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Kitabı oku: «Le barbier de Séville; ou, la précaution inutile», sayfa 5

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BARTOLO se retire

A Dieu ne plaise que je te fasse une pareille injure!

ROSINE

Vous me contrariez de la refuser.

BARTOLO

Reçois en réparation cette marque de ma parfaite confiance. Je vais voir la pauvre Marceline, que ce Figaro a, je ne sais pourquoi, saignée du pied; n'y viens-tu pas aussi?

ROSINE

J'y monterai dans un moment.

BARTOLO

Puisque la paix est faite, mignonne, donnes-moi ta main. Si tu pouvois m'aimer! ah! comme tu serois heureuse!

ROSINE, baissant les yeux

Si vous pouviez me plaire, ah! comme je vous aimerois!

BARTOLO

Je te plairai, je te plairai; quand je te dis que je te plairai. (Il sort.)

ROSINE le regarde aller

Ah Lindor! il dit qu'il me plaira!.. Lisons cette lettre, qui a manqué de me causer tant de chagrin. (Elle lit et s'écrie.) Ah!.. j'ai lu trop tard: il me recommande de tenir une querelle ouverte avec mon Tuteur; j'en avois une si bonne, et je l'ai laissée échapper109. En recevant la lettre, j'ai senti que je rougissois jusqu'aux yeux. Ah! mon Tuteur a raison. Je suis bien loin d'avoir cet usage du monde, qui, me dit-il souvent, assure le maintien des femmes en toute occasion; mais un homme injuste parviendroit à faire une rusée de l'innocence même.

FIN DU SECOND ACTE

ACTE III

SCENE PREMIERE
BARTOLO, seul et désolé

Quelle humeur! quelle humeur! Elle paroissoit appaisée… Là, qu'on me dise qui diable lui a fourré dans la tête de ne plus vouloir prendre leçon de Don Bazile! Elle sait qu'il se mêle de mon mariage… (On heurte à la porte.) Faites tout au monde pour plaire aux femmes; si vous omettez un seul petit point… je dis un seul… (On heurte une seconde fois.) Voyons qui c'est.

SCENE II
BARTHOLO, LE COMTE en Bâchelier
LE COMTE

Que la paix et la joie habitent toujours céans!

BARTOLO, brusquement

Jamais souhait ne vint plus à propos. Que voulez-vous?

LE COMTE

Monsieur, je suis Alonzo, Bâchelier, Licencié…

BARTOLO

Je n'ai pas besoin de Précepteur.

LE COMTE

…Élève de Don Bazile, Organiste du Grand Couvent, qui a l'honneur de montrer la Musique à Madame votre…

BARTOLO

Bazile! Organiste! qui a l'honneur! Je le sais, au fait.

LE COMTE

(A part.) Quel homme! (Haut.) Un mal subit qui le force à garder le lit…

BARTOLO

Garder le lit! Bazile! Il a bien fait d'envoyer; je vais le voir à l'instant.

LE COMTE

(A part.) Oh diable! (Haut.) Quand je dis le lit, Monsieur, c'est… la chambre que j'entends.

BARTOLO

Ne fût-il qu'incommodé; marchez devant, je vous suis.

LE COMTE110, embarrassé

Monsieur, j'étois chargé… Personne ne peut-il nous entendre?

BARTOLO

(A part.) C'est quelque fripon. (Haut.) Eh! non, Monsieur le mystérieux! Parlez sans vous troubler, si vous pouvez.

LE COMTE

(A part.) Maudit vieillard! (Haut.) Don Bazile m'avoit chargé de vous apprendre…

BARTOLO

Parlez haut, je suis sourd d'une oreille.

LE COMTE, élevant la voix

Ah! volontiers. Que le Comte Almaviva, qui restoit à la grande place…

BARTOLO, effrayé

Parlez bas, parlez bas.

LE COMTE, plus haut

…En est délogé ce matin. Comme c'est par moi qu'il a su que le Comte Almaviva…

BARTOLO

Bas; parlez bas, je vous prie.

LE COMTE, du même ton

…Étoit en cette ville, et que j'ai découvert que la Signora Rosine lui a écrit.

BARTOLO

Lui a écrit? Tenez, asseyons-nous et jasons d'amitié. Vous avez découvert, dites-vous, que Rosine…

LE COMTE, fiérement

Assurément. Bazile, inquiet pour vous de cette correspondance, m'avoit prié de vous montrer sa lettre; mais la maniere dont vous prenez les choses…

BARTOLO

Eh mon Dieu! je les prends bien. Mais ne vous est-il donc pas possible de parler plus bas?

LE COMTE

Vous êtes sourd d'une oreille, avez-vous dit.

BARTOLO

Pardon, pardon, Seigneur Alonzo, si vous m'avez trouvé méfiant et dur; mais je suis tellement entouré d'intrigans, de piéges… Et puis votre tournure, votre âge, votre air… Pardon, pardon. Eh bien! vous avez la lettre?

LE COMTE

A la bonne heure sur ce ton, Monsieur; mais je crains qu'on ne soit aux écoutes.

BARTOLO

Eh! qui voulez-vous? Tous mes Valets sur les dents! Rosine enfermée de fureur! Le diable est entré chez moi. Je vais encore m'assurer… (Il va ouvrir doucement la porte de Rosine.)

LE COMTE, à part

Je me suis enferré de dépit… Garder la lettre à présent! Il faudra m'enfuir: autant vaudroit n'être pas venu… la lui montrer. Si je puis en prévenir Rosine, la montrer est un coup de maître.

BARTOLO revient sur la pointe du pied

Elle est assise auprès de sa fenêtre, le dos tourné à la porte, occupée à relire une lettre de son cousin l'Officier, que j'avois décachetée… Voyons donc la sienne.

LE COMTE lui remet la lettre de Rosine

La voici. (A part.) C'est ma lettre qu'elle relit.

BARTOLO lit

«Depuis que vous m'avez appris votre nom et votre état» Ah! la perfide, c'est bien là sa main.

LE COMTE, effrayé

Parlez donc bas à votre tour.

BARTOLO

Quelle obligation, mon cher!..

LE COMTE111

Quand tout sera fini, si vous croyez m'en devoir, vous serez le maître… D'après un travail que fait actuellement Don Bazile avec un homme de Loi…

BARTOLO

Avec un homme de Loi, pour mon mariage?

LE COMTE

Sans doute. Il m'a chargé de vous dire que tout peut être prêt pour demain112. Alors, si elle résiste…

BARTOLO

Elle résistera.

LE COMTE veut reprendre la lettre, Bartholo la serre

Voilà l'instant où je puis vous servir; nous lui montrerons sa lettre, et, s'il le faut (plus mystérieusement), j'irai jusqu'à lui dire que je la tiens d'une femme à qui le Comte l'a sacrifiée; vous sentez que le trouble, la honte, le dépit, peuvent la porter sur le champ…

BARTOLO, riant

De la calomnie! mon cher ami, je vois bien maintenant que vous venez de la part de Bazile… Mais pour que ceci n'eût pas l'air concerté, ne seroit-il pas bon qu'elle vous connût d'avance?

LE COMTE réprime un grand mouvement de joie

C'étoit assez l'avis de Don Bazile; mais comment faire? Il est tard… au peu de tems qui reste…

BARTOLO113

Je dirai que vous venez en sa place. Ne lui donnerez-vous pas bien une leçon?

LE COMTE114

Il n'y a rien que je ne fasse pour vous plaire. Mais prenez garde que toutes ces histoires de Maîtres supposés sont de vieilles finesses, des moyens de Comédie; si elle va se douter?..

BARTOLO

Présenté par moi? Quelle apparence? Vous avez plus l'air d'un amant déguisé que d'un ami officieux.

LE COMTE

Oui? Vous croyez donc que mon air peut aider à la tromperie?

BARTOLO

Je le donne au plus fin à deviner. Elle est ce soir d'une humeur horrible. Mais quand elle ne feroit que vous voir… son clavecin est dans ce cabinet. Amusez-vous en l'attendant, je vais faire l'impossible pour l'amener.

LE COMTE

Gardez-vous bien de lui parler de la lettre.

BARTOLO

Avant l'instant décisif? Elle perdroit tout son effet. Il ne faut pas me dire deux fois les choses; il ne faut pas me les dire deux fois. (Il s'en va.)

SCENE III
LE COMTE, seul115

Me voilà sauvé. Ouf! Que ce diable d'homme est rude à manier! Figaro le connoit bien. Je me voyois mentir; cela me donnoit un air plat et gauche; et il a des yeux?.. Ma foi, sans l'inspiration subite de la lettre, il faut l'avouer, j'étois éconduit comme un sot. O ciel! on dispute là-dedans. Si elle allait s'obstiner à ne pas venir! Écoutons… Elle refuse de sortir de chez elle, et j'ai perdu le fruit de ma ruse. (Il retourne écouter.) La voici; ne nous montrons pas d'abord. (Il entre dans le cabinet.)

SCENE IV
LE COMTE, ROSINE, BARTHOLO
ROSINE, avec une colere simulée

Tout ce que vous direz est inutile, Monsieur, j'ai pris mon parti, je ne veux plus entendre parler de Musique.

BARTOLO

Écoute-donc, mon enfant; c'est le Seigneur Alonzo, l'élève et l'ami de Don Bazile, choisi par lui pour être un de nos témoins. – La Musique te calmera, je t'assure.

ROSINE

Oh! pour cela, vous pouvez vous en détacher; si je chante ce soir!.. Où donc est-il ce Maître que vous craignez de renvoyer? Je vais, en deux mots, lui donner son compte et celui de Bazile. (Elle apperçoit son Amant. Elle fait un cri.) Ah!..

BARTOLO

Qu'avez-vous?

ROSINE, les deux mains sur son cœur, avec un grand trouble

Ah! mon Dieu, Monsieur… Ah! mon Dieu, Monsieur.

BARTOLO

Elle se trouve encore mal… Seigneur Alonzo116?

ROSINE

Non, je ne me trouve pas mal… mais c'est qu'en me tournant… Ah!..

LE COMTE

Le pied vous a tourné, Madame?

ROSINE

Ah! oui, le pied m'a tourné. Je me suis fait un mal horrible.

LE COMTE

Je m'en suis bien apperçu.

ROSINE, regardant le Comte

Le coup m'a porté au cœur.

BARTOLO117

Un siége, un siége. Et pas un fauteuil ici?

(Il va le chercher.)
LE COMTE

Ah Rosine!

ROSINE

Quelle imprudence!

LE COMTE

J'ai mille choses essentielles à vous dire.

ROSINE

Il ne nous quittera pas.

LE COMTE

Figaro va venir nous aider.

BARTOLO118 apporte un fauteuil

Tiens, mignonne, assieds-toi. – Il n'y a pas d'apparence, Bâchelier, qu'elle prenne de leçon ce soir; ce sera pour un autre jour. Adieu.

ROSINE, au Comte

Non, attendez, ma douleur est un peu apaisée. (A Bartholo.) Je sens que j'ai eu tort avec vous, Monsieur. Je veux vous imiter en réparant sur le champ…

BARTOLO

Oh! le bon petit naturel de femme! Mais après une pareille émotion, mon enfant, je ne souffrirai pas que tu fasses le moindre effort. Adieu, adieu, Bâchelier.

ROSINE, au Comte

Un moment, de grâce! (A Bartholo.) Je croirai, Monsieur, que vous n'aimez pas à m'obliger si vous m'empêchez de vous prouver mes regrets en prenant ma leçon.

LE COMTE, à part, à Bartholo

Ne la contrarions pas, si vous m'en croyez.

BARTOLO

Voilà qui est fini, mon amoureuse. Je suis si loin de chercher à te déplaire, que je veux rester là tout le tems que tu vas étudier.

ROSINE

Non, Monsieur: je sais que la musique n'a nul attrait pour vous.

BARTOLO

Je t'assure que ce soir elle m'enchantera.

ROSINE119, au Comte, à part

Je suis au supplice.

LE COMTE, prenant un papier de musique sur le pupitre

Est-ce là ce que vous voulez chanter, Madame?

ROSINE

Oui, c'est un morceau très-agréable de la Précaution inutile.

BARTOLO

Toujours la Précaution inutile?

LE COMTE

C'est ce qu'il y a de plus nouveau aujourd'hui. C'est une image du Printems, d'un genre assez vif. Si Madame veut l'essayer…

ROSINE, regardant le Comte

Avec grand plaisir: un tableau du printems me ravit; c'est la jeunesse de la nature. Au sortir de l'Hiver, il semble que le cœur acquière un plus haut degré de sensibilité: comme un esclave enfermé depuis long-tems goûte avec plus de plaisir le charme de la liberté qui vient de lui être offerte.

BARTOLO, bas, au Comte

Toujours des idées romanesques en tête.

LE COMTE, bas

Et sentez-vous l'application?

BARTOLO

Parbleu! (Il va s'asseoir dans le fauteuil qu'a occupé Rosine.)

ROSINE chante.120
 
Quand, dans la plaine,
L'amour ramène
Le Printemps,
Si chéri des amans;
Tout reprend l'être,
Son feu pénètre
Dans les fleurs,
Et dans les jeunes cœurs.
On voit les troupeaux
Sortir des hameaux;
Dans tous les côteaux,
Les cris des agneaux
Retentissent;
Ils bondissent;
Tout fermente,
Tout augmente;
Les brebis paissent
Les fleurs qui naissent;
Les chiens fidèles
Veillent sur elles;
Mais Lindor, enflammé,
Ne songe guère
Qu'au bonheur d'être aimé
De sa Bergère.
 
MÊME AIR
 
Loin de sa mère,
Cette Bergère
Va chantant,
Où son Amant l'attend;
Par cette ruse
L'amour l'abuse;
Mais chanter,
Sauve-t-il du danger?
Les doux chalumeaux,
Les chants des oiseaux,
Ses charmes naissans,
Ses quinze ou seize ans,
Tout l'excite,
Tout l'agite;
La pauvrette
S'inquiette;
De sa retraite,
Lindor la guette;
Elle s'avance;
Lindor s'élance;
Il vient de l'embrasser:
Elle, bien aise,
Feint de se courroucer,
Pour qu'on l'appaise.
 
PETITE REPRISE
 
Les soupirs,
Les soins, les promesses,
Les vives tendresses,
Les plaisirs,
Le fin badinage,
Sont mis en usage;
Et bientôt la Bergère
Ne sent plus de colère.
Si quelque jaloux
Trouble un bien si doux,
Nos Amans, d'accord,
Ont un soin extrême…
…De voiler leur transport;
Mais quand on s'aime,
La gêne ajoute encor
Au plaisir même.
 

(En l'écoutant, Bartholo s'est assoupi. Le Comte, pendant la petite reprise, se hasarde à prendre une main qu'il couvre de baisers. L'émotion ralentit le chant de Rosine, l'affoiblit, et finit même par lui couper la voix au milieu de la cadence, au mot extrême. L'orchestre suit le mouvement de la Chanteuse, affoiblit son jeu et se tait avec elle. L'absence du bruit qui avoit endormi Bartholo le réveille. Le Comte se relève, Rosine et l'Orchestre reprennent subitement la suite de l'air. Si la petite reprise se répete, le même jeu recommence, etc.)

LE COMTE

En vérité, c'est un morceau charmant, et Madame l'exécute avec une intelligence…

ROSINE

Vous me flattez, Seigneur; la gloire est toute entière au Maître.

BARTOLO, bâillant

Moi, je crois que j'ai un peu dormi pendant le morceau charmant. J'ai mes malades. Je vas, je viens, je toupille121, et sitôt que je m'assieds, mes pauvres jambes…

(Il se lève et pousse le fauteuil.)
ROSINE, bas, au Comte

Figaro ne vient point.

LE COMTE

Filons le temps.

BARTOLO

Mais, Bâchelier, je l'ai déjà dit à ce vieux Bazile: est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de lui faire étudier des choses plus gaies que toutes ces grandes aria, qui vont en haut, en bas, en roulant, hi, ho, a, a, a, a, et qui me semblent autant d'enterremens? Là, de ces petits airs qu'on chantoit dans ma jeunesse, et que chacun retenoit facilement. J'en savois autrefois… Par exemple… (Pendant la ritournelle, il cherche en se grattant la tête et chante en faisant claquer ses pouces et dansant des genoux comme les vieillards.)

 
Veux-tu, ma Rosinette,
Faire emplette,
Du Roi des Maris?..
 

(Au Comte, en riant.) Il y a Fanchonnette dans la chanson; mais j'y ai substitué Rosinette, pour la lui rendre plus agréable et la faire cadrer aux circonstances. Ah, ah, ah, ah! Fort bien! pas vrai?

LE COMTE, riant

Ah, ah, ah! Oui, tout au mieux.

SCENE V
FIGARO, dans le fond; ROSINE, BARTHOLO, LE COMTE
BARTOLO chante
 
Veux-tu, ma Rosinette,
Faire emplette
Du Roi des Maris?
Je ne suis point Tircis;
Mais la nuit, dans l'ombre,
Je vaux encor mon prix;
Et, quand il fait sombre,
Les plus beaux chats sont gris.
 
(Il répète la reprise en dansant. Figaro, derriere lui, imite ses mouvemens.)
Je ne suis point Tircis, etc

(Appercevant Figaro.)122 Ah! Entrez, Monsieur le Barbier; avancez, vous êtes charmant!

FIGARO salue

Monsieur, il est vrai que ma mère me l'a dit autrefois; mais je suis un peu déformé depuis ce temps-là. (A part, au Comte.) Bravo, Monseigneur.

(Pendant toute cette Scène, le Comte fait ce qu'il peut pour parler à Rosine, mais l'œil inquiet et vigilant du Tuteur l'en empêche toujours, ce qui forme un jeu muet de tous les Acteurs, étranger au débat du Docteur et de Figaro.)

BARTOLO

Venez-vous purger encore, saigner, droguer, mettre sur le grabat toute ma maison?

FIGARO

Monsieur, il n'est pas tous les jours fête; mais, sans compter les soins quotidiens, Monsieur a pu voir que, lorsqu'ils en ont besoin, mon zèle n'attend pas qu'on lui commande…

BARTOLO

Votre zèle n'attend pas! Que direz-vous, Monsieur le zèlé, à ce malheureux qui bâille et dort tout éveillé? Et l'autre qui, depuis trois heures, éternue à se faire sauter le crâne et jaillir la cervelle! que leur direz-vous?

FIGARO

Ce que je leur dirai?

BARTOLO

Oui!

FIGARO

Je leur dirai… Eh parbleu! je dirai à celui qui éternue, Dieu vous bénisse, et va te coucher à celui qui bâille. Ce n'est pas cela, Monsieur, qui grossira le mémoire.

BARTOLO

Vraiment non, mais c'est la saignée et les médicamens qui le grossiroient, si je voulois y entendre. Est-ce par zèle aussi que vous avez empaqueté les yeux de ma mule, et votre cataplasme lui rendra-t-il la vue?

FIGARO

S'il ne lui rend pas la vue, ce n'est pas cela non plus qui l'empêchera d'y voir.

BARTOLO

Que je le trouve sur le mémoire!.. On n'est pas de cette extravagance-là!

FIGARO

Ma foi, Monsieur, les hommes n'ayant gueres à choisir qu'entre la sottise et la folie, où je ne vois pas de profit, je veux au moins du plaisir; et vive la joie! Qui sait si le monde durera encore trois semaines!

BARTOLO

Vous feriez bien mieux, Monsieur le raisonneur, de me payer mes cent écus et les intérêts sans lanterner, je vous en avertis.

FIGARO

Doutez-vous de ma probité, Monsieur? Vos cent écus! j'aimerois mieux vous les devoir toute ma vie que de les nier un seul instant.

BARTOLO

Et dites-moi un peu comment la petite Figaro a trouvé les bonbons que vous lui avez portés?

FIGARO

Quels bonbons? que voulez-vous dire?

BARTOLO

Oui, ces bonbons, dans ce cornet fait avec cette feuille de papier à lettre, ce matin.

FIGARO

Diable emporte si…

ROSINE, l'interrompant

Avez-vous eu soin au moins de les lui donner de ma part, Monsieur Figaro? Je vous l'avois recommandé.

FIGARO

Ah, ah! Les bonbons de ce matin? Que je suis bête, moi! j'avois perdu tout cela de vue… Oh! excellens, Madame, admirables.

BARTOLO

Excellens! Admirables! Oui sans doute, Monsieur le Barbier, revenez sur vos pas! Vous faites-là un joli métier, Monsieur!

FIGARO

Qu'est-ce qu'il a donc, Monsieur?

BARTOLO

Et qui vous fera une belle réputation, Monsieur!

FIGARO

Je la soutiendrai, Monsieur!

BARTOLO

Dites que vous la supporterez, Monsieur!

FIGARO

Comme il vous plaira, Monsieur!

BARTOLO

Vous le prenez bien haut, Monsieur! Sachez que quand je dispute avec un fat, je ne lui cède jamais.

FIGARO lui tourne le dos

Nous différons en cela, Monsieur! moi je lui cède toujours.

BARTOLO

Hein? qu'est-ce qu'il dit donc, Bâchelier?

FIGARO

C'est que vous croyez avoir affaire à quelque Barbier de Village, et qui ne sait manier que le rasoir? Apprenez, Monsieur, que j'ai travaillé de la plume à Madrid, et que sans les envieux…

BARTOLO

Eh! que n'y restiez-vous, sans venir ici changer de profession?

FIGARO123

On fait comme on peut; mettez-vous à ma place.

BARTOLO

Me mettre à votre place! Ah! parbleu, je dirois de belles sottises!

FIGARO

Monsieur, vous ne commencez pas trop mal; je m'en rapporte à votre confrère qui est là rêvassant…

LE COMTE, revenant à lui

Je… je ne suis pas le confrère de Monsieur.

FIGARO

Non? Vous voyant ici à consulter, j'ai pensé que vous poursuiviez le même objet.

BARTOLO, en colère

Enfin, quel sujet vous amène? Y a-t-il quelque lettre à remettre encore ce soir à Madame? Parlez, faut-il que je me retire?

FIGARO

Comme vous rudoyez le pauvre monde! Eh! parbleu, Monsieur, je viens vous raser, voilà tout: n'est-ce pas aujourd'hui votre jour124?

BARTOLO

Vous reviendrez tantôt.

FIGARO

Ah! oui, revenir! toute la Garnison prend médecine demain matin; j'en ai obtenu l'entreprise par mes protections. Jugez donc comme j'ai du tems à perdre! Monsieur passe-t-il chez lui?

BARTOLO

Non, Monsieur ne passe point chez lui. Et mais… qui empêche qu'on ne me rase ici?

ROSINE, avec dédain125

Vous êtes honnête! Et pourquoi pas dans mon appartement?

BARTOLO

Tu te fâches? Pardon, mon enfant, tu vas achever de prendre ta leçon! c'est pour ne pas perdre un instant le plaisir de t'entendre.

FIGARO, bas, au Comte

On ne le tirera pas d'ici! (Haut.) Allons, l'Éveillé, la Jeunesse; le bassin, de l'eau, tout ce qu'il faut à Monsieur.

BARTOLO

Sans doute, appellez-les! Fatigués, harassés, moulus de votre façon, n'a-t-il pas fallu les faire coucher!

FIGARO

Eh bien! j'irai tout chercher, n'est-ce pas, dans votre chambre? (Bas au Comte.) Je vais l'attirer dehors.

BARTOLO détache son trousseau de clés, et dit par réflexion:

Non, non, j'y vais moi-même. (Bas, au Comte, en s'en allant.) Ayez les yeux sur eux, je vous prie.

SCENE VI
FIGARO, LE COMTE, ROSINE
FIGARO

Ah! que nous l'avons manqué belle! il alloit me donner le trousseau. La clé de la jalousie n'y est-elle pas?

ROSINE

C'est la plus neuve de toutes.

SCENE VII
BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE, ROSINE
BARTOLO, revenant

(A part.) Bon! je ne sais ce que je fais de laisser ici ce maudit Barbier. (A Figaro.) Tenez. (Il lui donne le trousseau.) Dans mon cabinet, sous mon bureau; mais ne touchez à rien.

FIGARO

La peste! il y feroit bon, méfiant comme vous êtes! (A part, en s'en allant.) Voyez comme le Ciel protège l'innocence!

SCENE VIII
BARTHOLO, LE COMTE, ROSINE
BARTOLO, bas, au Comte

C'est le drôle qui a porté la lettre au Comte.

LE COMTE, bas

Il m'a l'air d'un fripon.

BARTOLO

Il ne m'attrapera plus.

LE COMTE

Je crois qu'à cet égard le plus fort est fait.

BARTOLO

Tout considéré, j'ai pensé qu'il étoit plus prudent de l'envoyer dans ma chambre que de le laisser avec elle.

LE COMTE

Ils n'auroient pas dit un mot que je n'eusse été en tiers.

ROSINE

Il est bien poli, Messieurs, de parler bas sans cesse! Et ma leçon?

(Ici l'on entend un bruit, comme de la vaisselle renversée.)

BARTOLO, criant

Qu'est-ce que j'entends donc! Le cruel Barbier aura tout laissé tomber par l'escalier, et les plus belles pièces de mon nécessaire!.. (Il court dehors.)

SCENE IX
LE COMTE, ROSINE
LE COMTE

Profitons du moment que l'intelligence de Figaro nous ménage. Accordez-moi, ce soir, je vous en conjure, Madame, un moment d'entretien indispensable pour vous soustraire à l'esclavage où vous allez tomber.

ROSINE

Ah, Lindor!

LE COMTE

Je puis monter à votre jalousie; et quant à la lettre que j'ai reçue de vous ce matin, je me suis vu forcé....

SCENE X.126
ROSINE, BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE
BARTOLO

Je ne m'étois pas trompé127; tout est brisé, fracassé.

FIGARO

Voyez le grand malheur pour tant de train! On ne voit goutte sur l'escalier. (Il montre la clé au Comte.) Moi, en montant, j'ai accroché une clé…

BARTOLO

On prend garde à ce qu'on fait. Accrocher une clé! L'habile homme!

FIGARO

Ma foi, Monsieur, cherchez-en un plus subtil.

SCENE XI
LES ACTEURS PRÉCÉDENS, DON BAZILE
ROSINE, effrayée, à part

Don Bazile!..

LE COMTE, à part

Juste Ciel!

FIGARO, à part

C'est le Diable!

BARTOLO va au devant de lui

Ah! Bazile, mon ami, soyez le bien rétabli. Votre accident n'a donc point eu de suites? En vérité, le Seigneur Alonzo m'avoit fort effrayé sur votre état; demandez-lui, je partois pour vous aller voir; et s'il ne m'avoit point retenu…

BAZILE, étonné

Le Seigneur Alonzo?..

FIGARO frappe du pied

Eh quoi! toujours des accrocs? Deux heures pour une méchante barbe… Chienne de pratique!

BAZILE, regardant tout le monde

Me ferez-vous bien le plaisir de me dire, Messieurs?..

FIGARO

Vous lui parlerez quand je serai parti.

BAZILE

Mais encore faudroit-il…

LE COMTE

Il faudroit vous taire, Bazile. Croyez-vous apprendre à Monsieur quelque chose qu'il ignore? Je lui ai raconté que vous m'aviez chargé de venir donner une leçon de musique à votre place.

BAZILE, plus étonné

La leçon de musique!.. Alonzo!..

ROSINE, à part, à Bazile

Eh! taisez-vous.

BAZILE

Elle aussi!

LE COMTE, bas, à Bartholo

Dites-lui donc tout bas que nous en sommes convenus.

BARTOLO, à Bazile, à part

N'allez pas nous démentir, Bazile, en disant qu'il n'est pas votre Élève; vous gâteriez tout.

BAZILE

Ah! ah128!

BARTOLO, haut

En vérité, Bazile, on n'a pas plus de talent que votre Élève.

BAZILE, stupéfait

Que mon Élève!.. (bas.) Je venois pour vous dire que le Comte est déménagé.

BARTOLO, bas

Je le sais, taisez-vous.

BAZILE, bas

Qui vous l'a dit?

BARTOLO, bas

Lui, apparemment?

LE COMTE, bas

Moi, sans doute: écoutez seulement.

ROSINE, bas, à Bazile

Est-il si difficile de vous taire?

FIGARO, bas, à Bazile

Hum! Grand escogrif! Il est sourd!

BAZILE, à part

Qui diable est-ce donc qu'on trompe ici? Tout le monde est dans le secret!

BARTOLO, haut

Eh bien, Bazile, votre homme de Loi?..

FIGARO

Vous avez toute la soirée pour parler de l'homme de Loi.

BARTOLO, à Bazile

Un mot; dites-moi seulement si vous êtes content de l'homme de Loi?

BAZILE, effaré

De l'homme de Loi?

LE COMTE, souriant

Vous ne l'avez pas vu, l'homme de Loi?

BAZILE, impatienté

Eh! non, je ne l'ai pas vu, l'homme de Loi.

LE COMTE, à Bartholo, à part

Voulez-vous donc qu'il s'explique ici devant elle? Renvoyez-le.

BARTOLO, bas, au Comte

Vous avez raison. (A Bazile129.) Mais quel mal vous a donc pris si subitement?

BAZILE, en colère

Je ne vous entends pas.

LE COMTE lui met, à part, une bourse dans la main

Oui: Monsieur vous demande ce que vous venez faire ici, dans l'état d'indisposition où vous êtes?

FIGARO

Il est pâle comme un mort!

BAZILE

Ah! je comprends…

LE COMTE130

Allez vous coucher, mon cher Bazile: vous n'êtes pas bien, et vous nous faites mourir de frayeur. Allez vous coucher.

FIGARO

Il a la phisionomie toute renversée. Allez vous coucher.

BARTOLO

D'honneur, il sent la fievre d'une lieue. Allez vous coucher.

ROSINE

Pourquoi donc êtes-vous sorti? On dit que cela se gagne. Allez vous coucher.

BAZILE, au dernier étonnement

Que j'aille me coucher?

TOUS LES ACTEURS ENSEMBLE

Eh! sans doute.

BAZILE, les regardant tous

En effet, Messieurs, je crois que je ne ferai pas mal de me retirer; je sens que je ne suis pas ici dans mon assiette ordinaire.

BARTOLO

A demain, toujours, si vous êtes mieux.

LE COMTE

Bazile! je serai chez vous de très-bonne-heure131.

FIGARO

Croyez-moi, tenez vous bien chaudement dans votre lit.

ROSINE

Bon soir, Monsieur Bazile.

BAZILE, à part

Diable emporte si j'y comprends rien; et sans cette bourse…

TOUS

Bon soir, Bazile, bon soir.

BAZILE, en s'en allant

Eh bien! bon soir donc, bon soir.

(Ils l'accompagnent tous en riant.)

SCENE XII
LES ACTEURS PRÉCÉDENS, excepté BAZILE
BARTOLO, d'un ton important

Cet homme-là n'est pas bien du tout.

ROSINE

Il a les yeux égarés.

LE COMTE

Le grand air l'aura saisi.

FIGARO

Avez-vous vu comme il parloit tout seul? Ce que c'est que de nous! (A Bartholo.) Ah-çà, vous décidez-vous, cette fois? (Il lui pousse un fauteuil très-loin du Comte, et lui présente le linge.)

LE COMTE

Avant de finir, Madame, je dois vous dire un mot essentiel au progrès de l'art que j'ai l'honneur de vous enseigner. (Il s'approche et lui parle bas à l'oreille.)

BARTOLO, à Figaro

Eh mais! il semble que vous le fassiez exprès de vous approcher, et de vous mettre devant moi, pour m'empêcher de voir…

LE COMTE, bas, à Rosine

Nous avons la clé de la jalousie, et nous serons ici à minuit.

FIGARO passe le linge au cou de Bartholo

Quoi voir? Si c'étoit une leçon de danse, on vous passeroit d'y regarder; mais du chant!.. ahi, ahi.

BARTOLO

Qu'est-ce que c'est?

FIGARO

Je ne sais ce qui m'est entré dans l'œil.

(Il rapproche sa tête.)
BARTOLO

Ne frottez donc pas.

FIGARO

C'est le gauche. Voudriez-vous me faire le plaisir d'y souffler un peu fort?

BARTOLO prend la tête de Figaro, regarde par-dessus, le pousse violemment, et va derrière les Amans écouter leur conversation.

LE COMTE, bas, à Rosine

Et quant à votre lettre, je me suis trouvé tantôt dans un tel embarras pour rester ici…

FIGARO, de loin, pour avertir

Hem!.. hem!..

LE COMTE

Désolé de voir encore mon déguisement inutile…

BARTOLO, passant entre eux deux

Votre déguisement inutile!

ROSINE, effrayée

Ah!..

BARTOLO

Fort bien, Madame, ne vous gênez pas. Comment! sous mes yeux même, en ma présence, on m'ose outrager de la sorte!

LE COMTE

Qu'avez-vous donc, Seigneur?

BARTOLO

Perfide Alonzo132!

LE COMTE

Seigneur Bartholo, si vous avez souvent des lubies comme celle dont le hasard me rend témoin, je ne suis plus étonné de l'éloignement que Mademoiselle a pour devenir votre femme.

ROSINE

Sa femme! Moi! Passer mes jours auprès d'un vieux jaloux, qui, pour tout bonheur, offre à ma jeunesse un esclavage abominable!

BARTOLO

Ah! qu'est-ce que j'entends!

ROSINE

Oui, je le dis tout haut: je donnerai mon cœur et ma main à celui qui pourra m'arracher de cette horrible prison, où ma personne et mon bien sont retenus contre toutes les Loix.

(Rosine sort.)
SCENE XIII
BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE
BARTOLO

La colère me suffoque.

LE COMTE

En effet, Seigneur, il est difficile qu'une jeune femme…

FIGARO

Oui, une jeune femme, et un grand âge; voilà ce qui trouble la tête d'un vieillard.

BARTOLO

Comment! lorsque je les prends sur le fait! Maudit Barbier! il me prend des envies…

FIGARO

Je me retire, il est fou.

LE COMTE

Et moi aussi; d'honneur, il est fou.

FIGARO

Il est fou, il est fou… (Ils sortent.)

SCENE XIV
BARTOLO. seul, les poursuit

Je suis fou! Infâmes suborneurs! émissaires du Diable, dont vous faites ici l'office, et qui puisse vous emporter tous… Je suis fou!.. Je les ai vus comme je vois ce pupitre… et me soutenir effrontément!.. Ah! il n'y a que Bazile qui puisse m'expliquer ceci. Oui, envoyons-le chercher. Holà, quelqu'un… Ah! j'oublie que je n'ai personne… Un voisin, le premier venu, n'importe. Il y a de quoi perdre l'esprit! il y a de quoi perdre l'esprit!

FIN DU TROISIÈME ACTE

Pendant l'Entracte, le Théâtre s'obscurcit; on entend un bruit d'orage, et l'Orchestre joue celui qui est gravé dans le Recueil de la Musique du Barbier.

109.Variante 78.
110.Variante 79.
111.Variante 80.
112.Variante 81.
113.Variante 82.
114.Variante 83.
115.Variante 84.
116.Variante 85.
117.Variante 86.
118.Variante 87.
119.Variante 88.
120.Cette Ariette, dans le goût Espagnol, fut chantée le premier jour à Paris, malgré les huées, les rumeurs et le train usités au Parterre en ces jours de crise et de combat. La timidité de l'Actrice l'a depuis empêchée d'oser la redire, et les jeunes Rigoristes du Théâtre l'ont fort louée de cette réticence. Mais si la dignité de la Comédie Française y a gagné quelque chose, il faut convenir que le Barbier de Séville y a beaucoup perdu. C'est pourquoi, sur les Théâtres où quelque peu de Musique ne tirera pas autant à conséquence, nous invitons tous Directeurs à la restituer, tous Acteurs à la chanter, tous Spectateurs à l'écouter, et tous Critiques à nous la pardonner, en faveur du genre de la Pièce et du plaisir que leur fera le morceau. (Note de Beaumarchais.)
121.Encore un vieux mot: se déranger souvent à propos de rien, perdre son temps en «flâneries» inutiles.
122.Variante 89.
123.Variante 90.
124.Variante 91.
125.Variante 92.
126.Variante 92.
127.Variante 94.
128.Variante 95.
129.Variante 96.
130.Variante 97.
131.Variante 98.
132.Variante 99.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
03 temmuz 2017
Hacim:
180 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain

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