Kitabı oku: «La Quête Des Héros», sayfa 19

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CHAPITRE VINGT-SEPT

Thor revint précipitamment vers la caserne de la Légion au lever du jour, avant le début de l'entraînement quotidien, heureusement. Il était essoufflé quand il arriva, Krohn à ses côtés, et il tomba sur les autres garçons juste au moment où ils se réveillaient et commençaient à se mettre en rang pour les travaux de la journée. Il resta là, à bout de souffle, plus troublé que jamais. Il ne savait pas comment il tiendrait le coup pendant l'entraînement de la journée; il allait compter les minutes jusqu'au banquet du soir, jusqu'à ce qu'il puisse avertir le Roi. Il était sûr que le présage lui avait été envoyé pour qu'il puisse transmettre l'avertissement. Le destin du royaume reposait sur ses épaules.

Thor courut vers Reece et O’Connor quand ils se dirigèrent vers le terrain, l'air épuisé, et commencèrent à se mettre en rang.

“Où étais-tu la nuit dernière ?” demanda Reece.

Thor aurait voulu savoir quoi répondre, mais il ne savait pas vraiment lui-même où il était allé. Qu'était-il censé dire ? Qu'il s'était endormi dehors, par terre, sur la montagne d'Argon ? Ça n'avait aucun sens, même pas pour lui.

“Je ne sais pas” répondit-il, ne sachant pas ce qu'il pouvait leur révéler.

“Tu ne sais pas ? Qu'est-ce que tu veux dire ?” demanda O’Connor.

“Je me suis perdu”, dit Thor.

“Perdu ?”

“Eh bien, tu as de la chance d'être rentré maintenant”, dit Reece.

“Si tu étais rentré en retard pour les exercices de la journée, ils ne t'auraient pas laissé revenir à la Légion”, ajouta Elden en arrivant à côté d'eux et en lui donnant une claque sur l'épaule de sa main robuste. “C'est sympa de te voir. Tu nous as manqué, hier.”

Thor était encore stupéfait par la nouvelle façon dont Elden le traitait depuis qu'ils étaient revenus du Canyon.

“Comment ça s'est passé avec ma sœur ?” demanda Reece à voix basse.

Thor rougit, ne sachant pas comment répondre.

“Tu l'as vue ?” insista Reece.

“Oui”, commença-t-il. “On a passé un excellent moment ensemble, même si on a dû se séparer de façon abrupte.”

“Eh bien,” continua Reece alors qu'ils s'alignaient tous côte à côte devant Kolk et les hommes du Roi, “tu la reverras ce soir. Mets tes plus beaux vêtements. C'est le banquet du Roi.”

Thor se sentit découragé. Il pensa à son rêve et eut l'impression que la destinée lui dansait sous les yeux et qu'il était sans défense, destiné à ne rien faire mis à part la regarder se réaliser.

“SILENCE !” hurla Kolk en commençant à faire les cent pas devant les garçons.

Thor se figea avec les autres et ils se turent tous.

Kolk longea lentement les rangs en les observant tous.

“Vous vous êtes bien amusés hier. Maintenant, retour à l'entraînement, et aujourd'hui, vous allez apprendre l'art ancien du creusage de tranchées.”

Un gémissement collectif se fit entendre parmi les garçons.

“SILENCE !” cria Kolk.

Les garçons se turent.

“Le creusage de tranchées est travail difficile”, continua Kolk, “mais c'est un travail important. Un jour, vous vous retrouverez là-bas, dans les terres sauvages, à protéger notre royaume, sans personne pour vous aider. Il fera tellement froid que vous ne sentirez pas vos orteils, ce sera par une nuit noire et vous ferez tout votre possible pour vous réchauffer. Ou alors, vous vous retrouverez peut-être dans une bataille dans laquelle vous aurez besoin de vous mettre à l'abri pour vous protéger contre les flèches de l'ennemi. On peut avoir besoin d'une tranchée pour des milliers de raisons. Et une tranchée pourrait être votre meilleure amie.

“Aujourd'hui”, continua-t-il en se raclant la gorge, “vous passerez toute la journée à creuser, jusqu'à ce que vous en ayez les mains rouges et caleuses, le dos brisé et que vous ne puissiez plus continuer. Ensuite, le jour de la bataille, ça ne vous semblera pas si terrible que ça.

“SUIVEZ-MOI !” hurla Kolk.

Un autre gémissement de déception se fit entendre quand les garçons se séparèrent en binômes et commencèrent à traverser le terrain à la suite de Kolk.

“Génial”, dit Elden. “Creuser des tranchées. C'est exactement à ça que je voulais passer la journée.”

“Ça aurait pu être pire”, dit O’Connor. “Il pourrait pleuvoir.”

Ils levèrent les yeux vers le ciel et Thor y repéra des nuages menaçants.

“Il pourrait bien pleuvoir”, dit Reece. “Ne nous porte pas la poisse.”

“THOR !” cria quelqu'un.

Thor se retourna et vit Kolk qui le regardait d'un air mauvais, sur le côté. Il accourut vers lui en se demandant ce qu'il avait fait de mal.

“Oui, sire.”

“Ton chevalier t'a convoqué”, dit-il sèchement. “Présente-toi à Erec, sur les terres du château. Tu as de la chance : tu es libre pour aujourd'hui. Au lieu de rester ici, tu vas servir ton chevalier, comme tous les bons écuyers devraient le faire. Cependant, n'imagine pas que tu vas échapper au creusage de tranchées. Quand tu reviendras demain, tu creuseras des tranchées tout seul. Maintenant, vas-y !” cria-t-il.

Thor se retourna, vit les regards envieux des autres puis quitta le terrain en courant en direction du château. Qu'est-ce qu'Erec pouvait bien lui vouloir ? Est-ce que ça avait un rapport avec le Roi ?

*

Thor traversa la Cour du Roi en courant et prit un sentier qu'il n'avait jamais pris, celui qui allait vers la caserne de l'Argent. Leur caserne était bien plus imposante que celle de la Légion, leurs bâtiments deux fois plus grands, tapissés de cuivre, et leurs sentiers pavés de pierre neuve. Pour y arriver, Thor dut passer sous une grande porte cintrée où une dizaine d'hommes du Roi montait la garde. Ensuite, le sentier s'élargissait, traversait un terrain dégagé et immense et aboutissait à un complexe de bâtiments en pierre encerclés par une clôture et gardés par des dizaines d'autres chevaliers. C'était une vue imposante, même d'ici.

Thor parcourut le sentier à toute vitesse, visible sur le terrain dégagé. Même s'il était encore loin, les chevaliers s'étaient déjà préparés à son approche en s'avançant, en croisant leurs lances, en regardant droit devant et en l'ignorant pendant qu'ils lui bloquaient la route.

“Que viens-tu faire ici ?” demanda l'un d'eux.

“Je suis en mission”, répondit Thor. “Je suis l'écuyer d'Erec.”

Les chevaliers échangèrent un regard méfiant mais un autre chevalier s'avança et hocha la tête. Ils reculèrent, décroisèrent leurs armes et la porte s'ouvrit lentement; ses pointes en métal se levèrent en grinçant. La porte était immense, faisait au moins soixante centimètres d'épaisseur et Thor se dit que cet endroit était encore plus fortifié que le château du Roi lui-même.

“Second bâtiment à droite”, hurla le chevalier. “Tu le trouveras à l'écurie.”

Thor tourna et se dépêcha de traverser la cour par le sentier en passant une enceinte de bâtiments en pierre et en observant tout. Ici, tout brillait, tout était impeccable, parfaitement maintenu. L'endroit tout entier respirait la puissance.

Thor trouva le bâtiment et fut ébloui par la vue qui se présentait à lui : des dizaines des chevaux, les plus grands et les plus beaux qu'il ait jamais vus, étaient attachés en rangées bien nettes en dehors du bâtiment, la plupart d'entre eux recouverts d'armures. Les chevaux brillaient. Tout ici était plus grand, plus impressionnant.

De vrais chevaliers passaient de tous côtés. Ils portaient diverses armes, traversaient la cour pour entrer ou sortir par diverses portes. C'était un endroit débordant d'activité et Thor y sentait la présence de la bataille. Cet endroit n'était pas dédié à l'entraînement mais à la guerre. A la vie et à la mort.

Thor passa par une petite entrée cintrée, parcourut un couloir de pierre sombre et passa précipitamment écurie après écurie, à la recherche d'Erec. Thor atteint le bout mais ne trouva Erec nulle part.

“Tu cherches Erec, n'est-ce pas ?” demanda un garde.

Thor se retourna et hocha la tête.

“Oui, sire. Je suis son écuyer.”

“Tu es en retard. Il est déjà dehors, en train de préparer son cheval. Dépêche-toi donc.”

Thor parcourut le couloir au pas de course et sortit brusquement de l'écurie pour arriver dans un terrain dégagé. Erec y était, debout devant un étalon géant et vaillant, un cheval noir luisant avec un nez blanc. Le cheval renâcla quand Thor arriva et Erec se retourna.

“Je suis désolé, sire”, dit Thor, essoufflé. “Je suis venu aussi vite que possible. Je ne voulais pas être en retard.”

“Tu arrives juste à temps”, dit Erec avec un sourire gracieux. “Thor, je te présente Lannin”, ajouta-t-il en désignant le cheval.

Lannin renâcla et caracola comme pour répondre. Thor s'avança, tendit une main et lui caressa le nez; en réponse, le cheval hennit doucement.

“C'est mon cheval de voyage. Un chevalier de rang a beaucoup de chevaux, comme tu l'apprendras. Il y a un pour les joutes, un pour la bataille et un pour les longs voyages solitaires. C'est avec celui-là qu'on crée les amitiés les plus sincères. Il t'apprécie. C'est une bonne chose.”

Lannin se pencha en avant et plaça le nez dans la paume de Thor. Thor était bouleversé par la magnificence de cette créature. Il voyait l'intelligence briller dans ses yeux. C'était étrange; on aurait dit que le cheval comprenait tout.

Cependant, une chose qu'Erec avait dite troubla Thor.

“Avez-vous dit un voyage, sire ?” demanda-t-il, surpris.

Erec s'arrêta de resserrer le harnais, se retourna et le regarda.

“Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. J'ai atteint ma vingt-cinquième année. C'est un jour spécial. As-tu entendu parler du Jour de Sélection ?”

Thor secoua la tête. “Très peu, sire; seulement ce que les autres m'ont dit.”

“Nous, chevaliers de l'Anneau, devons toujours nous perpétuer, génération après génération”, commença Erec. “Nous avons jusqu'à notre vingt-cinquième année pour choisir une fiancée. Si nous n'en avons choisi aucune à ce moment-là, la loi nous ordonne d'en trouver une. On nous donne une année pour la trouver et pour la ramener. Si nous revenons sans fiancée, alors, c'est le Roi qui nous en donne une et nous perdons notre droit de choisir.

“Donc, aujourd'hui, je dois partir en voyage pour trouver ma fiancée.”

Thor le fixa, muet.

“Mais, sire, vous partez ? Un an ?”

Thor se sentit découragé quand il y pensa. Il sentit son monde s'écrouler autour de lui. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il se rendit compte à quel point il appréciait Erec; d'une certaine façon, le chevalier était devenu comme un père pour lui, certainement plus que celui qu'il avait eu.

“Mais alors, de qui serai-je l'écuyer ?” demanda Thor. “Et où irez-vous ?”

Thor se souvint combien Erec l'avait soutenu, comment il lui avait sauvé la vie. Son cœur se serra à l'idée de son départ.

Erec rit avec insouciance.

“A quelle question vais-je répondre en premier ?” dit-il. “Ne t'inquiète pas. On t'a attribué un nouveau chevalier. Tu seras son écuyer jusqu'à mon retour. Kendrick, le fils aîné du Roi.”

Le cœur de Thor bondit de joie quand il entendit la nouvelle; il avait autant d'attachement pour Kendrick qui, après tout, avait été le premier à le repérer et à lui garantir une place dans la Légion.

“En ce qui concerne mon voyage ….” continua Erec, “… je ne sais pas encore. Je sais que j'irai vers le sud, vers le royaume dont je viens, et que je chercherai une fiancée dans cette direction. Si je n'en trouve pas dans l'Anneau, alors, je pourrais même traverser la mer jusqu'à mon propre royaume pour en chercher une là-bas.”

“Votre propre royaume, sire ?” demanda Thor.

Thor se rendit compte qu'il ne savait vraiment pas grand chose sur Erec, sur l'endroit d'où il venait. Il s'était toujours contenté de supposer qu'il venait d'une région de l'Anneau.

Erec sourit. “Oui, loin d'ici, au-delà de la mer. Mais c'est une autre histoire. Je voyagerai loin et longtemps et il faut que je me prépare. Donc, aide-moi, maintenant. Je n'ai pas beaucoup de temps. Harnache mon cheval et équipe-le avec toutes sortes d'armes.”

Thor avait la tête qui tournait. Il passa brusquement à l'action, courut vers l'armurerie équestre et récupéra l'armure noire et argent facilement reconnaissable qui appartenait à Lannin. Il ramena un élément à la fois en courant. Il plaça d'abord la cotte de mailles sur le dos du cheval, levant les bras pour l'envelopper autour de son corps immense. Ensuite, Thor ajouta le chanfrein, la fine plaque de métal qui protégeait la tête du cheval.

Lannin hennit quand il le fit, mais semblait l'apprécier. Thor sentait que Lannin était un cheval noble, un guerrier, et qu'il avait l'air tout aussi à l'aise en armure qu'un chevalier.

Thor repartit en courant, récupéra les éperons dorés d'Erec et aida à en attacher un à chaque pied. Ensuite, Erec monta le cheval.

“De quelles armes aurez-vous besoin, sire ?” demanda Thor.

Erec baissa les yeux. De cette perspective, il avait l'air immense.

“Il est difficile de prévoir quelles batailles je pourrais rencontrer pendant toute une année. Cependant, il faut que je puisse chasser et me défendre. Donc, bien sûr, il me faut mon épée longue. Je devrais aussi emporter mon épée courte, un arc, un carquois de flèches, une lance courte, une masse, un poignard et mon bouclier. J'imagine que ça suffira.”

“Oui, sire”, dit Thor, qui passa brusquement à l'action. Il courut vers le présentoir à armes d'Erec, à côté de l'écurie de Lannin, et regarda les dizaines d'armes. Il y avait un arsenal impressionnant où faire son choix.

Il retira soigneusement toutes les armes qu'Erec avait mentionnées, les ramena une à la fois et les tendit à Erec ou les plaça fermement dans le harnais.

Alors qu'Erec était assis là, en train de serrer ses gantelets en cuir et de se préparer à partir, Thor ne pouvait supporter de le regarder partir.

“Sire, j'ai l'impression que ma mission est de vous accompagner pour ce voyage”, dit Thor. “Je suis votre écuyer, après tout.”

Erec secoua la tête.

“C'est un voyage que je dois faire seul.”

“Dans ce cas, puis-je au moins vous accompagner jusqu'au premier croisement ?” insista Thor. “Si vous êtes allez vers le sud, ce sont des routes que je connais bien. Je suis du sud.”

Erec baissa les yeux en réfléchissant.

“Si tu veux m'accompagner jusqu'au premier croisement, je n'y vois aucun inconvénient. Cependant, c'est une dure journée de cheval et nous devons donc partir maintenant. Prends le cheval de mon écuyer à l'arrière de l'écurie, le marron, avec la crinière rousse.”

Thor repartit à l'écurie en courant et trouva le cheval. Quand il le monta, Krohn sortit la tête de sa chemise, leva les yeux et gémit.

“Tout va bien, Krohn”, dit Thor pour le rassurer.

Thor se pencha en avant, aiguilla le cheval et jaillit de l'écurie. Erec attendit à peine qu'il le rattrape, puis il partit au galop. Thor suivit Erec de son mieux.

Ils quittèrent ensemble la Cour du Roi par la porte, que plusieurs gardes ouvrirent en se plaçant sur le côté. Plusieurs membres de l'Argent étaient alignés, en train de regarder, d'attendre, et quand Erec passa devant eux, ils levèrent le poing pour le saluer.

Thor était fier de chevaucher à côté de lui, d'être son écuyer, et très heureux de l'accompagner, même si c'était seulement jusqu'au premier croisement.

Il y avait tant de choses que Thor voulait encore dire à Erec, tant de choses qu'il voulait lui demander, et tant de choses pour lesquelles il voulait le remercier. Cependant, il n'en avait pas le temps et ils galopèrent tous les deux vers le sud en traversant les plaines à toute vitesse. Le terrain changeait constamment alors que leurs chevaux parcouraient la route du Roi à toute vitesse dans le soleil de la fin de matinée. Quand ils passèrent une colline, Thor vit au loin tous les membres de la Légion sur un terrain, en train de se rompre l'échine à creuser. Thor était content de ne pas être avec eux. Quand Thor regarda, il vit l'un d'eux s'arrêter et lever le poing en l'air dans sa direction. Avec le soleil, il était difficile d'y voir mais il se sentit sûr que c'était Reece qui le saluait. Thor leva lui aussi le poing alors qu'ils poursuivaient leur route.

Les routes bien pavées cédèrent la place à des routes de campagne, plus étroites, moins plates et finalement guère mieux que de simples chemins souvent empruntés qui traversaient la campagne. Thor savait qu'il était dangereux pour les gens ordinaires de voyager seuls sur ces routes, surtout la nuit, avec tous les brigands qui rodaient dans le coin, mais Thor ne s'en inquiétait guère lui-même, surtout avec Erec à ses côtés; en fait, si un voleur avait dû les attaquer, Thor aurait eu plus de craintes pour la vie du voleur. Bien sûr, n'importe quel voleur serait fou d'essayer d'arrêter un membre de l'Argent.

Ils chevauchèrent toute la journée, se reposant à peine, jusqu'à ce que Thor soit épuisé, essoufflé. L'endurance d'Erec le laissait pantois, mais il n'osait pas dire à Erec qu'il était fatigué, de peur d'avoir l'air faible.

Ils passèrent un croisement important et Thor le reconnut. Il savait que s'ils allaient à droite, ça les emmènerait à son village. Un instant, Thor se sentit submergé de nostalgie, et une partie de lui-même voulait prendre cette route, voir son père, son village. Il se demanda ce que son père faisait à l'instant même, qui s'occupait des moutons, quelle avait été la colère de son père quand Thor n'était pas revenu. Non pas qu'il se soucie à ce point de lui. Les choses familières lui manquaient momentanément, c'était tout. Il était, en fait, soulagé d'avoir échappé à ce petit village, et une autre partie de lui-même voulait ne jamais y revenir.

Ils continuèrent à galoper, de plus en plus loin vers le sud, vers des terres où Thor lui-même ne s'était jamais rendu. Il avait entendu parler du croisement du sud, bien qu'il n'ait jamais eu de raison de s'y rendre lui-même. C'était un des trois plus grands croisements qui menaient aux confins méridionaux de l'Anneau. Il se trouvait maintenant à une bonne demi-journée de cheval de la cour du Roi et le soleil descendait déjà dans le ciel. Thor, suant, essoufflé, commençait à se demander avec inquiétude s'il reviendrait à temps pour le banquet du Roi ce soir. Avait-il fait une erreur en accompagnant Erec aussi loin ?

Ils contournèrent le sommet d'une colline et, finalement, Thor le vit à l'horizon : le signe du premier croisement, reconnaissable entre tous. Il était marqué par une grande tour efflanquée. Le drapeau du Roi en pendait dans toutes les directions, et des membres de l'Argent montaient la garde en haut de ses parapets. A la vue d'Erec, le chevalier qui se trouvait en haut de la tour souffla dans sa trompette. Lentement, la guérite se leva.

Ils n'étaient qu'à quelques centaines de mètres et Erec ralentit son cheval pour le faire aller au pas. Thor eut un nœud à l'estomac quand il se rendit compte que c'étaient les quelques dernières minutes qu'il passerait avec Erec pour un temps indéterminé. Qui savait, en fait, s'il reviendrait même un jour ? Une année, c'était long, et beaucoup de choses pourraient arriver en ce temps-là. Thor était au moins heureux d'avoir pu l'accompagner. Il avait l'impression qu'il avait accompli sa mission.

Ils avançaient côte à côte, leurs chevaux respirant avec difficulté et eux aussi alors qu'ils s'approchaient de la tour.

“Il pourrait se passer de nombreuses lunes avant que je te revoie”, dit Erec. “Quand je reviendrai, je serai peut-être accompagné d'une fiancée. Les choses changeront peut-être, mais quoi qu'il arrive, sache que tu seras toujours mon écuyer.”

Erec inspira profondément.

“Je vais te quitter et il y a quelques choses dont je veux que tu te souviennes. On ne devient pas chevalier par la force mais par l'intelligence. Le courage ne suffit pas à faire un chevalier : il lui faut courage, honneur et sagesse. Tu dois toujours travailler à parfaire ton esprit. La chevalerie n'est pas un art passif mais actif. Tu dois la travailler, t'améliorer, à chaque moment de chaque jour.

“Pendant toutes ces lunes, tu apprendras toutes sortes d'armes, toutes sortes de compétences. Cependant, souviens-toi : notre combat a une autre dimension. La dimension du sorcier. Va voir Argon. Apprends à développer tes pouvoirs cachés. Je les ai sentis en toi. Tu as un grand potentiel. Il n'y a aucune raison d'en avoir honte. Tu me comprends ?”

“Oui, sire”, répondit Thor, débordant de gratitude pour sa sagesse et sa compréhension.

“J'ai choisi de te prendre sous mon aile pour une raison. Tu n'es pas comme les autres. Tu as une plus grande destinée. Même plus grande, si ça se trouve, que la mienne. Cependant, elle est encore non réalisée. Tu ne dois pas la considérer comme acquise. Tu dois la travailler. Pour être un grand guerrier, il ne suffit pas d'être intrépide et compétent. Tu dois aussi avoir l'esprit d'un guerrier et toujours le porter dans ton cœur et dans ta tête. Tu dois accepter de sacrifier ta vie pour les autres. Le plus grand chevalier ne recherche ni les richesses, ni l'honneur, ni la célébrité ni la gloire. Le plus grand chevalier s'embarque sur la plus dure de toutes les quêtes : la quête de l'amélioration de soi. Tous les jours, tu dois t'efforcer d'être meilleur. Pas seulement meilleur que les autres, mais meilleur que toi-même. Tu dois t'efforcer de soutenir la cause de tes inférieurs. Tu dois défendre ceux qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes. Ce n'est pas une quête pour les personnes superficielles. C'est la quête des héros.”

Thor retourna ces paroles dans sa tête en les écoutant et en y réfléchissant soigneusement. Il était submergé de gratitude pour lui et ne savait comment répondre. Il sentait qu'il faudrait de nombreuses lunes avant qu'il comprenne entièrement le message contenu dans ces paroles.

Ils atteignirent la porte du premier croisement et, quand ils le firent, plusieurs membres de l'Argent sortirent saluer Erec. Ils vinrent le rencontrer à cheval avec de grands sourires et, quand il mit pied à terre, ils lui donnèrent de grandes claques sur le dos comme de vieux amis.

Thor descendit d'un bond, prit les rênes de Lannin et le mena au gardien de la porte pour qu'il le nourrisse et le bouchonne. Thor resta là et Erec se retourna et le regarda une dernière fois.

Il y avait trop de choses que Thor voulait dire à Erec pour leur adieu final. Il voulait le remercier mais il voulait aussi tout lui dire. Sur le présage. Sur son rêve. Sur ce qu'il craignait pour le Roi. Il pensa qu'Erec comprendrait peut-être.

Cependant, il n'arrivait pas à s'y résoudre. Erec était déjà entouré de chevaliers et Thor craignait qu'Erec, et tous les autres chevaliers, le prennent pour un fou. Donc, il resta sur place, muet, quand Erec tendit le bras et lui serra l'épaule une dernière fois.

“Protège notre Roi”, dit fermement Erec.

Ces mots firent frissonner Thor, comme si Erec avait lu dans ses pensées.

Erec se retourna, passa la porte avec les autres chevaliers et, quand ils le firent, le dos tourné vers Thor, les pointes en métal se baissèrent lentement derrière lui.

Erec avait disparu, maintenant. Thor sentit un vide à l'estomac. Il ne le reverrait peut-être pas de toute une année.

Thor monta son cheval, saisit les rênes et donna un violent coup d'éperons. C'était l'après-midi et il avait une bonne demi-journée de cheval à faire pour revenir à temps pour le banquet. Il sentit les dernières paroles d'Erec résonner dans sa tête, comme un mantra.

Protège notre Roi.

Protège notre Roi.

Yaş sınırı:
16+
Litres'teki yayın tarihi:
09 eylül 2019
Hacim:
334 s. 7 illüstrasyon
ISBN:
9781632912954
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