Comment, Bazile, vous ne le connoissez pas? ce que vous dites est-il possible?
Vous m'interrogeriez cent fois, que je vous ferois toujours la même réponse. S'il vous a remis la lettre de Rosine, c'est sans doute un des émissaires du Comte. Mais, à la magnificence du présent qu'il m'a fait, il se pourroit que ce fût le Comte lui-même.
A propos de ce présent, eh! pourquoi l'avez-vous reçu?
Vous aviez l'air d'accord; je n'y entendois rien; et dans les cas difficiles à juger, une bourse d'or me paroît toujours un argument sans replique. Et puis, comme dit le proverbe, ce qui est bon à prendre…
J'entends, est bon…
A garder.
Ah! ah!
Oui, j'ai arrangé comme cela plusieurs petits proverbes avec des variations. Mais, allons au fait: à quoi vous arrêtez-vous?
En ma place, Bazile, ne feriez-vous pas les derniers efforts pour la posséder?
Ma foi non, Docteur. En toute espece de biens, posséder est peu de chose; c'est jouir qui rend heureux: mon avis est qu'épouser une femme dont on n'est point aimé, c'est s'exposer…
Vous craindriez les accidens?
Hé, hé! Monsieur… on en voit beaucoup cette année. Je ne ferois point violence à son cœur.
Votre valet, Bazile. Il vaut mieux qu'elle pleure de m'avoir, que moi je meure de ne l'avoir pas.
Il y va de la vie? Épousez, Docteur, épousez.
Aussi ferai-je, et cette nuit même.
Adieu donc. – Souvenez-vous, en parlant à la Pupille, de les rendre tous plus noirs que l'enfer.
Vous avez raison.
La calomnie, Docteur, la calomnie. Il faut toujours en venir là.
Voici la lettre de Rosine, que cet Alonzo m'a remise; et il m'a montré, sans le vouloir, l'usage que j'en dois faire auprès d'elle.
Adieu: nous serons tous ici à quatre heures.
Pourquoi pas plutôt?
Impossible: le Notaire est retenu.
Pour un mariage?
Oui, chez le Barbier Figaro; c'est sa Nièce qu'il marie.
Sa Nièce? il n'en a pas.
Voilà ce qu'ils ont dit au Notaire.
Ce drôle est du complot, que diable!
Est-ce que vous penseriez?
Ma foi, ces gens-là sont si alertes! Tenez, mon ami, je ne suis pas tranquille. Retournez chez le Notaire. Qu'il vienne ici sur-le-champ avec vous.
Il pleut, il fait un temps du diable; mais rien ne m'arrête pour vous servir. Que faites-vous donc?
Je vous reconduis; n'ont-ils pas fait estropier tout mon monde par ce Figaro! Je suis seul ici.
J'ai ma lanterne.
Tenez, Bazile, voilà mon passe-par-tout, je vous attends, je veille; et vienne qui voudra, hors le Notaire et vous, personne n'entrera de la nuit.
Avec ces précautions, vous êtes sûr de votre fait.
Il me sembloit avoir entendu parler. Il est minuit sonné; Lindor ne vient point! Ce mauvais temps même étoit propre à le favoriser. Sûr de ne rencontrer personne… Ah! Lindor! si vous m'aviez trompée133! Quel bruit entens-je?.. Dieux! c'est mon Tuteur. Rentrons134.
Ah! Rosine, puisque vous n'êtes pas encore rentrée dans votre appartement…
Je vais me retirer.
Par le tems affreux qu'il fait, vous ne reposerez pas, et j'ai des choses très-pressées à vous dire.
Que me voulez-vous, Monsieur? N'est-ce donc pas assez d'être tourmentée le jour?
Rosine, écoutez-moi.
Demain je vous entendrai.
Un moment, de grâce135.
S'il alloit venir!
Connoissez-vous cette lettre?
Ah! grands Dieux!..
Mon intention, Rosine, n'est point de vous faire de reproches: à votre âge on peut s'égarer; mais je suis votre ami, écoutez-moi.
Je n'en puis plus.
Cette lettre que vous avez écrite au Comte Almaviva…
Au Comte Almaviva!
Voyez quel homme affreux est ce Comte: aussi-tôt qu'il l'a reçue, il en a fait trophée; je la tiens d'une femme à qui il l'a sacrifiée.
Le Comte Almaviva!..
Vous avez peine à vous persuader cette horreur. L'inexpérience, Rosine, rend votre sexe confiant et crédule; mais apprenez dans quel piège on vous attiroit. Cette femme m'a fait donner avis de tout, apparemment pour écarter une rivale aussi dangereuse que vous. J'en frémis! le plus abominable complot entre Almaviva, Figaro et cet Alonzo, cet Élève supposé de Bazile, qui porte un autre nom et n'est que le vil agent du Comte, alloit vous entraîner dans un abîme dont rien n'eût pu vous tirer.
Quelle horreur!.. quoi Lindor?.. quoi ce jeune homme…
Ah! c'est Lindor.
C'est pour le Comte Almaviva… C'est pour un autre…
Voilà ce qu'on m'a dit en me remettant votre lettre.
Ah quelle indignité!.. Il en sera puni. – Monsieur, vous avez désiré de m'épouser?
Tu connois la vivacité de mes sentimens.
S'il peut vous en rester encore, je suis à vous136.
Eh bien! le Notaire viendra cette nuit même.
Ce n'est pas tout; ô Ciel! suis-je assez humiliée!.. Apprenez que dans peu le perfide ose entrer par cette jalousie, dont ils ont eu l'art de vous dérober la clé.
Ah, les scélérats! Mon enfant, je ne te quitte plus.
Ah, Monsieur, et s'ils sont armés?
Tu as raison; je perdrois ma vengeance137. Monte chez Marceline: enferme-toi chez elle à double tour. Je vais chercher main-forte, et l'attendre auprès de la maison. Arrêté comme voleur, nous aurons le plaisir d'en être à la fois vengés et délivrés! Et compte que mon amour te dédommagera…
Oubliez seulement mon erreur. (A part.) Ah, je m'en punis assez!
Allons nous embusquer. A la fin je la tiens.
(Il sort.)
Son amour me dédommagera… Malheureuse!.. (Elle tire son mouchoir, et s'abandonne aux larmes.) Que faire?.. Il va venir. Je veux rester, et feindre avec lui, pour le contempler un moment dans toute sa noirceur. La bassesse de son procédé sera mon préservatif… Ah! j'en ai grand besoin. Figure noble! air doux! une voix si tendre138!.. et ce n'est que le vil agent d'un corrupteur! Ah malheureuse! malheureuse!.. Ciel! on ouvre la jalousie! (Elle se sauve.)
Quelqu'un s'enfuit; entrerai-je?
Un homme?
Non.
C'est Rosine que ta figure atroce aura mise en fuite.
Ma foi je le crois… Nous voici enfin arrivés, malgré la pluie, la foudre et les éclairs.
Donne-moi la main. (Il saute à son tour.) A nous la victoire.
Nous sommes tous percés. Charmant temps pour aller en bonne fortune! Monseigneur, comment trouvez-vous cette nuit?
Superbe pour un Amant.
Oui, mais pour un confident?.. Et si quelqu'un alloit nous surprendre ici?
N'es-tu pas avec moi? J'ai bien une autre inquiétude? c'est de la déterminer à quitter sur-le-champ la maison du Tuteur.
Vous avez pour vous trois passions toutes puissantes sur le beau sexe: l'amour, la haine, et la crainte.
Comment lui annoncer brusquement que le Notaire l'attend chez toi pour nous unir? Elle trouvera mon projet bien hardi. Elle va me nommer audacieux.
Si elle vous nomme audacieux, vous l'appellerez cruelle. Les femmes aiment beaucoup qu'on les appelle cruelles139. Au surplus, si son amour est tel que vous le désirez, vous lui direz qui vous êtes; elle ne doutera plus de vos sentimens.
La voici. – Ma belle Rosine!..
Je commençois, Monsieur, à craindre que vous ne vinssiez pas.
Charmante inquiétude140!.. Mademoiselle, il ne me convient point d'abuser des circonstances pour vous proposer de partager le sort d'un infortuné; mais, quelqu'asyle que vous choisissiez, je jure mon honneur…
Monsieur, si le don de ma main n'avoit pas dû suivre à l'instant celui de mon cœur, vous ne seriez pas ici. Que la nécessité justifie à vos yeux ce que cette entrevue a d'irrégulier!
Vous, Rosine! la compagne d'un malheureux! sans fortune, sans naissance!..
La naissance, la fortune! Laissons-là les jeux du hasard, et si vous m'assurez que vos intentions sont pures…
Ah! Rosine! je vous adore!..
Arrêtez, malheureux!.. vous osez profaner!.. tu m'adores!.. Vas! tu n'es plus dangereux pour moi141; j'attendois ce mot pour te détester. Mais avant de t'abandonner au remords qui t'attend (en pleurant), apprends que je t'aimois; apprends que je faisois mon bonheur de partager ton mauvais sort. Misérable Lindor! j'allois tout quitter pour te suivre. Mais le lâche abus que tu as fait de mes bontés, et l'indignité de cet affreux Comte Almaviva, à qui tu me vendois, ont fait rentrer dans mes mains ce témoignage de ma foiblesse. Connois-tu cette lettre?
Que votre Tuteur vous a remise?
Oui, je lui en ai l'obligation.
Dieux, que je suis heureux! Il la tient de moi. Dans mon embarras, hier, je m'en suis servi pour arracher sa confiance, et je n'ai pu trouver l'instant de vous en informer. Ah, Rosine! il est donc vrai que vous m'aimiez véritablement!..
Monseigneur, vous cherchiez une femme qui vous aimât pour vous-même…
Monseigneur! que dit-il?
O la plus aimée des femmes! il n'est plus temps de vous abuser: l'heureux homme que vous voyez à vos pieds n'est point Lindor; je suis le Comte Almaviva, qui meurt d'amour et vous cherche en vain depuis six mois.
Ah!..
Figaro?
Point d'inquiétude, Monseigneur; la douce émotion de la joie n'a jamais de suites fâcheuses; la voilà, la voilà qui reprend ses sens; morbleu qu'elle est belle!
A Lindor!.. Ah Monsieur! que je suis coupable! j'allois me donner cette nuit même à mon Tuteur.
Vous, Rosine!
Ne voyez que ma punition! J'aurois passé ma vie à vous détester. Ah Lindor! le plus affreux supplice n'est-il pas de haïr, quand on sent qu'on est faite pour aimer?
Monseigneur, le retour est fermé; l'échelle est enlevée.
Enlevée!
Oui, c'est moi… c'est le Docteur. Voilà le fruit de ma crédulité. Il m'a trompée. J'ai tout avoué, tout trahi: il sait que vous êtes ici, et va venir avec main-forte.
Monseigneur! on ouvre la porte de la rue.
Ah Lindor!
Rosine, vous m'aimez! Je ne crains personne; et vous serez ma femme143. J'aurai donc le plaisir de punir à mon gré l'odieux vieillard!..
Non, non, grâce pour lui, cher Lindor! Mon cœur est si plein, que la vengeance ne peut y trouver place.
Monseigneur, c'est notre Notaire.
Et l'ami Bazile avec lui.
Ah! qu'est-ce que j'apperçois?
Eh! par quel hazard, notre ami…
Par quel accident, Messieurs…
Sont-ce là les futurs conjoints?
Oui, Monsieur. Vous deviez unir la Signora Rosine et moi cette nuit, chez le Barbier Figaro; mais nous avons préféré cette maison, pour des raisons que vous saurez. Avez-vous notre contrat?
J'ai donc l'honneur de parler à son Excellence Monseigneur le Comte Almaviva?
Précisément.
Si c'est pour cela qu'il m'a donné le passe-par-tout…
C'est que j'ai deux contrats de mariage, Monseigneur; ne confondons point: voici le vôtre; et c'est ici celui du seigneur Bartholo avec la Signora… Rosine aussi. Les Demoiselles apparemment sont deux sœurs qui portent le même nom.
Signons toujours. Don Bazile voudra bien nous servir de second témoin. (Ils signent.)
Mais, votre Excellence… je ne comprens pas…
Mon Maître Bazile, un rien vous embarrasse, et tout vous étonne.
Monseigneur… Mais si le Docteur…
Vous faites l'enfant! Signez donc vîte.
Ah! ah!..
Où donc est la difficulté de signer!
Il n'y en a plus; mais c'est que moi, quand j'ai donné ma parole une fois, il faut des motifs d'un grand poids…
(Il signe146.)
BARTHOLO, UN ALCADE, DES ALGUASILS, DES VALETS avec des flambeaux, et LES ACTEURS PRÉCÉDENS.
BARTOLO voit le Comte baiser la main de Rosine, et Figaro qui embrasse grotesquement Don Bazile: il crie en prenant le Notaire à la gorge147.
Rosine avec ces fripons! arrêtez tout le monde. J'en tiens un au collet.
C'est votre Notaire.
C'est votre Notaire. Vous moquez-vous?
Ah! Don Bazile. Eh, comment êtes-vous ici?
Mais plutôt vous, comment n'y êtes-vous pas148?
Un moment; je connais celui-ci. Que viens-tu faire en cette maison, à des heures indues?
Heure indue? Monsieur voit bien qu'il est aussi près du matin que du soir. D'ailleurs, je suis de la compagnie de son Excellence le Comte Almaviva.
Almaviva?
Ce ne sont pas des voleurs?
Laissons cela. – Par-tout ailleurs, Monsieur le Comte, je suis le serviteur de votre Excellence; mais vous sentez que la supériorité du rang est ici sans force. Ayez, s'il vous plaît, la bonté de vous retirer.
Oui, le rang doit être ici sans force; mais ce qui en a beaucoup est la préférence que Mademoiselle vient de m'accorder sur vous, en se donnant à moi volontairement.
Que dit-il, Rosine?
Il dit vrai. D'où naît votre étonnement? Ne devois-je pas cette nuit même être vengée d'un trompeur? Je la suis.
Quand je vous disois que c'étoit le Comte lui-même, Docteur?
Que m'importe à moi? Plaisant mariage! Où sont les témoins?
Il n'y manque rien. Je suis assisté de ces deux Messieurs.
Comment, Bazile! vous avez signé?
Que voulez-vous? Ce diable d'homme a toujours ses poches pleines d'argumens irrésistibles.
Je me moque de ses argumens. J'userai de mon autorité.
Vous l'avez perdue150, en en abusant.
La demoiselle est mineure.
Elle vient de s'émanciper.
Qui te parle à toi, maître fripon?
Mademoiselle est noble et belle; je suis homme de qualité, jeune et riche; elle est ma femme; à ce titre qui nous honore également, prétend-t-on me la disputer152?
Jamais on ne l'ôtera de mes mains.
Elle n'est plus en votre pouvoir. Je la mets sous l'autorité des Loix; et Monsieur, que vous avez amené vous-même, la protégera contre la violence que vous voulez lui faire. Les vrais magistrats sont les soutiens de tous ceux qu'on opprime.
Certainement. Et cette inutile résistance au plus honorable mariage indique assez sa frayeur sur la mauvaise administration des biens de sa pupille, dont il faudra qu'il rende compte.
Ah! qu'il consente à tout, et je ne lui demande rien.
Que la quittance de mes cent écus: ne perdons pas la tête.
Ils étoient tous contre moi; je me suis fourré la tête dans un guêpier!
Quel guêpier! Ne pouvant avoir la femme, calculez, Docteur, que l'argent vous reste; et…
Eh! laissez-moi donc en repos, Bazile! Vous ne songez qu'à l'argent. Je me soucie bien de l'argent, moi! A la bonne heure, je le garde; mais croyez-vous que ce soit le motif qui me détermine? (Il signe.)
Ah, ah, ah! Monseigneur; ils sont de la même famille153.
Mais, Messieurs, je n'y comprends plus rien. Est-ce qu'elles ne sont pas deux Demoiselles qui portent le même nom?
Non, Monsieur, elles ne sont qu'une154.
Et moi qui leur ai enlevé l'échelle, pour que le mariage fût plus sûr! Ah! je me suis perdu faute de soins.
Faute de sens. Mais soyons vrais, Docteur; quand la jeunesse et l'amour sont d'accord pour tromper un vieillard, tout ce qu'il fait pour l'empêcher peut bien s'appeler à bon droit la Précaution inutile.
J'ai lu, par l'ordre de Monsieur le Lieutenant-Général de Police, le Barbier de Séville, Comédie en prose, et en quatre Actes; et j'ai cru qu'on pouvoit en permettre l'impression. A Paris, ce 29 Décembre 1774.
CRÉBILLON.
Vu l'Approbation, permis d'imprimer, ce 31 Janvier 1775.
LENOIR.
Variante I.
C'est pour le coup qu'il me regarderait comme un Espagnol du temps de Charles-Quint.
Var. II.
Il chantronne (sic) gaiment à sa fantaisie un papier à la main.
Var. III.
Jusques-là, ça va bien, mais il faut finir, écorcher la queue, et voilà le rude.
Var. IV.
Je voudrais finir par quelque chose de brillant, de claquant.
Var. V.
Quand il y aura de la musique là-dessus, nous verrons si ces messieurs trouvent encore que je ne sais ce que je dis.
Var. VI.
Ne vois-tu pas que je veux être ignoré?
Var. VII.
Le Ministre ayant égard à la lettre que Votre Excellence lui avait écrite en ma faveur…
Var. VIII.
Non, à l'École vétérinaire d'Alcala.
Beau début dans le monde!
Var. IX.
…de certaines gens.
Var. X.
Il y aurait des maîtres qui ne seraient pas dignes d'être valets.
Var. XI.
Dis toujours, je t'entends de reste.
Avant de m'éloigner de la capitale, je voulus essayer mes talents…
Var. XII.
Ne pensez pas à rire.
Le théâtre de la Nation, toi?
Oui, moi, j'ai fait deux opéras-comiques.
Ah! je vous entends.
Var. XIII.
Sa joyeuse colère me réjouit! Mais tu ne me dis pas ce qui t'a fait quitter Madrid et ta conduite au midi de l'Espagne?
Var. XIV.
…à tel point affamés et multipliés dans la capitale qu'ils s'entredévoraient pour y vivre, et que, livrés au mépris…
Var. XV.
A la fin, j'ai quitté Madrid.
Var. XVI.
Me moquant des sots…
Var. XVII.
Ta philosophie me paraît assez gaie.
Var. XVIII.
Sans l'opéra-comique et les mille et un journaux qui relèvent un peu sa gloire.
Var. XIX.
Le diable l'a-t'il emporté?
Var. XX.
De ce côté-ci, pour que la vue ne puisse pas plonger sur nous.
C'est un billet.
Fort bien! il demandait…
Var. XXI.
Ce tour-là manquait à ma collection, je m'en souviendrai.
Ma chère Rosine!..
«Sans l'opéra-comique et les mille et un journaux qui relèvent un peu sa gloire…» (Il laisse tomber son chapeau.) Paf! le papier à bas! (Contrefaisant la voix de Rosine.) Ma chanson! ma chanson!.. (Il rit.) Ah! ahi!..
Var. XXII.
Ma vie entière ne suffira pas…
Var. XXIII.
Pesez tout à cette balance, et personne ne vous trompera.
Var. XXIV.
Bien choisi à vous, la peste! C'est un morceau de prince!
Var. XXV.
Il paraît un peu brutal?
Vous lui faites grâce du peu, il l'est excessivement.
Tant mieux. Ses moyens de plaire?
Nuls.
Var. XXVI.
On dit que la crainte des galants…
Var. XXVII.
Tant mieux! tant mieux!..
A tous ces tant mieux oserais-je demander à Votre Excellence ce qu'elle trouve de favorable dans ma description?
C'est que j'ai souvent remarqué que les moyens que les hommes emploient pour s'assurer d'un bien sont précisément ce qui le leur fait perdre.
Pour que la maxime ne tourne pas contre vous, avant d'agir, laissez-moi sonder le terrain, et tâchez de lire au cœur de la dame.
Aurais-tu de l'accès?
Var. XXVIII.
En lui parlant, Figaro, examines si bien ses yeux, ses joues, le mouvement de ses lèvres et de ses doigts, enfin toute sa personne, qu'elle ne puisse t'échapper.
Le Ciel l'en préserve, elle serait bien rusée.
Si elle te reçoit debout, prends garde à son maintien. L'impatience et l'amour, mon ami, se décèlent, en écoutant, par une inquiétude générale, un vacillement du corps…
Oui! passant d'un pied sur l'autre.
Observe bien ce qu'elle dit, ce qu'elle ne dit pas, si sa respiration se précipite, si sa parole est brève, sa voix mal assurée, si elle retient ses phrases à moitié, si elle répète deux fois la même chose en répondant…
Je la vois, je la vois! Comme vous peignez, Monseigneur; vous méritez de réussir et j'y vais travailler.
Var. XXIX.
A Merveille!
Var. XXX.
J'ai joué Montauciel155 à Madrid en société.
Var. XXXI.
Je vais me glisser dans la maison. Acceptez une mauvaise retraite chez moi; vous y serez plutôt instruit que dans une auberge où l'on peut nous remarquer.
Tu parles bien.
Ce n'est rien que cela; vous me verrez agir.
Dans le manuscrit, la scène finit là. Ici se place alors la scène VIIIe du deuxième acte, formant ainsi dans le manuscrit la scène VIe du premier, avec des variantes qu'on trouvera indiquées plus loin.
Var. XXXII.
Demain, il épouse Rosine, et je suis découvert.
Var. XXXIII.
Allons, qu'un vil effroi ne rende pas mes forces inutiles; l'audace de lutter contre les obstacles est la vertu qui les fait surmonter.
Bravo! la maxime d'Horace!
Elle écoute sûrement derrière la jalousie.
Var. XXXIV.
Vous l'ordonnez, je me ferai connaître.
Plus inconnu, je pouvais admirer…
Var. XXXV.
Je suis Lindor, le Tage m'a vu naître;
Mes vœux sont ceux d'un timide écolier:
Que n'ai-je, hélas! d'un brillant chevalier
A vous offrir la main et le bien-être!..
Var. XXXVI.
Rien ne m'apprend que l'on m'ait entendu. Si je recommençais?
Var. XXXVII.
Ah, c'en est fait! je suis à ma Rosine. (Il baise la lettre.)
Var. XXXVIII.
Vous, Monseigneur, l'habit de guerre et le billet de logement! Je vous rejoins dans ma boutique…
Var. XXXIX.
Il y a tant de méchantes gens!
Var. XL.
Si mon tuteur rentrait, je ne pourrais plus savoir…
Var. XLI.
Il brûle de venir vous apprendre lui-même…
Qu'il s'en garde bien, il perdrait tout!
Ne craignez rien, je viens de vous débarrasser de tous vos surveillants jusqu'à demain.
Je ne lui défends pas de m'aimer, mais qu'il ne fasse aucune imprudence!..
Si vous le lui ordonniez par un mot de lettre?
Var. XLII.
Dans le manuscrit la scène finit ainsi:
Allez, mon cher Figaro, et prenez bien garde en sortant.
Var. XLIII.
Il est passé… voyons ce qu'on m'écrit; ah! j'entends mon tuteur; serrons la lettre et reprenons mon ouvrage.
Var. XLIV.
Il a donné des pilules à l'Éveillé.
Var. XLV.
Oh! le rusé vieillard!
Var. XLVI.
Examinez encore si la cheminée n'a pas trop d'ouverture en haut.
Vous avez raison, je l'avais oublié.
Voyez si l'on ne pourrait pas glisser un billet par-dessous la porte.
Il n'y aurait point de mal quelles traînassent toutes sur les planchers; on cherche souvent d'où vient un rhumatisme… Vous riez?
D'honneur! qui nous entendrait croirait que tout ceci n'est qu'un badinage!..
Var. XLVII.
Je l'ai vu un moment. (A part.) Il l'apprendrait d'ailleurs.
Var. XLVIII.
Dorénavant, Madame, quand j'irai par la ville ne trouvez pas mauvais que je vous enferme sous clef.
Var. XLIX.
La Jeunesse!.. la Jeunesse!.. Aye! aye!
Var. L.
Tiens, avec ton Monsieur Figaro!
Ah! bon Dieu!..
Var. LI.
De la justice… il me répond!.. C'est bon entre vous, misérables, la justice; je vous paie pour que vous me serviez, mais je suis votre maître pour avoir raison, toujours raison!
Var. LII.
Allez vous coucher, mes enfants, vous en avez besoin!
Sans doute, signora, protégez-les contre moi! Ils ne sont pas assez insolents!
Var. LIII.
Cette fameuse tirade «de la Calomnie» ne se trouve pas dans le manuscrit de la Comédie française.
Var. LIV.
…Sont des disonnances qu'on doit sauver par la consonnance de l'or.
Var. LV.
C'est ce que nous verrons, lorsque je vais vous confronter avec un témoin irréprochable156 et tout prêt à déposer contre vous.
(A part.) J'étais seule… (Haut.) Qu'il paraisse donc ce témoin; je suis curieuse de le voir.
Var. LVI.
Var. LVII.
Je tiens la réponse à votre lettre.
Var. LVIII.
Voici d'après le manuscrit le signalement dans son entier:
Le chef branlant, la tête chauve,
Les yeux vairons, le regard fauve,
L'air farouche d'un Algonquin157,
La taille lourde et déjetée,
L'épaule droite surmontée,
Le teint grenu d'un maroquin,
Le nez fait comme un baldaquin,
La jambe pote158 et circonflexe,
Le ton bourru, la voix perplexe,
Tous les appétits destructeurs,
Enfin la perle des Docteurs159.
Var. LIX.
Chez un confrère?..
De la douceur, docteur Porc-à-l'auge!
Var. LX.
Ah docteur Pot-à-l'eau!
Var. LXI.
Eh bien, avec les vôtres il n'y avait qu'à vous laisser encore traiter les nôtres; la cavalerie du roi aurait été bientôt troussée!..
Var. LXII.
…Moi poli et vous jolie sont deux qualités qui vont fort bien.
Var. LXIII.
Je crains seulement que vous ne m'entendiez pas bien; je ne parle pas tout à fait comme je le voudrais.
On le voit de reste.
Var. LXIV.
…Que par ma place de médecin des hopitaux…
Var. LXV.
Comment nous retourner?
Var. LXVI.
Décamper! Ce mot exact à l'armée se prend toujours en mauvaise part dans les villes… Montrez-moi le brevet de votre place.
Var. LXVII.
Nous quitter, après tout ce que j'ai fait!
Il le faut!
Var. LXVIII.
Passez toujours de ce côté-là…
Ah vous êtes un peu… là… ce qu'on appelle méfiant. (Il chante.)
Quand je rencontre en belle humeur
Quelque Dondon jolie,
J'ly fais des es…
J'ly fais des es…
J'ly fais des espiégleries,
Docteur,
Sans en avoir envie.
Seulement pour rire un moment!..
Charles, par la grâce de Dieu, roi d'Espagne, em… em… ah!.. sur les bons et fidèles témoignages qui nous ont été rendus de la personne de Claude Blaise Guignolet Bartholo, de ses sens, capacités… (Ils se font des signes pendant ce temps.) Vous n'écoutez pas?
Var. LXIX.
Quelle insolence!..
Hé! je m'en rapporte… on ne loge pas de soldats ici… Bonsoir!..
Var. LXX.
Rosine et moi, nous sommes les ennemis; allez mettre ailleurs l'armée en présence.
Var. LXXI.
Vous mériteriez que je le remisse à votre mari pour vous punir de m'avoir refusé votre main à baiser.
Var. LXXII.
Comment donc, vous lui baisez la main? Sortez d'ici, et je vais à l'instant me plaindre à votre capitaine!
A l'instant? à mon capitaine? Supérieurement bien vu, docteur. Et aussitôt que mon capitaine l'apprendra, soyez sûr qu'il va me rabattre ce baiser-là sur ma paye.
Var. LXXIII.
Vous ne me frapperez pas peut-être?
Je l'aurai de force ou de gré!..
Var. LXXIV.
Mon sang bouillonne, une chaleur horrible…
(Elle tire son mouchoir de sa poche, elle dénoue le ruban de sa pièce d'estomac, la lettre tombe.)
Var. LXXV.
Le pouls est pourtant assez égal. (A part.) Sans mes lunettes, je n'y vois que du noir et du blanc… Les voici.
Var. LXXVI.
Il sent son tort, je le tiens à mon tour.
Var. LXXVII.
Par amitié.
Vous ne méritez pas le moindre sentiment.
Var. LXXVIII.
(Elle lit.) «…Une querelle ouverte avec votre tuteur, et si quelque chose dérangeait le projet que vous venez de lire, je vous demande en grâce une conversation cette nuit à travers votre jalousie.» Hélas! j'y consens, mais comment le lui faire savoir?
Var. LXXIX.
Monsieur, permettez…
Quoi permettre? (A part.) Cet homme m'est suspect. (Haut.) Si vous ne voulez pas absolument que j'y aille, que demandez-vous ici?
Var. LXXX.
Vous vous moquez! J'espère avant peu vous convaincre que personne ne désire autant que moi le mariage de la Signora.
Comment vous marquer ma reconnaissance?
Var. LXXXI.
C'est ce dont il m'avait flatté ce matin.
Vous voyez si j'impose. Le déménagement du Comte nous dérobe sa marche, il faut se presser.
Vous avez raison.
Mon avis est que nous venions demain bien accompagnés.
Var. LXXXII.
Attendez, vous êtes son élève?
C'est… c'est le nom que j'ai pris pour m'introduire ici.
Par conséquent, musicien.
Var. LXXXIII.
Plutôt deux pour vous plaire.
Var. LXXXIV.
Je vais enfin voir ma Rosine; contiens-toi, mon cœur! Ne va pas m'exposer à ton tour… Ingrate Rosine, ton amant est près de toi et ton cœur ne te dit rien… La voici; craignons de lui causer trop de surprise en nous montrant tout d'abord.
Var. LXXXV.
Un siége! un siége!
Var. LXXXVI.
Je vais te chercher un verre d'eau.
Ah! Rosine.
J'ai fait ce que vous m'avez prescrit; comment revenir actuellement?
Var. LXXXVII.
Tiens, mignonette, bois ceci.
Var. LXXXVIII.
Commençons donc. (A Bartholo.) Ah! monsieur, donnez-moi le papier qui est là-dedans sur mon clavecin. (Bartholo sort et revient aussitôt.)
Seigneur Alonzo, vous-êtes plus au faite de ces choses que moi. (Le Comte sort.)
Mon Dieu! prenez bien garde que vos émissaires mêmes ne restent une minute avec moi.
Où vas-tu chercher de pareilles idées? Je t'assure ma petite…
Il n'y avait que celui-là sur le pupitre. Est-ce celui que vous demandez, madame?
Précisément, seigneur don?..
Alonzo, pour vous servir.
Oui, Alonzo; pardon, je ne l'oublierai plus.
Var. LXXXIX.
Qu'est ceci? l'amant danse et rit avec le tuteur! Il en sait plus que je ne croyais.
Eh, entrez donc, Monsieur le Barbier; entrez!..
Monsieur! (A part au Comte.) Bravo, Monseigneur!
Var. XC.
Ah bien, tenez, Messieurs, puisque nous sommes sur ce chapitre, je vous dirai la réponse que je faisais faire à un homme de ma profession sur pareille apostrophe dans un opéra-comique de ma façon qui n'a eu qu'un quart de chute à Madrid.