Kitabı oku: «Salomé», sayfa 3
LE PREMIER SOLDAT. Il faut faire transporter le cadavre ailleurs. Le tétrarque n’aime pas regarder les cadavres, sauf les cadavres de ceux qu’il a tués lui-même.
LE PAGE D’HÉRODIAS. Il était mon frère, et plus proche qu’un frère. Je lui ai donné une petite boîte qui contenait des parfums, et une bague d’agate qu’il portait toujours à la main. Le soir nous nous promenions au bord de la rivière et parmi les amandiers et il me racontait des choses de son pays. Il parlait toujours très bas. Le son de sa voix ressemblait au son de la flûte d’un joueur de flûte. Aussi il aimait beaucoup à se regarder dans la rivière. Je lui ai fait des reproches pour cela.
SECOND SOLDAT. Vous avez raison; il faut cacher le cadavre. Il ne faut pas que le tétrarque le voie.
PREMIER SOLDAT. Le tétrarque ne viendra pas ici. Il ne vient jamais sur la terrasse. Il a trop peur du prophète.
[Entrée d’Hérode, d’Hérodias et de toute la cour.]
HÉRODE. Où est Salomé? Où est la princesse? Pourquoi n’est-elle pas retournée au festin comme je le lui avais commandé? ah! la voilà!
HÉRODIAS. Il ne faut pas la regarder. Vous la regardez toujours!
HÉRODE. La lune a l’air très étrange ce soir. N’est-ce pas que la lune a l’air très étrange? On dirait une femme hystérique, une femme hystérique qui va cherchant des amants partout. Elle est nue aussi. Elle est toute nue. Les nuages cherchent à la vêtir, mais elle ne veut pas. Elle chancelle à travers les nuages comme une femme ivre.. Je suis sûr qu’elle cherche des amants.. N’est-ce pas qu’elle chancelle comme une femme ivre? Elle ressemble à une femme hystérique, n’est-ce pas?
HÉRODIAS. Non. La lune ressemble à la lune, c’est tout.. Rentrons Vous n’avez rien à faire ici.
HÉRODE. Je resterai! Manassé, mettez des tapis là. Allumez des flambeaux. Apportez les tables d’ivoire, et les tables de jaspe. L’air ici est délicieux. Je boirai encore du vin avec mes hôtes. Aux ambassadeurs de César il faut faire tout honneur.
HÉRODIAS. Ce n’est pas à cause d’eux que vous restez.
HÉRODE. Oui, l’air est délicieux. Viens, Hérodias, nos hôtes nous attendent. Ah! j’ai glissé! j’ai glissé dans le sang! C’est d’un mauvais présage. C’est d’un très mauvais présage. Pourquoi y a-t-il du sang ici?.. Et ce cadavre? Que fait ici ce cadavre? Pensez-vous que je sois comme le roi d’Égypte qui ne donne jamais un festin sans montrer un cadavre à ses hôtes? Enfin, qui est-ce? Je ne veux pas le regarder.
PREMIER SOLDAT. C’est notre capitaine, Seigneur. C’est le jeune Syrien que vous avez fait capitaine il y a trois jours seulement.
HÉRODE. Je n’ai donné aucun ordre de le tuer.
SECOND SOLDAT. Il s’est tué lui-même, Seigneur.
HÉRODE. Pourquoi? Je l’ai fait capitaine!
SECOND SOLDAT. Nous ne savons pas, Seigneur. Mais il s’est tué lui-même.
HÉRODE. Cela me semble étrange. Je pensais qu’il n’y avait que les philosophes romains qui se tuaient. N’est-ce pas, Tigellin, que les philosophes à Rome se tuent?
TIGELLIN. Il y en a qui se tuent, Seigneur. Ce sont les Stoïciens. Ce sont de gens très grossiers. Enfin, ce sont des gens très ridicules. Moi, je les trouve très ridicules.
HÉRODE. Moi aussi. C’est ridicule de se tuer.
TIGELLIN. On rit beaucoup d’eux à Rome. L’empereur a fait un poème satirique contre eux. On le récite partout.
HÉRODE. Ah! il a fait un poème satirique contre eux? César est merveilleux. Il peut tout faire.. C’est étrange qu’il se soit tué, le jeune Syrien. Je le regrette. Oui, je le regrette beaucoup. Car il était beau. Il était même très beau. Il avait des yeux très langoureux. Je me rappelle que je l’ai vu regardant Salomé d’une façon langoureuse. En effet, j’ai trouvé qu’il l’avait un peu trop regardée.
HÉRODIAS. Il y en a d’autres qui la regardent trop.
HÉRODE. Son pére était roi. Je l’ai chassé de son royaume. Et de sa mère qui était reine vous avez fait une esclave, Hérodias. Ainsi, il était ici comme un hôte. C’était à cause de cela que je l’avais fait capitaine. Je regrette qu’il soit mort.. Enfin, pourquoi avez-vous laissé le cadavre ici? Il faut l’emporter ailleurs. Je ne veux pas le voir.. Emportez-le.. [On emporte le cadavre.] Il fait froid ici. Il y a du vent ici. N’est-ce pas qu’il y a du vent?
HÉRODIAS. Mais non. Il n’y a pas de vent.
HÉRODE. Mais si, il y a du vent.. Et j’entends dans l’air quelque chose comme un battement d’ailes, comme un battement d’ailes gigantesques. Ne l’entendez-vous pas?
HÉRODIAS. Je n’entends rien.
HÉRODE. Je ne l’entends plus moi-même. Mais je l’ai entendu. C’était le vent sans doute. C’est passé. Mais non, je l’entends encore. Ne l’entendez-vous pas? C’est tout à fait comme un battement d’ailes.
HÉRODIAS. Je vous dis qu’il n’y a rien. Vous êtes malade. Rentrons
HÉRODE. Je ne suis pas malade. C’est votre fille qui est malade. Elle a l’air très malade, votre fille. Jamais je ne l’ai vue si pâle.
HÉRODIAS. Je vous ai dit de ne pas la regarder.
HÉRODE. Versez du vin. [On apporte du vin.] Salomé, venez boire un peu de vin avec moi. J’ai un vin ici qui est exquis. C’est César lui-même qui me l’a envoyé. Trempez là-dedans vos petites lèvres rouges et ensuite je viderai la coupe.
SALOMÉ. Je n’ai pas soif, tétrarque.
HÉRODE. Vous entendez comme elle me répond, votre fille.
HÉRODIAS. Je trouve qu’elle a bien raison. Pourquoi la regardez-vous toujours?
HÉRODE. Apportez des fruits. [On apporte des fruits.] Salomé, venez manger du fruit avec moi. J’aime beaucoup voir dans un fruit la morsure de tes petites dents. Mordez un tout petit morceau de ce fruit, et ensuite je mangerai ce qui reste.
SALOMÉ. Je n’ai pas faim, tétrarque.
HÉRODE [à Hérodias] Voilà comme vous l’avez élevée, votre fille.
HÉRODIAS. Ma fille et moi, nous descendons d’une race royale. Quant à toi, ton grand-père gardait des chameaux! Aussi, c’était un voleur!
HÉRODE. Tu mens!
HÉRODIAS. Tu sais bien que c’est la vérité.
HÉRODE. Salomé, viens t’asseoir près de moi. Je te donnerai le trône de ta mère.
SALOMÉ. Je ne suis pas fatiguée, tétrarque.
HÉRODIAS. Vous voyez bien ce qu’elle pense de vous.
HÉRODE. Apportez.. Qu’est-ce que je veux? Je ne sais pas. Ah! Ah! je m’en souviens.
LA VOIX D’IOKANAAN. Voici le temps! Ce que j’ai prédit est arrivé, dit le Seigneur Dieu. Voici le jour dont j’avais parlé.
HÉRODIAS. Faites-le taire. Je ne veux pas entendre sa voix. Cet homme vomit toujours des injures contre moi.
HÉRODE. Il n’a rien dit contre vous. Aussi, c’est un très grand prophète.
HÉRODIAS. Je ne crois pas aux prophètes. Est-ce qu’un homme peut dire ce qui doit arriver? Personne ne le sait. Aussi, il m’insulte toujours. Mais je pense que vous avez peur de lui.. Enfin, je sais bien que vous avez peur de lui.
HÉRODE. Je n’ai pas peur de lui. Je n’ai peur de personne.
HÉRODIAS. Si, vous avez peur de lui. Si vous n’aviez pas peur de lui, pourquoi ne pas le livrer aux Juifs qui depuis six mois vous le demandent?
UN JUIF. En effet, Seigneur, il serait mieux de nous le livrer.
HÉRODE. Assez sur ce point. Je vous ai déjà donné ma réponse. Je ne veux pas vous le livrer. C’est un homme qui a vu Dieu.
UN JUIF. Cela, c’est impossible. Personne n’a vu Dieu depuis le prophète Élie. Lui c’est le dernier qui ait vu Dieu. En ce temps-ci, Dieu ne se montre pas. Il se cache. Et par conséquent il y a de grands malheurs dans le pays.
UN AUTRE JUIF. Enfin, on ne sait pas si le prophète Élie a réellement vu Dieu. C’était plutôt l’ombre de Dieu qu’il a vue.
UN TROISIÈME JUIF. Dieu ne se cache jamais. Il se montre toujours et dans toute chose. Dieu est dans le mal comme dans le bien.
UN QUATRIÈME JUIF. Il ne faut pas dire cela. C’est une idée très dangereuse. C’est une idée qui vient des écoles d’Alexandrie où on enseigne la philosophie grecque. Et les Grecs sont des gentils. Ils ne sont pas même circoncis.
UN CINQUIÈME JUIF. On ne peut pas savoir comment Dieu agit, ses voies sont très mystérieuses. Peut-être ce que nous appelons le mal est le bien, et ce que nous appelons le bien est le mal. On ne peut rien savoir. Le nécessaire c’est de se soumettre à tout. Dieu est très fort. Il brise au même temps les faibles et les forts. Il n’a aucun souci de personne.
LE PREMIER JUIF. C’est vrai cela. Dieu est terrible. Il brise les faibles et les forts comme on brise le blé dans un mortier. Mais cet homme n’a jamais vu Dieu. Personne n’a vu Dieu depuis le prophète Élie.
HÉRODIAS. Faites-les taire. Ils m’ennuient
HÉRODE. Mais j’ai entendu dire qu’Iokanaan lui-même est votre prophète Élie.
UN JUIF. Cela ne se peut pas. Depuis le temps du prophète Élie il y a plus de trois cents ans.
HÉRODE. Il y en a qui disent que c’est le prophète Élie.
UN NAZARÉEN. Mais, je suis sûr que c’est le prophète Élie.
UN JUIF. Mais non, ce n’est pas le prophète Élie.
LA VOIX D’IOKANAAN. Le jour est venu, le jour du Seigneur, et j’entends sur les montagnes les pieds de celui qui sera le Sauveur du monde.
HÉRODE. Qu’est ce que cela veut dire? Le Sauveur du monde?
TIGELLIN. C’est un titre que prend César.
HÉRODE. Mais César ne vient pas en Judée. J’ai reçu hier des lettres de Rome. On ne m’a rien dit de cela. Enfin, vous, Tigellin, qui avez été à Rome pendant l’hiver, vous n’avez rien entendu dire de cela?
TIGELLIN. En effet, Seigneur, je n’en ai pas entendu parler. J’explique seulement le titre. C’est un des titres de César.
HÉRODE. Il ne peut pas venir, César. Il est goutteux. On dit qu’il a des pieds d’éléphant. Aussi il y a des raisons d’État. Celui qui quitte Rome perd Rome. Il ne viendra pas. Mais, enfin, c’est le maître, César. Il viendra s’il veut. Mais je ne pense pas qu’il vienne.
LE PREMIER NAZARÉEN. Ce n’est pas de César que le prophète a parlé, Seigneur.
HÉRODE. Pas de César?
LE PREMIER NAZARÉEN. Non, Seigneur.
HÉRODE. De qui donc a-t-il parlé?
LE PREMIER NAZARÉEN. Du Messie qui est venu.
UN JUIF. Le Messie n’est pas venu.
LE PREMIER NAZARÉEN. Il est venu, et il fait des miracles partout.
HÉRODIAS. Oh! Oh! les miracles. Je ne crois pas aux miracles. J’en ai vu trop. [Au page.] Mon éventail.
LE PREMIER NAZARÉEN. Cet homme fait de véritables miracles. Ainsi, à l’occasion d’un mariage qui a eu lieu dans une petite ville de Galilée, une ville assez importante, il a changé de l’eau en vin. Des personnes qui étaient là me l’ont dit. Aussi il a guéri deux lépreux qui étaient assis devant la porte de Capharnaüm, seulement en les touchant.
LE SECOND NAZARÉEN. Non, c’étaient deux aveugles qu’il a guéris à Capharnaüm.
LE PREMIER NAZARÉEN. Non, c’étaient des lépreux. Mais il a guéri des aveugles aussi, et on l’a vu sur une montagne parlant avec des anges.
UN SADDUCÉEN. Les anges n’existent pas.
UN PHARISIEN. Les anges existent, mais je ne crois pas que cet homme leur ait parlé.
LE PREMIER NAZARÉEN. Il a été vu par une foule de passants parlant avec des anges.
UN SADDUCÉEN. Pas avec des anges.
HÉRODIAS. Comme ils m’agacent, ces hommes! Ils sont bêtes. Ils sont tout à fait bêtes. [Au page.] Eh! bien, mon éventail. [Le page lui donne l’éventail.] Vous avez l’air de rêver. Il ne faut pas rêver. Les rêveurs sont des malades. [Elle frappe le page avec son éventail.]
LE SECOND NAZARÉEN. Aussi il y a le miracle de la fille de Jaïre.
LE PREMIER NAZARÉEN. Mais oui, c’est très certain cela. On ne peut pas le nier.
HÉRODIAS. Ces gens-là sont fous. Ils ont trop regardé la lune. Dites-leur de se taire.
HÉRODE. Qu’est-ce que c’est que cela, le miracle de la fille de Jaïre?
LE PREMIER NAZARÉEN. La fille de Jaïre était morte. Il l’a ressuscitée.
HÉRODE. Il ressuscite les morts?