Kitabı oku: «Salomé», sayfa 4
LE PREMIER NAZARÉEN. Oui, Seigneur. Il ressuscite les morts.
HÉRODE. Je ne veux pas qu’il fasse cela. Je lui défends de faire cela. Je ne permets pas qu’on ressuscite les morts. Il faut chercher cet homme et lui dire que je ne lui permets pas de ressusciter les morts. Où est-il à présent, cet homme?
LE SECOND NAZARÉEN. Il est partout, Seigneur, mais il est très difficile de le trouver.
LE PREMIER NAZARÉEN. On dit qu’il est en Samarie à présent.
UN JUIF. On voit bien que ce n’est le Messie, s’il est en Samarie. Ce n’est pas aux Samaritains que le Messie viendra. Les Samaritains sont maudits. Ils n’apportent jamais d’offrandes au temple.
LE SECOND NAZARÉEN. Il a quitté la Samarie il y a quelques jours. Moi, je crois qu’en ce moment-ci il est dans les environs de Jérusalem.
LE PREMIER NAZARÉEN. Mais non, il n’est pas là. Je viens justement d’arriver de Jérusalem. On n’a pas entendu parler de lui depuis deux mois.
HÉRODE. Enfin, cela ne fait rien! Mais il faut le trouver et lui dire de ma part que je ne lui permets pas de ressusciter les morts. Changer de l’eau en vin, guérir les lépreux et les aveugles.. il peut faire tout cela s’il le veut. Je n’ai rien à dire contre cela. En effet, je trouve que guérir les lépreux est une bonne action. Mais je ne permets pas qu’il ressuscite les morts.. Ce serait terrible, si les morts reviennent.
LA VOIX D’IOKANAAN. Ah! l’impudique! la prostituée! Ah! la fille de Babylone avec ses yeux d’or et ses paupières dorées! Voici ce que dit le Seigneur Dieu. Faites venir contre elle une multitude d’hommes. Que le peuple prenne des pierres et la lapide.
HÉRODIAS. Faites-le taire!
LA VOIX D’IOKANAAN. Que les capitaines de guerre la percent de leurs épées, qu’ils l’écrasent sous leurs boucliers.
HÉRODIAS. Mais, c’est infâme.
LA VOIX D’IOKANAAN. C’est ainsi que j’abolirai les crimes de dessus la terre, et que toutes les femmes apprendront à ne pas imiter les abominations de celle-là.
HÉRODIAS. Vous entendez ce qu’il dit contre moi? Vous le laissez insulter votre épouse?
HÉRODE. Mais il n’a pas dit votre nom.
HÉRODIAS. Qu’est-ce que cela fait? Vous savez bien que c’est moi qu’il cherche à insulter. Et je suis votre épouse, n’est-ce pas?
HÉRODE. Oui, chère et digne Hérodias, vous êtes mon épouse, et vous avez commencé par être l’épouse de mon frère.
HÉRODIAS. C’est vous qui m’avez arrachée de ses bras.
HÉRODE. En effet, j’étais le plus fort.. mais ne parlons pas de cela. Je ne veux pas parler de cela. C’est à cause de cela que le prophète a dit des mots d’épouvante. Peut-être à cause de cela va-t-il arriver un malheur. N’en parlons pas.. Noble Hérodias, nous oublions nos convives. Verse-moi à boire, ma bien-aimée. Remplissez de vin les grandes coupes d’argent et les grandes coupes de verre. Je vais boire à la santé de César. Il y a des Romains ici, il faut boire à la santé de César.
TOUS. César! César!
HÉRODE. Vous ne remarquez pas comme votre fille est pâle.
HÉRODIAS. Qu’est-ce que cela vous fait qu’elle soit pâle ou non?
HÉRODE. Jamais je ne l’ai vue si pâle.
HÉRODIAS. Il ne faut pas la regarder.
LA VOIX D’IOKANAAN. En ce jour-là le soleil deviendra noir comme un sac de poil, et la lune deviendra comme du sang, et les étoiles du ciel tomberont sur la terre comme les figues vertes tombent d’un figuier, et les rois de la terre auront peur.
HÉRODIAS. Ah! Ah! Je voudrais bien voir ce jour dont il parle, où la lune deviendra comme du sang et où les étoiles tomberont sur la terre comme des figues vertes. Ce prophète parle comme un homme ivre.. Mais je ne peux pas souffrir le son de sa voix. Je déteste sa voix. Ordonnez qu’il se taise.
HÉRODE. Mais non. Je ne comprends pas ce qu’il a dit, mais cela peut être un présage.
HÉRODIAS. Je ne crois pas aux présages. Il parle comme un homme ivre.
HÉRODE. Peut-être qu’il est ivre du vin de Dieu!
HÉRODIAS. Quel vin est-ce, le vin de Dieu? De quelles vignes vient-il? Dans quel pressoir peut-on le trouver?
HÉRODE. [Il ne quitte plus Salomé du regard.] Tigellin, quand tu as été à Rome dernièrement, est-ce que l’empereur t’a parlé au sujet.?
TIGELLIN. A quel sujet, Seigneur?
HÉRODE. A quel sujet? Ah! je vous ai adressé une question, n’est-ce pas? J’ai oublié ce que je voulais savoir.
HÉRODIAS. Vous regardez encore ma fille. Il ne faut pas la regarder. Je vous ai déjà dit cela.
HÉRODE. Vous ne dites que cela.
HÉRODIAS. Je le redis.
HÉRODE. Et la restauration du temple dont on a tant parlé? Est-ce qu’on va faire quelque chose? On dit, n’est-ce pas que le voile du sanctuaire a disparu?
HÉRODIAS. C’est toi qui l’a pris. Tu parles à tort et à travers. Je ne veux pas rester ici. Rentrons.
HÉRODE. Salomé, dansez pour moi.
HÉRODIAS. Je ne veux pas qu’elle danse.
SALOMÉ. Je n’ai aucune envie de danser, tétrarque.
HÉRODE. Salomé, fille d’Hérodias, dansez pour moi.
HÉRODIAS. Laissez la tranquille.
HÉRODE. Je vous ordonne de danser, Salomé.
SALOMÉ. Je ne danserai pas, tétrarque.
HÉRODIAS [riant] Voilà comme elle vous obéit!
HÉRODE. Qu’est-ce que cela me fait qu’elle danse ou non? Cela ne me fait rien. Je suis heureux ce soir. Je suis très heureux. Jamais je n’ai été si heureux.
LE PREMIER SOLDAT. Il a l’air sombre, le tétrarque. N’est-ce pas qu’il a l’air sombre?
LE SECOND SOLDAT. Il a l’air sombre.
HÉRODE. Pourquoi ne serais-je pas heureux? César, qui est le maître du monde, qui est le maître de tout, m’aime beaucoup. Il vient de m’envoyer des cadeaux de grande valeur. Aussi il m’a promis de citer à Rome le roi de Cappadoce qui est mon ennemi. Peut-être à Rome il le crucifiera. Il peut faire tout ce qu’il veut, César. Enfin, il est le maître. Ainsi, vous voyez, j’ai le droit d’être heureux. Il n’y a rien au monde qui puisse gâter mon plaisir.
LA VOIX D’IOKANAAN. Il sera assis sur son trône. Il sera vêtu de pourpre et d’écarlate. Dans sa main il portera un vase d’or plein de ses blasphèmes. Et l’ange du Seigneur Dieu le frappera. Il sera mangé des vers.
HÉRODIAS. Vous entendez ce qu’il dit de vous. Il dit que vous serez mangé des vers.
HÉRODE. Ce n’est pas de moi qu’il parle. Il ne dit jamais rien contre moi. C’est du roi de Cappadoce qu’il parle, du roi de Cappadoce qui est mon ennemi. C’est celui-là qui sera mangé des vers. Ce n’est pas moi. Jamais il n’a rien dit contre moi, le prophète, sauf que j’ai eu tort de prendre comme épouse l’épouse de mon frère. Peut-être a-t-il raison. En effet, vous êtes stérile.
HÉRODIAS. Je suis stérile, moi. Et vous dites cela, vous qui regardez toujours ma fille, vous qui avez voulu la faire danser pour votre plaisir. C’est ridicule de dire cela. Moi j’ai eu un enfant. Vous n’avez jamais eu d’enfant, même d’une de vos esclaves. C’est vous qui êtes stérile, ce n’est pas moi.
HÉRODE. Taisez-vous. Je vous dis que vous êtes stérile. Vous ne m’avez pas donné d’enfant, et le prophète dit que notre mariage n’est pas un vrai mariage. Il dit que c’est un mariage incestueux, un mariage qui apportera des malheurs.. J’ai peur qu’il n’ait raison. Je suis sûr qu’il a raison. Mais ce n’est pas le moment de parler de ces choses. En ce moment-ci je veux être heureux. Au fait je le suis. Je suis très heureux. Il n’y a rien qui me manque.
HÉRODIAS. Je suis bien contente que vous soyez de si belle humeur, ce soir. Ce n’est pas dans vos habitudes. Mais il est tard. Rentrons. Vous n’oubliez pas qu’au lever du soleil nous allons tous à la chasse. Aux ambassadeurs de César il faut faire tout honneur, n’est-ce pas?
LE SECOND SOLDAT. Comme il a l’air sombre, le tétrarque.
LE PREMIER SOLDAT. Oui, il a l’air sombre.
HÉRODE. Salomé, Salomé, dansez pour moi. Je vous supplie de danser pour moi. Ce soir je suis triste. Oui, je suis très triste ce soir. Quand je suis entré ici, j’ai glissé dans le sang, ce qui est d’un mauvais présage, et j’ai entendu, je suis sûr que j’ai entendu un battement d’ailes dans l’air, un battement d’ailes gigantesques. Je ne sais pas ce que cela veut dire.. Je suis triste ce soir. Ainsi dansez pour moi. Dansez pour moi, Salomé, je vous supplie. Si vous dansez pour moi vous pourrez me demander tout ce que vous voudrez et je vous le donnerai. Oui, dansez pour moi, Salomé, et je vous donnerai tout ce que vous me demanderez, fût-ce la moitié de mon royaume.
SALOMÉ [se levant] Vous me donnerez tout ce que je demanderai, tétrarque?
HÉRODIAS. Ne dansez pas, ma fille.
HÉRODE. Tout, fût-ce la moitié de mon royaume.
SALOMÉ. Vous le jurez, tétrarque?
HÉRODE. Je le jure, Salomé.
HÉRODIAS. Ma fille, ne dansez pas.
SALOMÉ. Sur quoi jurez-vous, tétrarque?
HÉRODE. Sur ma vie, sur ma couronne, sur mes dieux. Tout ce que vous voudrez je vous le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume, si vous dansez pour moi. Oh! Salomé, Salomé, dansez pour moi.
SALOMÉ. Vous avez juré, tétrarque.
HÉRODE. J’ai juré, Salomé.
SALOMÉ. Tout ce que je vous demanderai, fût-ce la moitié de votre royaume?
HÉRODIAS. Ne dansez pas, ma fille.
HÉRODE. Fût-ce la moitié de mon royaume. Comme reine, tu serais très belle, Salomé, s’il te plaisait de demander la moitié de mon royaume. N’est-ce pas qu’elle serait très belle comme reine?.. Ah! il fait froid ici! il y a un vent très froid, et j’entends.. pourquoi est-ce que j’entends dans l’air ce battement d’ailes? Oh! on dirait qu’il y a un oiseau, un grand oiseau noir, qui plane sur la terrasse. Pourquoi est-ce que je ne peux pas le voir, cet oiseau? Le battement de ses ailes est terrible. Le vent qui vient de ses ailes est terrible. C’est un vent froid.. Mais non, il ne fait pas froid du tout. Au contraire, il fait très chaud. Il fait trop chaud. J’étouffe. Versez-moi l’eau sur les mains. Donnez-moi de la neige à manger. Dégrafez mon manteau. Vite, vite, dégrafez mon manteau.. Non. Laissez-le. C’est ma couronne qui me fait mal, ma couronne de roses. On dirait que ces fleurs sont faites de feu. Elles ont brûlé mon front. [Il arrache de sa tête la couronne, et la jette sur la table.] Ah! enfin, je respire. Comme ils sont rouges ces pétales! On dirait des taches de sang sur la nappe. Cela ne fait rien. Il ne faut pas trouver des symboles dans chaque chose qu’on voit. Cela rend la vie impossible. Il serait mieux de dire que les taches de sang sont aussi belles que les pétales de roses. Il serait beaucoup mieux de dire cela.. Mais ne parlons pas de cela. Maintenant je suis heureux. Je suis très heureux. J’ai le droit d’être heureux, n’est-ce pas? Votre fille va danser pour moi. N’est-ce pas que vous allez danser pour moi, Salomé? Vous avez promis de danser pour moi.
HÉRODIAS. Je ne veux pas qu’elle danse.
SALOMÉ. Je danserai pour vous, tétrarque.
HÉRODE. Vous entendez ce que dit votre fille. Elle va danser pour moi. Vous avez bien raison, Salomé, de danser pour moi. Et, après que vous aurez dansé n’oubliez pas de me demander tout ce que vous voudrez. Tout ce que vous voudrez je vous le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. J’ai juré, n’est-ce pas?
SALOMÉ. Vous avez juré, tétrarque.
HÉRODE. Et je n’ai jamais manqué à ma parole. Je ne suis pas de ceux qui manquent à leur parole. Je ne sais pas mentir. Je suis l’esclave de ma parole, et ma parole c’est la parole d’un roi. Le roi de Cappadoce ment toujours, mais ce n’est pas un vrai roi. C’est un lâche. Aussi il me doit de l’argent qu’il ne veut pas payer. Il a même insulté mes ambassadeurs. Il a dit des choses très blessantes. Mais César le crucifiera quand il viendra à Rome. Je suis sûr que César le crucifiera. Sinon il mourra mangé des vers. Le prophète l’a prédit. Eh bien! Salomé, qu’attendez-vous?