Kitabı oku: «" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle»
Mathilde Bombart / Sylvain Cornic / Edwige Keller-Rahbé / Michèle Rosellini
« À qui lira ». Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle
Actes du 47e congrès de la NASSCFL (Lyon, 21-24 juin 2017)
Narr Francke Attempto Verlag Tübingen
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Image de couverture: Les OEuvres de Monsieur Mont-Fleury, t. II, La Haye, J. van den Kieboom, Gerard Block, Adrien van Dorsten, 1735. BnF, Ars. 8°-BL-12880 (2)
© 2020 • Narr Francke Attempto Verlag GmbH + Co. KG
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ISBN 978-3-8233-8423-6 (Print)
ISBN 978-3-8233-0228-5 (ePub)
Inhalt
AVANT-PROPOS
Présentation
I LA FABRIQUE DU LIVRE
1. USAGES DU MANUSCRITLe cas du Paris ridicule de Claude Le Petit, itinéraire d’un manuscrit interditL’instruction judiciaire : marquer les bornes de l’interditLa marque de la censure, une fortune littéraireANNEXELes manuscrits de Bussy-Rabutin : pratique aristocratique, usages familiauxÉtat des lieuxAristocratie et circulationPlasticité et familiaritéANNEXESPublier sans imprimer : le défi des épistolièresUn comité de soutien fémininUn atelier d’écritureL’Histoire de Bussy et BéliseLe manuscrit, une leçon de style ? L’exemple du Sermon sur le Jugement dernier de Bossuet, genèse du style et style de genèseLes éditeurs des œuvres oratoires au XIXe siècleLe projet de Choussy : éduquer le lecteur sous l’autorité de l’auteurUne entreprise atypique ?Un « dossier de travail » complexeQuand les papiers Brossette révèlent un nouveau BoileauPerte d’une édition de BoileauLes vies parallèles de Claude BrossetteLe plaisir de la conversationCopisteÉdition critique
2. LE LIVRE ILLUSTRÉLes Métamorphoses illustrées au XVIIᵉ siècle : reconfigurations mondaines des modèles humanistesL’album ovidien : de la traduction en image au livre de gravuresLa traduction illustrée (a) : du récit moralisant au récit à moralitéLa traduction illustrée (b) : le livre-muséeLa traduction illustrée (c) : rêverie du lecteur solitaireL’illustration des poèmes héroïquesStatut et fonctions de l’illustrationLe choix de la scène et des personnagesL’image amplifie les intentions du poèteLes écarts entre l’illustration et le texteCondenser l’image : l’illustration de Clovis ou la France chrétienne de Desmarets de Saint-Sorlin (1657)Illustration et prolepse : le moment de la requêteAsyndète et illustration : Gondebaut et les spectresEnjambement de l’imageÉloquence du geste et condensation du sentimentPallier la paroleANNEXESGraver les spectacles de Torelli. Les enjeux politiques et éditoriaux de l’imprimé et de l’estampe (1645-1654)Pourquoi graver des spectacles ? Une esthétique figée du mouvementLes enjeux politiques et historiographiques de l’imageLes enjeux éditoriaux. Du luxe éditorial aux feuillets éphémèresLa présence de l’estampe dans les spectacles imprimés : l’éphémère et/ou l’HistoireFrançois Chauveau, un illustrateur pour la littérature
3. PRATIQUES ÉDITORIALESLa figure du libraire dans les préfaces du théâtre impriméLe poète et le libraire : du conflit à la collaborationLa publication imprimée, une seconde représentationLes « Arguments de chaque Scène », organon du Cocu imaginaire de Molière ?L’imprimé théâtral dans les provinces méridionales au XVIIᵉ siècleLa production en françaisLa production en occitanTraits communs et singularités des deux productionsLes fonctions du texte dramatique dans le livre de fêteImprimer des prologues théâtraux au début du XVIIᵉ siècle. Le cas des recueils du farceur BruscambilleLes prologues de Bruscambille et le théâtre imprimé entre 1609 et 1615 : échantillon d’observationEssai de cartographie : diffusion des recueils de Bruscambille et du théâtre impriméStructures et genres des pièces impriméesPrologues théâtraux ou monologues « facétieux » ? Catégories et hiérarchiesLes stratégies éditoriales du père GarasseBoileau 1674 : actualité d’une éditionL’édition comme actionL’édition comme actualisationDe la transgression au contrôle éditorial : les imaginaires philologiques boléviensStratégies éditoriales d’une contre-réforme épistémologique : la publication des œuvres savantes du P. Rapin (1668-1684)Le goût du siècleLa constitution du projet éditorialParticularités de l’édition 1684Le choix des imprimeursMesures de prudence : l’édition des œuvres sur l’histoireLa diffusion des œuvres critiques en AngleterreLes figures du critique dans la presse périodique littéraire : le cas du Mercure galant (1672-1721)Donneau de Visé : portrait d’un laudateur professionnelDu Fresny : produire avec enjouement une première rupture de filiationDu Mercure galant au Mercure : rompre avec un style, un idéal et une missionMattias Kerner, l’imprimeur qui n’existe pasLa Satyre ménippée, une littérature de combat (1593-1649 ; 1664‑1752)Les apports de la bibliographie matérielle
II L’IMPRIMÉ DANS LA SOCIÉTÉ
1. Le livre à LyonLes trois fils Rigaud : les débuts d’une lignée d’imprimeurs lyonnais1. Les « Héritiers de Benoist Rigaud »Pierre Rigaud (mort en 1627)Claude Rigaud : un libraire entre Paris et LyonSimon RigaudIntermédiaires du livre entre Genève et Lyon au XVIIᵉ siècle : le cas de Jean de MontlyardL’auteur et ses sales petites mainsCorrection, continuation et hérésieLa traduction comme corruptionAffaires de religionLe Livre d’emblèmes et le livre de devises : foisonnement et diversité de l’emblématique à Lyon au XVIIᵉ siècleDeux tragi-comédies à machines imprimées à Lyon dans les années 1650L’imprimerie lyonnaise en 1682. Un regard sur la production liciteLa littérature clandestine et les libraires lyonnais au XVIIᵉ siècleLe pari du livre interditLe cas du libraire Adam DemenLyon capitale de la contrefaçon au XVIIᵉ siècle ?Le mythe du déclin irréversible de la librairie lyonnaiseL’adaptabilité lyonnaiseLa contrefaçon : une expression trop galvaudéeUne historiographie lacunaireUne Bibliothèque bleue lyonnaise ? Romans chevaleresques et livres « populaires » à Lyon (XVIIᵉ-XVIIIᵉ siècles)Destins divergents des vieux romans de chevalerieLivres « populaires » dans les inventaires après décès de libraires lyonnaisLa Bibliothèque bleue de Troyes, de Rouen, et… de Lyon ?ANNEXES
2. LIVRES ET POUVOIRSLes index de censure en France aux XVIᵉ et XVIIᵉ sièclesIntroduction : une question de réceptionLa France, marché primaire et secondaire d’indexAutres index étrangers produits en FranceVue générale sur la production d’index en FranceProduction intérieure et restrictions des usagesLes autres index en circulationANNEXEL’affaire Blégny (1688) : une « topographie générale » du livre interdit et de sa police dans le dernier tiers du XVIIᵉ siècleHiérarchisation des responsabilités et sociologie des amateurs de mauvais livres : une auctorialité complexe et diffuseÉclectisme : les trois dimensions politiques, religieuses et galantes des textes prisés par les amateurs de livres interditsUn goût pour la transgression sous toutes ses formes : une convergence des trois dimensions de la littérature critique vers le pamphlet satirique au seuil des années 1690 ?Censure « parisienne » et poésie « gasconne » : le cas de François MaynardUn premier niveau de représentation de la censure : la censure amicaleUn deuxième niveau de représentation de la censure : la censure des « polis du temps »Conclusion : un auteur en quête d’approbation et de légitimitéLa circulation des écrits en situation d’exil : le rôle de Mme de Murat dans le champ littéraire en France à la fin du règne de Louis XIVLa circulation des écrits, ou comment devenir la reine de LochesLa circulation des écrits ou la constitution d’un espace de fictionLa mise en place d’une culture du divertissementThe Dedication of Tragedies to Women (1659‑1689)Le Mercure François, un recueil périodique d’histoire politique du temps présentUn recueil continu d’histoire du temps présentLes vertus civiques et politiques de l’HistoireUn recueil périodique de la raison d’ÉtatDes femmes aux commandes. Les veuves d’imprimeurs à Paris dans la seconde moitié du XVIIᵉ sièclePratiques d’intermédiations et usages de livres dans la proximité du pouvoir : Cabart de Villermont (1628‑1707)Usages courtisans et contextuels du livre d’histoireMontrer un modèle en offrant le livre de Nicolas DenysFigures de Nicolas Denys et réemploi d’écritsUn best-seller de l’imprimerie clandestine : l’histoire éditoriale des ProvincialesLa parution des ProvincialesLe recueil des ProvincialesLes « états » du texteLes principales étapes de l’histoire éditoriale des ProvincialesANNEXELe XVIIᵉ siècle, enjeu intellectuel crucial pour les jésuites de la Belle Époque : l’exemple d’Henri ChérotUne fin de siècle mouvementée pour les jésuitesÉcrire pour valoriser son histoireL’œuvre ressuscité d’un poète jésuite du Grand SiècleUn écrivain prolifique et un bibliographe rigoureuxANNEXES
3. SAVOIRS DU LIVRE, SAVOIR PAR LE LIVREDe la production épistolographique savante du XVIᵉ siècle à sa vulgarisation au XVIIᵉ siècleLes typologiesLes plans typesLes concepts techniquesLe Livre aux lèvres. Apprendre à parler autrement dans les Conversations de Madeleine de ScudéryLe rôle des lectrices dans la circulation des Conversations de morale de Madeleine de ScudéryMadeleine de Scudéry et ses lectricesLes Conversations de Scudéry à Saint-CyrLes Conversations de Madeleine de Scudéry en AngleterreConstruction d’un savoir littéraire et expression de soi : les mémoires et anecdotes de Segrais (Caen, 1624‑1701)Double impératif de l’entretien : formuler une poétique et construire l’expérience du « je »L’Entretien comme miroir du locuteurLivre et diffusion des savoirs chez Charles Sorel : de la fiction narrative à la « Connoissance des bons Livres »L’Histoire comique de FrancionLa Solitude et l’Amour philosophique de CleomedeLa Science universelle et la promotion des « Novateurs en Philosophie »Les ouvrages bibliographiques de SorelUn livre pour suivre la messe ? « L’Exercice spirituel durant la sainte Messe » des Heures de Port-RoyalLe directeur portatifDe la librairie à la traduction dramatique : le livre de théâtre français en Prusse royale et en Pologne (1680-1730)Le livre de théâtre français dans les inventaires des libraires : caractéristiques généralesLes prix des livres de théâtre français selon les inventaires interfoliésLe livre de théâtre et la traductionANNEXES
III L’IMAGINAIRE DU LIVREMythophylacte : un homme de papier, ou la dérision des livresReconstituer la bibliothèque de Jean de La Fontaine : enjeux épistémologiques et esthétiquesVisions allégoriques et satiriques de la bibliothèque au XVIIᵉ siècleEntre « Mêmes » et « Autres » : les bibliothèques imaginées dans les récits utopiques de Foigny, Veiras, Fontenelle, Gilbert et Tyssot de PatotQuel(s) imaginaire(s) pour les livres dans les romans et les nouvelles de Madeleine de Scudéry ?Comment alors, nouvelle question, comprendre ou réduire cet apparent hiatus ?“Mon livre, je ne puis m’empescher de te plaindre” – Reflections on the Compilation of François Maynard’s 1646 ŒuvresThe Influence of Maynard’s correspondents on the ŒuvresThe Printing of the ŒuvresLa représentation de la « librairie » dans les mazarinadesLe marché des libellesLes acteursLes mazarinades, de la production éphémère à la mise en recueilPersonnages et acteurs : les imprimeurs-libraires dans le discours polémique des textes frondeursDu pamphlet éphémère au recueil : des imprimeurs-libraires aux collectionneurs.Gazettes et périodiques dans le théâtre comique du XVIIᵉ siècleLes références à la presse périodique« La gazette est souvent menteuse »« Que d’éloges charmants cousus les uns aux autres ! »Nicolas-Claude Fabri de Peiresc et la lecture empêchée. La lecture comme nécessité vitale dans quelques lettres de l’année 1629Un enjeu majeur pendant l’année 1629 : traverser ou ne pas traverserLa rétention des livres : entre empêchement et nécessité vitaleL’utilisation de la métaphore : « réalité » et monde des livres« Je voudrais bien en faire un bouillon et l’avaler » : consommation du livre, corps du lecteur et pratiques de la littérature dans la Correspondance de SévignéLa lecture, une des formes de la sustentation vitale : le livre dans la chaîne de l’existenceLa consommation du livre comme possibilité d’une vie en communSe nourrir et se médicamenter : le livre, une nourriture à part
IV LECTURES NUMÉRIQUESLe musée virtuel des Femmes illustres : nouvelles perspectives de recherche pour un renouvellement des formes de réceptionPourquoi les Femmes illustres de(s) Scudéry ?Les étapes du « projet Scudéry »Le salon des Femmes illustres : le système de publicationLa base de données comme chaînon entre bibliographie matérielle et interprétation esthétiqueDans les pas du bibliographe : papier et crayonSynthèses tabulairesLe remaniement des Délices en contexte : du tableur à la base de donnéesFréquence comparée des entrées et des sorties dans le théâtre du XVIIᵉ siècle : l’édition numérique au service de l’analyse dramaturgiqueComposition dramatique et motifs récurrentsQuantifier l’écart entre les entrées et les sortiesEntrées individuelles et sorties groupées : la question de la motivationCadence majeure, cadence mineure : la gestion de la tension dramatiqueLa disposition des scènes de confidenceLes livres français dans les catalogues de vente aux enchères des bibliothèques privées (Provinces-Unies, 1670‑1750)Bibliothèques et collectionneursDeux collectionneurs et leurs collections : Florentius Schuyl et Abraham de WicquefortPrésence des classiques du XVIIe siècle dans les bibliothèques néerlandaisesL’apport des livres en langue française dans les cataloguesConclusion
AVANT-PROPOS
Mathilde BOMBART (Université Jean Moulin Lyon 3)
Sylvain CORNIC (Université Jean Moulin Lyon 3)
Edwige KELLER-RAHBÉ (Université Lumière Lyon 2)
Michèle ROSELLINI (IHRIM-ENS de Lyon)
Le XVIIe siècle est marqué en France par une expansion sans précédent du marché du livre. Si certains auteurs s’inquiètent d’un développement qui multiplie les livres et élargit le lectorat en transformant en profondeur le rapport aux savoirs et à la culture écrite, la librairie gagne en légitimité en même temps que le monde des lettres se constitue en champ social. Cette expansion touche tous les centres de production et de diffusion. Lyon, notamment, qui s’est doté au siècle précédent d’imprimeries prestigieuses, joue à cet égard un rôle déterminant au point de s’imposer comme deuxième place éditoriale après Paris. Le cadre lyonnais, particulièrement riche en institutions et manifestations dédiées à l’histoire du livre, de l’imprimerie et de l’édition1, était ainsi tout indiqué pour accueillir un congrès international interrogeant les liens qui se nouent en France à cette période entre littérature, livre et librairie. Proposé à la North American Society for Seventeenth-Century French Literature (NASSCFL), société nord-américaine réunissant les spécialistes du XVIIe siècle français anglophones et francophones du monde entier, le projet a donné lieu à son 47e congrès annuel dont sont ici rassemblés les actes2.
Les questions que ce projet a permis d’ouvrir sont novatrices, à la fois dans les études dix-septiémistes, qui ont longtemps été curieusement réfractaires à l’approche des œuvres par le livre, et dans un contexte de recherche locale où des spécialistes des XVIIe et XVIIIe siècles œuvrent de longue date à l’exploration du domaine de l’écrit et de l’imprimé dans tous ses aspects, en prêtant une attention particulière au livre lyonnais3. Soutenu par l’Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (IHRIM-UMR 5317), le congrès s’est tenu sur quatre sites différents : ENS de Lyon, Université Lumière Lyon 2, Université Jean Moulin Lyon 3, École Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques (ENSSIB) qui nous ont apporté une aide importante, tant financière que logistique4.
L’objectif du congrès était d’observer les interactions politiques, économiques et culturelles entre le monde du livre et la création littéraire et d’interroger les représentations qui s’y attachent. Trois grands axes d’études ont structuré la réflexion et fédéré les questionnements des contributeurs et contributrices lors de ces quatre journées (21-24 juin 2017) : les supports de la publication, ses acteurs, et la législation sur le livre avec, plus largement, la question des rapports des livres aux pouvoirs civils et politiques du temps.
Portées par l’accès direct au patrimoine écrit et imprimé de la ville de Lyon qu’elles ont favorisé, ces journées ont connu un succès qui a dépassé nos attentes et confirmé l’intérêt de notre communauté scientifique pour le domaine de recherche que la manifestation mettait en lumière :
un comité scientifique international de chercheurs et chercheuses mondialement reconnu.es ;
127 intervenants et intervenantes, dont 53 internationaux en provenance d’Italie, d’Allemagne, de Suisse, de Hollande, du Royaume-Uni, de Pologne, de Russie, du Canada et des États-Unis ;
deux événements in situ destinés à faire découvrir la richesse du patrimoine du livre à Lyon : la présentation de livres anciens issus des fonds de la Bibliothèque Diderot de Lyon par Claire Giordanengo, responsable du département Patrimoine et conservation ; la visite du Musée de l’Imprimerie et de la Communication Graphique ;
deux conférences ouvertes au grand public dans des lieux d’accueil prestigieux impliqués dans le domaine, l’une prononcée par l’historien qui a ouvert en France la voie d’une histoire du livre au sens plein et large, incluant notamment celle des pratiques sociales qui lui sont associées, Roger Chartier, Professeur au Collège de France et à l’Université de Pennsylvanie (Bibliothèque municipale de Lyon, 22 juin 20175), l’autre par Jean-Dominique Mellot, historien du livre, conservateur général à la Bibliothèque nationale de France et chargé de conférences en histoire du livre à l’École pratique des hautes études (Archives départementales et métropolitaines du Rhône, 24 juin 20176).
La prise en compte de la matérialité du livre, non seulement comme support configurant le sens des écrits, mais aussi comme ensemble signifiant en soi, est au cœur du renouvellement épistémologique qu’ambitionnait de promouvoir le congrès. Nous avons souhaité que soit manifesté ce parti pris à travers l’architecture du présent volume. Il s’y dessine un parcours nettement orienté : des modes de publication ancrés dans leur contexte d’origine (I. La fabrique du livre) aux modes de diffusion actuels par le numérique (IV. Lectures numériques). La fabrique du livre se prolonge par une enquête sur ses usages dans un contexte social historiquement situé (II. L’imprimé dans la société) où il produit aussi des formes d’imaginaire spécifiques (III. L’imaginaire du livre).
L’objet de la première partie est le livre saisi dans son processus d’élaboration et de diffusion, de l’atelier aux différents circuits de la librairie. À cet égard, le livre mérite d’être envisagé à partir de son état manuscrit (1. Usages du manuscrit) et de son iconographie, très présente dans certains genres littéraires en raison d’enjeux culturels et politiques (2. Le livre illustré). De qui le livre porte-t-il la marque ? Dans la chaîne de fabrication, les stratégies d’appropriation des différents co-élaborateurs de l’œuvre peuvent se révéler complémentaires ou conflictuelles (3. Pratiques éditoriales).
Ces fortes tensions autour du livre témoignent de son importance sociale : telle est la perspective de la deuxième partie. Le collectif ne pouvait négliger Lyon en tant que centre majeur de l’édition. Outre ce que l’imprimé lyonnais doit à sa floraison renaissante, quels sont les traits spécifiques de son évolution au XVIIe siècle ? Et quelles sont les modalités d’exercice des métiers du livre en cette période (1. Le livre à Lyon) ? Il faut conserver à l’esprit leur encadrement sous le contrôle des instances des pouvoirs civils et monarchiques, mais aussi le poids des luttes d’influence et des clientèles dans le monde de l’édition, qui se manifeste, par exemple, dans la production de l’actualité (2. Livres et pouvoirs) et les formes prises par le renouvellement des savoirs théoriques et pratiques (3. Savoirs du livre, savoir par le livre).
L’expansion du marché de la librairie a pu susciter de l’adhésion ou, au contraire, de la résistance, déterminant un imaginaire du livre qu’explore la troisième partie. Les résistances s’expriment par des fictions critiques qui prennent l’allure de bibliothèques imaginaires et de représentations satiriques du monde de l’édition. Quant à la présence croissante dans la société des ouvrages imprimés, elle se manifeste par leur intense circulation dans les sphères mondaines et/ou érudites, ainsi que par la pratique élargie du commentaire dont témoignent les correspondances, autre lieu d’appropriation imaginaire du livre.
Tout autre est l’imagination qui dynamise les entreprises éditoriales « 2.0 » dont rend compte la quatrième et dernière partie. Cette partie ne restitue que très partiellement la richesse des apports du congrès dans le domaine des humanités numériques puisqu’il s’est agi, pour la plupart des contributeurs et contributrices, de présenter des sites et des bases de données, souvent en cours de construction. En s’emparant des corpus textuels du XVIIe siècle, ils apportaient la preuve de la vitalité de ces nouvelles pratiques éditoriales. Temps fort de la réflexion scientifique, ces approches numériques disent beaucoup d’une modification de nos rapports aux textes et de nos réflexes méthodologiques qui a animé l’ensemble du congrès.
La priorité donnée au livre et à la librairie à cette occasion produit d’ores et déjà ses effets dans nos pratiques de littéraires tant sur le plan scientifique que pédagogique. Dans sa conférence, Jean-Dominique Mellot n’a pas hésité à qualifier le congrès de « moment historiographique » dans la mesure où le « postulat de symbiose » entre les historiens de la littérature et les historiens du livre était, selon lui, « proprement impensable il y a quelques décennies » encore. Ces propos formalisent une tendance de la recherche en vigueur depuis quelques années dans les études littéraires d’Ancien Régime. Ils désignent un nouveau courant de critique littéraire, ainsi que de nouvelles frontières, expansives, à la catégorie de « littérature » et aux objets, comme aux méthodes, dont les études littéraires peuvent se saisir. C’est à cette dynamique que ce volume d’actes, dans le sillage du congrès dont il est issu, entend donner visibilité, cohésion et légitimité.