Kitabı oku: «Maintenant et À Tout Jamais», sayfa 14
Emily dansait d’un pied à l’autre. Même après des mois loin de sa mère déroutée, le vieux besoin de lui plaire refit surface, rendant Emily anxieuse et agitée. Il lui fallut un moment pour formuler sa phrase, pour faire sortir les mots qu’elle avait besoin de prononcer.
« Eh bien, il a dit que ce n’était pas de ma faute si Charlotte était morte. »
Il y eu une autre longue pause à l’autre bout de la ligne. « J’ignorais que tu pensais que c’était de ta faute. »
« Pourquoi l’aurais-tu su ? », dit Emily. « Nous n’en avons jamais parlé. »
« Parce que je ne pensais pas qu’il y avait quoi que ce soit à dire », dit sa mère, sur la défensive. « C’était un accident et elle et morte et c’était tout. Mais qu’est-ce qui a pu te donner l’impression que tu étais à blâmer de quelque manière que ce soit ? »
Emily sentit son esprit tourbillonner à nouveau. Cela paraissait si étranger d’être engagée dans cette conversation avec sa mère après tant d’années de silence, et tant de mois de séparation. Elle sentit une pointe de douleur se loger dans sa gorge tandis que des larmes trouvaient leur chemin vers ses yeux. « Parce que j’ai lâché sa main dans l’orage », bégaya-t-elle entre ses sanglots. « Je l’ai perdue et ensuite elle s’est noyée dans l’océan. »
Sa mère soupira bruyamment. « Ce n’était pas dans l’océan, Emily. Ce n’est pas comme ça qu’elle est morte. »
Emily eu l’impression que son univers s’écrasait autour d’elle. Tout ce qu’elle avait cru être vrai volait en éclats. Non seulement Daniel avait-il trahi sa confiance, mais maintenant elle ne pouvait même plus se fier à ses propres souvenirs ?
Alors comment est-elle morte ? », demanda Emily avec une voix réservée et nerveuse.
« Tu ne te souviens vraiment pas ? », demanda sa mère, qui sonnait abasourdie et perplexe à égale mesure. « Emily, ta sœur s’est noyée dans la piscine. Cela n’avait rien à voir avec toi ou l’orage. »
« La piscine ? », répéta Emily, hébétée.
Mais à peine les mots avaient-ils quitté ses lèvres qu’une nuée de souvenirs heurta Emily dans un déluge. Elle laissa tomber le téléphone et courut jusqu’au bureau de son père. Là, elle saisit le trousseau qu’elle avait trouvé dans le coffre, avec toutes ses nombreuses clefs. Elle se précipita à travers la maison, le bruit de ses pas lourds bouleversa les chiots et les fit japper de colère.
Elle sortit par la porte avant en courant sans même prendre la peine d’enfiler ses chaussures, et se dirigea vers la grange. Raj avait enlevé l’arbre qui était tombé de son toit, donc elle n’eut qu’à enjamber les planches cassées pour rentrer. Elle dépassa la chambre noire détruite et les boîtes qui contenaient les restes des clichés de Daniel ruinés par la pluie, puis alla jusqu’à la porte qu’elle avait vu la première fois qu’elle était venue là, la porte vers nulle part. Elle batailla avec la chaîne, essayant une clef après l’autre, jusqu’à ce qu’elle trouve celle qui allait dans la serrure, la tourne et pousse la porte.
Elle s’ouvrit et cogna le côté, faisant résonner un boum. Emily regarda dans la nouvelle pièce inconnue. Et elle était là. La grande piscine vide dans laquelle Charlotte s’était noyée et, en faisant cela, avait changé le cours de la vie d’Emily pour toujours.
Elle pouvait la voir maintenant, sa petite sœur habillée dans son pyjama des Bisounours, le visage dans l’eau. Le souvenir lui revint avec la force d’un tsunami.
Ses parents leur avaient dit qu’ils allaient avoir une piscine pour mettre dans la résidence d’été. Elle et Charlotte n’avaient cessé d’essayer de deviner où la piscine serait, avaient essayé de se faufiler dans différentes pièces à sa recherche, puis l’avaient enfin trouvée dans la dépendance. Charlotte avait voulu nager sur-le-champ, mais Emily savait qu’elles n’y seraient pas autorisées sans surveillance et avait rappelé à sa sœur de garder secret le fait qu’elles avaient trouvé la piscine. Ce soir-là leur mère était sortie et son père s’était endormi sur le canapé. Charlotte avait dû sortir de son lit pour aller nager en secret. Quelque chose avait réveillé Emily, peut-être le silence inhabituel à cause du manque de Charlotte ronflant dans le lit à côté d’elle. Elle était partie à sa recherche et l’avait trouvée dans la piscine. Cela avait été Emily qui avait dû sortir son père de sa stupeur alcoolique.
Emily secoua la tête, se sentant soudain nauséeuse. Elle ne voulait pas le croire. Était-ce la raison pour laquelle elle n’avait pas de souvenirs ? Parce que voir sa sœur morte l’avait tellement traumatisée qu’elle l’avait complètement refoulé ? Et son esprit, en essayant de remplir les vides, avait transformé la culpabilité qu’elle avait ressentie en étant celle qui avait réveillé son père en un autre type de culpabilité, en responsabilité.
Cela n’avait pas été l’orage. Ça n’avait pas été sa faute. Elle avait vécu sous un nuage de culpabilité durant toutes ses années sans raison – juste parce qu’elle avait appris par ses parents à ignorer ses problèmes, à oublier les éléments qu’elle n’aimait pas à propos de son passé. À cause d’eux elle avait refoulé le traumatisme de trouver Charlotte flottant visage vers le bas et sans vie dans la piscine vingt-huit ans auparavant, et son esprit avait essayé de combler les vides, d’expliquer l’absence de Charlotte, choisissant les souvenirs qui avaient le plus de sens.
Ce n’était vraiment pas de sa faute.
Emily s’effondra à genoux au bord de la piscine et pleura.
*
Ce fut le bruit des aboiements frénétiques de Mogsy qui firent finalement reprendre ses esprits à Emily. Elle leva les yeux, pas sûre de savoir combien de temps elle était restée assise à côté de la piscine, fixant des yeux son vide, mais quand elle se leva et retourna dans la grange, le ciel qu’elle pouvait voir à travers le trou du toit était noir. Des étoiles clignotaient et la lune était vaporeuse. C’est à ce moment-là qu’Emily réalisa qu’elle était obscurcie par de la fumée. Elle renifla et sentit quelque chose brûler.
Le cœur battant, Emily se précipita à travers la grange et dans l’allée. Elle pouvait voir la maison devant et de la fumée s’élever de la fenêtre de la cuisine. Mogsy et les chiots aboyaient à l’intérieur.
« Oh mon dieu, non », cria-t-elle tout haut tout en courant à travers la pelouse.
Quand elle parvint à la porte de la cuisine, elle s’apprêtait à tendre la main vers la poignée de la porte quand soudain une force la poussa hors du chemin. Elle tituba puis leva les yeux. C’était Daniel, apparut tout à coup, sorti de nulle part.
« Est-ce que tu as fait ça ? », cria-t-elle, terrifié qu’il ait allumé un incendie volontaire par vengeance.
Daniel la dévisagea, horrifié par cette accusation. « Si tu ouvres la porte cela créera un appel d’air. Les flammes se précipiteront vers l’oxygène. Vers toi. Je te sauvais la vie ! »
Emily était trop paniquée pour se sentir déjà coupable. Tout ce à quoi elle pouvait penser était la maison en feu et les chiots coincés à l’intérieur, leurs aboiements perçants résonnant dans ses oreilles. À travers la fenêtre de la cuisine elle pouvait voir les flammes orange danser vers le haut.
« Que faisons-nous ? », cria-t-elle, agrippant ses cheveux dans la panique, l’esprit vide.
Daniel courut jusqu’au tuyau qui était fixé sur le côté de la maison pour arroser la pelouse. Il tourna la poignée et de l’eau commença à couler à flots à son extrémité. Ensuite, il brisa la fenêtre dans la porte de la cuisine avec son coude et se baissa rapidement alors que les flammes étaient attirées vers la source d’oxygène, jaillissant au-dessus de lui. Il fit passer le tuyau par la fenêtre et souffla les flammes avec l’eau.
« Va à la remise », cira-t-il à Emily. « Appelle les pompiers. »
Emily ne pouvait pas croire à ce qui était en train de se produire. Son esprit tourbillonnait, plein de confusion et de terreur. Sa maison était en feu. Après tout le travail qu’ils y avaient mis, la chose tout entière partait en fumée.
Elle arriva à la remise et poussa la porte. Elle saisit le téléphone et parvint à peu près à composer le 1-8.
« Au feu ! », cria-t-elle quand l’appel se connecta à l’opérateur. « West Street ! »
Dès qu’elle eut relayé l’information elle retourna en courant à la maison. Daniel était introuvable et la porte était grande ouverte. Emily réalisa qu’il était entré à l’intérieur.
« Daniel ! », cria-t-elle, alors que la terreur l’envahissait. « Où es-tu ? »
Juste à cet instant, Daniel émergea à travers la fumée, portant la panière de chiots jappant, Mogsy se précipitant sur ses talons.
Emily tomba à genoux et prit les chiots dans ses bras, tellement soulagée qu’ils aillent bien. Ils étaient tachés par la suie. Elle prit Rain et essuya les cendres de ses yeux, puis fit de même avec les autres chiots. Mogsy lécha son visage et remua la queue comme si elle avait la capacité de comprendre la gravité de la situation.
Juste alors Emily vit des lumières clignotantes se refléter dans la vitre. Elle se retourna pour voir le camion de pompiers toute sirène hurlante le long de la rue autrement calme. Il vint jusqu’à la maison, puis les soldats du feu à l’intérieur bondirent et se entrèrent en action.
« Y a-t-il quelqu’un à l’intérieur de la propriété ?, lui demanda l’un d’entre eux.
Elle secoua la tête et observa, figée dans le silence, tandis qu’ils passaient en courant par la porte de la cuisine ouverte.
Daniel vint avec hésitation à côté d’elle. Elle lui jeta un regard en biais, ses cheveux pleins de cendres et ses vêtements tachés par la suie.
« Je venais juste de réparer cette fichue porte », dit-il.
Emily laissa échapper à moitié un sanglot, à moitié un rire. « Merci d’être revenu », dit-elle doucement.
Daniel hocha simplement la tête. Ils se retournèrent vers la maison et observèrent en silence tandis que le nuage de fumée ne devenait plus qu’un fin volute.
Quelques instants après, les pompiers émergèrent de la maison. Le premier marcha jusqu’à Emily.
« Que s’est-il passé ? », lui demanda-t-elle.
« On dirait que vous aviez un grille-pain défectueux », dit-il, en levant l’objet méconnaissable.
« Y a-t-il beaucoup de dégâts ? » Elle se prépara mentalement aux nouvelles.
« Seulement des dégâts de la fumée causée par le plastique fondu. Vous devriez peut-être aérer l’endroit pendant un moment. La fumée est toxique. »
Emily était si soulagée d’entendre que la maison n’avait subi que quelques dégâts mineurs dus à la fumée qu’elle jeta ses bras autour du cou du pompier. « Merci ! », s’écria-t-elle. « Merci beaucoup ! »
« Je fais juste mon travail, Emily », répondit-il.
« Attendez, comment connaissez-vous mon nom ? », demanda Emily, étonnée.
« Par mon père », répondit le pompier. « Il vous apprécie beaucoup. »
« Qui est votre père ? »
« Birk, de la station-service. Je suis Jason, son aîné. Vous savez la prochaine fois que vous organisez une fête, invitez moi aussi, d’accord ? Je ne pense pas que papa ne se soit autant amusé durant toute sa vie qu’il ne l’a fait la nuit dernière. Si vous êtes une si bonne hôtesse, je veux en être. »
« Je le ferais », répondit Emily, un peu sous le choc des évènements de la soirée, et la façon dont tous connaissaient tout le monde dans cette petite ville.
Emily et Daniel se tinrent là et regardèrent l’engin s’éloigner, puis allèrent à l’intérieur pour estimer les dégâts. À part la puanteur, une tache noire courant vers le haut du mur, et un rectangle fondu sur le plan de travail, la cuisine allait bien.
« Je peux payer pour la fenêtre cassée », dit Daniel.
« Ne sois pas bête », répondit Emily. « Tu aidais. »
« C’était à peine un feu. J’ai réagi excessivement. Je ne voulais juste pas que Mogsy et les chiots ne s’étouffent dans la fumée. » Il ramassa Mogsy et la gratta derrière les oreilles, elle le récompensa en lui léchant le nez.
« Tu as fait ce qu’il fallait », ajouta-t-elle. « Les feux peuvent se propager rapidement. Grâce à ce tuyau tu l’as eu avant qu’il ne se répande. » Elle regarda Daniel, sa tête baissée et ses épaules voûtées. « Qu’est-ce qui t’as fait revenir ? »
Daniel se mordilla la lèvre. « Tu ne m’as pas donné une chance de m’expliquer. Je voulais laver mon nom. »
Après tout ce qu’il avait fait pour elle, Emily lui devait bien cela. « D’accord. Vas-y. Lave ton nom. »
Daniel tira une chaise et s’assit à la table de la cuisine. « Dashiel est le nom avec lequel je suis né », commença-t-il. « Mais c’était aussi le nom de mon père. J’ai été appelé d’après lui. Donc je l’ai fait légalement changer quand je suis parti de sa maison perce que je ne voulais pas devenir un alcoolique bon à rien comme lui. »
Emily changeait inconfortablement de position. Son propre père avait souvent bu. Était-ce une autre chose qu’elle et Daniel partageaient ensemble ?
« Ces gens en ville », poursuivit Daniel. « Ils se souvienne de moi en tant que Dashiel car ils veulent que je sois mauvais. Ils veulent que je me transforme en lui. Que je devienne mauvais. » Il secoua la tête.
Emily se sentit se tasser d’embarras sur sa chaise. « Et qu’en est-il des femmes ? »
Il haussa les épaules. « Nous avons tous des relations passées, n’est-ce pas ? Je ne pense pas en avoir eu plus que la normale pour un jeune gars à cette époque et à cet âge. Ces femmes sont probablement soupçonneuses parce que je ne me suis jamais marié, tu sais ? Elles pensent que je suis un séducteur car j’ai eu des rendez-vous, quelques longues relations mais je n’ai jamais fondé un foyer. Je ne suis pas un moine, Emily. J’ai eu des amours passés. Mais je pense que tu serais encore plus confuse si je n’en avais pas eu ! »
« C’est vrai », dit-elle finalement, en se sentant encore plus contrite. « Je suis désolée de les avoir laissées m’atteindre. De les avoir laissées me convaincre que tu étais une mauvaise personne. »
« Est-ce que tu vois maintenant que je n’en suis pas un ? Que je ne suis pas ce gars qui envoie les gens à l’hôpital ? Qui ne peux pas prendre de responsabilités et se fait renvoyer ? Qui te mène en bateau amoureusement et met le feu à ta maison ? »
Quand il le dit tout haut, cela paraissait être assez insensé. « Je le vois maintenant », dit-elle d’une voix penaude. »
« Et tu SAIS qui je suis. Je suis le gars qui est resté avec toi une nuit dans une tempête à soigner un chiot jusqu’à ce qu’il retrouve la santé. Qui t’as amenée dans une roseraie secrète lors d’un jour chaud de printemps. Qui t’as achetée une barbe à papa. Qui t’as embrassée et t’as fait l’amour. »
Il tendit la main vers la sienne. Emily la regarda, la paume ouverte et engageante, puis glissa sa main dans la sienne et entrecroisé ses doigts avec les siens.
« N’oublie pas que tu es aussi celui qui m’a sauvée d’un brasier explosif », ajouta-t-elle.
Daniel sourit et hocha de la tête. « Oui. Je suis ce gars aussi. Un gars qui ne voudrait jamais te blesser. »
« Bien », dit Emily. Elle se pencha et l’embrassa tendrement. « Parce que j’aime plutôt bien ce gars. »
CHAPITRE DIX-SEPT
Cette nuit-là, Emily et Daniel ravivèrent leur relation, le drame de la journée complètement oublié entre les draps du lit, le pardon venant sous la forme de caresses, le ressentiment éloigné par des baisers.
Quand le matin arriva, projetant une brillante lumière estivale à travers les rideaux, ils se réveillèrent tous deux en s’étirant.
« Je suppose que je ne vais pas te préparer le petit-déjeuner », dit Daniel. « Maintenant que le grille-pain a explosé. »
Emily grogna et laissa sa tête retomber sur l’oreiller. « S’il te plaît, ne me le rappelle pas. »
« Allez », dit Daniel. « Allons chez Joe’s pour le petit-déjeuner. » Il sauta du lit et enfila son jean, puis tendit la main pour qu’Emily le prenne.
« On ne peut pas dormir un peu plus longtemps ? », répondit Emily. « Ça a été une soirée très éprouvante, si tu t’en souviens. »
Daniel secoua la tête. Il semblait bien trop énergique bien trop tôt dans la matinée. « Je pensais que tu voulais gérer un B&B », s’exclama-t-il. « Tu n’auras pas beaucoup de grasses matinées quand tu seras une hôtesse. »
« C’est précisément ce pour quoi j’en ai besoin maintenant », dit Emily.
Daniel l’arracha du lit, Emily criant de rire, et la laissa tomber sur le tabouret à côté de la coiffeuse.
« Oh, on dirait que tu es debout de toute manière », dit Daniel avec un sourire insolent. « Autant t’habiller. »
Une fois qu’Emily le fut, Daniel la conduisit chez Joe’s. Ils commandèrent tous deux du café et des gaufres, puis se mirent au travail pour parcourir les chiffres d’Emily. Elle avait toujours été terrifiée d’être ruinée et si elle décidait réellement de donner à l’idée de B&B le feu vert, elle aurait besoin d’utiliser toutes ses économies. Son amortissement de trois mois disparaîtrait entièrement. Si cela allait de travers, il ne lui resterait plus rien. Regarder la liste des éléments dont elle avait besoin d’acheter était intimidant. Des choses ridiculement chères comme faire réparer la fenêtre aux verres Tiffany dans la salle de bal, à celles bon marché comme remplacer le grille-pain explosé, Emily n’était pas sûre qu’elle puisse le faire.
Elle jeta son stylo. « C’est trop », dit-elle. « C’est trop cher. »
Daniel tendit la main et ramassa le stylo. Il barra la chose la moins chère de la liste, le grille-pain.
« Pourquoi as-tu fais ça ? », demanda Emily en fronçant les sourcils.
« Parce que je vais aller au grand magasin après le petit-déjeuner et t’en acheter un nouveau », dit-il.
« Tu n’as pas à faire ça. »
« Tu as raison. Je le veux. »
« Daniel — », prévint-elle.
« J’ai des économies », répondit-il. « Et je veux t’aider. »
« Mais je devrais vendre les objets anciens avant que tu ne commences à faire des sacrifices pour moi. »
« Est-ce que tu veux vraiment faire ça ? », demanda Daniel. « Vendre les trésors de ton père ? »
Elle secoua la tête. « Non. La valeur sentimentale est trop grande. »
« Alors laisse-moi aider. » Il lui serra la main. « C’est juste un grille-pain. »
Elle savait que Daniel ne pouvait pas être particulièrement riche. Même si la remise était décorée avec goût, il avait vécu là sans payer de loyer pendant vingt ans. Il n’avait reçu aucun paiement pour avoir travaillé sur le terrain de la maison et avait probablement eu quelques travaux de réparation ici et là, juste pour obtenir de l’essence, de l’argent pour manger et du bois pour le poêle. Bien que cela la mette mal à l’aise de savoir que Daniel était sur le point de prendre de l’argent dans ses économies, elle acquiesça.
« Et on ne sait jamais », dit Daniel. « Les gens de la ville pourraient probablement aider. Mon ami George a dit qu’il viendrait et jetterait un œil aux verres de la fenêtre Tiffany et verrait ce qu’il peut faire pour la restaurer. »
« Il a dit ça ? »
« Bien sûr. Les gens aiment apporter leur aide. Ils aiment aussi l’argent. Peut-être que certains des gens de la ville investiraient en toi. »
« Peut-être », dit Emily. « Même s’ils n’ont aucune raison de le faire. »
Daniel haussa les épaules. « Raj n’a pas de raisons de couper cet arbre qui est tombé pour toi, mais il l’a fait tout de même. Certaines personnes aiment juste donner un coup de main. »
« Mais qui par ici pourrait même avoir ce genre d’argent ? »
« Que dirais-tu de Rico ? », suggéra Daniel, en prenant une bonne gorgée de café. « Je parie qu’il est assis sur un beau butin. »
« Rico ? », s’exclama Emily. « Il peut à peine se rappeler de mon nom. » Elle soupira, se sentant découragée et anxieuse. « Vraiment, la seule personne avec une quelconque richesse est Trevor Mann. Et nous savons tous ses sentiments envers moi. »
« Probablement bien pire qu’avant grâce à la visite de minuit du camion de pompiers. »
Emily grommela et Daniel lui serra le bras pour la rassurer.
« Je ne vais pas mentir, Emily », dit-il. « Faire ça serait un énorme risque. Mais je suis ici pour aider et je parie que le reste de la ville l’est aussi. Fais ce que tu penses bien, mais sache que quoi que tu décides, tu ne seras pas seule. »
Emily sourit, ses doigts caressant doucement la longueur de son bras, rassurée par ses mots.
« Si tu pouvais obtenir quelques investissements », dit-il, « quelle serait la première chose que tu ferais avec cet endroit ? »
Emily réfléchit longuement. « Je veux une réception. Le vestibule paraît trop vide en ce moment. »
« Ah oui ? », dit Daniel. « Qu’est-ce que tu y mettrais, dans un monde idéal, si l’argent n’était pas un problème ? »
« Eh bien, j’aurais besoin d’une pièce faite sur mesure vraiment », dit Emily, qui prit son portable et commença à chercher sur Google et eBay. « Quelque chose comme ça ! », dit-elle, en lui montrant l’écran et la superbe pièce Art Déco.
Daniel siffla. « C’est plutôt joli. »
« Ouep », dit Emily. « Et regarde juste l’étiquette. C’est bien à quelques milliers de dollars de plus que mon budget. » Ensuite elle leva les yeux et sourit d’un air narquois à Daniel. « Mais si jamais tu es coincé pour des idées de cadeau d’anniversaire… » Elle reposa son téléphone et soupira. « De toute façon, je prends de l’avance. Je n’ai même pas encore le permis. »
« Je suis complètement persuadé que tu obtiendras le permis », dit Daniel. Puis il se leva soudain, repoussant son assiette. « Viens », dit-il.
« Où allons-nous ? », demanda Emily.
« Chez Rico. Allons voir s’il n’a pas quelque chose que tu voudrais acheter. »
Emily avait été réticente à retourner chez Rico, en partie parce que la maison était plus ou moins terminée, mais aussi en raison de l’expérience déplaisante qu’elle avait eu la veille. L’idée de retourner là-bas la perturbait et elle n’avait pas tellement envie de revivre ce moment. Mais avec Daniel tenant sa main, peut-être que ce ne serait pas si mal.
« Nous venons tout juste de faire littéralement mon budget ! Je n’ai pas l’argent pour acheter quoi que ce soit de chic ! », contesta-t-elle.
« Tu sais comment c’est chez Rico. Il y a peut-être une perle rare cachée là quelque part. »
« J’en doute », répondit Emily. Elle avait pratiquement fouillé chaque centimètre de cet endroit. Mais l’idée de faire des achats avec Daniel, de faire un pas de plus vers son rêve, était une expérience trop amusante pour la manquer. Emily décida alors que quels que soient les potins que les locaux avaient sur eux, elle serait capable de les gérer. Elle regarda son carnet de notes rempli de faits et de chiffres, puis le ferma en le claquant.
« Allons-y. »
*
Si ce n’est pas mon couple favori », dit Serena quand elle vit Emily et Daniel rentrer dans la brocante. Elle était particulièrement belle aujourd’hui, avec une robe d’été à fleurs, tachée, comme d’habitude, de peinture multicolore. Elle embrassa chacun d’eux sur les joues. « Quelle tournure prend le B&B ? »
« Il est absolument magnifique », dit Daniel en passant un bras autour d’Emily. « Emily a fait un si bon travail. »
Emily sourit et Serena lui fit un clin d’œil.
« Donc c’est fait alors ? », demanda-t-elle. « Quand aura lieu la grande révélation ? Organiseras-tu une autre de tes fêtes ? Ce pot-au-feu était à tomber. Oh, ça me le rappelle, peux-tu écrire la recette pour moi, je dois l’envoyer à ma mère. »
« Tu as parlé à ta mère de mon pot-au-feu ? »
« Je parle à ma mère d’à peu près tout », dit Serena, en levant un sourcil.
Juste à ce moment-là, Rico sortit d’une des pièces à l’arrière. Il avait l’air plus frêle que d’habitude, les rides sur son visage plus prononcées.
« Salut, Rico », dit Emily.
« Bonjour », dit Rico en prenant la main d’Emily. « Agréable de vous rencontrer. »
« C’est Emily », lui rappela Serena. « Vous vous souvenez ? Nous sommes allés dans sa maison pour dîner. »
« Ah », dit Rico. « Vous êtes la jeune demoiselle avec le B&B, n’est-ce pas ? »
« Eh bien, pas encore tout à fait », dit Emily en souriant. « Mais j’espère en ouvrir un, oui. »
« J’ai quelque chose pour vous », dit Rico.
Emily, Daniel et Serena échangèrent un regard.
« Vraiment ? », demanda Emily, confuse.
« Oui, oui, je l’ai gardé. Par ici. » Rico partit en boitillant le long du couloir. « Venez. »
Haussant les épaules, Serena suivit, Daniel et Emily suivant derrière avec des expressions également perplexes. Rico les mena à travers une porte et dans une vaste arrière-boutique. Il y avait beaucoup de draps recouvrant de grandes pièces de mobilier. Cela paraissait surnaturel, comme un cimetière de meubles.
« Que se passe-t-il ? », murmura Emily à l’oreille de Serena, sa première pensée étant que Rico était finalement devenu sénile.
« Ça me dépasse », répondit Serena. « Je ne suis jamais venue ici. » Elle regardait tout autour d’elle, les yeux ronds et intrigués. « Qu’est-ce que c’est que tout ça, Rico ? »
« Hmmm ? », dit le vieil homme. « Oh, juste des choses qui sont trop grandes pour la surface du magasin et trop spéciales pour être vendues à quiconque. » Il marcha jusqu’à un endroit où une housse de protection recouvrait quelque chose de large et rectangulaire, et jeta un coup d’œil dessous. « Oui, il est là », dit Rico pour lui-même. Il commença à tirer le drap lourd. Emily, Daniel et Serena se mirent en mouvement, prenant des coins de la housse pour l’aider.
Tandis qu’ils tiraient le drap, une surface de marbre commença à apparaître. Ensuite il glissa complètement, révélant un splendide bureau de réception en bois foncé avec un plateau de marbre. Il semblait être solide et robuste, et exactement ce qu’Emily cherchait.
Emily poussa une exclamation et l’examina complètement, découvrant que de l’autre côté et il avait un canapé de velours rouge attaché à la pièce, en faisant un bureau de réception et une zone pour s’asseoir combinés. C’était une forme stupéfiante et unique.
« C’est parfait », dit-elle.
« Il était dans le vestibule avant », dit Rico.
« Le vestibule d’où ? », demanda Emily.
« Du B&B. »
Emily resta bouche bée. « De mon B&B ? C’était la pièce originale ? »
« Oh oui », répondit Rico. « Votre père l’aimait absolument. Il était si triste de s’en séparer, mais il n’y avait simplement pas assez de place dans la maison. En plus, il ne voulait pas lui faire une injustice. Il voulait que quelqu’un l’utilise comme il avait été conçu. Donc il me l’a donné quand il a pris en charge la maison, espérant qu’il trouverait un acheteur. » Il tapota le plateau de marbre. « Personne n’a montré d’intérêt. »
Cela surprenait toujours Emily quand Rico parlait du passé. Il semblait avoir une mémoire claire comme de l’eau de roche pour certains évènements, mais pour d’autres il n’en avait aucune. C’était un coup de chance qu’il se soit souvenu de celui-là, et que le bureau de réception soit exactement dans le goût d’Emily.
Mais son ravissement fut de courte durée et son humeur retomba. Quelque chose de tel coûterait certainement plus que ce qu’elle avait.
« Donc, combien coûte-t-il ? », demanda-t-elle, se préparant à la déception.
Rico secoua la tête. « Rien. Je veux que vous l’ayez. »
Emily prit une grande inspiration. « L’avoir ? Je ne le pourrais pas. Il doit être si cher ! » Elle était abasourdie.
« S’il vous plaît », insista Rico. « Je n’ai pas été capable de le vendre en trente-six ans. Et la façon dont vos yeux se sont illuminés quand vous l’avez regardé vaut assez. Je veux que vous le preniez. »
Submergée par l’émotion, Emily jeta ses bras autour du cou de Rico et l’embrassa sur la joue. « Merci, merci, merci. Vous n’avez pas idée de ce que cela signifie pour moi. Je vais le prendre, mais ce ne sera qu’un prêt jusqu’à ce que j’aie assez d’argent pour vous payer, d’accord ?
Il lui tapota la main. « Ce que vous dites m’est égal. Je suis juste heureux de le voir enfin partir dans un foyer aimant. »