Kitabı oku: «Maintenant et À Tout Jamais», sayfa 7

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Elle se leva du tabouret et fit signe à Daniel de se diriger vers la porte. Il l’observa avec prudence comme s’il soupesait s’il était sûr de la laisser dans cet état, mais finalement ramassa sa boîte à outils et alla vers la porte.

« Si vous avez besoin de quoi que ce soit », dit-il sur le seuil, « appelez-moi. »

Incapable de parler, elle ferma la porte sur Daniel, se retourna puis appuya son dos contre elle, sentant sa respiration entrer dans de grands sanglots. Elle tomba à genoux, sentant l’obscurité se presser autour d’elle ; elle voulait se pelotonner et mourir.

*

Ce ne fut que le soudain bruit strident de son téléphone en train de sonner qui la tira de cette sensation horrible et suffocante. Emily regarda autour d’elle, incertaine du temps qu’elle avait passée roulée en boule par terre.

Elle leva les yeux depuis sa position avachie et vit que son téléphone sur la petite table près de la porte clignotait et vibrait. Elle se leva et vit, avec surprise, le nom de Ben s’afficher. Elle regarda fixement le portable pendant un moment, le regardant clignoter, regardant le nom emplir l’écran tout comme il l’avait fait des milliers de fois dans le passé. Elles étaient si normales, ces trois petites lettres, BEN, mais soudain si étrangères, et tellement, tellement inappropriées dans cette maison, à cet instant, après avoir vu le visage de Charlotte, après avoir été avec Daniel durant toute la journée.

Emily tendit la main et déclina l’appel.

Sitôt l’écran devenu noir, il se ralluma à nouveau. Cette fois il ne s’agissait pas du nom de Ben mais de celui d’Amy.

Emily empoigna le téléphone, soulagée par ce lien vital.

« Amy », s’exclama-t-elle. « Je suis si heureuse que tu aies appelé. »

« Tu ne sais même pas encore ce que suis sur le point de dire », lança malicieusement son amie.

« Je m’en fiche. Tu pourrais me lire l’annuaire pour ce que ça me fait. Je suis juste heureuse d’entendre ta voix. »

« Eh bien », dit Amy, « j’ai quelque chose d’excitant à te dire en fait. »

« Vraiment ? »

« Oui. Tu sais comment nous parlions toujours de vivre dans cette église reconvertie dans le Lower East Side, et à quel point ce serait génial ? »

« Mmh mmh », dit Emily, ne sachant pas où tout cela allait.

« Eh bien », dit Amy, le ton sonnant comme si elle se préparait à une grande révélation, « nous le pouvons complètement ! Le deux chambres vient tout juste d’être mis sur le marché locatif et nous pouvons complètement nous le permettre. »

Emily fit une pause, laissant l’information filtrer dans son esprit. Quand Amy et Emily avaient été étudiantes à New York, elles avaient construit tout un rêve à propos de vivre dans l’église reconvertie, entourée par tous les bars cools du Lower East Side qu’elles adoraient fréquenter. Mais c’était quand elles avaient vingt ans. Ce n’était plus le rêve d’Emily. Elle était passée à autre chose.

« Mais je suis heureuse ici », dit Emily. « Je ne veux pas revenir à New York. »

Il y eut une longue pause à l’autre bout du téléphone. « Tu veux dire, jamais ? », dit finalement Amy.

« Je veux dire pour au moins six mois. Jusqu’à ce que mes économies viennent à manquer. Alors il faudra que je prenne d’autres arrangements. »

« Quoi, comme dormir à nouveau sur mon canapé ? » Une pointe d’hostilité s’était insinuée dans le ton d’Amy.

« Je suis désolée, Amy », dit Emily en se sentant découragée. « C’est juste que ce n’est plus ce que je veux. »

Elle entendit son amie soupirer. « Tu restes vraiment là-bas ? », dit-elle enfin. « Dans le Maine ? Dans une vieille maison sinistre ? Seule ? »

Emily prit alors conscience de de combien elle voulait vivement rester, combien cela lui semblait complètement bien. Et le dire à haute voix à Amy l’avait rendu parfaitement réel.

Elle prit une grande inspiration, se sentant sûre d’elle et avec les pieds sur terre pour la première fois depuis des années. Ensuite, elle déclara simplement, « Oui, je vais le faire. »

Trois mois plus tard

CHAPITRE HUIT

Le soleil printanier filtrait à travers les rideaux d’Emily, la réveillant aussi gentiment qu’un baiser. Les lents matins langoureux étaient quelque chose qu’Emily appréciait de plus en plus au fil des jours. Elle avait fini par chérir le silencieux calme de Sunset Harbor.

Emily s’étira dans son lit et permit à ses yeux de s’ouvrir en papillonnant. La chambre à coucher qui avait été autrefois celle de ses parents était désormais bien la sienne. Elle avait été la première pièce qu’elle avait restaurée et rénovée. Les vieilles couvertures miteuses avaient été remplacées par un beau patchwork de soie. Le magnifique tapis crème était doux et souple sous ses pieds quand elle se leva du lit, utilisant un des balustres du lit à baldaquins pour se mettre debout. Les murs sentaient encore la peinture fraîche tandis qu’elle se dirigeait vers la commode maintenant poncée et vernie et en retirait une robe fleurie. Les tiroirs étaient soigneusement remplis de vêtement, sa vie à nouveau organisée.

Emily admira son reflet dans le miroir en pied, qu’elle avait fait restaurer et nettoyer par un professionnel, puis ouvrit complètement les rideaux, savourant la manière qu’avait le printemps de de survenir à Sunset Harbor dans un foisonnement de couleurs ; azalées, magnolias et jonquilles fleurissaient dans le jardin, les arbres bordant sa propriété avaient développé des feuilles d’un vert luxuriant, et le petit morceau d’océan qu’elle pouvait voir depuis la fenêtre était d’un argent étincelant. Elle ouvrit les fenêtres en les poussant et prit une profonde inspiration, sentant le sel dans l’air.

Alors qu’elle se penchait à la fenêtre, elle repéra un mouvement dans sa vision périphérique. Elle se tordit le cou pour mieux y voir. Il s’agissait de Daniel, qui s’occupait d’un des massifs de fleurs. Il était complètement concentré sur la tâche en cours, une habitude qu’Emily avait fini par reconnaître en lui après les trois mois qu’ils avaient passé à travailler ensemble dans la maison. Quand Daniel commençait quelque chose, toute sa concentration se focalisait dessus, et il ne s’arrêtait pas jusqu’à ce qu’elle soit terminée. C’était une qualité en lui qu’Emily respectait, même si parfois elle avait l’impression d’être complètement écartée. Il y avait eu d’innombrables moments au cours du dernier mois où ils avaient travaillé côte à côte durant toute la journée sans prononcer un seul mot. Emily ne pouvait pas arriver à comprendre ce qu’il se passait dans l’esprit de Daniel ; il était impossible à déchiffrer. Le seul signe dont elle disposait indiquant qu’il n’était pas répugné par elle était le fait qu’il revienne jour après jour, suivant ses requêtes pour bouger des meubles, poncer les sols, vernir le bois, retapisser des canapés. Il refusait encore de prendre de l’argent, et Emily se demanda comment précisément il subvenait à ses besoins s’il passait tous ses jours avec elle à travailler gratuitement.

Emily s’éloigna de la fenêtre et sortit de sa chambre. Le couloir de l’étage était maintenant bien soigné et organisé. Elle avait retiré les cadres poussiéreux du mur et les avait remplacés par une série d’impressions excentriques du photographe britannique Eadweard Muybridge, dont les photographies portaient essentiellement sur la capture du mouvement. Elle avait choisi la série des danseuses car elles étaient incroyablement belles, l’instant fugace, le mouvement était comme de la poésie à ses yeux. Le papier-peint marqué par ses doigts avait aussi été ôté et Emily avait peint le couloir dans un blanc vif.

Emily descendit les escaliers en trottinant, avec de plus en plus l’impression que c’était chez elle. Ces années qu’elle avait passées à s’inviter dans la vie de Ben paraissaient maintenant être loin derrière elle. Emily avait le sentiment que c’était là qu’elle avait toujours été censée être.

Son téléphone était à son emplacement habituel, sur la table près de la porte. On aurait dit qu’elle s’était en fin de compte installée dans une routine – se réveiller lentement, s’habiller, vérifier son portable. Maintenant que le printemps était arrivé, elle avait une nouvelle habitude, qui était d’aller en ville pour prendre un café et un petit-déjeuner avant de chercher à la brocante locale des objets qu’elle voulait pour la maison. Aujourd’hui était samedi, ce qui signifiait qu’il y aurait plus de magasins ouverts qu’elle pourrait passer voir, et elle avait l’intention de trouver plus de mobilier aujourd’hui.

Après avoir envoyé un message à Amy, Emily prit ses clefs de voiture et sortit. En traversant la cour elle regarda aux alentours à la recherche de Daniel mais ne put le voir. Au cours des trois derniers mois sa présence était devenue une autre source de stabilité pour elle. Parfois, Emily avait l’impression qu’il était comme toujours là, juste à portée de main.

Emily monta dans sa voiture – qu’elle avait finalement faite réparer – et fit le court trajet jusqu’en ville, dépassant une calèche tirée par un cheval blanc en chemin. Les balades à poney étaient une des activités touristiques de Sunset Harbor – Emily pouvait se souvenir d’avoir emprunté ces calèches étant petite – et leur présence indiquait que la ville se réveillait enfin après sa longue hibernation hivernale. Pendant qu’elle conduisait, elle remarqua qu’un nouveau café-restaurant était apparu dans la grande rue. Un peu plus loin le long de la route, la bar/salle de spectacle ouvrait ses portes de plus en plus longtemps. Elle n’avait jamais vu un endroit se transformer aussi complètement sous ses yeux. L’agitation nouvelle lui rappelait les vacances d’été de son enfance plus que tout le reste.

Emily se gara dans un petit parking à côté du port. Ce dernier se remplissait maintenant rapidement de bateaux, leurs mâts dansant avec la faible marée. Emily contempla les embarcations avec un sentiment de paix renouvelé. Elle avait vraiment le sentiment que sa vie ne faisait que commencer. Pour la première fois depuis longtemps elle voyait pour elle un futur qu’elle souhaitait : vivre dans la maison, la rendre magnifique, être satisfaite et heureuse. Mais elle savait que cela ne durerait pas éternellement. Elle n’avait assez d’argent pour subvenir à ses besoins que pour trois mois supplémentaires. Ne voulant pas que son rêve se termine si tôt, Emily avait pris la décision de vendre quelques-uns des objets anciens de la maison. Jusque-là, elle ne s’était séparée que de ceux qui ne s’intégraient pas dans ses plans pour la maison ou ce à quoi elle devrait ressembler, mais même vendre ces objets était déchirant pour elle, comme céder une part de son père.

Emily prit un café et un bagel au nouveau café-restaurant, puis s’aventura dans la brocante intérieure de Rico. C’était le même endroit auquel son père avait rendu visite chaque été. Rico, son propriétaire âgé, possédait encore les lieux. Emily était reconnaissante qu’il ne l’ait pas reconnue le premier samedi où elle était venue flâner – à cause de sa vue défaillante et de sa mémoire déclinante à parts égales – car cela lui avait donné l’opportunité de se présenter de nouveau, d’apprendre à le connaître selon ses propres termes plutôt que dans l’ombre de la présence de son père planant toujours sur elle.

« Bonjour, Rico », s’écria-t-elle en se penchant dans le magasin sombre.

« Qui est-ce ? » s’écria une voix désincarnée depuis quelque part dans les ténèbres.

« C’est Emily. »

« Ah Emily, content de te revoir. »

Emily savait qu’il prétendait juste se souvenir d’elle à chaque fois qu’elle venait au magasin, que sa mémoire entre chacune de ses visites s’estompait, et elle ne pouvait s’empêcher de noter l’ironie dans le fait que la personne qui l’appréciait le plus dans Sunset Harbor ne le faisait que parce qu’il ne pouvait se souvenir complètement de qui elle était.

« Oui, de la grande maison sur West Street, juste là pour récupérer cet ensemble de chaises de salle à manger », cria-t-elle en retour, jetant des regards autour d’elle à la recherche de l’homme.

Finalement, il apparut derrière le comptoir. « Bien sûr, oui, je l’ai marqué là. » Il posa ses lunettes sur son nez fin et plissa les yeux sur le livre sur le bureau, à la recherche de l’écriture griffonnée qui lui disait qu’elle était en effet Emily et qu’il lui avait en effet vendu six chaises. Emily avait appris après son premier passage au magasin – par le biais duquel elle avait réservé un grand tapis seulement pour découvrir qu’il n’était plus là quand elle était venue le récupérer – que si Rico n’écrivait pas quelque chose il ne se produisait quasiment rien.

« Ok », ajouta-t-il. « Six chaises de salle à manger. Emily. Neuf heure du matin. Samedi douze. C’est aujourd’hui, n’est-ce pas ? »

« C’est aujourd’hui », répondit-elle avec un sourire. « Je vais juste aller à l’arrière et les prendre, puis-je ? »

« Oh oui, oh oui, je vous fait confiance Emily, vous êtes une cliente estimée. »

Elle esquissa un large sourire pour elle-même en allant à l’arrière. Elle ne connaissait pas le créateur des chaises, seulement qu’à la seconde où elle les avait vues elle avait su qu’elles étaient parfaites pour la salle à manger. Par certains aspects elles ressemblaient à des chaises traditionnelles – en bois, à quatre pieds, un dossier, une assise – mais elles avaient été dessinées d’une façon assez excentrique, avec les dossiers plus grands que ceux des chaises ordinaires. Elles étaient peintes dans un noir brillant, qui s’accorderait parfaitement avec son nouveau projet de couleur monochrome pour cette pièce. Les voir à nouveau l’excitait maintenant, et elle voulait les ramener chez elle aussi vite que possible pour les voir en place.

Les chaises étaient lourdes, mais Emily avait découvert qu’elle était devenue plus forte dans le courant des derniers mois. Tout le travail physique requis dans la maison lui avait donné une musculature qu’elle n’avait jamais obtenue en s’entrainant à la salle de sport.

« Super, merci Rico », dit-elle tout en commençant à tirer les chaises vers la sortie. « Viendrez-vous à mon vide-grenier plus tard aujourd’hui ? Je vends ces deux petites tables Eichholtz Rubinstein, qui ont besoin de quelques soins attentionnés. Souvenez-vous, vous aviez dit que vous pourriez être intéressé pour les prendre et les faire restaurer par Serena ? »

Serena était la jeune étudiante en art, lutine et à l’énergie sans bornes, qui conduisait durant deux heures depuis l’Université du Maine toutes les quelques semaines pour seulement aider dans le magasin à réparer des meubles. Elle portait toujours des jeans, ses longs cheveux foncés repoussés sur une épaule, et Emily ne pouvait s’empêcher d’être jalouse de la force intérieure calme et assurée qu’elle possédait à un si jeune âge. Mais parce qu’elle était toujours amicale envers Emily, malgré les regards méfiants qu’elle lui avait lancé pour commencer, Emily était à présent amicale avec elle.

« Oui, oui », répondit gaiement Rico, même si Emily était certaine qu’il avait tout oublié à propos de son vide-grenier. « Serena passera. »

Emily l’observa tandis qu’il prenait note sur son carnet. « La vieille maison sur West Street », lui rappela-t-elle, juste pour s’assurer qu’il n’ait pas à être embarrassé de lui demander son adresse. « Je vous verrez plus tard ! »

Emily chargea son coffre avec ses nouvelles chaises puis retourna chez elle en passant à travers la ville, se délectant de la vue des fleurs printanières, l’océan étincelant, et le ciel bleu dégagé. Quand elle se gara à sa maison elle fut frappée de voir combien elle avait changé. Pas seulement avec le printemps, qui avait apporté des couleurs à l’endroit et avait rendu l’herbe de la pelouse luxuriante et épaisse, mais du sentiment qu’elle était habitée, qu’elle était à nouveau aimée. Les panneaux de contreplaqué étaient tous partis, les fenêtres étaient maintenant propre et fraîchement peintes.

Daniel avait déjà pris un bon départ en installant tout ce qu’elle prévoyait de vendre aujourd’hui sur l’allée. Il y avait tant de choses qui lui paraissaient être bonnes à jeter, mais qui après avoir été recherchées sur internet s’avéraient être un trésor pour quelqu’un d’autre. Elle avait catalogué tous les objets de la maison qu’elle ne voulait pas garder et ensuite avait vérifié sur internet pour découvrir leur véritable valeur avant de poster sur Craigslist ce qu’elle allait vendre. Elle avait été stupéfaite de recevoir un message d’une femme de Montréal qui faisait la route seulement pour acheter un tas de BD de Tintin.

Durant ces nuits, pendant qu’Emily avait détaillé le contenu de la maison, elle avait commencé à comprendre ce que son père avait vu dans son étrange passe-temps. L’histoire de ces pièces, les histoires qu’ils transportaient avec eux, tout cela devint fascinant pour Emily. La joie de découvrir une antiquité parmi le bazar était une excitation qu’elle n’avait jamais connue auparavant.

Cela allait sans dire qu’il y avait eu quelques déceptions en chemin. Une ancienne harpe grecque que Daniel avait dénichée dans la salle de bal et qu’Emily avait estimé à $30.000 était, hélas, dans un tel mauvais état que le spécialiste des harpes avait dit qu’elle ne serait plus jamais utilisable. Mais il avait donné à Emily le numéro d’un musée local qui acceptait les donations, et elle avait été touchée de découvrir qu’ils avaient apposé une plaque disant qu’elle avait été donnée par son père. Cela donnait l’impression de conserver sa mémoire.

Regarder la cour emplissait Emily d’un mélange de tristesse et d’espoir ; elle était triste de dire adieu à certains des objets avec lesquels son père avait encombré la maison, mais elle était aussi pleine d’espoir pour la nouvelle maison et de quoi elle aurait l’air un jour. Le futur semblait soudain radieux.

« Je suis de retour ! », s’écria-t-elle tout en traînant les chaises dans la maison.

« Ici ! », répondit Daniel, sa voix portant depuis la salle de bal.

Emily posa les chaises dans le hall et entra pour le retrouver. « Vous avez bien commencé en sortant tout ça dans la cour », s’écria-t-elle en marchant dans la salle à manger et à travers la porte secrète menant à la salle de bal. « Je peux aider pour quelque chose ? »

En entrant dans la salle de bal, elle s’arrêta net, la voix soudain bloquée dans sa gorge. Daniel portait un débardeur blanc et exhibait des muscles qu’elle n’avait fait que deviner. C’était la première fois qu’elle avait un réel aperçu de son physique et la vue la laissait sans voix.

« Oui », dit-il, « vous pouvez prendre l’autre bout de cette étagère et m’aider à la porter à l’extérieur. Emily ? » Il la regarda et fronça les sourcils.

Elle se rendit compte qu’elle était bouche bée et la referma, puis se reconcentra. « Bien sûr. Naturellement. »

Elle se dirigea vers l’endroit où il se tenait, incapable de soutenir un contact visuel, et prit l’extrémité de l’étagère.

Mais elle ne put empêcher son regard de glisser vers ses bras musculeux tandis qu’ils se tendaient sous le poids de l’étagère pendant qu’il la redressait.

Emily savait qu’elle était attirée par Daniel, acceptait qu’elle l’avait été depuis la première fois qu’ils s’étaient rencontrés, mais il était toujours autant un mystère pour elle. En fait, il était plus un mystère maintenant car il avait passé tant de temps en sa compagnie sans en révéler beaucoup sur lui-même. Tout ce qu’elle savait était qu’il y avait quelque chose en lui qu’il gardait caché, une sorte d’obscurité ou de traumatisme, une sorte de secret qu’il fuyait et qui l’empêchait de se rapprocher. Emily savait elle-même ce que l’on ressentait quand on fuyait un passé traumatisant, donc elle ne l’avait jamais poussé. Et elle avait bien assez à faire à exhumer les secrets de la maison pour commencer à trouver comment déterrer les secrets de Daniel. Ainsi, elle laissait son attraction pour Daniel couver sous la surface, espérant qu’elle ne déborderait pas et ne mettrait pas en branle une réaction en chaîne à laquelle aucun d’eux n’étaient préparés.

*

Les premiers clients commencèrent à arriver peu après midi, tandis que Daniel et Emily étaient assis dans des chaises longues à boire de la limonade faite maison. Emily repéra immédiatement Serena parmi eux.

« Eh ! », s’écria Serena en agitant le bras, avant de sauter sur Emily et de la saluer avec une accolade.

« Tu es là pour ces petites tables, c’est ça ? », répondit Emily tandis qu’elles se séparaient, Emily se sentant un peu mal à l’aise face à l’intimité physique que Serena semblait capable d’initier. « Elles sont juste après ce côté dans cette direction, je vais te les chercher. »

Serena suivit Emily à travers le dédale de mobilier installé sur la pelouse. « Est-ce que c’est ton petit ami ? », demanda-t-elle pendant qu’elles marchaient, regardant en arrière vers Daniel. « Parce que si ça ne te gêne pas que je le dise, il est tellement canon. »

Emily rit et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule elle aussi. Daniel était en train de parler avec Karen du magasin, encore dans son débardeur blanc, le soleil printanier dansant sur ses biceps.

« Il ne l’est pas », dit-elle.

« Pas canon ? », s’exclama Serena. « Eh, tu es aveugle ? »

Emily secoua la tête et rit. « Je voulais dire qu’il n’est pas mon petit ami », corrigea-t-elle.

« Mais il est canon », supplia Serena. « Tu sais, tu peux le dire tout haut. »

Emily esquissa un grand sourire. Serena devait penser qu’elle était complètement prude.

Elles marchèrent jusqu’aux deux tables que Serena était venue prendre. La jeune femme s’accroupit pour les examiner, balayant ses cheveux foncés sur une épaule, révélant la peau baignée par le soleil et couleur caramel. Elle était belle de cette manière propre aux jeunes femmes – avec un éclat et une fermeté qu’aucune quantité de maquillage ne pouvait recréer.

« Penses-tu tenter le coup ? », demanda Serena, regardant de nouveau vers Emily.

Emily s’étouffa presque. « Draguer Daniel ? »

« Pourquoi pas ? », dit Serena. « Parce que si tu ne le fais pas, je le ferais ! »

Emily se figea, elle avait soudain froid malgré le soleil printanier. L’idée de la belle et insouciante Serena avec Daniel l’emplit d’une jalousie si forte qu’elle la prit par surprise. Elle pouvait imaginer qu’il tomberait rapidement amoureux d’elle, car qui ne le ferait pas ? Comment un homme de trente-cinq ans pourrait-il résister à une jeune femme telle que Serena ? C’était pratiquement écrit dans leur ADN.

Serena agita soudain les sourcils et lança un grand sourire à Emily. « Je rigole ! Waouh, on aurait dit que je t’avais annoncé le décès de quelqu’un ! »

Emily ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu irritée par la blague de Serena. Les blagues étaient juste une autre chose à laquelle les jeunes et insouciants pouvaient participer. Mais pour les désabusés comme elle, il était difficile de les apprécier.

« Pourquoi rigolerais-tu à propos de ça ? », demanda Emily, tentant de ne pas laisser transparaître son désarroi.

« Je voulais voir ta tête quand je le dirais », répondit Serena. « Pour voir si tu l’appréciais ou non. Ce que tu es, au fait, et tu devrais vraiment faire quelque chose pour ça. Tu sais, un gars comme ça ne reste pas célibataire pour longtemps. »

Emily leva un sourcil et secoua la tête. Serena était trop jeune pour comprendre à quel point les choses pouvaient être compliquées entre deux personnes, ou connaître le bagage émotionnel qui vous pesait plus vous vieillissez.

« Eh », dit Serena, regardant au loin. « As-tu eu une chance de ranger la grange ? Je parie qu’il y a des tonnes de choses excitantes là-dedans. »

Emily regarda derrière elle. De l’autre côté de l’allée la grange en bois se tenait dans l’ombre, isolée et oubliée. Elle n’avait pas encore eu une chance d’explorer les bâtiments extérieurs. Daniel lui avait parlé des serres et comment il avait voulu les réparer pour faire pousser des fleurs et les vendre, mais que c’était un trop grand coût. La grange et les autres bâtiments extérieurs, cependant, il ne les avait pas mentionnés, et elle les avait simplement oubliés.

« Pas encore », dit-elle en se retournant vers Serena. « Mais je te le ferais savoir si je trouve quoi que ce soit que Rico ou toi pourriez aimer. »

« Génial », dit Serena en reculant, une table dans chaque bras. « Merci pour celles-là. Et n’oublie pas de tenter quelque chose avec Mr. Canon. Tu es encore jeune ! »

Emily roula les yeux et rit pour elle-même tandis qu’elle observait la jeune femme s’éloigner en fanfaronnant. Avait-elle été si assurée au début de sa vingtaine ? Si elle l’avait un jour été, elle ne pouvait s’en souvenir.

Amy avait toujours été la sûre d’elle, Emily la plus timide des deux. Peut-être était-ce la raison pour laquelle elle avait toujours terminé dans de si terribles relations, et la raison pour laquelle elle avait été coincée avec Ben pendant si longtemps ; par crainte de ne pas être capable de trouver quelqu’un d’autre, par angoisse de faire face à cet inconfort embarrassant pour apprendre à connaître quelqu’un de nouveau.

Emily leva les yeux vers Daniel, observant la façon dont parlait aux clients, la circonspection dans ses manières, et la manière dont il se perdait si rapidement dans son monde à l’instant où il était de nouveau seul. Pour la première fois depuis qu’elle l’avait rencontré, Emily reconnaissait quelque chose d’elle dans Daniel. Et c’était quelque chose qui lui faisait vouloir le connaître plus.

*

L’intérêt de Serena pour la grange avait déclenché la curiosité d’Emily. Plus tard dans la soirée, une fois le vide-grenier terminé pour la journée, elle s’aventura vers les bâtiments extérieurs. Dans la lumière déclinante, les parterres de la maison avaient l’air encore plus beaux, et le soin que Daniel avait pris d’eux devint plus visible. Il avait entretenu un rosier qui avait poussé là depuis aussi longtemps qu’Emily pouvait s’en rappeler.

Tandis qu’elle passait la serre brisée elle eut un éclair de mémoire, de brillantes tomates rouges poussant dans ses spots, de sa mère avec son chapeau à bords flottants tenant un arrosoir gris. Il y avait eu des pommiers et des poiriers derrière les serres. Peut-être Emily en replanterait-elle à nouveau un jour.

Elle dépassa les serres cassées et alla jusqu’à la grange. La porte était cadenassée. Emily tint le cadenas rouillé dans sa main, essayant de se rappeler de souvenirs de la grange. Mais elle n’en avait aucun. Tout comme la salle de bal cachée, la grange était un secret qu’elle n’avait jamais pensé à explorer étant enfant.

Elle lâcha le cadenas – il retomba avec un bruit métallique – puis fit le tour par le côté pour voir qu’il y avait un autre moyen d’entrer. La petite fenêtre crasseuse était cassée mais pas assez grande pour qu’elle puisse passer à travers. Ensuite elle remarqua un rafistolage ; une des planches s’était manifestement cassée ou avait succombé à la pourriture et un frêle morceau de contreplaqué avait été coulé par-dessus – une mesure temporaire qui n’avait jamais été revue. Emily pouvait imaginer son père là, marteau à la main, recouvrant le trou avec un morceau de contreplaqué, en pensant qu’il reviendrait pour faire un travail correct le lendemain. Seulement il ne l’avait jamais fait. Peu après avoir réparé les dégâts de la grange, il avait décidé de partir et de ne jamais revenir.

Emily soupira profondément, énervée par cette intrusion d’un souvenir imaginaire. Elle avait assez d’anxiété à gérer, elle ne pouvait pas supporter une fausse douleur également.

Avec un peu de manœuvres, Emily fut capable d’arracher le contreplaqué, révélant un trou plus grand que prévu. Elle passa aisément à travers, et se retrouva debout dans la grange sombre. Il y avait une étrange odeur de renfermé dans l’air qu’Emily ne pouvait situer. Ce qu’elle pouvait déterminer, toutefois, était ce qui se trouvait autour d’elle. La grange avait été reconvertie en une chambre noire de fortune, un lieu où les photographies pouvaient être développées. Elle essaya de se souvenir si c’était un passe-temps que son père avait eu, mais son esprit ne trouva rien. Il avait pris plaisir à photographier la famille, cela elle pouvait s’en souvenir, mais jamais au point qu’il ait voulu mettre en place une chambre noire tout entière pour cette raison.

Emily marcha jusqu’à la large et longue table où différents plateaux se trouvaient côte à côte. Elle avait vu assez de films pour savoir que c’était là que les liquides de développement devaient être versés. Il y avait un fil à linge tendu à travers la table avec des pinces encore dessus de l’époque où les photos étaient suspendues pour sécher. L’ensemble paraissait très curieux aux yeux d’Emily.

Elle se promena un peu plus autour de la grange pour voir s’il y avait quoi que ce soit d’intéressant dedans. Au premier abord, il y avait très peu de notes. Seulement des bouteilles de liquide de développement, de vieilles boîtes pour les pellicules, de longues lentilles, et des appareils photo cassés. Ensuite elle trouva une porte, qui était aussi cadenassée. Emily se demanda où elle menait et ce qui se trouvait derrière. Elle chercha une clef autour d’elle mais ne put en trouver aucune. Dans sa recherche, elle découvrit une boîte remplie d’albums photo, tous entassés de manière désordonnée les uns sur les autres. Elle prit le premier, souffla la poussière sur sa couverture, et l’ouvrit.

La première image était en noir et blanc, un très gros plan d’un cadran. La suivante, elle aussi en noir et blanc, montrait une fenêtre cassée et une toile d’araignée tissée dedans. Emily tourna chaque page, fronçant les sourcils face aux images. Elles ne lui semblaient pas professionnelles, plutôt comme si elles avaient été prises par des mains inexpérimentées, mais il y avait une impression de mélancolie en elle qui paraissait révéler l’humeur du photographe. En fait, tandis qu’elle étudiait chaque cliché, elle avait plus le sentiment qu’elle regardait dans l’esprit du photographe plutôt que d’analyser les sujets qu’il avait choisi de capturer. Les images la faisaient se sentir presque claustrophobe, même si elle était dans une grande grange, et profondément triste.

Yaş sınırı:
16+
Litres'teki yayın tarihi:
10 ekim 2019
Hacim:
260 s. 1 illüstrasyon
ISBN:
9781632918888
İndirme biçimi:
Metin
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