Kitabı oku: «L'autre Tartuffe, ou La mère coupable», sayfa 3
FIGARO
Madame, je vais l'avertir. (Il sort).
SCÈNE X
LA COMTESSE, LE COMTE, FLORESTINE, BÉGEARSS
LE COMTE, à Bégearss
J'EN veux donner avis sur-le-champ à mon acquéreur. Envoyez-moi du thé dans mon arrière-cabinet.
FLORESTINE
Bon papa, c'est moi qui vous le porterai.
LE COMTE, bas à Florestine
Pense beaucoup au peu que je t'ai dit. (Il la baise au front et sort).
SCÈNE XI
LÉON, LA COMTESSE, FLORESTINE, BÉGEARSS
LÉON, avec chagrin
MON père s'en va quand j'arrive! il m'a traité avec une rigueur…
LA COMTESSE, sévèrement
Mon fils, quels discours tenez-vous? dois-je me voir toujours froissée par l'injustice de chacun? Votre père a besoin d'écrire à la personne qui échange ses terres.
FLORESTINE, gaiement
Vous regrettez votre papa? nous aussi nous le regrettons. Cependant, comme il sait que c'est aujourd'hui votre fête, il m'a chargée, Monsieur, de vous présenter ce bouquet. (Elle lui fait une grande révérence).
LÉON, pendant qu'elle l'ajuste à sa boutonnière
Il n'en pouvait prier quelqu'un qui me rendit ses bontés aussi chères… (Il l'embrasse)…
FLORESTINE, se débattant
Voyez, Madame, si jamais on peut badiner avec lui, sans qu'il abuse au même instant…
LA COMTESSE, souriant
Mon enfant, le jour de sa fête, on peut lui passer quelque chose.
FLORESTINE, baissant les yeux
Pour l'en punir, Madame, faites-lui lire le discours qui fut, dit on, tant applaudi hier à l'assemblée.
LÉON
Si Maman juge que j'ai tort, j'irai chercher ma pénitence.
FLORESTINE
Ah! Madame, ordonnez le lui.
LA COMTESSE
Apportez-nous, Mon fils, votre discours: moi, je vais prendre quelque ouvrage, pour l'écouter avec plus d'attention.
FLORESTINE, gaiement
Obstiné! c'est bien fait; et je l'entendrai malgré vous.
LÉON, tendrement
Malgré moi, quand vous l'ordonnez? Ah! Florestine, j'en défie!
(La Comtesse et Léon sortent chacun de leur côté.)
SCÈNE XII
FLORESTINE, BÉGEARSS
BÉGEARSS, bas
EH bien! Mademoiselle, avez-vous deviné l'époux qu'on vous destine?
FLORESTINE, avec joie
Mon cher monsieur Bégearss! vous êtes à tel point notre ami, que je me permettrai de penser tout-haut avec vous. Sur qui puis-je porter les yeux? Mon parrain m'a bien dit: regarde autour de toi; choisis. Je vois l'excès de sa bonté: ce ne peut être que Léon. Mais moi, sans biens, dois-je abuser…
BÉGEARSS, d'un ton terrible
Qui? Léon! son fils? votre frère?
FLORESTINE, avec un cri douloureux
Ah! Monsieur!..
BÉGEARSS
Ne vous a-t-il pas dit: appelle-moi ton père? Réveillez vous, Ma chère enfant! écartez un songe trompeur, qui pouvait devenir funeste.
FLORESTINE
Ah! oui; funeste pour tous deux!
BÉGEARSS
Vous sentez qu'un pareil secret doit rester caché dans votre âme. (Il sort en la regardant.)
SCÈNE XIII
FLORESTINE, seule et pleurant
O Ciel! il est mon frère, et j'ose avoir pour lui… Quel coup d'une lumière affreuse! et dans un tel sommeil, qu'il est cruel de s'éveiller! (Elle tombe accablée sur un siége.)
SCÈNE XIV
LÉON, un papier à la main, FLORESTINE
LÉON, joyeux, à part
MAMAN n'est pas rentrée, et M. Bégearss est sorti: profitons d'un moment heureux. —Florestine! vous êtes ce matin, et toujours, d'une beauté parfaite; mais vous avez un air de joie, un ton aimable de gaieté, qui ranime mes espérances.
FLORESTINE, au désespoir
Ah Léon!.. (Elle retombe).
LÉON
Ciel! vos yeux noyés de larmes, et votre visage défait m'annoncent quelque grand malheur!
FLORESTINE
Des malheurs? Ah! Léon, il n'y en a plus que pour moi.
LÉON
Floresta, ne m'aimez-vous plus? lorsque mes sentimens pour vous…
FLORESTINE, d'un ton absolu
Vos sentimens? ne m'en parlez jamais.
LÉON
Quoi? l'amour le plus pur…
FLORESTINE, au désespoir
Finissez ces cruels discours, ou je vais vous fuir à l'instant.
LÉON
Grand Dieu! qu'est-il donc arrivé? M. Bégearss vous a parlé, Mademoiselle, je veux savoir ce que vous a dit ce Bégearss?
SCÈNE XV
LA COMTESSE, FLORESTINE, LÉON
LÉON continue
MAMAN, venez à mon secours. Vous me voyez au désespoir; Florestine ne m'aime plus.
FLORESTINE, pleurant
Moi, Madame, ne plus l'aimer! Mon parrain, vous et lui, c'est le cri de ma vie entière.
LA COMTESSE
Mon enfant, je n'en doute pas. Ton cœur excellent m'en répond. Mais de quoi donc s'afflige-t-il?
LÉON
Maman, vous approuvez l'ardent amour que j'ai pour elle?
FLORESTINE, se jetant dans les bras de la Comtesse
Ordonnez-lui donc de se taire! (En pleurant). Il me fait mourir de douleur!
LA COMTESSE
Mon enfant, je ne t'entends point. Ma surprise égale la sienne… Elle frissonne entre mes bras! Qu'a-t-il donc fait qui puisse te déplaire?
FLORESTINE, se renversant sur elle
Madame il ne me déplait point. Je l'aime et le respecte à l'égal de mon frère; mais qu'il n'exige rien de plus.
LÉON
Vous l'entendez, Maman! Cruelle fille! expliquez-vous.
FLORESTINE
Laissez-moi, laissez-moi, ou vous me causerez la mort.
SCÈNE XVI
LA COMTESSE, FLORESTINE, LÉON, FIGARO, arrivant avec l'équipage du thé; SUSANNE, de l'autre côté, avec un métier de tapisserie
LA COMTESSE
REMPORT tout, Susanne: il n'est pas plus question de déjeûné que de lecture. Vous, Figaro, servez du thé à votre maître; il écrit dans son cabinet. Et toi, ma Florestine, viens dans le mien, rassurer ton amie. Mes chers enfans, je vous porte en mon cœur! – Pourquoi l'affligez-vous l'un après l'autre sans pitié? Il y a ici des choses qu'il m'est important d'éclaircir. (Elles sortent).
SCÈNE XVII
SUSANNE, FIGARO, LÉON
SUSANNE, à Figaro
JE ne sais pas de quoi il est question; mais je parierais bien que c'est là du Bégearss tout pur. Je veux absolument prémunir ma maîtresse.
FIGARO
Attends que je sois plus instruit: nous nous concerterons ce soir. Oh! j'ai fait une découverte…
SUSANNE
Et tu me la diras? (Elle sort).
SCÈNE XVIII
FIGARO, LÉON
LÉON, désolé
AH! Dieux!
FIGARO
De quoi s'agit-il donc, Monsieur?
LÉON
Hélas! je l'ignore moi-même. Jamais je n'avais vu Floresta de si belle humeur, et je savais qu'elle avait eu un entretien avec mon père. Je la laisse un instant avec M. Bégearss; je la trouve seule, en rentrant, les yeux remplis de larmes, et m'ordonnant de la fuir pour toujours. Que peut-il donc lui avoir dit?
FIGARO
Si je ne craignais pas votre vivacité, je vous instruirais sur des points qu'il vous importe de savoir. Mais lorsque nous avons besoin d'une grande prudence, il ne faudrait qu'un mot de vous, trop vif, pour me faire perdre le fruit de dix années d'observations.
LÉON
Ah! s'il ne faut qu'être prudent… Que crois-tu donc qu'il lui ait dit?
FIGARO
Qu'elle doit accepter Honoré Bégearss pour époux; que c'est une affaire arrangée entre M. votre père et lui.
LÉON
Entre mon père et lui? Le traître aura ma vie.
FIGARO
Avec ces façons là, Monsieur, le traître n'aura pas votre vie; mais il aura votre maîtresse, et votre fortune avec elle.
LÉON
Eh bien! Ami, pardon: apprends-moi ce que je dois faire?
FIGARO
Deviner l'énigme du Sphinx; ou bien en être dévoré. En d'autres termes, il faut vous modérer, le laisser dire, et dissimuler avec lui.
LÉON, avec fureur
Me modérer!.. Oui, je me modérerai. Mais j'ai la rage dans le cœur! – M'enlever Florestine! Ah! le voici qui vient: je vais m'expliquer… froidement.
FIGARO
Tout est perdu si vous vous échappez.
SCÈNE XIX
BÉGEARSS, FIGARO, LÉON
LÉON, se contenant mal
MONSIEUR, monsieur, un mot. Il importe à votre repos que vous répondiez sans détour. —Florestine est au désespoir; qu'avez-vous dit à Florestine?
BÉGEARSS, d'un ton glacé
Et qui vous dit que je lui ai parlé? Ne peut-elle avoir des chagrins, sans que j'y sois pour quelque chose?
LÉON, vivement
Point d'évâsions, Monsieur. Elle était d'une humeur charmante: en sortant d'avec vous, on la voit fondre en larmes. De quelque part qu'elle en reçoive, mon cœur partage ses chagrins. Vous m'en direz la cause, ou bien vous m'en ferez raison.
BÉGEARSS
Avec un ton moins absolu, on peut tout obtenir de moi; je ne sais point céder à des menaces.
LÉON, furieux
Eh bien! Perfide, défends-toi. J'aurai ta vie, ou tu auras la mienne! (Il met la main à son épée).
FIGARO les arrête
Monsieur Bégearss! au fils de votre ami? dans sa maison? où vous logez?
BÉGEARSS, se contenant
Je sais trop ce que je me dois… Je vais m'expliquer avec lui; mais je n'y veux point de témoins. Sortez, et laissez-nous ensemble.
LÉON
Vas, mon cher Figaro: tu vois qu'il ne peut m'échapper. Ne lui laissons aucune excuse.
FIGARO, à part
Moi, je cours avertir son père (Il sort).
SCÈNE XX
LÉON, BÉGEARSS
LÉON, lui barrant la porte
IL vous convient peut-être mieux de vous battre que de parler. Vous êtes le maître du choix; mais je n'admettrai rien d'étranger à ces deux moyens.
BÉGEARSS, froidement
Léon! un homme d'honneur n'égorge pas le fils de son ami. Devais-je m'expliquer devant un malheureux valet, insolent d'être parvenu à presque gouverner son maître?
LÉON, s'asseyant
Au fait, Monsieur, je vous attends…
BÉGEARSS
Oh! que vous allez regretter une fureur déraisonnable!
LÉON
C'est ce que nous verrons bientôt.
BÉGEARSS, affectant une dignité froide
Léon! vous aimez Florestine; il y a long-temps que je le vois… Tant que votre frère a vécu, je n'ai pas cru devoir servir un amour malheureux qui ne vous conduisait à rien. Mais depuis qu'un funeste duel, disposant de sa vie, vous a mis en sa place, j'ai eu l'orgueil de croire mon influence capable de disposer M. votre père à vous unir à celle que vous aimez. Je l'attaquais de toutes les manières; une résistance invincible a repoussé tous mes efforts. Désolé de le voir rejeter un projet qui me paraissait fait pour le bonheur de tous… Pardon, mon jeune ami, je vais vous affliger; mais il le faut en ce moment, pour vous sauver d'un malheur éternel. Rappelez bien votre raison, vous allez en avoir besoin. – J'ai forcé votre père à rompre le silence; à me confier son secret. O mon ami! m'a dit enfin le Comte: je connais l'amour de mon fils; mais puis-je lui donner Florestine pour femme? Celle que l'on croit ma pupille… elle est ma fille; elle est sa sœur.
LÉON, reculant vivement
Florestine?… ma sœur?..
BÉGEARSS
Voilà le mot qu'un sévère devoir… Ah! je vous le dois à tous deux: mon silence pouvait vous perdre. Eh bien! Léon, voulez-vous vous battre avec moi?
LÉON
Mon généreux ami! je ne suis qu'un ingrat, un monstre! oubliez ma rage insensée…
BÉGEARSS, bien tartuffé
Mais c'est à condition que ce fatal secret ne sortira jamais… Dévoiler la honte d'un père, ce serait un crime…
LÉON, se jetant dans ses bras
Ah! jamais.
SCÈNE XXI
LE COMTE, FIGARO, LÉON, BÉGEARSS
FIGARO, accourant
LES voilà, les voilà.
LE COMTE
Dans les bras l'un de l'autre! Eh! vous perdez l'esprit?
FIGARO, stupéfait
Ma foi! Monsieur… on le perdrait à moins.
LE COMTE, à Figaro
M'expliquerez-vous cette énigme?
LÉON, tremblant
Ah! c'est à moi, mon père, à l'expliquer. Pardon! je dois mourir de honte! Sur un sujet assez frivole, je m'étais… beaucoup oublié. Son caractère généreux, non seulement me rend à la raison; mais il a la bonté d'excuser ma folie en me la pardonnant. Je lui en rendais grace lorsque vous nous avez surpris.
LE COMTE
Ce n'est pas la centième fois que vous lui devez de la reconnaissance. Au fait, nous lui en devons tous.
FIGARO, sans parler, se donne un coup de poing au front
BÉGEARSS l'examine et sourit
LE COMTE, à son fils
Retirez-vous, Monsieur. Votre aveu seul enchaîne ma colère.
BÉGEARSS
Ah! Monsieur, tout est oublié.
LE COMTE, à Léon
Allez vous repentir d'avoir manqué à mon ami, au vôtre; à l'homme le plus vertueux…
LÉON, s'en allant
Je suis au désespoir!
FIGARO, à part, avec colère
C'est une légion de diables enfermés dans un seul pourpoint.
SCÈNE XXII
LE COMTE, BÉGEARSS, FIGARO
LE COMTE, à Bégearss, à part
MON ami, finissons ce que nous avons commencé. (A Figaro.) Vous, monsieur l'étourdi, avec vos belles conjectures, donnez-moi les trois millions d'or que vous m'avez vous-même apportés de Cadix, en soixante effets au porteur. Je vous avais chargé de les numéroter.
FIGARO
Je l'ai fait.
LE COMTE
Remettez-m'en le porte-feuille.
FIGARO
De quoi? de ces trois millions d'or?
LE COMTE
Sans doute. Eh bien! qui vous arrête?
FIGARO, humblement
Moi, Monsieur?.. Je ne les ai plus.
BÉGEARSS
Comment, vous ne les avez plus?
FIGARO, fièrement
Non, Monsieur.
BÉGEARSS, vivement
Qu'en avez-vous fait?
FIGARO
Lorsque mon maître m'interroge, je lui dois compte de mes actions; mais à vous? je ne vous dois rien.
LE COMTE, en colère
Insolent! qu'en avez-vous fait?
FIGARO, froidement
Je les ai portés en dépôt chez M. Fal, votre notaire.
BÉGEARSS
Mais de l'avis de qui?
FIGARO, fièrement
Du mien; et j'avoue que j'en suis toujours.
BÉGEARSS
Je vais gager qu'il n'en est rien.
FIGARO
Comme j'ai sa reconnaissance, vous courez risque de perdre la gageure.
BÉGEARSS
Ou s'il les a reçus, c'est pour agioter. Ces gens-là partagent ensemble.
FIGARO
Vous pourriez un peu mieux parler d'un homme qui vous a obligé.
BÉGEARSS
Je ne lui dois rien.
FIGARO
Je le crois; quand on a hérité de quarante mille doublons de huit…
LE COMTE, se fâchant
Avez-vous donc quelque remarque à nous faire aussi là dessus?
FIGARO
Qui moi, Monsieur? J'en doute d'autant moins, que j'ai beaucoup connu le parent dont Monsieur hérite. Un jeune homme assez libertin; joueur, prodigue et querelleur; sans frein, sans mœurs, sans caractère; et n'ayant rien à lui, pas même les vices qui l'ont tué; qu'un combat des plus malheureux…
LE COMTE frappe du pied
BÉGEARSS, en colère
Enfin, nous direz-vous pourquoi vous avez déposé cet or?
FIGARO
Ma foi, Monsieur, c'est pour n'en être plus chargé: ne pouvait-on pas le voler? que sait-on? il s'introduit souvent de grands fripons dans les maisons!..
BÉGEARSS, en colère
Pourtant Monsieur veut qu'on le rende.
FIGARO
Monsieur peut l'envoyer chercher.
BÉGEARSS
Mais ce notaire s'en désaisira-t-il, s'il ne voit son récépissé?
FIGARO
Je vais le remettre à Monsieur; et quand j'aurai fait mon devoir, s'il en arrive quelque mal, il ne pourra s'en prendre à moi.
LE COMTE
Je l'attends dans mon cabinet.
FIGARO, au Comte
Je vous préviens que M. Fal ne les rendra que sur votre reçu; je le lui ai recommandé. (Il sort.)
SCÈNE XXIII
LE COMTE, BÉGEARSS
BÉGEARSS, en colère
COMBLEZ cette canaille, et voyez ce qu'elle devient! En vérité, Monsieur, mon amitié me force à vous le dire: vous devenez trop confiant; il a deviné nos secrets. De valet, barbier, chirurgien, vous l'avez établi trésorier, secrétaire; une espèce de factotum. Il est notoire que ce monsieur fait bien ses affaires avec vous.
LE COMTE
Sur la fidélité, je n'ai rien à lui reprocher; mais il est vrai qu'il est d'une arrogance…
BÉGEARSS
Vous avez un moyen de vous en délivrer en le récompensant.
LE COMTE
Je le voudrais souvent.
BÉGEARSS, confidentiellement
En envoyant le Chevalier à Malthe, sans doute vous voulez qu'un homme affidé le surveille? Celui-ci, trop flatté d'un aussi honorable emploi, ne peut manquer de l'accepter: vous en voilà défait pour bien du temps.
LE COMTE
Vous avez raison, mon ami. Aussi bien, m'a-t-on dit qu'il vit très-mal avec sa femme. (Il sort.)
SCÈNE XXIV
BÉGEARSS, seul
ENCORE un pas de fait!.. Ah! noble espion! la fleur des drôles! qui faites ici le bon valet, et vous voulez nous souffler la dot, en nous donnant des noms de comédie! Grace aux soins d'Honoré-Tartuffe, vous irez partager le malaise des caravannes, et finirez vos inspections sur nous.
FIN DU SECOND ACTE
ACTE III
Le Théâtre représente le cabinet de la Comtesse, orné de fleurs de toutes parts
SCÈNE PREMIÈRE
LA COMTESSE, SUSANNE
LA COMTESSE
JE n'ai pu rien tirer de cette enfant. – Ce sont des pleurs, des étouffemens!.. Elle se croit des torts envers moi; m'a demandé cent fois pardon; elle veut aller au couvent. Si je rapproche tout ceci de sa conduite envers mon fils; je présume qu'elle se reproche d'avoir écouté son amour; entretenu ses espérances; ne se croyant pas un parti assez considérable pour lui. – Charmante délicatesse! excès d'une aimable vertu! Monsieur Bégearss, apparemment, lui en a touché quelques mots qui l'auront amenée à s'affliger sur elle! Car c'est un homme si scrupuleux, et si délicat sur l'honneur, qu'il s'exagère quelque fois, et se fait des fantômes où les autres ne voyent rien.
SUSANNE
J'ignore d'où provient le mal; mais il se passe ici des choses bien étranges! Quelque démon y souffle un feu secret. Notre maître est sombre à périr; il nous éloigne tous de lui. Vous êtes sans cesse à pleurer. Mademoiselle est suffoquée. Monsieur votre fils désolé!.. Monsieur Bégearss, lui seul, imperturbable comme un dieu! semble n'être affecté de rien; voit tous vos chagrins d'un œil sec…
LA COMTESSE
Mon enfant, son cœur les partage. Hélas! Sans ce consolateur, qui verse un baume sur nos plaies; dont la sagesse nous soutient; adoucit toutes les aigreurs; calme mon irascible époux; nous serions bien plus malheureux!
SUSANNE
Je souhaite, Madame, que vous ne vous abusiez pas!
LA COMTESSE
Je t'ai vue autrefois lui rendre plus de justice! (Susanne baisse les yeux). Au reste il peut seul me tirer du trouble où cette enfant m'a mise. Fais le prier de descendre chez moi.
SUSANNE
Le voici qui vient à propos; vous vous ferez coëffer plus tard. (Elle sort).
SCÈNE II
LA COMTESSE, BÉGEARSS
LA COMTESSE, douloureusement
AH! mon pauvre Major; que se passe-t-il donc ici? Touchons nous enfin à la crise que j'ai si long-temps redoutée; que j'ai vu de loin se former? L'éloignement du Comte pour mon malheureux fils semble augmenter de jour en jour. Quelque lumière fatale aura pénétré jusqu'à lui!
BÉGEARSS
Madame, je ne le crois pas.
LA COMTESSE
Depuis que le ciel m'a punie par la mort de mon fils aîné, je vois le Comte absolument changé: au lieu de travailler avec l'ambassadeur à Rome, pour rompre les vœux de Léon; je le vois s'obstiner à l'envoyer à Malthe. – Je sais de plus, Monsieur Bégearss, qu'il dénature sa fortune, et veut abandonner l'Espagne, pour s'établir dans ce pays. – L'autre jour à dîner, devant trente personnes, il raisonna sur le divorce d'une façon à me faire frémir.
BÉGEARSS
J'y étais; je m'en souviens trop?
LA COMTESSE, en larmes
Pardon, mon digne ami; je ne puis pleurer qu'avec vous!
BÉGEARSS
Déposez vos douleurs dans le sein d'un homme sensible.
LA COMTESSE
Enfin, est-ce lui, est-ce vous, qui avez déchiré le cœur de Florestine? Je la destinais à mon fils. – Née sans biens, il est vrai; mais noble, belle et vertueuse; élevée au milieu de nous: mon fils devenu héritier, n'en a-t-il pas assez pour deux?
BÉGEARSS
Que trop, peut-être; et c'est d'où vient le mal!
LA COMTESSE
Mais, comme si le Ciel n'eût attendu aussi long-temps, que pour me mieux punir d'une imprudence tant pleurée; tout semble s'unir à la fois pour renverser mes espérances. Mon époux déteste mon fils… Florestine renonce à lui. Aigrie par ne sais quel motif, elle veut le fuir pour toujours. Il en mourra le malheureux! voilà ce qui est bien certain. (Elle joint les mains). Ciel vengeur! après vingt années de larmes et de repentir, me réservez vous à l'horreur de voir ma faute découverte? Ah! que je sois seule misérable! mon Dieu, je ne m'en plaindrai pas! mais que mon fils ne porte point la peine d'un crime qu'il n'a pas commis! Connaissez-vous, Monsieur Bégearss, quelque remède à tant de maux?
BÉGEARSS
Oui, femme respectable! et je venais exprès dissiper vos terreurs. Quand on craint une chose, tous nos regards se portent vers cet objet trop allarmant: quoiqu'on dise ou qu'on fasse, la frayeur empoisonne tout! Enfin je tiens la clef de ces énigmes. Vous pouvez encore être heureuse.
LA COMTESSE
L'est-on avec une âme déchirée de remords?
BÉGEARSS
Votre époux ne fuit point Léon; il ne soupçonne rien sur le secret de sa naissance.
LA COMTESSE, vivement
Monsieur Bégearss!
BÉGEARSS
Et tous ces mouvemens que vous prenez pour de la haine, ne sont que l'effet d'un scrupule. Oh! que je vais vous soulager!
LA COMTESSE, ardemment
Mon cher monsieur Bégearss!
BÉGEARSS
Mais enterrez dans ce cœur allégé, le grand mot que je vais vous dire. Votre secret à vous, c'est la naissance de Léon! Le sien est celle de Florestine; (plus bas), il est son tuteur… et son père.
LA COMTESSE joignant les mains
Dieu tout puissant qui me prends en pitié!
BÉGEARSS
Jugez de sa frayeur en voyant ces enfans amoureux l'un de l'autre! ne pouvant dire son secret, ni supporter qu'un tel attachement devînt le fruit de son silence, il est resté sombre, bisarre; et s'il veut éloigner son fils, c'est pour éteindre, s'il se peut, par cette absence et par ces vœux, un malheureux amour qu'il croit ne pouvoir tolérer.
LA COMTESSE, priant avec ardeur
Source éternelle des bienfaits! O mon Dieu! tu permets qu'en partie je répare la faute involontaire qu'un insensé me fit commettre; que j'aie, de mon côté, quelque chose à remettre à cet époux que j'offensai! O Comte Almaviva! mon cœur flétri, fermé par vingt années de peines, va se r'ouvrir enfin pour toi! Florestine est ta fille; elle me devient chère comme si mon sein l'eût portée. Faisons, sans nous parler, l'échange de notre indulgence! O Monsieur Bégearss! achevez.
BÉGEARSS
Mon amie, je n'arrête point ces premiers élans d'un bon cœur: les émotions de la joie ne sont point dangereuses comme celles de la tristesse; mais, au nom de votre repos, écoutez-moi jusqu'à la fin.
LA COMTESSE
Parlez mon généreux ami: vous à qui je dois tout, parlez.
BÉGEARSS
Votre époux cherchant un moyen de garantir sa Florestine de cet amour qu'il croit incestueux, m'a proposé de l'épouser; mais, indépendamment du sentiment profond et malheureux que mon respect pour vos douleurs…
LA COMTESSE, douloureusement
Ah! mon ami! par compassion pour moi…
BÉGEARSS
N'en parlons plus. Quelques mots d'établissement, tournés d'une forme équivoque, ont fait penser à Florestine qu'il était question de Léon. Son jeune cœur s'en épanouissait, quand un valet vous annonça. Sans m'expliquer depuis sur les vues de son père; un mot de moi, la ramenant aux sévères idées de la fraternité, a produit cet orage, et la religieuse horreur dont votre fils ni vous ne pénétriez le motif.
LA COMTESSE
Il en était bien loin, le pauvre enfant!
BÉGEARSS
Maintenant qu'il vous est connu, devons-nous suivre ce projet d'une union qui répare tout?..
LA COMTESSE, vivement
Il faut s'y tenir, mon ami; mon cœur et mon esprit sont d'accord sur ce point, et c'est à moi de la déterminer. Par-là, nos secrets sont couverts; nul étranger ne les pénétrera. Après vingt années de souffrances nous passerons des jours heureux, et c'est à vous, mon digne ami, que ma famille les devra.
BÉGEARSS, élevant le ton
Pour que rien ne les trouble plus, il faut encore un sacrifice, et mon amie est digne de le faire.
LA COMTESSE
Hélas! je veux les faire tous.
BÉGEARSS, l'air imposant
Ces lettres, ces papiers d'un infortuné qui n'est plus; il faudra les réduire en cendres.
LA COMTESSE, avec douleur
Ah! Dieu!
BÉGEARSS
Quand cet ami mourant, me chargea de vous les remettre, son dernier ordre fut qu'il fallait sauver votre honneur, en ne laissant aucune trace de ce qui pourrait l'altérer.
LA COMTESSE
Dieu! Dieu!
BÉGEARSS
Vingt ans se sont passés sans que j'aye pu obtenir que ce triste aliment de votre éternelle douleur s'éloignât de vos yeux. Mais indépendamment du mal que tout cela vous fait; voyez quel danger vous courez.
LA COMTESSE
Eh! que peut-on avoir à craindre!
BÉGEARSS, regardant si on peut l'entendre
(Parlant bas). Je ne soupçonne point Susanne; mais une femme de chambre instruite que vous conservez ces papiers, ne pourrait-elle pas un jour s'en faire un moyen de fortune? un seul remis à votre époux, que peut-être il paierait bien cher, vous plongerait dans des malheurs…