Kitabı oku: «Un Règne de Fer », sayfa 4
Gwendolyn sentit la vérité de ses mots résonner en elle, sentit le timbre profond de sa voix résonner dans son âme même. Elle savait que chaque mot prononcé était vrai.
« Mon peuple ne voit pas cela », dit-elle, la voix tremblante.
Argon haussa les épaules.
« Tu es Reine. Parfois la force doit être employée. Pas seulement contre ses ennemis. Mais même contre son propre peuple. Fais ce que tu sais. Ne cherche pas toujours la bénédiction de ton peuple. L’approbation est quelque chose d’élusif. Parfois, quand ton peuple te hait le plus, c’est le signe que tu fais ce qu’il y a de mieux pour lui. Ton père a été gratifié d’un règne de paix. Mais toi, Gwendolyn, tu subiras une épreuve bien plus grande : tu auras un règne de fer.
Alors qu’Argon se détournait pour s’en aller, Gwendolyn fit un pas en avant et tendit la main vers lui.
« Argon » appela-t-elle.
Il s’arrêta, mais ne se retourna pas.
« Dites-moi seulement une chose de plus. Je vous en supplie. Verrais-je jamais à nouveau Thorgrin ? »
Il fit une pause, un long et lourd silence. Dans ce silence lugubre, elle sentit son cœur se briser en deux, espérant et priant qu’il lui donnerait une réponse de plus.
« Oui », répondit-il.
Elle se tint là, le cœur battant, avide d’en savoir plus.
« Ne pouvez-vous m’en dire plus ? »
Il se tourna et la regarda, de la tristesse dans les yeux.
« Souviens-toi du choix que tu as fait. Tous les amours ne sont pas faits pour durer toute l’éternité. »
Haut au-dessus, Gwen entendit un faucon pousser un cri strident, et elle regarda le ciel, s’interrogeant.
Elle se tourna pour voir à nouveau Argon, mais il était déjà parti.
Elle serra fort Guwayne et contempla son royaume, jetant un dernier long regard, voulant se le remémorer ainsi, quand il était encore éclatant, vivant. Avant que tout ne se transforme en cendres. Elle se demanda avec effroi quel si grand danger pouvait se tapir derrière ce vernis de beauté. Elle frissonna, car elle savait, sans aucun doute, qu’il les atteindrait tous très bientôt.
CHAPITRE SEPT
Stara cria pendant qu’elle chutait dans les airs, battant des bras, Reece à côté d’elle, Matus et Srog à côté de lui, les quatre dégringolant du mur du château dans le vent et la pluie aveuglants, plongeant vers le sol. Elle se prépara alors qu’elle voyait les gros buissons arriver vers elle rapidement, et elle réalisa que la seule raison pour laquelle elle pourrait survivre à la chute était leur présence.
Un instant plus tard, Stara eut l’impression que chaque os de son corps se brisait alors qu’elle s’écrasait dans le buisson – qui ralentit à peine sa chute – et continua jusqu’à heurter le sol. Elle eut le souffle coupé, et fut sûre de s’être fêlée une cote. Toutefois en même temps elle s’enfonça de quelques centimètres et prit conscience que le sol était plus mou, plus boueux qu’elle ne l’avait pensé, et avait amorti sa chute.
Les autres touchèrent le sol, eux aussi, à côté d’elle, et tous commencèrent à dévisser alors que la boue cédait. Stara n’avait pas anticipé qu’ils atterriraient sur une pente raide, et avant qu’elle n’ait pu s’arrêter, elle glissait avec les autres, se précipitant vers le bas de la colline, tous pris dans une coulée de boue.
Ils roulèrent et glissèrent, et rapidement les eaux jaillissantes les emportèrent, dévalant la montagne à pleine vitesse. Alors qu’elle glissait, Stara regarda en arrière par-dessus son épaule et vit le château de son père disparaître rapidement de la vue, et réalisa qu’au moins cela les amenait au loin, les éloignant de leurs assaillants.
Stara se retourna et fit un mouvement de côté tandis qu’elle évitait de peu les rochers sur son passage, allant si vite qu’elle pouvait à peine reprendre son souffle. La boue était incroyablement glissante, et la pluie tombait plus fort, son univers tournoyant à la vitesse de l’éclair. Elle tenta de ralentir, essayant de s’accrocher à la boue, mais c’était impossible.
Juste à l’instant où Stara se demandait si cela s’achèverait un jour, elle fut submergée de panique en se rappelant où cette pente menait : directement vers le sommet d’une falaise. S’ils ne s’arrêtaient pas bientôt, réalisa-t-elle, ils allaient tous mourir.
Stara vit qu’aucun des autres ne pouvait s’arrêter de glisser non plus, tous s’agitant dans tous les sens, grognant, essayant de leur mieux, mais impuissants. Stara chercha et vit, avec effroi, l’à-pic approcher rapidement. Sans aucun moyen de s’arrêter, ils étaient sur le point de passer par-dessus le bord.
Soudainement Stara vit Srog et Matus dévier vers la gauche, vers une petite grotte perchée au bord du précipice. Ils parvinrent, d’une manière ou d’une autre, à s’écraser dans les rochers pieds en premier, s’immobilisant juste avant de dépasser le bord.
Stara essaya de planter ses talons dans la boue, mais rien ne fonctionnait ; à peine tourna et culbuta-t-elle, et voyant le précipice se faire proche, elle cria, sachant qu’elle serait passée par-dessus le bord dans une seconde.
D’un coup, Stara sentit une main rude agripper l’arrière de sa chemise, ralentissant sa vitesse, puis l’arrêtant. Stara leva les yeux pour voir Reece. Il se cramponnait à un arbre fin, un bras enroulé autour, sur le bord de l’abîme, son autre main tendue et la tenant tandis que l’eau et la boue jaillissaient, l’entrainant au loin. Elle perdait du terrain, balançant presque par-dessus le bord. Il avait arrêté sa chute, mais elle perdait du terrain.
Reece ne pouvait pas continuer à la tenir, et elle savait que s’il ne la laissa par partir, bientôt ils seraient tous deux emportés. Ils mourraient tous les deux.
« Lâche-moi ! » lui cria-t-elle.
Mais il secoua la tête catégoriquement.
« Jamais ! » lui cria-t-il en retour, son visage dégoulinant d’eau, sous la pluie.
Reece lâcha soudainement l’arbre pour pouvoir tendre les bras et attraper ses poignets des deux mains ; en même temps, il enroula ses jambes autour de l’arbre, se tenant par-derrière. Il la tira vers lui de toutes ses forces, ses jambes étant la seule chose les empêchant tous deux d’être emportés.
Dans un dernier mouvement, il grogna et cria et réussir à la tirer hors du courant, vers le côté, et l’envoya rouler vers la grotte avec les autres. Reece dégringola avec elle en chemin, se sortant lui-même du courant, l’aidant alors qu’elle rampait.
Quand ils atteignirent la sécurité de la grotte Stara s’effondra, épuisée, allongée le visage dans la boue, reconnaissante d’être en vie.
Alors qu’elle était tendue là, essoufflée, dégoulinante, elle s’interrogea non pas à quel point elle avait frôlé la mort, mais plutôt à propos d’une chose : Reece l’aimait-il encore ? Elle prit conscience qu’elle se souciait plus de cela que du fait qu’elle soit ou non en vie.
*
Stara était assise, recroquevillée autour du petit feu dans la grotte, les autres juste à côté, commençant enfin à sécher. Elle regarda autour d’elle et réalisa qu’eux quatre ressemblaient aux rescapés d’une guerre, les joues creusées, tous fixant les flammes du regard, levant les mains et les frottant, essayant de s’abriter de l’humidité et du froid incessants. Ils écoutaient le vent et la pluie, les éléments toujours présents des Isles Boréales, sifflants à l’extérieur. Il semblait que cela ne finirait jamais.
Il faisait nuit à présent, et ils avaient attendu toute la journée pour allumer ce feu, de peur d’être vus. Finalement, ils avaient été tous si frigorifiés et épuisés et misérables, qu’ils avaient pris le risque. Stara pensait qu’assez de temps avait passé depuis leur évasion – et en plus, il était impossible que ces hommes osent s’aventurer tout en bas jusqu’aux falaises. C’était trop raide et mouillé, et s’ils le faisaient, ils mourraient en essayant.
Malgré tout, eux quatre étaient piégés là, tels des prisonniers. S’ils mettaient un pied hors de la grotte, une armée d’Insulaires finirait par les trouver, et les tuerait tous. Son frère n’aurait aucune pitié pour elle non plus. C’était sans espoir.
Elle était assise à côté d’un Reece distant et broyant du noir, et considéra les évènements. Elle avait sauvé la vie de Reece au château, ais il avait sauvé la sienne sur les falaises. L’aimait-il encore comme autrefois ? De la manière dont elle l’aimait encore ? Ou était-il encore amer à cause de ce qui était arrivé à Selese ? La tenait-il pour responsable ? La pardonnerait-il un jour ?
Stara ne pouvait imaginer la douleur qu’il traversait pendant qu’il était assis là, tête dans les mains, contemplant le feu comme un homme égaré. Elle se demanda ce qui lui traversait l’esprit. Il ressemblait à un homme n’ayant plus rien à perdre, un homme qui était allé jusqu’au bord du gouffre de la souffrance et n’en était pas vraiment revenu. Un homme dévasté par la culpabilité. Il ne ressemblait pas à l’homme qu’elle avait connu autrefois, celui rempli d’amour et de gaieté, si enclin à sourire, qui l’avait inondée d’amour et d’affection. Maintenant, à la place, il semblait que quelque chose en lui avait disparu.
Stara leva les yeux, effrayée de croiser le regard de Reece, ayant pourtant besoin de voir son visage. Elle espérait secrètement qu’il serait en train de la fixer du regard, de penser à elle. Mais quand elle l’observa, son cœur se brisa en voyant qu’il ne la regardait pas du tout. Au lieu de cela, il fixait juste les flammes, l’air le plus esseulé qu’elle ait jamais vu sur son visage.
Stara ne pouvait s’empêcher de se demander pour la millionième fois si la chose qui avait existé entre eux était terminée, détruite par la mort de Selese. Pour la millionième fois, elle maudit ses frères – et son père – pour avoir exécuté un complot aussi fourbe. Elle avait toujours voulu avoir Reece pour elle-même, bien entendu ; mais elle n’aurait jamais toléré le subterfuge qui avait mené à sa mort. Elle n’avait jamais voulu que Selese meure, ou même qu’elle soit blessée. Elle avait espéré que Reece lui annoncerait la nouvelle d’une manière douce, et que tout en étant bouleversée, elle comprendrait – et certainement pas qu’elle prendrait sa propre vie. Ou détruirait celle de Reece.
À présent tous les plans de Stara, son avenir tout entier, s’étaient effondrés sous ses yeux, grâce à son horrible famille. Matus était le seul membre rationnel restant de sa lignée. Mais Stara se demandait ce qu’il adviendrait de lui, d’eux quatre. Pourriraient-ils simplement là dans cette grotte ? Un jour ils seraient obligés d’en partir. Et les hommes de son frère, elle le savait, étaient implacables. Il ne s’arrêterait pas avant de les avoir tous tués – surtout après que Reece ait tué son père.
Stara savait qu’elle devrait ressentir quelques remords quant à la mort de son père – et pourtant elle n’en ressentait pas du tout. Elle haïssait cet homme, depuis toujours. Plutôt, elle se sentait soulagée, même reconnaissante envers Reece pour l’avoir tué. Il avait été un guerrier, un roi menteur et sans honneur toute sa vie, et absolument pas un père envers elle.
Stara jeta un regard à ces trois guerriers, tous assis là et semblant désespérés. Ils avaient été silencieux pendant des heures, et elle se demanda s’ils avaient un plan. Srog était sévèrement blessé, Matus et Reece avaient été touchés eux aussi, même si leurs plaies étaient mineures. Ils paraissaient tous gelés jusqu’aux os, abattus par le climat de cet endroit, par les éléments contre eux.
« Donc, allons-nous rester assis dans cette grotte pour toujours, et mourir là ? » demanda Stara, brisant l’épais silence, ne pouvant plus supporter la monotonie ou la mélancolie.
Lentement, Srog et Matus jetèrent un coup d’œil vers elle. Mais Reece ne leva pas les yeux et ne croisa pas son regard.
« Et où voudrais-tu que nous allions ? » interrogea Srog, sur la défensive. « L’île tout entière grouille des hommes de ton père. Quelle chance avons-nous face à eux ? Surtout qu’ils sont enragés par notre fuite et la mort de ton père. »
« Tu nous as mis dans le pétrin, mon cousin », dit Matus, souriant, mettant une main sur l’épaule de Reece. « C’était un acte audacieux. Peut-être le plus audacieux que j’ai vu de toute ma vie. »
Reece haussa les épaules.
« Il a volé ma fiancée. Il méritait de mourir. »
Stara se hérissa au mot fiancée. Cela lui brisa le cœur. Son choix de ce mot disait tout – à l’évidence, Reece était encore amoureux de Selese. Il ne cherchait même pas à croiser le regard de Stara. Elle eut envie de pleurer.
« Ne t’inquiète pas, cousin », dit Matus. « Je me réjouis que mon père soit mort, et je suis heureux que tu sois celui qui l’a tué. Je ne te le reproche pas. Je t’admire. Même si tu nous as presque tous fait tuer en le faisant. »
Reece acquiesça, appréciant de toute évidence les mots de Matus.
« Mais personne ne m’a répondu », dit Stara. « Quel est le plan ? Que nous mourrions tous ici ? »
« Quel est ton plan ? » lui répliqua Reece.
« Je n’en ai aucun », dit-elle. « J’ai rempli ma part. Je nous ai tous sauvés de cet endroit. »
« Oui, tu l’as fait », admit Reece, contemplant encore les flammes plus qu’elle. « Je te dois la vie. »
Stara eut une lueur d’espoir en entendant les mots de Reece, même s’il ne voulait toujours pas croiser son regard. Elle pensa que peut-être il ne la détestait pas, après tout.
« Et tu as sauvé la mienne », répondit-elle. « Du bord de la falaise. Nous sommes quittes. »
Reece fixait encore les flammes.
Elle attendit qu’il dise quelque chose en retour, qu’il lui dise qu’il l’aimait, qu’il dise n’importe quoi. Mais il ne dit rien. Stara se trouva à rougir.
« Est-ce tout alors ? » dit-elle. « N’avons-nous rien d’autre à dire aux autres ? Notre affaire est-elle conclue ? »
Reece leva la tête, croisant son regard pour la première fois avec une expression perplexe.
Stara ne pouvait plus le supporter. Elle bondit sur ses pieds et partit comme un ouragan, se tenant à l’orée de la grotte, dos à tous. Elle regarda dehors la nuit, la pluie, le vent, et elle s’interrogea : et si tout était terminé pour elle et Reece ? Si c’était le cas, elle n’avait aucune raison de continuer à vivre.
« Nous pouvons nous échapper vers les navires », dit finalement Reece, après un silence interminable, ses mots laconiques transperçant la nuit.
Stara pivoté et le dévisagea.
« S’échapper vers les navires ? » demanda-t-elle.
Reece opina.
« Nos hommes sont là-bas, dans le port en contrebas. Nous devons allez à eux. C’est le dernier territoire des MacGils restant dans cet endroit. »
Stara secoua la tête.
« Un plan imprudent », dit-elle. « Les navires seront encerclés, s’ils n’ont pas déjà été détruits. Nous devrions passer à travers tous les hommes de mon frère pour y arriver. Mieux vaudrait se cacher à un autre endroit de l’île. »
Reece secoua la tête, déterminé.
« Non », dit-il. « Ce sont nos hommes. Nous devons aller à eux, quel qu’en soit le prix. S’ils sont attaqués, alors nous descendrons pour nous battre avec eux. »
« Tu n’as pas l’air de comprendre », dit-elle, également décidée. « Aux premières lueurs du matin, des milliers d’hommes de mon frère encombreront le rivage. Il n’y a aucun moyen de les passer. »
Reece se mit debout, balayant l’humidité du revers de la main, une flamme dans les yeux.
« Alors nous n’attendrons pas la lumière de l’aube », dit-il. « Nous partirons maintenant. Avant que le soleil ne se lève. »
Matus se leva lentement, lui aussi, et Reece baissa les yeux vers Srog.
« Srog ? » demanda Matus. « Tu peux y arriver ? »
Srog grimaça tout en trébuchant pour se mettre sur ses pieds, Matus lui donnant un coup de main.
« Je ne vais pas vous retenir », dit Srog. « Partez sans moi. Je resterais ici dans cette grotte. »
« Tu mourras dans cette grotte », dit Matus.
« Eh bien ! Vous ne mourrez pas avec moi », répondit-il.
Reece secoua la tête.
« Aucun homme laissé derrière », dit-il. « Tu te joindras à nous, quoi qu’il en coûte. »
Reece, Matus et Srog rejoignirent Stara à l’orée de la grotte, regardant fixement le vent et la pluie hurlants. Stara examina les trois hommes de la tête aux pieds, se demandant s’ils étaient fous.
« Tu voulais un plan », lui dit Reece, se tournant vers elle. « Eh bien, maintenant nous en avons un. »
Elle secoua lentement la tête.
« Imprudent », dit-elle. « C’est la manière des hommes. Nous allons probablement mourir en cheminant vers les navires. »
Reece haussa les épaules.
« Nous mourrons tous un jour de toute façon. »
Alors qu’ils se tenaient tous là, contemplant les éléments, attendant pour le moment idéal, Stara espéra que Reece fasse quelque chose, n’importe quoi, qu’il prenne sa main, pour lui montrer, même de la plus petite des manières, qu’il l’aimait toujours.
Mais il ne le fit pas. Il garda ses mains pour lui et Stara se sentit se raidir, en morceaux à l’intérieur d’elle-même. Elle se prépara à se lancer, ne se souciant plus de ce que le destin lui réservait. Alors qu’ils plongeaient ensemble dans les ténèbres, elle prit conscience que, sans l’amour de Reece, elle n’avait plus rien à perdre.
CHAPITRE HUIT
Alistair se tenait sur le navire, terrifiée, les bras attachés derrière elle, son cœur tambourinant tandis que des douzaines de marins resserraient l’étau autour d’elle, une expression de désir et de mort dans les yeux. Elle réalisa que tous ces hommes avaient pour objectif de la violer et de la tuer, et qu’ils prendraient plaisir à le faire. Elle s’étonna qu’un tel mal puisse exister dans le monde, et pour un instant elle lutta pour comprendre l’humanité.
Toute sa vie, elle avait toujours été connue, où qu’elle aille, comme étant la plus belle fille – et plus d’une fois cela lui avait attiré des problèmes. Elle voulait seulement qu’on la laisse tranquille. Elle avait toujours simplement souhaité paraitre normale, comme tous les autres. Elle ne voulait jamais attirer l’attention – et elle ne voulait certainement attirer les ennuis.
Erec, se balançant haut en dessus dans le filet, criait, désarmé, enragé.
« ALISTAIR ! » hurlait-il encore et encore, essayant frénétiquement de se tortiller.
Les marins en contrebas riaient, prenant un grand plaisir dans sa capture, et son impuissance.
Alistair les dévisagea et ressentit une grande colère, elle se força à être assurée, intrépide.
« Pourquoi voudriez-vous me faire du mal ? » demanda-t-elle, sa vois emplie de compassion. « Ne voyez-vous pas que votre comportement ne nuit qu’à vous ? Nous faisons tous partie du même monde. »
Les hommes lui rirent au visage.
« Des mots prétentieux venant d’une fille stupide ! » s’écria l’un d’eux, tandis qu’il levait une grosse main costaude, haut, et se préparait à la gifler.
Alors qu’il abaissait sa main vers elle, quelque chose d’étrange arriva à Alistair. Une sensation l’envahit, une qu’elle n’avait jamais connu : c’était comme si son univers tout entier ralentissait, la main de l’homme bougeant dans les airs à la vitesse d’un escargot. Comme elle se concentrait dessus, elle sembla se figer. Le monde tout entier sembla se figer. Alistair voyait toutes les particules en détail, voyait le véritable tempérament dans les esprits et âmes de ces hommes.
Alistair sentit soudain une poussée d’énergie. Elle se sentit dans un royaume différent, capable de transcender tout devant elle, capable d’avoir le pouvoir sur tout à travers la sympathie et l’amour et la compassion. Elle ressentit une force formidable s’élever en elle, une force qu’elle-même ne pouvait comprendre. Elle avait l’impression que le pouvoir de milliers de soleils courait dans ses veines.
Alistair cligna des yeux, et le monde revint à nouveau à la vie dans un grand éclair de lumière. Elle leva les yeux vers la main de l’homme, toujours figé à mi-parcours, et il fut saisi de panique et de peur en regardant sa propre main, incapable de la bouger. Son regard navigua de sa main à Alistair, choqué.
« Une sorcière ! » s’exclama-t-il.
Alistair se tenait là, sans crainte, sentant le pouvoir d’un plus grand esprit en elle, et ayant conscience que ces hommes, sur un plan spirituel différent, ne pouvaient pas la toucher. Elle se sentit emportée dans un pouvoir et une force plus grande qu’elle.
Alistair se pencha en arrière et leva les mains vers les cieux, et ce faisant, des faisceaux de lumière blanche jaillirent de ses paumes, s’élevant droit, éclairant la nuit, perçant à travers les cieux, dans la nuit noire elle-même.
Brusquement, le navire tangua violemment d’un côté à l’autre. Le hurlement du vent se leva, de grandes vagues surgirent tout autour du navire, un fort courant, faisant tanguer le navire vigoureusement, de haut en bas.
Tous les hommes lui faisant face furent jetés sur le pont, et alors que le navire s’inclinait, ils glissèrent, sur toute la longueur, jusqu’à ce qu’ils percutent le bord en bois. Le navire bascula de l’autre côté, et les hommes glissèrent tout du long vers l’opposé, s’écrasant dans la paroi, grognant de douleur. Alistair était debout avec les deux pieds enracinés au pont, et elle eut l’impression d’être comme une montagne, gardant un équilibre parfait, se sentant au centre du cœur même du monde.
Le navire tangua à nouveau, et les hommes glissèrent de l’autre côté, criant alors qu’ils s’écrasaient dans les balustres du bateau, encore et encore et encore, jusqu’à ce que leurs côtes soient fêlées.
Alors que les hommes glissaient une fois de plus, le navire presque sur le côté, ils hurlèrent de terreur en regardant par-dessus bord : là s’éleva un énorme bruit d’éclaboussure, comme si les entrailles mêmes de l’océan étaient propulsées vers la surface, et un énorme monstre marin émergea des profondeurs. Il était deux fois plus gros qu’une grande baleine, avec une tête large et plate, des écailles rouges étincelantes, et des milliers de dents aiguisées comme des rasoirs. Son corps était plus épais que le navire, et il s’éleva droit hors des eaux dans une grande furie, et laissa échapper un cri perçant si violent qu’il brisa presque le mat en deux. Les hommes couvrirent leurs oreilles, essayant d’étouffer le son, mais même ainsi, plusieurs de leurs oreilles saignèrent.
La baleine s’éleva entièrement hors des eaux, plus grande qu’un dragon, plus grande que ce qu’Alistair n’avait jamais vu, puis elle plongea, tête la première, droit vers le navire, les mâchoires grandes ouvertes.
Les hommes levèrent les bras et hurlèrent. Mais il était trop tard ; les dents de la baleine pénétrèrent directement, à travers la moitié du navire, et le mirent en pièces. Elle goba les hommes, leur sang dégoulinant de ses dents comme elle fermait ses mâchoires, et disparut tout aussi rapidement, les aspirants vers les tréfonds de l’océan.
Le navire, maintenant vide, détruit, coulait rapidement, et Alistair leva les yeux pour voir Erec, se balançant dans son filet. Elle vit la corde céder et lui s’écraser sur le pont. Erec utilisa sa dague pour ouvrir le filet et se libérer. Il se remit sur pieds et courut vers elle.
Ils s’enlacèrent.
« Alistair », dit-il. « Dieu merci tu vas bien. »
Le navire prenait l’eau rapidement. Par-dessus le bruit du vent et des vagues parvinrent les cris d’hommes, Alistair pivota et vit le capitaine ; il arrivait en courant des ponts supérieurs, avec des douzaines d’autres marins venant de l’arrière de bateau.
« Là ! » cria Erec.
Alistair se tourna et suivit son doigt pour voir un petit esquif, une chaloupe de six mètres, avec une petite voile, attachée par des cordes au côté du navire, à l’évidence le canot de sauvetage pour ce grand vaisseau. Les marins se précipitaient dessus, et Erec prit la main d’Alistair, et ils coururent à travers le pont, prenant une bonne avance sur les autres.
Ils atteignirent le canot en premier, et Erec souleva Alistair, la mettant dans le petit esquif alors que le navire tanguait ; elle se saisit de la corde, essayant de stabiliser.
« Ne touchez pas notre bateau ! » cria le capitaine.
Erec se retourna pour faire face, et comme le capitaine approchait, Erec le poignarda dans le cœur avec son épée. Le capitaine eut le souffle coupé et tomba à genoux, les yeux saillants sous le choc, alors qu’Erec se tenait au-dessus de lui, grimaçant.
« J’aurais dû faire cela il y a longtemps », dit Erec.
Plusieurs autres marins approchaient, et Erec, déchaîné, se battit avec vengeance, tailladant et tuant une douzaine d’entre eux pendant qu’ils levaient maladroitement leurs épées et essayaient de riposter. Ils ne faisaient pas le poids face à lui.
« Erec, nous devons y aller ! » appela Alistair, alors que le navire vacillait.
Le navire s’ébranla violemment, prenant encore plus l’eau, tandis que des douzaines d’autres marins commençaient à courir vers lui. Erec pivota et sauta dans le canot de sauvetage, et dès qu’il l’eut fait, il trancha les cordages.
Alistair sentit son cœur dans sa gorge tandis qu’ils tombaient à travers les airs jusque dans l’océan, heurtant les vagues dans une grande éclaboussure, tanguant et roulant comme l’océan les ballottait et tournait.
Ils s’échappèrent juste à temps ; un instant après, l’énorme navire bascula sur le côté, se renversant. Les marins qu’il restait à bord hurlèrent dans leur dernier souffle alors que l’océan les aspirait sous la surface, en même temps que le bateau, dans un grand craquement de bois.
Erec rama de toutes ses forces, mettant de la distance entre eux et le navire, et rapidement, les cris se calmèrent. Bientôt, il n’y eut qu’eux deux, naviguant dans la nuit noire, sous un million d’étoiles rouges, se dirigeant vers Dieu savait où.
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