Kitabı oku: «Maintenant et À Tout Jamais», sayfa 13
CHAPITRE QUINZE
Il était tard, la fête était terminée depuis longtemps, quand Emily entendit enfin le bruit de la moto de Daniel s’élever de la rue et tourner dans l’allée menant à la maison. Elle se leva du lit et regarda sa silhouette par la fenêtre tandis qu’il enlevait son casque et marchait vers la remise.
Emily s’enveloppa dans sa robe de chambre puis enfila ses chaussons. Elle alla en bas des escaliers et dehors par la porte avant. L’herbe était moelleuse alors qu’elle traversait l’allée vers la remise. De la lumière provenait de l’intérieur, et se déversait sur la pelouse.
Elle frappa à la porte puis recula, enroulant ses bras autour d’elle pour repousser l’air frais de la nuit.
Daniel vint ouvrir la porte. Quelque chose dans l’expression de son visage lui dit qu’il savait déjà que ce serait elle qui se tiendrait là.
« Où étais-tu ? », demanda-t-elle. « Tu as manqué la fête. »
Daniel prit une profonde inspiration. « Écoute, pourquoi ne rentres-tu pas ? Nous pouvons en parler autour d’un thé plutôt que de nous tenir là dans le froid. » Il tint la porte ouverte pour elle. Emily rentra.
Daniel prépara du thé pour tous les deux et Emily resta silencieuse tout au long, attendant qu’il soit le premier à parler, à fournir une explication à son comportement. Mais il demeurait bouche cousue, et il ne lui resta aucune autre option.
« Daniel », dit-elle énergiquement, « pourquoi as-tu manqué la fête ? Où étais-tu ? J’étais inquiète. »
« Je sais. Je suis désolé. Je n’aime juste pas ces gens, d’accord ? », dit-il. « Ce sont ceux qui m’ont considéré comme un bon à rien quand j’étais gosse. »
Emily fronça les sourcils. « C’était il y a vingt ans. »
« Cela ne compte pas, que ça ait été il y a vingt ans ou vingt minutes, pour ces gens. »
« Tu chantais leurs louanges dans le port », dit Emily. « Soudain maintenant tu les déteste ? »
« J’apprécie certains d’entre eux », contesta Daniel. « Mais ce sont pour la plupart des gens de la ville à l’esprit étriqué. Crois-moi, cela aurait été pire si j’avais été là. »
Emily leva un sourcil. Elle voulait lui dire qu’il avait tort, que tous ces gens s’étaient avérés être des personnes chaleureuses et drôles. Qu’elle commençait à les considérer comme des amis. Mais la dernière chose qu’elle voulait était d’avoir une dispute avec Daniel quand la phase état de grâce avait à peine commencée.
« Pourquoi ne m’as-tu simplement pas dit que tu ne voulais pas venir à la fête ? », dit-elle enfin, forçant sa voix à être calme. « Je me suis sentie comme une idiote à t’attendre. »
« Je suis désolé », soupira Daniel avec regret, puis il posa une tasse de thé devant elle. « Je sais que je n’aurais pas dû disparaître comme ça. C’est juste que je suis tellement habitué à être seul, à n’avoir personne à qui rendre des comptes. C’est une partie de qui je suis. Avoir soudain tous ces gens autour, c’est beaucoup à gérer à la fois pour moi. »
Emily se sentit mal pour lui, pour la manière dont il se sentait plus à l’aise seul. Pour elle, cela ne paraissait pas être un trait joyeux à posséder. Mais cela n’excusait cependant pas son comportement.
« Je veux dire, juste Cynthia seule aurait été assez mauvais », ajouta Daniel avec un sourire penaud.
Malgré elle, Emily rit. « Tu aurais juste dû me le dire », dit-elle.
« Je le sais », répondit Daniel. « Si je promets de ne plus m’envoler comme ça, me pardonneras-tu ? »
Emily ne pouvait pas rester en colère contre lui. « J’imagine », dit-elle.
Daniel se pencha et lui prit la main. « Pourquoi ne ms dis-tu pas comment c’était ? De quoi avez-vous tous parlé ? »
Emily lui lança un regard. « Tu veux que je raconte toutes les conversations de personnes dont tu viens de me dire que tu les détestais ? »
« Je ne le détesterait pas venant de toi », dit Daniel avec un sourire.
Emily leva les yeux au ciel. Elle voulait rester en colère contre Daniel un peu plus longtemps pour lui donner une leçon, mais elle ne pouvait simplement pas s’en empêcher. De plus, elle avait quelques grosses nouvelles à lui annoncer concernant le B&B, et elle ne pouvait les retenir plus longtemps. Elle essaya de réprimer son enthousiasme, mais se retrouva incapable de le contenir.
« Eh bien, le principal sujet de conversation », dit-elle, « était de transformer la maison en B&B. »
Daniel recracha presque la gorgée qu’il venait de prendre. Il leva les yeux par-dessus le bord de sa tasse de thé. « En quoi ? »
Emily se tendit, soudaine nerveuse se raconter à Daniel son nouveau rêve. Et s’il ne la soutenait pas ? Il venait tout juste de lui dire qu’être seul était une partie de qui il était, et maintenant elle était sur le point de l’informer qu’avoir toutes sortes d’étrangers flânant à travers la propriété pourrait devenir chose courante.
« En chambres d’hôtes », dit-elle, la voix plus basse et plus timide.
« Tu veux faire ça ? », demanda Daniel, en posant sa tasse. « Gérer un B&B ? »
Emily enroula ses mains autour de sa propre tasse comme pour se rassurer et changea de position dans son siège. « Eh bien…peut-être. Je l’ignore. Je veux dire j’ai besoin de faire les calculs d’abord. Je ne pourrais probablement même pas me permettre de le faire sortir du sol. » Elle balbutiait maintenant, essayant de minimiser l’idée, incertaine de ce que Daniel en ferait.
« Mais si tu pouvais te le permettre, c’est ce que tu voudrais ? », demanda-t-il.
Emily leva les yeux et rencontra les siens. « C’est ce que je voulais quand j’étais plus jeune. C’était mon rêve, en fait. Je ne pensais simplement pas que je serais douée pour ça donc j’ai arrêté d’y penser. »
Daniel tendit les mains et les posa sur les siennes. « Emily, je pense que tu serais extraordinaire pour ça. »
« Tu le penses ? »
« Je le sais. »
« Donc tu ne penses pas que ce soit une idée calamiteuse ?
Daniel secoua la tête et fit un grand sourire. « C’est une super idée ! »
Elle s’illumina soudain. « Tu le penses vraiment ? »
« Absolument », ajouta-t-il. « Tu serais une hôtesse formidable. Et si tu as besoin d’argent à y mettre je serais heureux d’aider. Je n’ai pas beaucoup mais je te donnerais tout ce que j’ai. »
Même si elle était touchée par son offre, Emily secoua la tête. « Je ne pourrais pas prendre ton argent, Daniel. Tout ce dont j’ai vraiment besoin pour faire démarrer les choses, c’est une chambre décente et un bol de café. Une fois que j’aurais eu le premier invité, je pourrais réinjecter les profits directement dans l’affaire. »
« Même ainsi », dit Daniel. « Si tu as besoin d’un travail de rénovation à faire, d’un travail dans les massifs et autres, tu sais que je serais heureux d’intervenir. »
« Vraiment ? », demanda à nouveau Emily, encore incapable d’y croire. « Tu ferais ça pour moi ? » Elle repensa à la générosité de Daniel, et comment il avait fait le nécessaire pour elle quand elle était dans le besoin. « Tu penses vraiment que c’est une bonne idée ? »
« Oui », lui assura Daniel. « J’adore l’idée. Quelle chambre voudrais-tu rénover d’abord ? »
Durant leurs trois derniers mois passés à restaurer la propriété, ils n’avaient pas fait beaucoup de progrès à l’étage. Il n’y avait que la vieille chambre des parents d’Emily – maintenant la sienne – et la salle de bain qui avaient été terminées. Elle aurait besoin de sélectionner une autre des pièces pour se concentrer dessus.
« Je ne le sais pas encore », dit Emily. « Probablement une des grandes à l’arrière. »
« Une avec vue sur l’océan ? », suggéra Daniel.
Emily haussa légèrement les épaules. « Je devrais y réfléchir encore un peu d’abord. Mais cela ne prendrait pas très longtemps pour la réparer, non ? Je pourrais l’avoir de prête pour la saison touristique. Si j’obtiens le permis, cela va sans dire. »
Daniel semblait être d’accord. Autour de leur tasse de thé ils passèrent en revue tous les détails, la quantité de temps et d’argent dont ils auraient besoin pour avoir une chambre de prête et un menu ensemble à temps pour l’afflux estival de touristes.
« Ce serait risqué », dit Daniel, en s’enfonçant dans son fauteuil et en regardant le papier devant lui, griffonné de chiffres et d’additions.
« Ça le serait », convint Emily. « Mais une fois encore quitter mon travail et rompre avec mon petit ami depuis sept ans était risqué, et regarde comment cela s’est bien déroulé. » Elle se pencha en avant et serra le bras de Daniel. Quand elle le fit, elle sentit une hésitation en lui. « Est-ce que tout va bien ? », demanda-t-elle, en fronçant les sourcils.
« Ouais », dit Daniel, qui se leva et ramassa les tasses vides. « Je suis juste fatigué. Je pense que je vais aller me coucher. »
Emily se mit debout alors qu’il lui venait soudain à l’esprit qu’il lui demandait de partir. La passion des soirs précédents semblait avoir été complètement éteinte. La romance de leur matinée dans le jardin des roses dispersée. L’excitation de leur virée en moto le long des falaises disparue.
Serrant sa robe de chambre autour d’elle, Emily approcha et embrassa Daniel sur le joue. « Je te vois plus tard ? », demanda-t-elle.
« Oui oui », répondit-il, sans la regarder dans les yeux.
Désorientée et blessée, Emily quitta la remise et entreprit la marche froide et solitaire pour retourner dans sa propre maison et passer la nuit seule.
*
« Bonjour, Rico ! », s’écria Emily entrait nonchalamment dans la brocante sombre et pleine à craquer le jour suivant.
À la place de Rico, ce fut la tête de Serena qui surgit de derrière la table qu’elle était en train de vieillir habilement. « Emily ! Comment ça se passe avec Mr. Sexy ? Je n’ai jamais eu l’occasion de bien te parler à propos de la fête. »
Daniel était parmi les dernières choses dont Emily voulait discuter à ce moment-là. « Si tu m’avais demandé ça il y a deux jours, j’aurais dit que ça allait incroyablement bien. Mais maintenant je n’en suis pas si certaine. »
« Oh ? », dit Serena. « C’est un de cela, n’est-ce pas ? »
« Un de quoi ? »
« Qui s’amourache trop profondément et se font peur. Je l’ai vu des millions de fois. »
Emily n’était sûre de comment quelqu’un de vingt ans pouvait avoir vu quoi que ce soit un million de fois, mais elle ne le dit pas. Elle ne voulait vraiment pas s’engager dans une conversation sur Daniel dans l’immédiat.
« Bon, je cherche une paire de pièces spécifiques », dit Emily, fouillant dans son sac pour trouver la liste qu’elle et Daniel avaient faite la nuit passée avant qu’il ne la mette effectivement à la porte de sa maison. Elle la tendit à Serena. « Je ne suis pas encore prête pour acheter quoi que ce soit, je veux juste avoir quelques chiffres approximatifs. »
« Bien sûr », dit la jeune femme en rayonnant. « J’aurais juste à faire un tour. » Elle était sur le point de partir dans le magasin quand elle s’arrêta. « Eh, tout ça ce sont des affaires pour une chambre. Est-ce… »
« Pour un B&B ?é, sourit Emily, et elle remua les sourcils. « Ouep. »
« C’est tellement cool ! », s’exclama Serena. « Tu vas vraiment le faire ? »
« Eh bien », dit Emily, « il faudra que j’obtienne le permis d’abord, ce qui veux dire aller à une réunion de la ville. »
« Oh pfff, ce sera facile », dit Serena, agitant une main dédaigneuse. « Cela veut-il dire que tu ne retourneras pas à New York ? »
« J’ai besoin d’obtenir le permis d’abord », répéta Emily avec un ton légèrement plus sévère.
« J’ai compris », dit Serena, en faisant craquer ses doigts. « Permis d’abord. » Elle esquissa un grand sourire et s’éloigna.
Emily sourit intérieurement, heureuse de savoir qu’il y avait au moins une personne qui semblait sincèrement vouloir qu’elle reste dans les parages de Sunset Harbor, pas seulement à cause des profits qu’elle pourrait rapporter aux environs mais parce qu’ils l’appréciaient.
Elle s’approcha du tiroir de poignées de portes et commença à regarder dedans. Rico avait une collection à rivaliser avec celle de son père, même si celles de Rico était en bien meilleur état. Elle envisageait un bleu poudré pour la couleur de la chambre, et voulait de délicates poignées de verre pour aller sur la commode.
Pendant qu’elle fouillait dans le tiroir de poignées et de boutons, elle entendit deux voix entrer dans le magasin derrière elle.
« Stella a dit qu’elle l’a vu en haut des falaises encore hier, à conduire sa moto pendant des heures et des heures », dit une des voix.
Emily fit une pause et fit un effort pour mieux les entendre. Pouvaient-elles parler de Daniel ? Il avait un penchant pour conduire sa moto sur les falaises, et il était parti pendant un très long moment la veille.
« Et il était au festival dans le port l’autre jour », dit la seconde voix.
Emily sentit son pouls accélérer. Daniel avait été au festival. Eh bien, tout le monde aussi, mais tout le monde ne chevauchait pas une moto le long des falaises. Elle était certaine qu’elles cancanaient à propos de Daniel.
« Tu ne penses pas qu’il a réaménagé en ville, n’est-ce pas ? », disait la seconde voix.
« Eh bien, Stella a une théorie, qu’il ne serait jamais parti », dit la première.
« Oh là là. Vraiment ? Rien que l’idée me donne des frissons. Tu veux dire qu’il a été dans la vieille maison pendant tout ce temps ? »
« Oui, exactement. Stella m’a dit que quelqu’un lui a dit qu’il était au vide-grenier que cette nouvelle fille avait organisé là-bas l’autre jour. »
Emily sentit son corps tout entier de glacer tandis que les voix continuaient à jaser.
« Vraiment ? Seigneur ! Quelqu’un devrait la prévenir ! »
Certaine maintenant que les deux femmes parlaient de Daniel, Emily sortit de la pénombre. « Me prévenir à propos de quoi ? », dit-elle froidement.
Les deux femmes s’arrêtèrent et la dévisagèrent comme deux lapins pris dans les phares d’une voiture.
« J’ai dit », répéta Emily, « me prévenir à propos de quoi ? »
« Eh bien », commença la première femme, la voix à présent soudain tremblante. « C’était Stella qui a dit qu’elle l’avait vu. »
« Vu qui ? »
« Le fils des Morey, j’ai oublié son nom. Dustin. Declan. »
« Douglas », l’informa avec assurance l’autre femme.
« Non, c’est plus exotique que cela. Plus inhabituel », contesta la première.
Emily croisa les bras et leva un sourcil. « C’est Daniel. Et qu’y a-t-il à propos de lui ? »
« Eh bien », dit la première femme, « il a une réputation. »
« Une réputation ? », dit Emily.
« Avec les femmes », ajouta-t-elle. « Il a laissé beaucoup de femmes avec le cœur brisé, ce Declan. »
« Douglas », dit la seconde femme.
« Daniel », les corrigea Emily.
La première femme secoua la tête. « Ce n’est pas Daniel, chérie. Je ne peux pas me souvenir de son nom, mais ce n’est définitivement pas Daniel. »
« Je te le dis, c’est Douglas », dit la seconde femme.
Emily commençait à être contrariée. Elle ne voulait pas croire ce que les femmes disaient à propos de Daniel – à propos des femmes de son passé – mais elle ne pouvait empêcher le doute sournois qu’elles créaient dans son esprit. « Écoutez, je suis sûre que tout cela était il y a longtemps. Les gens changent. Daniel n’est plus comme ça et je ne vais pas m’engager dans cette discussion avec vous. Vous devriez vous mêler de vos propres affaires, d’accord ? »
La première femme fronça les sourcils. « Ce n’est pas Daniel ! Honnêtement, ma fille, j’ai été dans cette ville beaucoup plus longtemps que vous. Le nom de ce garçon n’est pas Daniel. »
La seconde femme frappa dans ses mains. « Je l’ai ! Dashiel. »
« Oui, c’est ça ! Dashiel Morey. »
Juste à cet instant-là Serena apparut. Elle s’arrêta en cours de mouvement quand elle vit les deux femmes âgées debout là et Emily à l’air troublé.
« Je dois y aller », dit Emily, tournant les talons, et elle sortit à grandes enjambées du magasin.
Dès qu’elle fut dehors dans le soleil printanier, Emily se pencha et commença à prendre de grandes inspirations. Elle avait l’impression de faire de l’hyperventilation. Son esprit semblait tournoyer. Même si elle savait que les vieilles femmes n’étaient que des fouineuses, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir ébranlée par ce qu’elles avaient dit, par leur certitude quant au nom de Daniel, à propos de ses imprudences passées avec des femmes. Et bien qu’Emily ait été avec l’esprit, le corps et l’âme de Daniel, elle eut la soudaine et affreuse réalisation qu’elle ne le connaissait pas vraiment du tout, que l’on ne pouvait pas réellement connaître quelqu’un de toute manière. Son père lui avait appris cela. Si un homme de famille aimant pouvait quitter les siens pour ne plus jamais être revu, alors un homme qu’elle n’avait connu que pendant quelques mois pouvait mentir sur son nom.
Et ses intentions.
CHAPITRE SEIZE
Emily conduisit rapidement jusque chez elle, la vision troublée par les larmes. Elle ne voulait pas réagir avec excès, mais elle n’avait vraiment aucune autre option. Daniel lui avait menti à propos de la part la plus fondamentale de son être : son nom. Quel genre de personne faisait cela ? Même s’il avait changé son nom parce qu’il l’avait détesté ou était embarrassé par lui, c’était la sorte de chose à laquelle Emily se serait attendue qu’elle survienne dans la conversation à un moment ou à un autre. Elle ne se faisait pas appeler par son nom entier Emily Jane, mais elle en avait quand même parlé à Daniel et même alors, dans cette conversation spécifique concernant les noms, Daniel n’était pas intervenu et n’avait rien dit. Ce qui la poussait à croire que c’était parce qu’il lui cachait délibérément son identité.
Et s’il pouvait lui mentir à propos de ça, alors peut-être que ce que les femmes avaient dit à propos de la série de cœurs brisés qu’il avait causé pouvait être vrai aussi.
Alors qu’elle s’arrêtait devant la maison, Emily vit que Daniel était dans le jardin, prenant soin des arbustes. Il leva les yeux, sourcils froncés, au bruit de son approche rapide et des freins grinçants tandis qu’elle arrêtait brusquement la voiture. Elle la gara sans faire attention avec un angle étrange, puis bondit du siège, la laissant avec le moteur en marche et la porte grande ouverte. Ensuite, elle traversa l’allée comme un ouragan en se dirigeant droit vers Daniel.
« Qui es-tu ? », cria-t-elle, lui donnant un coup dans le torse quand elle l’atteignit.
Daniel chancela en arrière, l’air confus et abasourdi. « Mais qu’elle genre de question est-ce ? »
« Dis-moi ! », hurla Emily. « Ton nom n’est pas Daniel, n’est-ce pas ? C’est Dashiel. Dashiel Morey. »
Un creux se forma entre les sourcils de Daniel. « Comment — »
« Comment l’ai-je découvert ? », s’écria Emily sur un ton accusateur. « Il a fallu que je l’entende de la bouche de deux vieilles femmes à la brocante. Parce que tu n’avais pas les tripes pour me le dire toi-même. Tu sais à quel point c’était humiliant pour moi ? » Elle pouvait sentir son sang bouillir à ce souvenir horriblement gênant.
« Emily, écoute, je peux l’expliquer », dit Daniel, en mettant ses mains sur ses épaules.
Emily les repoussa. « Ne me touche pas. Tu m’as menti pendant tout ce temps. C’est vrai. Dis-moi juste sans détours que ton nom n’est pas Dashiel ? »
« Oui. Mais c’est juste mon nom qui a changé. C’est — »
« Je ne peux pas le croire. Et les femmes ? C’est complètement vrai, n’est-ce pas ! » Elle leva les mains au ciel, exaspérée.
« Les femmes ? », demanda Daniel, sourcils froncés.
« Tous ces cœurs que tu as brisés ! Tu as une réputation, Daniel. Ou devrais-je dire Dashiel ? » Elle se détourna, les larmes lui piquant les yeux. « Je ne sais même plus qui tu es. »
Daniel souffla avec émotion. « Si tu le sais, Emily. Je suis exactement la même personne que j’ai toujours été. »
« Mais QUI est-ce ? », cria Emily, agitant un doigt devant son visage. « Un criminel violent qui envoie les gens à l’hôpital ? Un photographe sensible fuguant de chez lui ? Un séducteur qui utilise les femmes puis les abandonne une fois qu’il en a fini avec elles ? Ou es-tu seulement le gardien silencieux et bredouillant qui profite de moi ? »
La bouche de Daniel s’ouvrit en grand et Emily sut qu’elle était allée trop loin. Mais elle ne pouvait supporter d’être trompé, par Daniel par-dessus tout, après tout ce qu’ils avaient traversé ensemble. Elle avait tant partagé avec lui – ses rêves, son passé, son lit. Elle lui avait fait confiance, peut-être naïvement.
« C’est en dessous de la ceinture », rétorqua Daniel.
« Je te veux hors de ma propriété », cira Emily. « Hors de a remise. Vas-t-en ! Prend ta stupide moto avec toi ! »
Daniel la fixa seulement des yeux, son expression quelque part entre la consternation et la déception. Emily ne pensait pas l’avoir jamais vu la regarder ainsi. C’était comme une dague dans son cœur de voir cette air dans ses yeux, de savoir qu’il était dirigée vers elle et que ses mots cruels l’avaient causé.
Daniel ne prononça pas un autre mot. Il marcha calmement jusqu’au garage et fit sortir sa moto. Ensuite il la fit ronfler, lui jeta un dernier regard de pierre, et s’éloigna.
Emily le regarda partir, les mains serrées, le cœur battant violemment, se demandant si cela allait être la dernière fois qu’elle le verrait.
*
Emily retourna à la maison d’un pas lourd. La dispute avec Daniel l’avait vidée, l’avait épuisée. Elle voulait désespérément parler à Amy, mais avait récemment eu le sentiment que son amie devenait exaspérée par elle. Leurs échanges de messages étaient devenus plus courts, moins fréquents, et des jours pouvaient passer sans avoir de nouvelles d’elle. Si elle l’appelait maintenant avec des malheurs à propos d’un homme qu’elle n’avait même pas pris le temps de dire à Amy qu’elle voyait, cela serait probablement le coup dur pour leur amitié.
Tandis qu’elle marchait dans le couloir, elle eut l’impression que tout avait été contaminé par Daniel. Les gouttes de peintures sur le plancher à côté de la cage d’escalier de quand ils avaient peint le hall et qu’il avait éternué. Le cadre légèrement de guingois qu’ils avaient passé une bonne partie de l’heure à essayer de le mettre droit avant d’abandonner et de conclure que ce devait simplement être le mur qui était de travers, pas le cadre. Partout où elle se tournait, elle avait un souvenir de Daniel. Mais là maintenant Emily voulait s’éloigner de lui, pas juste physiquement mais aussi mentalement. Et c’est quand il lui vint à l’esprit qu’il y avait une pièce dans la maison dans laquelle elle n’avait pas mis un pied, qui n’était pas entachée par Daniel. Une pièce qui était demeurée parfaitement préservée, pas seulement pendant les vingt dernières années, mais vingt-huit. Et il s’agissait de la chambre qu’elle et Charlotte partageaient.
Emily montait les escaliers à présent, pleine d’angoisse. Depuis qu’elle était arrivée ici, elle avait évité la pièce. C’était une habitude qu’elle avait prise à ses parents, qui n’étaient jamais allés à l’intérieur après la mort de Charlotte. Ils avaient immédiatement transféré Emily dans une autre pièce de la maison, avaient fermé la porte de celle qui leur rappelait leur enfant décédé, et ne l’avait simplement jamais rouverte. Comme si c’était aussi aisé d’éradiquer la douleur de sa mort.
Emily marcha droit le long du couloir et alla jusqu’à la porte. Elle pouvait voir les légères égratignures et bosses sur le bois, de quand elle et sa sœur claquaient négligemment la porte en passant en courant tout en jouant au chat. Elle posa sa main contre elle, se demandant si maintenant était un mauvais moment pour le faire, puisqu’elle était déjà dans un état fragile, ou si aller à l’intérieur était une sorte était une sorte de punition pour elle-même, un moyen de s’auto-infliger de la douleur. Mais elle voulait être proche de sa sœur. La mort de Charlotte lui avait dérobé la possibilité d’avoir quelqu’un à qui se confier. Elle n’avait jamais pu lui parler de ses problèmes avec les garçons ou de ses malheurs de cœur. Maintenant elle avait le sentiment que ce serait le plus près qu’elle pourrait être de sa sœur. Ainsi, elle agrippa la poignée de la porte, la tourna, et franchit le seuil d’une pièce qui avait été préservée dans le temps.
Marcher dans cette chambre était comme dégager une capsule temporelle ou pénétrer dans une photographie de famille. Emily fut immédiatement frappée par une nostalgie écrasante. Même son odeur, toutefois cachée sous celle de la poussière, lui rappelait des souvenirs et des sensations qu’elle avait quasiment oubliées. Elle fut incapable de retenir ses larmes. Un grand sanglot la traversa et elle mit la main à sa bouche tout en faisant un petit pas en avant dans la pièce qui contenait tous ces précieux souvenirs de sa sœur.
On avait donné aux filles la plus grande pièce de la maison. Il y avait une mezzanine à une extrémité et de gigantesques fenêtres allant du sol au plafond, avec une vue sur l’océan. Emily eut un flash d’elle faisant grimper ses poupées à l’échelle de la mezzanine, prétendant qu’il s’agissait d’une montagne et qu’elles étaient des explorateurs intrépides. Emily sourit tristement en son for intérieur à ce souvenir d’un temps depuis longtemps passé.
Elle arpenta la pièce, ramassant des objets qui étaient restés intacts pendant au moins trois décennies. Une tirelire en forme d’ours. Un poney en plastique rose fluo. Elle ne put s’empêcher de laisser échapper un rire face à tous les jouets criards avec lesquels elle et Charlotte avaient rempli la chambre. Cela avait dû rendre sa mère folle que ses filles soient dans la plus belle et élégante pièce de la maison et l’aient rempli de pieuvres arc-en-ciel. Même les poupées en bois dans le coin avaient été couvertes d’autocollants et de paillettes.
Il y avait une grande armoire encastrée d’un côté de la pièce. Emily se demanda si les tenues de princesse habillées étaient encore à l’intérieur. Elles avaient toutes celles de Disney. Sa favorite avait été celle de la Petite Sirène et celle de Charlotte Cendrillon. Emily se rapprocha et ouvrit la porte. Quand elle regarda à l’intérieur elle découvrit que toutes les tenues de Charlotte étaient encore pendues là, pas touchées depuis son décès.
Soudain, regarder les vêtements provoqua un autre flashback à Emily. Mais celui-là était plus vif que les morceaux de souvenirs qui lui étaient revenus pendant qu’elle parcourait la pièce. Celui-ci paraissait réel, immédiat, et plus dangereux. Elle s’agrippa au mur pour se stabiliser tandis qu’elle voyait, avec clarté, le moment où sa prise sur la main de Charlotte avait glissé et que la petite fille avait disparu, son imperméable rouge vif avalé par la pluie grise.
« Non ! », cria Emily, qui savait comment l’histoire se terminait, et voulait désespérément stopper l’inévitable, le moment où sa sœur tombait dans l’eau et se noyait.
Puis soudain la vision fut finie et Emily fut de retour dans la chambre, les paumes moites de sueur, le cœur battant à toute vitesse. Elle baissa les yeux pour découvrir qu’elle serrait fermement la manche de ce même imperméable ; ses pois étaient facilement reconnaissables. Elle avait dû l’empoigner durant ce terrifiant souvenir.
Attends, pensa soudain Emily, observant le minuscule imperméable rouge dans ses mains.
Elle tâtonna dans l’armoire et trouva les bottes de Charlotte avec un dessin de coccinelle.
Emily avait toujours cru que Charlotte était tombée dans les eaux et s’était noyée car elle avait lâché sa main dans cet orage. Mais ses vêtements étaient là. À moins que sa mère et son père ne les aient fait nettoyer après que le corps de Charlotte leur ait été rendu, puis les aient remis dans l’armoire avec tous ses autres habits, Charlotte avait dû rentrer à la maison ce jour-là, en vie et en sécurité. Se pouvait-il qu’Emily ait combiné deux évènements dans son esprit ? Que la mort de Charlotte soit survenue après l’orage ? Avait-elle était causée par quelque chose d’autre ?
En un éclair, Emily sortit en courant de la pièce, descendit vers là où son portable était, sur son perchoir habituel à côté de la porte d’entrée. Elle le saisit, fit défiler les numéros, et composa celui de sa mère. Le bruit de la sonnerie emplit son oreille.
« Allez, décroche », marmonna-t-elle dans sa barbe, voulant que sa mère réponde.
Enfin, elle entendit le grésillement qui indiquait que l’appel était connecté, et ensuite elle entendit la voix de sa mère pour la première fois depuis des mois.
« Je me demandais quand tu allais prendre ton téléphone et t’excuserais auprès de moi pour avoir fui New York. »
« Maman », balbutia Emily. « Ce n’est pas pour ça que j’appelle. J’ai besoin de te parler de quelque chose. »
« Laisse-moi deviner », dit sa mère en en soupirant. « Tu as besoin d’argent. C’est ça ? »
« Non », dit Emily énergiquement. « J’ai besoin de te parler de Charlotte. »
Il y eut un long silence pesant à l’autre bout du téléphone.
« Non tu n’en as pas besoin », dit finalement sa mère.
« Si », insista Emily.
« C’était il y a longtemps », dit sa mère. « Je ne veux pas remuer le passé. »
Mais Emily n’allait plus la laisser se fabriquer des excuses. « S’il te plaît », supplia-t-elle. « Je ne veux pas ne jamais parler d’elle. Je ne veux pas oublier. Ce n’est pas comme si nous avions quelqu’un d’autre. »
À cela, sa mère parut s’adoucir. Mais elle était aussi directe qu’elle l’avait toujours été. « Qu’est-ce qui t’as fait décider soudainement que tu voulais me parler d’elle ? »
Emily se mâchonna la lèvre, sachant que sa mère n’aimerait pas la réponse. « C’est papa, en fait. Il m’a laissé une lettre. »
« Oh, il a fait ça maintenant ? », dit sa mère, l’amertume manifeste dans sa voix. « Comme c’est gentil de sa part. » Emily essaya de ne pas nourrir la colère de sa mère. Elle ne voulait pas s’engager dans cette vieille querelle concernant son père. « Et que disait la lettre à propos de Charlotte ? »