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Kitabı oku: «Derniers essais de littérature et d'esthétique: août 1887-1890», sayfa 2

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Un Écossais, à propos de la poésie écossaise 9

Un éminent critique, qui vit encore et qui est né au sud de la Tweed, confia un jour, tout bas, à un ami que les Écossais, à son avis, connaissaient réellement fort mal leur littérature nationale.

Il admettait parfaitement qu'ils aimassent leur «Robbie Burns» et leur «Sir Walter» avec un enthousiasme patriotique, qui les rend extrêmement sévères envers le malheureux homme du sud qui se hasarde à louer l'un ou l'autre en leur présence. Mais il soutenait que les œuvres des grands poètes nationaux, tels que Dunbar, Henryson, et Sir David Lyndsay sont des livres scellés pour la majorité des lecteurs à Edimbourg, à Aberdeen et à Glasgow et que fort peu d'Écossais se doutent de l'admirable explosion de poésie qui eut lieu dans leur pays pendant les quinzième et seizième siècles, alors qu'il n'existait, dans l'Angleterre de cette époque, qu'un faible développement intellectuel.

Cette terrible accusation est-elle fondée ou non, c'est ce qu'il est inutile de discuter présentement.

Il est probable que l'archaïsme de la langue suffira toujours pour empêcher un poète comme Dunbar de devenir populaire, dans le sens ordinaire du mot.

Toutefois le livre du Professeur Veitch10 prouve qu'en tout cas, il y a «dans le pays des galettes» des gens capables d'admirer et d'apprécier ses merveilleux chanteurs d'autrefois, des gens que leur admiration pour le Lord des Îles, et pour l'Ode à une pâquerette de la montagne ne rend point aveugles aux beautés exquises du Testament de Cresseida, du Chardon et de la Rose, du Dialogue entre Expérience et un Courtisan.

Le Professeur Veitch, prenant pour sujet de ses deux intéressants volumes le sentiment de la Nature dans la poésie écossaise, commence par une dissertation historique sur le développement du sentiment dans l'espèce humaine.

L'état primitif lui apparaît comme se réduisant à une simple «sensation de plein air».

Les principales sources de plaisir sont la chaleur que donne le grand soleil, la fraîcheur de la brise, l'air général de fraîcheur de la terre et du ciel, sensation à laquelle s'associe la conscience de la vie et du plaisir sensitif, tandis que l'obscurité, l'orage et le froid sont regardés comme désagréables.

A cette époque succède l'époque pastorale, où nous trouvons l'amour des vertes prairies, de l'ombre donnée par les arbres, de tout ce qui rend la vie agréable et confortable.

Vient à son tour l'époque de l'agriculture, ère de la guerre avec la terre, où les hommes prennent du plaisir dans le champ de blé et le jardin, mais voient d'un mauvais œil tout obstacle à la culture, comme la forêt, la roche, tout ce qui ne peut pas être réduit à l'utilité par la soumission, tels la montagne et la mer.

Nous arrivons enfin au pur sentiment de la nature, au pur plaisir que donnent la seule contemplation du monde extérieur, la joie qu'on trouve dans les impressions sensibles, en dehors de tout ce qui a rapport à l'utilité ou à la bienfaisance de la Nature.

Mais là ne s'arrête pas le développement.

Le Grec, dans son désir d'identifier la Nature et l'Humanité, peuplait le bosquet et les flancs des montagnes de belles formes fantaisistes, voyait le dieu tapi dans la futaie, la naïade suivant le fil de l'eau.

Le moderne disciple de Wordsworth, visant à identifier l'homme avec la Nature, trouve dans les choses extérieures «les symboles de notre vie intérieure, les influences d'un esprit apparenté au nôtre».

Il y a bien des idées suggestives dans ces premiers chapitres du livre du Professeur Veitch, mais nous ne saurions être de son avis sur l'attitude du primitif en face de la Nature.

La sensation de plein-air, dont il parle, nous paraît comparativement moderne.

Les mythes naturalistes les plus antiques nous parlent non point du «plaisir sensuel» que la Nature donnerait à l'homme, mais de la terreur que la Nature inspire.

Et de plus, les ténèbres et l'orage ne sont point regardés par l'homme primitif comme des choses «simplement répulsives». Ce sont, pour lui, des êtres divins et surnaturels, pleins de merveille, dégageant une terreur mystérieuse.

Il aurait fallu aussi dire quelques mots au sujet de l'influence des villes sur le développement du sentiment de la nature, car si paradoxale que la chose puisse paraître, il n'en est pas moins vrai que c'est en grande partie à la création des cités que nous devons le sentiment de la Nature.

Le Professeur Veitch est sur un terrain plus ferme quand il en vient à traiter du développement et des manifestations de ce sentiment, tel qu'il apparaît dans la poésie écossaise.

Les anciens poètes, ainsi qu'il le fait remarquer, avaient tout l'amour du moyen-âge pour les jardins, connaissaient tout le plaisir artistique que donnent les couleurs vives des fleurs, l'agréable chant des oiseaux, mais ils n'éprouvaient aucun attrait pour la lande sauvage et solitaire, sa bruyère pourprée, ses rochers gris, ses broussailles qui ondulent.

Montgomerie fut le premier à errer sur les rives, parmi les roseaux, à écouter le chant des ruisselets, et il était réservé à Drummond de Hawthornden de chanter les flots et la forêt, de remarquer la beauté des brouillards sur la pente des collines et de la neige sur les cimes des montagnes.

Puis vint Allan Ramsay avec ses honnêtes pastorales pleines de bonhomie, Thomson, qui parle de la Nature dans le langage d'un commissaire-priseur éloquent, et qui fut cependant un observateur pénétrant, avec de la fraîcheur dans la perception et un cœur sincère, Beattie qui aborda les problèmes résolus plus tard par Wordsworth, la grande épopée celtique d'Ossian, qui fut un facteur si important dans le mouvement romantique en Allemagne et en France, Ferguson, à qui Burns doit tant, Burns lui-même, Leyden, Sir Walter Scott, James Hogg, et (longo intervallo) Christophe North, et feu le Professeur Shairp.

Le Professeur Veitch écrit sur presque tous ces poètes des pages d'un jugement fin, d'un sentiment délicat, et même son admiration pour Burns n'a rien d'agressif.

Il laisse voir cependant un certain défaut de véritable sens de la proportion littéraire dans l'espace qu'il accorde aux deux derniers écrivains de notre liste.

Christophe North fut, sans contredit, une personnalité intéressante pour l'Edimbourg de son temps, mais il n'a laissé après lui rien qui ait une valeur durable.

Sa critique était trop tapageuse, et sa poésie trop dépourvue de mélodie.

Quant au Professeur Shairp, considéré comme critique, il fut un tragique exemple de l'influence désastreuse de Wordsworth, car il ne cessait de confondre les questions éthiques et les questions esthétiques, et jamais il n'eut la moindre idée de la manière dont il fallait aborder des poètes comme Shelley et Rossetti qu'il eut pour mission d'interpréter à la jeunesse d'Oxford, en ses dernières années.

D'autre part, en tant que poète, il mérite tout au plus d'être nommé en passant.

Le Professeur Veitch nous apprend gravement qu'une des descriptions, dans Kilmatroe «n'a pas d'égale dans la langue pour la réalité de peinture, l'heureux choix des épithètes, la pureté de la reproduction».

Des assertions de ce genre servent à nous rappeler ce fait qu'une critique fondée sur le patriotisme local aboutit toujours à un résultat provincial. Mais il n'est que juste d'ajouter que le Professeur Veitch ne pousse que très rarement l'extravagance et le grotesque jusqu'à ce point.

En général, son jugement et son goût sont excellents, et dans son ensemble, son livre est une contribution des plus attrayantes, des plus agréables, à l'histoire de la littérature.

Le nouveau livre de M. Mahaffy 11

Le nouveau livre de M. Mahaffy causera un grand désappointement à tout le monde, excepté aux Papers-Unionists, et aux membres de la Ligue Primrose.

Le sujet, l'histoire de la Vie et la Pensée en Grèce depuis le siècle d'Alexandre jusqu'à la conquête romaine, en est extrêmement intéressant, mais la façon, dont il est traité, est absolument indigne d'un lettré, et on ne saurait rien imaginer de plus décourageant que les perpétuels efforts de M. Mahaffy pour abaisser l'histoire au niveau du pamphlet politique courant que met en ligne la guerre des partis contemporains.

Certes, on ne voit nullement pourquoi M. Mahaffy serait requis de s'exprimer d'une manière sympathique, quand il s'agit d'anciennes villes grecques aspirant à la liberté et à l'autonomie.

Les préférences personnelles des historiens modernes sur ces points n'ont pas la moindre importance.

Mais, dans ses efforts pour nous présenter le monde hellénique comme un Tipperary amplifié, pour employer Alexandre le Grand à blanchir M. Smith, et pour terminer la bataille de Chéronée dans la plaine de Mitchellstown, M. Mahaffy montre un degré de partialité politique et de cécité littéraire vraiment extraordinaire.

Il eût pu faire de son livre une œuvre d'un intérêt solide et durable, mais il a préféré lui donner un caractère passager et substituer, à l'esprit scientifique du véritable historien, le préjugé, le trompe-l'œil, la violence de l'homme de parti parlant sur le tréteau électoral.

Au trompe-l'œil superficiel, on peut, il est vrai, trouver, dans les premiers ouvrages de M. Mahaffy, des précédents, mais le préjugé et la violence sont de sa part chose nouvelle, et leur apparition est des plus regrettables.

Il y a toujours, dans la violence chez un homme de lettres, quelque chose de particulièrement impuissant.

Elle semble manquer de proportion avec les faits, car elle n'est jamais réglée par l'action. Ce n'est qu'une question d'adjectifs et de rhétorique, d'exagération, d'outrance emphatique.

M. Balfour tient beaucoup à ce que M. William O'Brien porte le costume de la prison, dorme sur un lit de planches, et soit soumis à d'autres traitements indignes. M. Mahaffy va beaucoup plus loin que ces mesures bénignes et commence son histoire en exprimant franchement son regret que Démosthène n'ait pas été exécuté sommairement pour sa tentative d'entretenir bien vivant l'esprit patriotique chez les citoyens d'Athènes!

A vrai dire, il perd toute patience à l'égard de ce qu'il traite «d'opposition sotte, insensée à la Macédoine», regarde la révolte des Spartiates contre «le Lord-Lieutenant d'Alexandre en Grèce» comme un exemple de «politique de clocher», se laisse aller à des platitudes dignes de la Ligue Primrose contre un cens abaissé, contre l'iniquité de donner «au premier indigent venu» le droit de vote, et nous dit que les «démagogues» et les «soi-disant patriotes» perdirent toute vergogne au point de prêcher à la cohue de parasites d'Athènes la doctrine de l'autonomie, – «qui n'est pas encore morte», ajoute avec regret M. Mahaffy. Ils mirent en avant, dit-il encore, comme un principe d'économie politique, cette curieuse idée qu'il faut accorder aux gens le droit de s'occuper eux-mêmes de leurs affaires!

Quant au caractère personnel des despotes, M. Mahaffy reconnaît que s'il fallait s'en tenir aux récits des historiens grecs, depuis Hérodote, «il aurait dit que l'inextinguible passion pour l'autonomie qui se manifeste à toutes les époques de l'histoire grecque, et dans tous les cantons contenus dans les frontières grecques, dut avoir sa source dans les excès commis par les gouverneurs qu'envoyaient des potentats étrangers ou par des tyrans locaux».

Mais une étude attentive des dessins parus dans l'United Ireland l'a convaincu «qu'un gouvernant à beau être le plus modéré, le plus consciencieux, le plus prudent possible, sera toujours exposé à entendre dire sur son compte des choses terribles par de simples mécontents politiques.»

Bref, depuis que M. Balfour a été caricaturé, il faut écrire à nouveau toute l'histoire grecque!

Voilà à quel point en est venu le distingué professeur d'une Université distinguée.

Et rien ne saurait égaler le préjugé de M. Mahaffy contre les patriotes grecs, à moins que ce ne soit son mépris pour certains de ces braves Romains qui, dans leur sympathie pour la civilisation et la culture helléniques, reconnurent la valeur politique de l'autonomie et l'importance intellectuelle d'une saine vie nationale.

Il raille ce qu'il appelle leur «vulgaire sensiblerie au sujet des libertés grecques, leur préoccupation de redresser des torts historiques», et il félicite ses lecteurs de ce que ce sentiment n'a point été accru, à l'extrême, par le remords de savoir que leurs propres ancêtres ont été les oppresseurs.

Heureusement, dit M. Mahaffy, les anciens Grecs avaient pris Troie.

Aussi les tourments de conscience, qui aujourd'hui causent de si profonds remords, à un Gladstone, à un Morley, pour les péchés de leurs aïeux, n'étaient guère susceptibles d'agir sur un Marcius ou un Quinctius!

Il est parfaitement inutile de s'étendre sur la sottise et le mauvais goût de passages pareils, mais il est intéressant de constater que les faits historiques sont trop forts même pour M. Mahaffy.

En dépit de ses propos narquois sur ce qu'a de provincial le sentiment national, de ses vagues panégyriques en faveur d'une culture cosmopolite, il est forcé de reconnaître que s'il est vrai que le patriotisme puisse être remplacé chez certains individus par une solidarité plus vaste, les sociétés humaines n'y renonceront que pour leur substituer des motifs plus bas.

Et il ne peut s'empêcher d'exprimer son regret que les classes supérieures des états grecs fussent dépourvues d'esprit public au point «de gaspiller en un paresseux absentéisme, en une résidence plus négligente encore, le temps et les ressources qui lui avaient été donnés pour que leur pays en profitât» et qu'elles n'eussent aucune conscience de la possibilité pour elles de fonder un Empire hellénique fédéral.

Lors même qu'il en vient à parler de l'art, il ne peut faire autrement que d'avouer que l'œuvre la plus noble de la sculpture datant de cette époque fut celle qui exprimait l'esprit de la première grande lutte nationale, l'expulsion des hordes gauloises qui inondèrent la Grèce en 278 avant J.C. et que c'est au sentiment patriotique éveillé par cette crise, que nous devons l'Apollon du Belvédère, l'Artémis du Vatican, le Gaulois mourant, et les plus beaux chefs-d'œuvre de l'École de Pergame.

Quand il s'agit de littérature, M. Mahaffy se répand de nouveau en bruyantes lamentations sur ce qu'il regarde comme des tendances sociales superficielles de la Comédie Nouvelle. Il regrette la belle liberté d'Aristophane, avec son intense patriotisme, l'intérêt vital qu'il prend à la politique, ses larges tableaux, et le plaisir que lui donne une vigoureuse vie nationale.

Il avoue la décadence de l'éloquence sous l'action desséchante du régime impérial et la stérilité de ces recherches pédantes de style, qui sont l'inévitable résultat de l'absence de sujets vitaux.

A vrai dire, M. Mahaffy, dans la dernière page de son histoire, rétracte formellement la plupart de ses préjugés politiques.

Il persiste à penser que Démosthène aurait dû être mis à mort pour sa résistance à l'invasion macédonienne, mais il admet que le gouvernement impérial de Rome, qui suivit le gouvernement impérial d'Alexandre, produisit des maux sans nombre, et tout d'abord la décadence intellectuelle, pour finir par la ruine financière.

«Le contact de Rome, dit-il, engourdit la Grèce et l'Égypte, la Syrie et l'Asie-Mineure, et s'il existe de grands édifices qui attestent la grandeur de l'Empire, où sont les indices de vigueur intellectuelle et morale, si nous en exceptons cette citadelle de la nationalité, le petit pays de Palestine?»

Cette palinodie a, sans contredit, pour but de donner à l'ouvrage une apparence plausible de sincérité, mais un tel repentir de la dernière heure vient trop tard et inflige à toute la partie historique qui le précède un air de sottise et non de loyauté.

C'est avec soulagement qu'on passe aux quelques chapitres où M. Mahaffy traite expressément de la vie sociale et de la pensée des Grecs.

Ici la lecture de M. Mahaffy est vraiment fort agréable.

Sa description des Écoles d'Athènes et d'Alexandrie, par exemple, est extrêmement intéressante.

Il en est de même de son appréciation des écoles de Zénon, d'Épicure et de Pyrrhon.

Excellent aussi, à bien des points de vue, le tableau de la littérature et de l'art de cette période.

Nous ne sommes pas d'accord avec M. Mahaffy dans son panégyrique du Laocoon, et nous sommes surpris de trouver un écrivain, qui après s'être indigné vivement de ce qu'il appelle l'indifférence des modernes à l'égard de la poésie alexandrine, vienne déclarer gravement qu' «il n'est pas d'étude plus fatigante, plus stérile que celle de l'Anthologie grecque».

L'appréciation de la Comédie Nouvelle nous paraît également assez pédantesque.

Le but de la comédie sociale, chez Ménandre, non moins que chez Sheridan, est de refléter les mœurs de son temps et non point de les réformer, et la censure du Puritain, qu'elle soit sincère ou affectée, est toujours déplacée dans la critique littéraire, et prouve qu'on est dépourvu du sentiment de la différence essentielle entre l'art et la vie.

Après tout, le Philistin seul aura l'idée de blâmer Jack Absolute de sa tromperie, Bob Acres de sa couardise, et Charles Surface de son extravagance, et c'est perdre à peu près son temps que donner carrière à son sens moral aux dépens de son appréciation artistique.

De plus, quelque prix qu'on attache à la modernité de l'expression, et avec raison sans doute, il faut encore en user avec tact et jugement.

On ne reprochera point à M. Mahaffy d'avoir dépeint Philopœmen comme le Garibaldi, Antigone Doson, comme le Victor-Emmanuel de leur siècle.

Des comparaisons de cette sorte ont évidemment quelque valeur auprès du vulgaire facile à contenter.

Mais ailleurs, une expression telle que: «le Préraphaélitisme Grec» est assez maladroite.

On ne gagne pas grand'chose à introduire de force une allusion au John Inglesant de M. Shorthouse dans une analyse des Argonautiques d'Apollonius de Rhodes, et lorsqu'on nous apprend que le superbe Pavillon construit à Alexandrie par Ptolémée Philadelphe était une «sorte de Restaurant Holborn dans de vastes proportions» nous devons dire que la description détaillée qu'Athénée nous donne de cet édifice aurait pu être condensée dans une épigramme meilleure et plus intelligible.

Malgré tout, le livre de M. Mahaffy aura peut-être pour résultat d'attirer l'attention sur une période fort importante et fort intéressante de l'histoire de l'Hellénisme.

Nous ne pouvons que regretter qu'après avoir gâté son exposé de la politique grecque par une sotte partialité, l'historien ait affaibli encore la valeur de quelques-unes de ses remarques sur la littérature par un parti-pris tout aussi inexplicable.

C'est tenir un langage lourdaud et âpre que de dire que «l'écolier retraité qui occupe des postes de sociétaire et des chaires de professeur dans les collèges anglais» ne sait peut-être rien sur la période en question, si ce n'est ce qu'il lit dans Théocrite, ou qu'on peut regarder en Angleterre comme un «professeur distingué de grec», l'homme qui ne connaît pas une seule date de l'histoire grecque entre la mort d'Alexandre et la bataille de Cynocéphales.

L'assertion, d'après laquelle Lucien, Plutarque et les quatre Évangiles seraient exclus des études dans les écoles et les Universités anglaises par la pédanterie de «purs lettrés, à qui il plaît de se donner pour tels», est naturellement tout à fait inexacte.

En fait, non seulement M. Mahaffy est dépourvu de l'esprit qui anime le véritable historien, mais il semble souvent manquer entièrement du tempérament du véritable lettré.

Il est habile, et parfois même brillant par endroits, mais il manque de bon sens, de modération, de style et de charme.

Il semble n'avoir point le sens de la proportion littéraire, et en général il gâte sa thèse en l'exagérant.

Avec toute sa passion pour l'impérialisme, il y a chez M. Mahaffy un certain esprit, sinon de clocher, du moins de province, et nous ne saurions dire que ce dernier ouvrage doive ajouter à sa réputation, soit comme historien, soit comme critique, soit comme homme de goût.

Fin de l'Odyssée de M. Morris 12

Le second volume de M. Morris amène la grande épopée romantique grecque à son parfait achèvement, et bien qu'il ne puisse jamais y avoir une traduction définitive soit de l'Iliade, soit de l'Odyssée, parce que chaque siècle prendra certainement plaisir à rendre les deux poèmes à sa manière, et conformément à ses propres canons de goût, ce n'est pas trop dire que d'affirmer que la traduction de M. Morris sera toujours une œuvre vraiment classique parmi nos traductions classiques.

Sans doute elle n'est pas dépourvue de taches.

Dans notre compte rendu du premier volume, nous nous sommes risqués à dire que M. William Morris était parfois beaucoup plus scandinave que grec, et le volume que nous avons maintenant sous les yeux ne modifie pas cette opinion.

De plus le mètre particulier, dont M. Morris a fait choix, bien qu'il soit admirablement adapté à l'expression de «l'harmonie homérique aux puissantes ailes» perd dans son écoulement, dans sa liberté, un peu de sa dignité, de son calme.

Ici, il faut reconnaître que nous sommes privés de quelque chose de réel, car il y a dans Homère une forte proportion de l'allure hautaine de Milton, et si la rapidité est une des qualités de l'hexamètre grec, la majesté est une autre de ses qualités distinctives entre les mains d'Homère.

Toutefois ce défaut, si nous pouvons appeler cela un défaut, paraît presque impossible à éviter: car pour certaines raisons métriques un mouvement majestueux dans le vers anglais est de toute nécessité un mouvement lent, et tout bien considéré, quand on a dit tout ce qu'on pouvait dire, combien l'ensemble de cette traduction est admirable!

Si nous écartons ses nobles qualités comme poème, et ne l'examinons qu'au point de vue du lettré, comme elle va droit au but, comme elle est franche et directe!

Elle est, à l'égard de l'original, d'une fidélité qu'on ne retrouve en aucune autre traduction en vers dans notre littérature, et pourtant cette fidélité n'est point celle d'un pédant en face de son texte: c'est plutôt la magnanime loyauté de poète à poète.

Lorsque parut le premier volume de M. Morris, nombre de critiques se plaignirent de ce qu'il employait de temps à autre des mots archaïques, des expressions peu usitées qui ôtaient à sa traduction sa simplicité homérique.

Toutefois ce n'est point là une critique heureuse, car si Homère est, sans contredit, simple dans sa clarté et sa largeur de visions, dans sa merveilleuse faculté de narration directe, dans sa robuste vitalité, dans la pureté et la précision de sa méthode, on ne saurait, en aucun cas, dire que son langage est simple.

Qu'était-il pour ses contemporains?

En fait, nous n'avons aucun moyen d'en juger, mais nous savons que les Athéniens du cinquième siècle avant J.C., trouvaient chez lui bien des endroits difficiles à comprendre, et quand la période de création eut fait place à celle de la critique, quand Alexandrie commença à prendre la place d'Athènes, comme centre de la culture dans le monde hellénique, il paraît qu'on ne cessa de publier des dictionnaires et des glossaires homériques.

D'ailleurs, Athénée nous parle d'un étonnant bas-bleu de Byzance, d'une précieuse de la Propontide, qui écrivit un long poème en hexamètres, intitulé Mnémosyne, plein d'ingénieux commentaires sur les passages difficiles d'Homère, et c'est un fait évident qu'au point de vue du langage, l'expression de «simplicité homérique» aurait bien étonné un Grec d'autrefois.

Quant à la tendance qu'a M. Morris d'appuyer sur le sens étymologique des mots, trait commenté avec une sévérité assez superficielle dans un récent numéro du Macmillan's Magazine, cela nous paraît parfaitement d'accord non seulement avec l'esprit d'Homère, mais avec l'esprit de toute poésie primitive.

Il est très vrai que la langue est sujette à dégénérer en un système de notation presque algébrique, et le bourgeois moderne de la cité, qui prend un billet pour Blackfriars-Bridge, ne songe naturellement pas aux moines dominicains qui avaient jadis un monastère au bord de la Tamise, et qui ont transmis leur nom à cet endroit.

Mais il n'en était pas ainsi aux époques primitives.

On y avait alors une conscience très nette du sens réel des mots.

La poésie antique, en particulier, est pénétrée de ce sentiment, et on peut même dire qu'elle lui doit une bonne partie de son charme et de sa puissance poétique.

Ainsi donc ces vieux mots et ce sens ancien des mots, que nous trouvons dans l'Odyssée de M. Morris, peuvent se justifier amplement par des raisons historiques et, chose excellente, au point de vue de l'effet artistique.

Pope s'efforça de mettre Homère dans la langue ordinaire de son temps, mais à quel résultat arriva-t-il? Nous ne le savons que trop.

Pour M. Morris, qui emploie ses archaïsmes avec le tact d'un véritable artiste, et à qui ils semblent venir d'une façon absolue, spontanément, il a réussi, par leur moyen, à donner à sa traduction cet air non pas de singularité, car Homère n'est jamais piquant, mais de romanesque primitif, cette beauté du monde naissant, que, nous autres modernes, nous trouvons si charmants et que les Grecs eux-mêmes sentaient si vivement.

Quant à citer des passages d'un mérite particulier, la traduction de M. Morris n'est point un vêtement fait de haillons cousus ensemble, avec des lambeaux de pourpre, que les critiques prendraient comme spécimens.

La valeur réelle en est dans la justesse, la cohésion absolue du tout, dans l'architecture grandiose du vers rapide et énergique, dans le fait que le but poursuivi est non seulement élevé, mais encore maintenu constamment.

Il est impossible, malgré cela, de résister à la tentation de citer la traduction donnée par M. Morris du fameux passage du vingt-troisième livre, où Odysseus esquive le piège, tendu par Pénélope, que son espérance même du retour certain de son mari rend sceptique, alors qu'il est là, devant elle.

Pour le dire en passant, c'est un exemple de la merveilleuse connaissance psychologique du cœur humain que possédait Homère. On y voit que c'est le songeur lui-même qui est le plus surpris quand son rêve devient réalité.

 
Ainsi elle dit, pour mettre son mari à l'épreuve, mais Odysseus, peiné en son cœur,
parla aussi à sa compagne habile dans l'art d'ouvrer:
«O femme, tu dis une parole extrêmement cruelle pour moi!
Qui donc aurait changé la place de mon lit: ce serait une tâche bien malaisée pour lui,
Car, si adroit qu'il fût, à moins qu'un Dieu même vînt furtivement ici,
(et un dieu pourrait, en vérité, le transporter s'il le voulait partout ailleurs sans peine)
Mais il n'est aucun homme vivant, si fort qu'il soit en sa jeunesse,
qui puisse le porter sans effort ailleurs, car c'est avec un art puissant et merveilleux
que ce lit a été construit et façonné, et c'est moi qui l'ai fait, moi seul.
Il poussait à l'écart un bosquet d'oliviers, avec un arbre feuillu, au terme de sa croissance
qui prospéra et prit à la fin l'épaisseur d'une grosse colonne.
Autour de lui, je bâtis ma chambre nuptiale, et j'ai parfait l'ouvrage
par une enceinte de pierres exactement ajustées, et je l'ai couvert d'un toit.
Et pour lui je me suis taillé des battants de porte, bien assujettis à leur place.
Après quoi, j'ébranchai le tronc de l'olivier au large feuillage,
puis j'équarris le tronc depuis la racine jusqu'en haut, avec soin et adresse,
je le dressai avec l'airain du rabot, et je le nivelai,
et lui donnai la forme d'une colonne de lit. Avec la tarière je le perçai.
Ayant ainsi commencé, je façonnai le lit même, et l'achevai jusqu'au bout,
et je l'ornai partout avec de l'or, avec de l'argent, avec de l'ivoire incrusté,
et je tendis sur lui une peau de bœuf, qu'avait embellie la teinture de la pourpre.
Tel est le signe que je t'ai montré, et je ne sais point, femme
si mon lit est resté stable, ou si, en quelque autre endroit,
un homme l'a placé, après avoir abattu par la base le tronc de l'olivier.»
 
 
Thus she spake to prove her husband; but Odysseus, grieved at heart,
Spake thus unto his bedmate well-skilled in gainful art:
«O woman, thou sayest a word exceeding grievous to me!
Who hath otherwhere shifted my bedstead? Full hard for him should it be,
For deft as he were, unless soothly a very God come here,
who easily, if he willed it, might shift it otherwhere.
But no mortal man is living, how strong so e'er in his youth,
who shall lightly hale it elsewhere, since a mighty wonder forsooth
is wrought in that fashioned bedstead, and I wrought it, and I alone.
In the close grew a thicket of olive, a long-leaved tree full-grown,
that flourished and grew goodly as big as a pillar about,
So round it I built my bride-room, till I did the work right out
with ashlar stone close-fitting; and I roofed it overhead,
and thereto joined doors I made me, well fitting in their stead.
Then I lopped away the boughs of the long-leafed olive-tree,
and shearing the bole from the root up full well and cunningly,
I planed it about with the brass, and set the rule thereto,
and shaping thereof a bed-post, with the wimble I bored it through.
So beginning, I wrought out the bedstead, and finished it utterly,
and with gold enwrought it about, and with silver and ivory,
and stretched on it a thong of oxhide, with the purple made bright.
Thus then the sign I have shown thee; nor, woman, know I aright
If my bed yet bideth steadfast, or if to another place
Some man hath moved it, and smitten the olive-bole from its base.»
 

Ces douze derniers livres de l'Odyssée n'ont point le merveilleux du roman, de l'aventure et de la couleur que nous trouvons dans la première partie de l'épopée.

Il n'y a rien que nous puissions comparer avec l'exquise idylle de Nausicaa, ou avec l'humour titanique de l'épisode qui se passe dans la caverne du Cyclope.

Pénélope n'a point l'aspect mystérieux de Circé, et le chant des sirènes semblera peut-être plus mélodieux que le sifflement des flèches lancées par Odysseus debout sur le seuil de son palais.

Mais ces derniers livres n'ont point d'égaux pour la pure intensité de passion, pour la concentration de l'intérêt intellectuel, pour la maestria de construction dramatique.

9.Pall Mall Gazette, 24 octobre 1887.
10.Le sentiment de la nature dans la poésie écossaise.
11.Pall Mall Gazette, 9 novembre 1887.
12.Pall Mall Gazette. 24 novembre 1887.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 eylül 2017
Hacim:
210 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain
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