Kitabı oku: «La Quête Des Héros», sayfa 16
“Mais Père en a beaucoup”, dit Reece. “Peut-être que quelqu'un veut te tuer pour l'atteindre.”
“Ou peut-être que quelqu'un veut se débarrasser de toi pour monter sur le trône”, imagina Elden.
“Mais c'est absurde ! Je suis illégitime ! Je ne peux pas hériter du trône !”
Pendant qu'ils secouaient tous la tête en buvant des gorgées de leur bière et en essayant de comprendre, un autre cri se fit entendre dans la salle et l'attention de tous les hommes se tourna vers l'escalier qui menait au premier étage. Thor leva les yeux et vit une file de femmes sortir du vestibule d'en haut, se tenir près d'une rampe et regarder dans la salle. Elles étaient toutes peu habillées et trop maquillées.
Thor rougit.
“Eh bien, bonjour, les hommes!” cria la dame de devant, qui avait une grosse poitrine et portait une tenue en dentelle rouge.
Les hommes applaudirent.
“Qui a de l'argent à dépenser ce soir ?” demanda-t-elle.
Le hommes applaudirent encore.
Thor écarquilla les yeux de surprise.
“C'est aussi un bordel?” demanda-t-il.
Les autres se retournèrent et le regardèrent dans un silence stupéfait, puis éclatèrent tous de rire.
“Mon Dieu, tu es naïf, toi !” dit Conval.
“Tu veux dire que tu n'es jamais allé au bordel ?” dit Conven.
“Je parie qu'il n'a jamais couché avec une femme !” dit Elden.
Thor sentit qu'ils le regardaient tous et il se sentit devenir rouge comme une tomate. Il aurait voulu disparaître. Ils avaient raison : il n'avait jamais couché avec une femme, mais jamais il ne le leur dirait. Il se demanda si ça se voyait sur son visage.
Avant qu'il ait pu réagir, un des jumeaux leva le bras, lui plaça une main ferme sur le dos et jeta une pièce en or à la femme qui se trouvait sur l'escalier.
“Je crois que tu as ton premier client !” cria-t-il.
Tout le monde applaudit et, malgré toutes ses résistances, Thor se sentit poussé en avant par des dizaines d'hommes. Il traversa la foule et monta à l'escalier. En montant, il se mit à penser à Gwen. A tout l'amour qu'il avait pour elle. Qu'il ne voulait être avec personne d'autre.
Il voulait se retourner et s'enfuir mais il n'y avait vraiment aucun moyen. Des dizaines des hommes les plus grands qu'il ait jamais vus le poussaient en avant et ne le laissaient pas reculer. Avant de savoir où il en était, il avait monté les marches, atteint le palier. Il était en train de regarder fixement une femme plus grande que lui, qui portait trop de parfum et lui souriait. Comme si cela ne suffisait pas, Thor était ivre. La pièce tournait carrément dans tous les sens et il sentit que, dans un moment, il allait s'effondrer.
Le femme tendit le bras, tira Thor par la chemise, l'emmena fermement dans une chambre et claqua la porte derrière eux. Thor était déterminé à ne pas coucher avec elle. Il se raccrochait à ses pensées de Gwen, se forçait à ne penser à rien d'autre. Ce n'était pas comme ça qu'il voulait avoir sa première expérience.
Cependant, son esprit n'écoutait pas. Il était tellement ivre que maintenant, il y voyait à peine. Et la dernière chose dont il se souvint avant de s'évanouir, c'est quand on lui fit traverser la chambre vers un lit de femme pendant qu'il espérait qu'il atteindrait le lit avant de tomber par terre.
CHAPITRE VINGT-TROIS
MacGil ouvrit les yeux avec difficulté, réveillé par les coups que l'on frappait implacablement sur sa porte, et immédiatement, il se dit qu'il aurait voulu ne pas se réveiller. Il avait terriblement mal au crâne. La lumière crue rentrait par la fenêtre ouverte du château, et il se rendit compte qu'il avait le visage enfoui dans sa couverture en peau de mouton. Désorienté, il essaya de se souvenir comment il était arrivé là. Il était chez lui, dans son château. Il essaya de se souvenir de la nuit précédente. Il se souvint de la chasse. Puis d'une taverne dans le bois. D'avoir beaucoup trop bu. D'une façon ou d'une autre, il avait du revenir ici.
Il regarda à côté de lui et vit sa femme, la Reine, qui dormait à côté de lui sous les couvertures et se réveillait lentement.
On frappa encore avec l'affreux bruit d'un heurtoir en fer qui cognait contre la porte.
“Qui ça peut être ?” demanda-t-elle, contrariée.
MacGil se demandait la même chose. Il se souvint en particulier qu'il avait demandé à ses serviteurs de ne pas le réveiller, surtout après la chasse. Ils allaient le lui payer.
C'était probablement son intendant, avec un autre problème financier de peu d'importance.
“Arrêtez de frapper comme ça !” finit par beugler MacGil en sortant du lit et en s'asseyant les coudes sur les genoux, la main contre la tête. Il passa ses mains dans ses cheveux sales et dans sa barbe, puis par dessus son visage en essayant de se réveiller par ses propres moyens. La chasse, et la bière, l'avaient assommé. Il n'était pas aussi souple qu'autrefois. Les années avaient causé des ravages; il était épuisé. A ce moment, il se jura qu'il ne boirait plus jamais.
Avec un énorme effort, il se mit à genoux puis debout. Ne portant que sa chemise de nuit, il traversa rapidement la salle et finit par atteindre la porte, épaisse de trente centimètres. Il saisit la poignée de fer et tira violemment dessus.
Devant lui se tenait son général le plus gradé, Brom, entouré de deux lieutenants. Les lieutenants baissèrent la tête par respect, mais son général le regarda dans les yeux, l'air sombre. MacGil détestait quand il avait cet air. Cela signifiait toujours qu'il y avait de mauvaises nouvelles. C'était à des moments comme ceux-là qu'il détestait être Roi. Il avait passé une si bonne journée la veille, une superbe chasse et surtout une excellente nuit à la taverne qui lui avait rappelé l'époque où il était jeune et insouciant. Maintenant, se faire réveiller aussi bruyamment que ça le priva de toutes les illusions de paix qu'il avait eues.
“Mon seigneur, je suis désolé de vous réveiller”, dit Brom.
“T'as raison de l'être”, grogna MacGil. “T'as intérêt à ce que ce soit important.”
“C'est important”, dit-il.
Le Roi MacGil vit la gravité de son expression, se retourna et regarda sa Reine par dessus son épaule. Elle s'était rendormie.
MacGil leur fit geste d'entrer, leur fit traverser sa grande chambre et entrer dans une antichambre par une autre porte cintrée. Il ferma la porte derrière eux pour ne pas déranger la Reine. Quand il n'avait pas envie de descendre dans la Grande Salle, il utilisait parfois cette pièce plus petite, qui ne mesurait pas plus de vingt pas et contenait quelques chaises confortables et un grand vitrail.
“Mon seigneur, nos espions nous ont signalé un contingent d'hommes de McCloud qui se dirigeaient vers l'est, vers la Mer Fabian. Et nos éclaireurs du sud signalent qu'une caravane de navire de l'Empire se dirigent vers le nord. Ils doivent sûrement aller là-bas pour rencontrer les McCloud.”
MacGil essaya de traiter ces informations. Ralenti par l'alcool, son cerveau réagissait trop lentement.
“Et ?” demanda-t-il avec insistance, impatient, fatigué. Il en avait vraiment assez des machinations et des spéculations et des subterfuges incessants de sa cour.
“Si les McCloud sont vraiment en ligue avec l'Empire, ce ne peut être que pour une seule raison”, continua Brom. “Comploter pour faire une brèche dans le Canyon et renverser l'Anneau.”
MacGil leva les yeux vers son vieux commandant, un homme avec lequel il avait combattu pendant trente ans, et vit l'extrême gravité de son regard. Il y vit aussi de la peur. Cela le dérangea, car c'était un homme qu'il n'avait jamais vu avoir peur de quoi que ce soit.
MacGil se redressa lentement et complètement, ce qui lui donnait encore l'air d'être très grand, se retourna et traversa la salle jusqu'à la fenêtre. Il regarda au dehors, examina sa cour en dessous, qui était vide aussi tôt le matin, et se demanda que faire. Il avait toujours su qu'un jour comme celui-là finirait par arriver. Il ne s'était simplement pas attendu à ce qu'il vienne si tôt.
“C'est du rapide”, dit-il. “Cela ne fait que quelques jours que j'ai marié ma fille à leur prince, et maintenant, vous pensez qu'ils complotent déjà pour nous renverser ?”
“Oui, monseigneur”, répondit Brom avec sincérité. “Je ne vois aucune autre raison. Tout indique que cette réunion entre les McCloud et l'Empire est pacifique, pas militaire.”
MacGil secoua lentement la tête.
“Mais ça n'a aucun sens ! Ils ne peuvent pas s'allier à l'Empire. Pourquoi le feraient-ils ? Même si, pour une raison quelconque, ils réussissaient à faire tomber le Bouclier de notre côté et à y faire une brèche, alors, que se passerait-il ? L'Empire les renverserait eux aussi. Ils ne seraient pas non plus en sécurité. Ils le savent forcément.”
“Peut-être vont-ils faire un marché”, répliqua Brom. “Peut-être les McCloud vont-ils laisser entrer l'Empire et, en échange, leur demander de ne s'attaquer qu'à nous pour pouvoir contrôler l'Anneau.”
MacGil secoua la tête.
“Les McCloud sont trop intelligents pour ça. Ils sont rusés. Ils savent qu'on ne peut pas faire confiance à l'Empire.”
Son général haussa les épaules.
“Peut-être tiennent-ils tellement à contrôler l'Anneau qu'ils acceptent de prendre ce risque. Surtout maintenant qu'ils ont votre fille comme Reine.”
MacGil y réfléchit. Sa tête le cognait. Il ne voulait pas s'occuper de ça maintenant. Pas aussi tôt dans la matinée.
“Donc, que proposez-vous de faire ?” demanda-t-il d'un ton abrupt, fatigué par toutes ces spéculations.
“Nous pouvons anticiper, Sire, et attaquer les McCloud. C'est le moment.”
MacGil le regarda bouche bée.
“Juste après que je leur aie donné ma fille en mariage ? Je ne crois pas.”
“Si nous ne le faisons pas”, répliqua Brom, “nous les laisserons creuser notre propre tombe. Ils nous attaqueront forcément. Si ce n'est pas maintenant, alors, ce sera plus tard. Et s'ils s'allient à l'Empire, nous sommes perdus.”
“Ils ne peuvent pas traverser les Highlands aussi facilement. Nous contrôlons tous les goulets d'étranglement. Ce serait un massacre. Même avec le soutien de l'Empire.”
“L'Empire a des millions d'hommes en réserve”, répondit Brom. “Ils peuvent se permettre de les envoyer à la boucherie.”
“Même si le Bouclier tombait”, dit MacGil, “il ne serait pas si facile de faire traverser le Canyon à des millions de soldats, ni les Highlands, ni de les faire approcher par la mer. Nous détecterions une telle mobilisation longtemps à l'avance. Nous serions avertis.”
MacGil réfléchit.
“Non, nous n'allons pas attaquer. Cependant, pour l'instant, nous pouvons prendre une mesure prudente : doubler nos patrouilles dans les Highlands. Renforcer nos fortifications. Et doubler nos espions. Ce sera tout.”
“Oui, monseigneur”, dit Brom, qui se retourna et quitta précipitamment la salle avec ses lieutenants.
MacGil se retourna vers la fenêtre. Il avait encore la tête qui cognait. Il sentait que la guerre se profilait à l'horizon, qu'elle s'avançait vers lui avec le caractère inévitable d'une tempête hivernale. En plus, il sentait qu'il ne pouvait rien y faire. Il regarda tout autour de lui, regarda son château, la pierre, l'impeccable cour royale qui s'étendait en dessous de lui, et ne put s'empêcher de se demander combien de temps tout cela durerait.
Il aurait donné son royaume pour une chope de bière de plus.
CHAPITRE VINGT-QUATRE
Thor sentit un pied le pousser dans les côtes et ouvrit laborieusement les yeux. Il était allongé à plat ventre sur un tas de paille et, pendant un moment, il ne sut pas du tout où il était. Il avait l'impression que sa tête pesait mille tonnes, que sa gorge était plus sèche que jamais et que ses yeux et sa tête le tuaient. Il avait l'impression qu'il venait de tomber de cheval.
Il reçut un autre petit coup de pied et, quand il se redressa, la salle tourna violemment. Il se pencha et vomit, s'étouffant à plusieurs reprises.
Un rire collectif éclata tout autour de lui. Il leva les yeux et vit Reece, O’Connor, Elden et les jumeaux qui se tenaient à côté en le regardant.
“Finalement, la belle au bois dormant se réveille !” cria Reece en souriant.
“On pensait que tu ne te lèverais jamais”, dit O’Connor.
“Tu vas bien ?” demanda Elden.
Thor se releva et s'essuya la bouche de l'arrière de la main en essayant de comprendre où il en était. Alors qu'il le faisait, Krohn, allongé à un mètre ou deux, gémit et courut à sa rencontre. Il lui bondit dans les bras et enfonça la tête dans sa chemise. Thor était soulagé de le voir et heureux de l'avoir à ses côtés. Il essaya de se souvenir de la veille.
“Où suis-je ?” demanda Thor. “Qu'est-ce qui s'est passé la nuit dernière ?”
Ils rirent tous les trois.
“Je crains que tu aies bu une chope de trop, mon ami. J'en connais un qui ne supporte pas la bière. Tu ne te souviens pas ? La taverne ?”
Thor ferma les yeux, se frotta les tempes et essaya de se souvenir de tout. Il y arriva par intermittences. Il se souvint de la chasse … d'être entré dans la taverne … des boissons. Il se souvint qu'on l'avait emmené au premier étage … au bordel. Après ça, tout était noir.
Son cœur se mit à battre plus vite quand il pensa à Gwendolyn. Avait-il fait quoi que ce soit d'idiot avec la prostituée ? Avait-il gâché ses chances avec Gwen ?
“Qu'est-ce qui s'est passé ?” insista-t-il gravement auprès de Reece en se serrant le poignet. “Dis-le moi, s'il te plaît. Dis-moi que je n'ai rien fait avec cette femme.”
Les autres rirent mais Reece regarda son ami sérieusement en se rendant compte qu'il était très affecté.
“Ne t'en fais pas, mon ami”, répondit-il. “Tu n'as rien fait du tout, mis à part vomir et t'effondrer sur le plancher de sa chambre !”
Les autres rirent à nouveau.
“En voilà une première fois”, dit Elden.
Thor, lui, se sentait profondément soulagé. Il n'avait pas gâché toutes ses chances avec Gwen.
“C'est la dernière fois que je te paye une femme !” dit Conval.
“C'était de l'argent jeté par les fenêtres”, dit Conven. “Elle n'a même pas voulu rembourser !”
Les garçons rirent à nouveau. Thor était humilié mais soulagé de n'avoir rien gâché.
Il prit le bras à Reece et lui parla en aparté.
“Ta sœur”, murmura-t-il de manière pressante. “Elle ne sait rien de tout ça, hein ?”
Reece sourit lentement en passant un bras autour de l'épaule de Thor.
“Je garderai le secret, même si tu n'as rien fait. Elle ne sait pas, et je vois à quel point tu tiens à elle, et je l'apprécie”, dit-il, son expression devenant sérieuse peu à peu. “Je vois maintenant que tu tiens vraiment à elle. Si tu étais allé aux putes, tu n'aurais pas été le beau-frère que je désire. En fait, on m'a demandé de te livrer ce message.”
Reece poussa un petit parchemin dans la paume de Thor, et Thor baissa les yeux, perplexe. Il vit le sceau royal dessus, le papier rose, et sut de qui ça venait. Son cœur se mit à battre plus vite.
“De la part de ma sœur”, ajouta Reece.
“Ouah !” dirent tous ses amis en chœur.
“On a reçu une lettre d'amour !” dit O’Connor.
“Lis-la nous !” hurla Elden.
Les autres éclatèrent de rire.
Cependant, Thor, qui tenait à son intimité, partit précipitamment vers le côté de la caserne, loin des autres. Il avait très mal au crâne et la salle tournait encore mais il n'en avait plus rien à faire. Il déroula le parchemin délicat et lut la note en tremblant des mains.
“Retrouvez-moi à la Crête de la Forêt à midi. Ne soyez pas en retard. Et soyez discret.”
Thor fourra le billet dans sa poche.
“Qu'est-ce que ça dit, monsieur le jeune amoureux ?” cria Conven.
Thor se précipita vers Reece en sachant qu'il pouvait lui faire confiance.
“La Légion n'a pas d'exercices aujourd'hui, n'est-ce pas ?” demanda Thor.
Reece secoua la tête. “Bien sûr que non. C'est jour de congé.”
“Où est la Crête de la Forêt ?” demanda Thor.
Reece sourit. “Ah, l'endroit favori de Gwen”, dit-il. “Quitte la cour par la route de l'est et reste à droite. Monte la colline et la Crête de la Forêt commence après le second tertre.”
Thor regarda Reece.
“S'il te plaît, je veux que personne ne soit au courant.”
Reece sourit.
“Je suis sûr qu'elle veut la même chose. Si ma mère l'apprenait, elle vous tuerait tous les deux. Elle enfermerait ma sœur dans sa chambre et t'exilerait aux confins méridionaux du royaume.”
Thor eut la gorge serrée en y pensant.
“Vraiment ?” demanda-t-il
Reece répondit d'un hochement de tête.
“Elle ne t'aime pas. Je ne sais pas pourquoi, mais elle ne changera pas d'avis. Vas-y vite et n'en parle à personne. Et ne t'en fais pas !” dit-il en lui serrant la main. “Moi non plus, je n'en parlerai à personne.”
*
Thor marchait rapidement tôt le matin, Krohn galopant à côté de lui, en essayant de faire de son mieux pour ne pas être vu. Il suivait les indications de Reece de son mieux en se les répétant dans sa tête. Il passa rapidement la périphérie de la cour royale, monta à une petite colline et longea le bord d'une forêt touffue. A sa gauche, le sol tombait en dessous de lui, le forçant à marcher sur une piste étroite au bord d'une crête abrupte, une falaise à sa gauche et la forêt à sa droite. La Crête de la Forêt. Elle lui avait dit de la retrouver là. Était-elle sérieuse ? Ou jouait-elle tout simplement avec lui ?
Est-ce que ce collet monté de la famille royale, Alton, avait raison ? Thor n'était-il qu'une distraction pour elle ? Est-ce qu'elle se lasserait bientôt de lui ? Il espérait, plus que tout, que tel n'était pas le cas. Il voulait croire que ses sentiments pour lui étaient sincères, et pourtant, il avait encore du mal à imaginer comment cela pouvait être le cas. Elle le connaissait à peine et elle était membre de la famille royale. Que pouvait-elle bien lui trouver d'intéressant ? Sans compter qu'elle avait un an ou deux de plus que lui et qu'il n'avait jamais vu de fille plus âgée s'intéresser à lui; en fait, il n'avait jamais vu aucune fille s'intéresser à lui. Non pas qu'il ait eu beaucoup de choix en matière de filles dans son petit village.
Thor n'avait jamais tellement pensé aux filles. Il n'avait pas été élevé avec des sœurs, et il y avait peu de filles de son âge dans son village. A son âge, aucun des autres garçons ne semblait vraiment s'en soucier. La plupart des garçons semblaient se marier autour de leur dix-huitième année, dans le cadre de mariages organisés qui ressemblaient plutôt à des arrangements commerciaux. Les hommes de rang élevé qui ne s'étaient pas mariés à vingt-cinq ans atteignaient leur Jour de Sélection : ils étaient forcés soit de choisir une fiancée soit d'aller en trouver une. Cependant, cela ne s'appliquait pas à Thor. Il était pauvre et, d'habitude, on mariait simplement les gens de son rang de façon à ce que ça profite aux familles. C'était comme le commerce de bovins.
Cependant, quand Thor avait vu Gwendolyn, tout cela avait changé. Pour la première fois, quelque chose l'avait frappé, un sentiment si profond, si fort et si urgent qu'il ne le laissait penser à rien d'autre. A chaque fois qu'il l'avait vue, ce sentiment s'était renforcé. Il ne comprenait pas pourquoi, mais son absence le faisait souffrir.
Thor marcha deux fois plus vite le long de la crête en la cherchant partout et en se demandant où elle le retrouverait précisément, ou si elle le retrouverait. Le premier soleil se leva plus haut et la première goutte de sueur se forma sur son front. Il se sentait encore malade et mal à l'aise à cause de la nuit d'avant. Alors que le soleil se levait encore plus haut et qu'il la cherchait en pure perte, il commença à se demander si elle allait vraiment le retrouver. Il commença aussi à se demander à quels dangers il les exposait. Si sa mère, la Reine, était vraiment opposée à leur union à ce point, le ferait-elle vraiment expulser du royaume ? De la Légion? De tout ce qu'il avait appris à aimer ? Que ferait-il alors ?
Quand il y réfléchit, il décida que tout valait encore la peine s'il pouvait être avec elle. Il acceptait de tout risquer pour que ça marche. Il espérait seulement qu'on n'était pas en train de le mener en bateau, ou qu'il ne tirait pas de conclusions hâtives sur la force de ce qu'elle ressentait pour lui.
“Alliez-vous simplement me passer devant sans me voir ?” dit une voix, suivie par un gloussement.
Thor sursauta, pris au dépourvu, puis s'arrêta et se retourna. Gwendolyn se tenait à l'ombre d'un pin immense et lui souriait. Son cœur se souleva quand il vit ce sourire. Il vit l'amour dans ses yeux et toutes ses peurs et inquiétudes disparurent tout de suite. Il se réprimanda d'avoir été bête au point de douter de ses intentions.
Krohn poussa un petit cri aigu quand il la vit.
“Mais qu'est-ce que cela ?!” dit-elle en poussant un cri de joie.
Elle s'agenouilla et Krohn courut vers elle et lui sauta dans les bras avec un gémissement; elle le ramassa et le tint en le caressant.
“Il est si mignon !” dit-elle en le serrant fort contre elle. Il lui lécha le visage. Elle gloussa et l'embrassa.
“Et comment t'appelles-tu, mon petit gars ?” demanda-t-elle.
“Krohn”, dit Thor. Finalement, cette fois-ci, il n'était pas sans voix comme auparavant.
“Krohn”, répéta-t-elle en regardant le petit dans les yeux. “Et voyagez-vous tous les jours avec un ami léopard ?” demanda-t-elle à Thor avec un rire.
“Je l'ai trouvé”, dit Thor, se sentant embarrassé en sa compagnie comme toujours. “Dans le bois, pendant la chasse. Ton frère a dit que je devais le garder parce que je l'avais trouvé. Que c'était mon destin.”
Elle le regarda et son expression devint sérieuse.
“Eh bien, il a raison. Les animaux sont des choses très sacrées. On ne les trouve pas. C'est eux qui nous trouvent.”
“J'espère que ça ne vous gène pas s'il se joint à nous”, dit Thor.
Elle gloussa.
“Je serais triste s'il ne le faisait pas”, répondit-elle.
Elle regarda de tous côtés, comme pour s'assurer que personne ne regardait, puis tendit le bras, saisit la main de Thor et l'attira dans le bois.
“Allons-y”, murmura-t-elle. “Avant que quelqu'un ne nous repère.”
A son contact, Thor se sentit euphorique. Elle l'emmena sur la piste forestière. Ils entrèrent rapidement dans le bois en suivant les méandres du sentier au milieu des pins immenses. Elle lui lâcha la main, mais il n'en oublia pas la douceur.
Il commençait à se sentir plus sûr qu'elle l'aimait vraiment et il était visible qu'elle ne voulait pas être repérée, elle non plus, probablement par sa mère. Il était clair qu'elle prenait cette histoire au sérieux, vu qu'elle risquait quelque chose en le rencontrant, elle aussi.
D'un autre côté, pensa Thor, peut-être ne voulait-elle simplement pas être repérée par Alton ou par d'autres garçons qu'elle fréquentait peut-être. Peut-être Alton avait-il eu raison. Peut-être avait-elle honte qu'on la voie avec Thor.
Thor sentait toutes ces émotions contradictoires tourbillonner en lui.
“Vous avez perdu votre langue, hein ?” demanda-t-elle en brisant finalement le silence.
Thor se sentait déchiré en deux; il ne voulait pas risquer de tout gâcher en lui disant ce qui le préoccupait, mais, en même temps, il ressentait le besoin de calmer toutes ses inquiétudes. Il avait besoin de savoir quels étaient ses vrais sentiments. Il ne pouvait plus se retenir.
“Quand je vous ai quittée la dernière fois, je suis tombé sur Alton. Il m'a affronté.”
L'expression de Gwendolyn s'assombrit, sa bonne humeur disparut soudain et Thor se sentit immédiatement coupable d'avoir évoqué le sujet. Il appréciait son bon caractère, sa joie et il aurait voulu pouvoir retirer ses paroles. Il voulait s'arrêter mais il était trop tard. Maintenant, il n'y avait plus moyen de reculer.
“Et qu'a-t-il dit ?” dit-elle en laissant tomber sa voix.
“Il m'a dit de ne plus vous revoir. Il m'a dit que vous ne m'aimiez pas vraiment. Il m'a dit que je n'étais qu'un simple amusement pour vous, que vous vous lasseriez de moi dans un jour ou deux. Il a aussi dit qu'il était prévu que vous l'épouseriez et que votre mariage était déjà organisé.”
Gwendolyn laissa échapper un rire furieux et moqueur.
“Ah bon ?” grogna-t-elle. “Ce garçon est le plus arrogant et le plus insupportable petit imbécile qui soit”, ajouta-elle, furieuse. “Il me gâche la vie depuis que je sais marcher. Parce que nos parents sont cousins, il s'imagine qu'il fait partie de la famille royale. Je n'ai jamais rencontré personne qui ait autant de titres et les mérite si peu. Et comme si ce n'était pas assez, d'une façon ou d'une autre, il s'est mis dans la tête que nous sommes destinés à nous marier. Comme si j'allais simplement me soumettre à ce que mes parents me forcent à faire. Jamais. Et certainement pas avec lui. Je ne supporte pas de le voir.”
Thor se sentit tellement soulagé par ses paroles qu'il se sentit infiniment plus léger; il eut envie de chanter en haut des arbres. C'était exactement ce qu'il avait eu besoin d'entendre. Maintenant, il se sentait désolé de l'avoir mise de mauvaise humeur pour rien. Cependant, il n'était pas encore complètement satisfait; il avait remarqué qu'elle n'avait encore rien dit sur ce qu'elle ressentait véritablement pour lui, Thor.
“En ce qui vous concerne”, dit-elle, le regardant furtivement avant de détourner le regard, “je vous connais à peine. Personne ne peut m'obliger à m'engager maintenant. Cependant, je dirais que je ne pense pas que passerais du temps avec vous si je vous détestais à ce point. Bien sûr, j'ai le droit de changer d'avis comme je veux, et je peux être inconstante, mais pas en amour.”
C'était tout ce dont Thor avait besoin. Il était impressionné par son sérieux et encore plus impressionné par le mot qu'elle avait choisi : “amour”. Il se sentit rassuré.
“Et au fait, je pourrais aussi vous demander la même chose”, dit-elle en inversant les rôles. “En fait, je crois que j'ai beaucoup plus à perdre que vous. Après tout, je suis de famille royale et vous êtes roturier. Je suis plus âgée et vous êtes plus jeune. Ne pensez-vous pas que c'est moi qui devrais être la plus prudente ? A la cour, j'entends parler de votre plan, de votre ascension sociale. Certains disent que vous m'utilisez, que vous êtes un arriviste. Que vous voulez vous attirer les faveurs du Roi. Devrais-je croire tout ça ?”
Thor était horrifié.
“Non, madame ! Jamais. Ces idées ne m'ont même jamais effleuré. Je ne suis avec vous que parce que je ne peux imaginer être ailleurs. Seulement parce que je le veux. Seulement parce que quand je ne suis pas avec vous, je ne pense à rien d'autre.”
Un petit sourire se dessina au coin de sa bouche et il vit son expression commencer à se détendre.
“Vous êtes nouveau ici”, dit-elle. “Vous êtes nouveau à la Cour du Roi et vous découvrez la vie royale. Vous avez besoin de temps pour voir comment les choses fonctionnent vraiment. Ici, personne ne pense ce qu'il dit. Tout le monde a un plan. Tout le monde cherche à obtenir du pouvoir, du rang, de l'argent, des biens ou des titres. On ne peut jamais vraiment croire ce que disent les gens. Tout le monde a ses propres espions, appartient à une faction et a son plan. Par exemple, quand Alton vous a dit que mon mariage était déjà organisé, ce qu'il faisait vraiment, c'était essayer de trouver si nous étions proches l'un de l'autre. Il est menacé. Et peut-être va-t-il le signaler à quelqu'un. Pour lui, le mariage, ce n'est pas de l'amour. C'est une union à but purement financier, ou pour accéder à un rang plus élevé ou pour acquérir des possessions. Dans notre cour royale, les apparences sont trompeuses.”
Soudain, Krohn passa devant eux en courant puis s'élança sur la piste forestière et dans une clairière.
Gwen regarda Thor et gloussa; elle tendit le bras, lui saisit la main et courut avec lui.
“Venez !” hurla-t-elle, excitée.
Ils coururent tous deux sur la piste et débouchèrent dans l'immense clairière en riant. Thor fut déconcerté par ce qu'il vit : c'était une belle prairie forestière remplie de fleurs sauvages de toutes les couleurs possibles leur montaient jusqu'aux genoux. Des oiseaux et des papillons de toutes les couleurs et de toutes les tailles dansaient et volaient en l'air, et la prairie grouillait de gazouillis. Le soleil brillait fort et on aurait dit un endroit secret, caché ici, au milieu de ce grand bois sombre.
“Avez-vous déjà joué au pendu ?” demanda-t-elle avec un rire.
Thor secoua la tête et, avant qu'il ait pu répondre, elle prit un mouchoir de son cou, leva le bras et banda les yeux de Thor avec en l'attachant derrière lui. Il n'y voyait plus rien et elle lui gloussa bruyamment dans l'oreille.
“C'est vous !” dit-elle.
Puis il l'entendit courir dans l'herbe.
Il sourit.
“Mais que dois-je faire ?” cria-t-il.
“Me trouver !” répondit-elle.
Sa voix était déjà distante.
Thor, les yeux bandés, commença à lui courir après en trébuchant sur sa route. Il écouta soigneusement le frou-frou de sa robe en essayant de suivre la direction d'où il venait. C'était dur et il courut les mains tendues devant lui en se disant toujours qu'il pourrait rentrer dans un arbre, même s'il savait que c'était une prairie dégagée. En quelques moments, il fut désorienté et eut l'impression qu'il courait en rond.
Cependant, il continua à écouter, entendit le bruit de son gloussement distant et continua à ajuster ses mouvements en courant dans la bonne direction. Parfois, sa voix semblait se rapprocher, puis s'éloigner. Il commençait à avoir la tête qui tournait.
Il entendit Krohn courir à côté de lui en glapissant et il décida plutôt d'écouter Krohn en suivant ses pas. Quand il le fit, le gloussement de Gwen gagna en volume et Thor se rendit compte que Krohn l'emmenait vers elle. Il était surpris que Krohn ait eu l'intelligence de se joindre à leur jeu.
Bientôt, il l'entendit à seulement quelques mètres de lui; il la poursuivit, traversa le pré en faisant des zigzags dans tous les sens. Il tendit le bras et elle poussa un cri de joie quand il attrapa le coin de sa robe. Quand il la saisit, il trébucha et ils tombèrent tous les deux dans le pré au sol tendre. Il se retourna à la dernière seconde pour tomber en premier et qu'elle lui tombe dessus, ce qui amortirait sa chute à elle.
Quand Thor atterrit par terre avec Gwen au-dessus, elle cria, surprise. Elle gloussait encore quand elle leva le bras et retira le mouchoir.
Le cœur de Thor battit la chamade quand il vit son visage à seulement quelques centimètres du sien. Sur son corps, il sentit le poids du sien, vêtu de sa fine robe d'été, et sentit chaque contour de son corps. Elle lui pesait dessus de tout son poids et ne faisait rien pour résister. Elle le regardait fixement dans les yeux, le souffle aussi court que le sien, et elle ne détournait pas le regard. Lui non plus. Le cœur de Thor battait la chamade si vite qu'il avait beaucoup de mal à se concentrer.