. Elle aurait voulu qu'elle les renvoie, comme le faisait son père quand ils parlaient. C'était le moins qu'elle puisse faire pour préserver intimité et décence, mais sa mère ne le faisait jamais. Gwen en avait conclu que laisser ses dames d'honneur se promener dans la pièce et écouter était un jeu de pouvoir dont le but était de la maintenir dans l'inquiétude.
Gwen n'avait pas le choix. Elle traversa la salle et s'assit dans une des chaises en velours en face de sa mère, trop près du feu. C'était un autre des jeux de pouvoir de sa mère : ses invités, pris au dépourvu par les flammes, avaient trop chaud.
La Reine ne leva pas les yeux; au lieu de ça, elle continua à regarder son plateau de jeu et poussa une des pièces en ivoire dans le dédale complexe.
“A toi”, dit sa mère.
Gwen baissa les yeux vers le plateau; elle était surprise que sa mère joue encore cette partie. Elle se souvint qu'elle avait les pièces marron, mais elle n'avait pas joué à ce jeu avec sa mère depuis plusieurs semaines. Sa mère était experte en Pions, mais Gwen était encore meilleure. Sa mère détestait perdre et il était clair qu'elle analysait ce plateau depuis longtemps en espérant faire le coup parfait. Maintenant que Gwen était là, elle la faisait jouer.
A la différence de sa mère, Gwen n'avait pas besoin d'examiner le plateau. Elle se contenta d'y jeter un coup d’œil et vit le coup parfait dans sa tête. Elle leva le bras et déplaça une des pièces marron de côté en lui faisant traverser tout le plateau. Cela mit sa mère à un coup de l'échec.
Sa mère garda les yeux baissés, inexpressive sauf pour un tremblement des sourcils qui, comme Gwen le savait, indiquait qu'elle était désemparée. Gwen était plus intelligente et sa mère ne l'accepterait jamais.
Sa mère se racla la gorge en examinant le plateau, toujours sans la regarder.
“Je sais tout sur tes escapades avec ce roturier”, dit-elle avec mépris. “Tu me désobéis.” Sa mère leva les yeux vers elle. “Pourquoi ?”
Gwen inspira profondément, sentant son estomac se serrer, essayant de formuler la meilleure réponse possible. Elle ne céderait pas. Pas cette fois-ci.
“Mes affaires personnelles ne vous regardent pas”, répondit Gwen.
“Ah bon ? Elles me regardent beaucoup. Tes affaires personnelles auront de l'influence sur la royauté, sur le destin de ce famille, de l'Anneau. Tes affaires personnelles ont une dimension politique, même si tu voudrais l'oublier. Tu n'es pas roturière. Rien n'est personnel dans ton monde, et tout me regarde.”
La voix de sa mère était froide et inflexible et Gwen détestait chaque seconde de cette visite. Gwen ne pouvait que rester assise là et attendre que sa mère ait fini. Elle se sentait piégée.
Finalement, sa mère se racla la gorge.
“Puisque tu refuses de m'écouter, je vais devoir prendre les décisions à ta place. Tu ne reverras plus jamais ce garçon. Sinon, je le ferai chasser de la Légion, de la Cour du Roi et il reviendra dans son village. Ensuite, je le ferai mettre au pilori avec toute sa famille. Il sera chassé, en disgrâce, et tu ne le reverras jamais.”
Sa mère leva les yeux vers elle, la lèvre inférieure tremblant de rage.
“Tu me comprends ?”
Gwen inspira brusquement, comprenant pour la première fois l'étendue de la malveillance dont sa mère était capable. Elle la détestait plus qu'elle ne pouvait le dire. Gwen remarqua aussi les regards nerveux des dames d'honneur. C'était humiliant.
Avant qu'elle ait pu répondre, sa mère continua.
“De plus, pour empêcher que tu continues à te comporter avec imprudence, j'ai pris des mesures pour t'organiser une union raisonnable. Tu épouseras Alton le premier jour du mois prochain. Tu peux commencer tes préparations de mariage dès maintenant. Prépare-toi à la vie de femme mariée. C'est tout”, dit sa mère d'un ton dédaigneux en se retournant vers le plateau comme si elle venait de parler du plus ordinaire des sujets.
Gwen bouillait intérieurement de rage. Elle aurait voulu crier.
“Comment osez-vous ?” répondit Gwen, de plus en plus enragée. “Me prenez-vous pour une quelconque marionnette que vous pouvez faire bouger en tirant sur une ficelle ? Pensez-vous vraiment que j'épouserai celui que vous me désignerez ?”
“Je ne pense pas”, répondit sa mère. “Je sais. Tu es ma fille, et tu m'obéis. Et tu épouseras exactement qui je te dirai d'épouser.”
“Non !” répondit Gwen en criant. “Et vous ne m'y obligerez pas ! Père a dit que vous ne le pouviez pas !”
“Les mariages arrangés sont encore la prérogative de tous les parents de ce royaume, et sont sont certainement la prérogative du roi et de la reine. Ton père prend des poses, mais tu sais aussi bien que moi qu'il se pliera toujours à ma volonté. Je sais comment m'y prendre.”
Sa mère lui lança un regard furieux.
“Donc, tu vois, tu feras comme je dis. Ton mariage est en cours. Rien ne peut l'arrêter. Prépare-toi.”
“Pas question”, répondit Gwen. “Jamais. Et si vous me reparlez de ça, je ne vous adresserai plus jamais la parole.”
Sa mère leva les yeux et lui sourit. C'était un sourire froid et laid.
“Peu m'importe si tu ne me reparles plus jamais. Je suis ta mère, pas ton amie, et je suis ta Reine. Ce pourrait fort bien être la dernière fois que nous nous voyons. Aucune importance. A la fin de la journée, tu feras comme je dis. Et je te surveillerai de loin pendant que tu vivras la vie que je t'ai préparée.”
Sa mère se retourna vers son jeu.
“Tu es renvoyée”, dit-elle en faisant un signe de la main comme si Gwen était une domestique parmi tant d'autres.
Gwen débordait tellement de rage qu'elle n'en pouvait plus. Elle fit trois pas vers le plateau de jeu de sa mère et le renversa des deux mains, envoyant les pièces en ivoire et la grande table en ivoire par terre, où elles se brisèrent en morceaux.
Sa mère se recula, choquée.
“Je vous hais”, siffla Gwen.
Sur ces mots, Gwen se retourna, toute rouge, et sortit furieusement de la salle en repoussant les mains des serviteurs, résolue à sortir par elle-même et à ne jamais revoir sa mère.