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Kitabı oku: «Les bases de la morale évolutionniste», sayfa 22

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CHAPITRE XVI
LE DOMAINE DE LA MORALE

107. Nous avons montré en commençant que, la conduite dont s'occupe la morale étant une partie de la conduite en général, il fallait comprendre la conduite en général avant de comprendre cette partie. Après avoir pris une connaissance générale de la conduite, non seulement de celle des hommes, mais de celle des êtres inférieurs, et non seulement dans sa forme actuelle, mais aussi dans son développement, nous avons vu que la morale a pour objet la conduite la plus complètement développée, telle que la déploie l'être le plus complètement développé, l'homme: que c'est la spécification des traits que prend sa conduite lorsqu'elle atteint les limites de son évolution. Conçue ainsi comme comprenant les lois du bien vivre en général, la morale a un champ plus vaste qu'on ne le lui assigne ordinairement. Outre la conduite communément approuvée ou blâmée comme bonne ou mauvaise, elle s'étend à toute conduite qui favorise ou contrarie, d'une manière directe ou indirecte, notre bien-être ou celui des autres.

Comme il résulte de différents passages des chapitres précédents, le champ entier de la morale comprend deux grandes divisions, personnelle et sociale. Il y a une classe d'actions qui tendent à des fins personnelles, qui doivent être jugées dans leurs relations avec le bien-être personnel, considéré à part du bien-être des autres; bien qu'elles affectent secondairement nos semblables, ces actions affectent tout d'abord l'agent lui-même, et doivent être regardées comme bonnes ou mauvaises d'une manière intrinsèque suivant qu'elles ont pour lui des effets avantageux ou nuisibles. Il y a des actions d'une autre classe qui affectent immédiatement et d'une manière éloignée nos semblables, et qui, bien que l'on ne doive pas méconnaître leurs effets pour l'agent, doivent être jugées comme bonnes et mauvaises surtout d'après leurs résultats pour les autres. Les actions de cette classe se divisent en deux groupes. Celles du premier groupe tendent à certaines fins de manière à entraver illégitimement ou à ne pas entraver la poursuite de fins par les autres, – actions que par suite de cette différence nous appelons respectivement injustes ou justes. Celles qui forment le second groupe sont d'un genre qui a de l'influence sur la condition des autres sans intervenir directement dans les relations qui existent entre leurs efforts et les résultats de ces efforts; d'une manière ou de l'autre, – ce sont des actions dont nous disons qu'elles sont bienfaisantes ou malfaisantes. La conduite que nous regardons comme bienfaisante comporte elle-même des subdivisions, suivant qu'elle consiste à se contenir soi-même pour éviter de causer de la peine, ou à faire quelque effort pour procurer du plaisir, – bienfaisance négative ou bienfaisance positive.

Chacune de ces divisions et de ces subdivisions doit être considérée d'abord comme une partie de la morale absolue, et ensuite comme une partie de la morale relative. Après avoir vu quelles doivent être ses prescriptions pour l'homme idéal dans les conditions idéales supposées, nous serons préparés à voir comment ces prescriptions peuvent être observées le mieux possible par les hommes actuels dans les conditions de l'existence telle qu'elle est.

108. Pour des raisons déjà indiquées, un code de conduite personnelle parfaite est impossible à définir. Beaucoup de formes de la vie, différant à un haut degré les unes des autres, peuvent se manifester dans une société de telle sorte que les conditions d'une harmonieuse coopération se trouvent remplies. Si des types d'hommes variés adaptés à des types variés d'activités peuvent ainsi vivre chacun d'une vie complète dans son genre, il n'est pas possible de déterminer spécifiquement quelles activités sont universellement requises pour assurer le bien-être personnel.

Mais, bien que les besoins particuliers à satisfaire pour arriver au bien-être individuel varient autant que les conditions matérielles de chaque société, les individus de toutes les sociétés ont certains besoins généraux à satisfaire. Il faut universellement maintenir un équilibre moyen entre les pertes de l'organisme et la nutrition. La vitalité normale implique une relation entre l'activité et le repos, laquelle ne varie que dans de faibles limites. La perpétuité de la société dépend de la satisfaction de ces besoins personnels au premier chef qui ont pour effet le mariage et la paternité. Ainsi la perfection de la vie individuelle implique certains modes d'action qui sont approximativement semblables dans tous les cas et qui par suite font partie de l'objet de la morale.

On peut à peine dire qu'il soit possible de ramener même cette partie restreinte à une précision scientifique. Mais les exigences morales peuvent être ici rattachées aux nécessités physiques de manière à leur donner une autorité partiellement scientifique. Il est clair que, entre la dépense de la substance corporelle par l'action vitale et l'assimilation de matériaux propres à renouveler cette substance, il y a un rapport direct. Il est clair aussi qu'il y a un rapport direct entre l'usure des tissus par l'effort, et le besoin de ces suspensions d'effort pendant lesquelles l'usure se répare. Il n'est pas moins clair qu'entre le chiffre de la mortalité et celui des naissances, dans toute société, il y a une relation telle que le dernier doit atteindre un certain niveau pour faire équilibre au premier et prévenir la disparition de la société. On peut en conclure que la recherche d'autres fins principales est déterminée de la même manière par certaines nécessités naturelles, et que de celles-ci dérivent leurs sanctions morales. On peut douter qu'il soit jamais possible de formuler des règles précises pour la conduite privée en conformité avec ces besoins. Mais la fonction de la morale absolue par rapport à la conduite privée est remplie, quand elle a reconnu ces besoins comme généralement éprouvés, quand elle a montré qu'il est obligatoire de s'y soumettre, et qu'elle a enseigné qu'il faut considérer avec soin si la conduite les satisfait autant que possible.

Dans la morale de la conduite personnelle considérée par rapport aux conditions actuelles, se présentent toutes les questions relatives au degré auquel le bien-être personnel immédiat doit être subordonné ou au bien-être personnel final, ou au bien-être des autres. A la manière dont nous vivons aujourd'hui, les droits de l'individu au moment présent s'opposent à chaque instant à ses droits dans l'avenir, et les intérêts individuels sont à chaque instant en lutte avec les intérêts des autres, pris séparément ou en société. Dans la plupart des cas, les décisions ne sont que des compromis, et la science morale, alors simplement empirique, ne peut qu'aider à faire les compromis qui soient le moins possible sujets à critique. Pour arriver au meilleur compromis dans n'importe quel cas, il faut concevoir exactement les conséquences alternatives de telle ou telle manière d'agir. Par suite, autant que l'on peut préciser la morale absolue de la conduite individuelle, elle doit nous aidera décider entre des exigences personnelles opposées, et aussi entre le besoin d'affirmer nos droits et celui de les subordonner à ceux des autres.

109. De cette division de la morale qui traite de la bonne direction à donner à la conduite privée, considérée abstraction faite des effets directement produits sur les autres, nous passons maintenant à cette division de la morale qui, considérant exclusivement les effets de la conduite par rapport aux autres, traite de la bonne direction à lui donner en tenant compte de ces effets.

Le premier groupe de règles qui se rangent dans cette division sont celles qui concernent ce que nous distinguons sous le nom de justice. La vie individuelle est possible à la condition seulement que chaque organe reçoive en retour de son action une quantité équivalente de sang, tandis que l'organisme dans son ensemble tire du milieu des matériaux assimilables qui sont la compensation de ses efforts; la dépendance mutuelle des parties de l'organisme social rend nécessaire, aussi bien pour sa vie totale que pour la vie de ses unités, la conservation analogue d'une légitime proportion entre les bénéfices et les travaux: la relation naturelle entre le travail et le bien-être doit rester intacte. La justice, qui formule l'ordre de la conduite et qui lui impose des limites, est à la fois la division la plus importante de la morale et celle qui comporte la plus grande précision. Ce principe d'équivalence, que nous trouvons quand nous en cherchons la racine dans les lois de la vie individuelle, comprend l'idée de mesure; et, en passant à la vie sociale, le même principe nous amène à concevoir l'équité ou l'égalité dans les relations des citoyens entre eux; les éléments des questions qui se présentent sont quantitatifs, et, par suite, les solutions revêtent une forme plus scientifique. Tout en reconnaissant des différences entre les individus, différences qui tiennent à l'âge, au sexe ou à d'autres causes, et nous empêchent de regarder les membres d'une société comme absolument égaux, et par suite de traiter les problèmes auxquels leurs relations donnent lieu avec la précision qu'une égalité absolue rendrait seule possible, nous pouvons cependant, en les considérant comme approximativement égaux en vertu de leur commune nature d'homme, et en traitant les questions d'équité d'après cette supposition, arriver à des conclusions d'un genre assez précis.

Cette division de la morale, considérée sous sa forme absolue, doit définir les relations équitables d'individus parfaits qui limitent mutuellement leurs sphères d'action par le fait de coexister, et qui atteignent leurs fins par coopération. Elle a encore bien plus à faire. Outre la justice d'homme à homme, elle doit encore traiter de la justice dans les relations de chaque homme avec l'agrégat des hommes. Les relations entre les individus et l'Etat, considéré comme représentant tous les individus, sont à déduire, sujet important et relativement difficile. Quel est le fondement moral de l'autorité gouvernementale? Pour quelles fins peut-elle légitimement s'exercer? Jusqu'où peut-elle aller sans s'écarter du droit chemin? Jusqu'à quel point les citoyens sont-ils tenus de reconnaître les décisions collectives d'autres citoyens, et au delà de quel point peuvent-ils avec raison refuser de s'y soumettre?

Ces relations privées et publiques, considérées comme maintenues dans des conditions idéales, une fois formulées, il faut traiter des relations analogues dans des conditions réelles; la justice absolue étant la règle, il faut déterminer la justice relative en recherchant jusqu'où, dans les circonstances présentes, nous pouvons nous rapprocher de cette règle. Comme il résulte déjà de plusieurs passages, il est impossible, durant les degrés de transition qui nécessitent des compromis toujours changeants, de se conformer aux prescriptions de l'équité absolue, et l'on ne peut former que des jugements empiriques sur la mesure dans laquelle, à un moment quelconque, on peut s'y conformer. Tant que la guerre continue et que l'injustice règne dans les relations internationales, il ne peut rien y avoir de semblable à une justice complète dans l'intérieur de chaque société. L'organisation militaire, non moins que l'action militaire, est inconciliable avec la pure équité, et l'iniquité qu'elle implique se ramifie inévitablement dans toutes les relations sociales; mais il y a, à chaque degré de l'évolution sociale, une certaine mesure de variation qui fait qu'on se rapproche davantage ou qu'on s'éloigne un peu plus de ce que demande l'équité absolue. Aussi faut-il toujours avoir en vue ce qu'elle demande pour pouvoir assurer l'équité relative.

110. Des deux subdivisions de la bienfaisance, suivant qu'elle est négative ou positive, on ne peut spécialiser ni l'une ni l'autre. Dans les conditions idéales, la première n'a qu'une existence nominale, et la seconde prend une forme tout à fait différente dont on ne peut donner qu'une définition générale.

Dans la conduite de l'homme idéal au milieu d'hommes idéaux, les règles qu'on s'impose à soi-même pour épargner de la peine aux autres n'ont pas d'application pratique. Comme personne n'éprouve de sentiments qui portent à agir de manière à affecter désagréablement les autres, il ne saurait y avoir de code restrictif qui se rapporte à cette division de la conduite.

Mais si la bienfaisance négative est une partie nominale seulement de la morale absolue, elle est une partie actuelle et considérable de la morale relative. Car tant que la nature humaine restera imparfaitement adaptée à la vie sociale, elle continuera à avoir des tendances qui, produisant dans certains cas des actions que nous nommons injustes, produisent dans d'autres les actions que nous nommons désobligeantes, désobligeantes tantôt en fait, tantôt en paroles; et, par rapport aux manières d'agir qui ne sont pas agressives, mais causent cependant de la peine, naissent de nombreux et difficiles problèmes. On fait quelquefois de la peine aux autres, simplement en soutenant une prétention équitable, d'autres fois en rejetant une demande, ou encore en soutenant une opinion. Dans ces cas et dans beaucoup d'autres qu'il est facile d'imaginer, la question à résoudre est de savoir si, pour éviter de faire de la peine, on doit faire le sacrifice de ses sentiments personnels, et dans quelle mesure. En outre, dans des cas d'un autre genre, on fait de la peine aux autres non par une manière d'agir passive, mais par une manière d'agir active. Jusqu'à quel point une personne qui s'est mal comportée doit-elle être punie par l'aversion qu'on lui témoignera? Un homme commet une action blâmable; faut-il lui exprimer sa réprobation ou ne rien dire? Est-il bien de blesser en condamnant le préjugé montré par un autre? Il faut répondre à ces questions et à d'autres semblables en tenant compte de la peine immédiate produite, des avantages qui peuvent résulter de cette peine, et du mal qui résulterait peut-être si l'on se refusait à la causer. Dans la solution des problèmes de cette classe, le seul secours fourni par la morale absolue est de faire bien comprendre qu'on ne saurait être autorisé à infliger plus de peine qu'il n'est nécessaire de le faire, ou dans son propre intérêt, ou dans l'intérêt d'autrui, ou dans l'intérêt d'un principe général.

De la bienfaisance positive sous sa forme absolue, il n'y a rien de spécifique à dire, sinon qu'elle doit devenir coextensive à la sphère, quelle qu'elle soit, qui lui reste; elle sert à rendre plus complète la vie de chacun, en tant qu'il reçoit des services, et à exalter la vie de chacun en tant qu'il est capable d'en rendre. Comme avec le développement de l'humanité le désir de l'exercer doit s'accroître dans tous les coeurs, et la sphère de cet exercice décroître en même temps, au point qu'il se produise une compétition altruiste analogue à la compétition égoïste dont nous sommes les témoins, il est possible que la morale absolue finisse par comporter ce que nous avons appelé plus haut une équité supérieure, prescrivant les limitations mutuelles des activités altruistes.

Sous sa forme relative, la bienfaisance positive présente de nombreux problèmes, aussi importants que difficiles, et dont les solutions sont purement empiriques. Jusqu'où faut-il pousser dans chaque cas les sacrifices personnels au profit des autres? C'est une question à laquelle on fera différentes réponses suivant le caractère des autres, leurs besoins, et les divers droits de l'individu lui-même et des siens qui peuvent se présenter. Dans quelle mesure, dans des circonstances données, doit-on subordonner l'intérêt privé à l'intérêt public? C'est une question à laquelle on répondra après avoir considéré l'importance de la fin et la gravité du sacrifice. Quel avantage, quel inconvénient doit-il résulter de l'assistance gratuite donnée à autrui? C'est encore une question qui implique dans chaque cas un calcul des probabilités. En traitant bien telle ou telle personne, ne s'expose-t-on pas à faire tort à plusieurs autres? Dans quelle limite peut-on rendre service à la génération actuelle des inférieurs sans nuire par avance à la génération future des supérieurs? Evidemment, à ces questions et à beaucoup d'autres semblables que soulève cette division de la morale relative, on ne peut faire qu'approximativement des réponses vraies.

Mais bien que la morale absolue, par la règle qu'elle fournit, ne puisse pas être ici d'un grand secours pour la morale relative, cependant, comme dans les autres cas, elle a du moins quelque utilité en présentant à la conscience une conciliation idéale des différentes prétentions en jeu, et en suggérant la recherche des compromis tels qu'aucune d'elles ne soit méconnue, et que toutes soient satisfaites autant que possible.

FIN