Sadece LitRes`te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Han d'Islande», sayfa 25

Yazı tipi:

– Hélas! s'écria Éthel.

Toute sa force d'ange lui revint, et elle se prosterna devant le condamné:

– Adieu! mon Ordener bien-aimé; mon seigneur, donnez-moi votre bénédiction.

Le prisonnier accomplit ce voeu touchant, puis il se retourna pour saluer le vénérable Athanase Munder. Le vieillard était également agenouillé devant lui.

– Qu'attendez-vous, mon père? demanda-t-il surpris.

Le vieillard le regarda d'un air humble et doux:

– Votre bénédiction, mon fils.

– Que le ciel vous bénisse et appelle sur vous toutes les félicités que vos prières appellent sur vos frères les autres hommes, répondit Ordener d'un accent ému et solennel.

Bientôt la voûte sépulcrale entendit les derniers adieux et les derniers baisers; bientôt les durs verrous se refermèrent bruyamment, et la porte de fer sépara les deux jeunes époux, qui allaient mourir après s'être donné rendez-vous dans l'éternité.

XLV

À qui me livrera Louis Perez, mort ou vif, Je lui donne deux mille écus.

CALDERON. Louis Perez de Galice.

– Baron Voethaün, colonel des arquebusiers de Munckholm, quel est celui des soldats qui ont combattu sous vos ordres au Pilier-Noir, qui a fait Han d'Islande prisonnier? Nommez-le au tribunal, afin qu'il reçoive les mille écus royaux promis pour cette capture.

Ainsi parle au colonel des arquebusiers le président du tribunal. Le tribunal est assemblé; car, selon l'usage ancien de Norvège, les juges qui prononcent sans appel doivent rester sur leurs sièges jusqu'à ce que l'arrêt qu'ils ont rendu soit exécuté. Devant eux est le géant, qu'on vient de ramener, portant à son cou la corde qui doit le porter à son tour dans quelques heures.

Le colonel, assis près de la table du secrétaire intime, se lève. Il salue le tribunal et l'évêque, qui est remonté sur son trône.

– Seigneurs juges, le soldat qui a pris Han d'Islande est dans cette enceinte. Il se nomme Toric Belfast, second arquebusier de mon régiment.

– Qu'il vienne donc, reprend le président, recevoir la récompense promise.

Un jeune soldat, en uniforme d'arquebusier de Munckholm, se présente.

– Vous êtes Toric Belfast? demande le président.

– Oui, votre grâce.

– C'est vous qui avez fait Han d'Islande prisonnier?

– Oui, avec l'aide de saint Belzébuth, s'il plaît à votre excellence.

On apporte sur le tribunal un sac pesant.

– Vous reconnaissez bien cet homme pour le fameux Han d'Islande? ajoute le président, montrant le géant enchaîné.

– Je connaissais mieux le minois de la jolie Cattie que celui de Han d'Islande; mais j'affirme, par la gloire de saint Belphégor, que, si Han d'Islande est quelque part, c'est sous la forme de ce grand démon.

– Approchez, Toric Belfast, reprit le président. Voici les mille écus promis par le haut-syndic.

Le soldat s'avançait précipitamment vers le tribunal, quand une voix s'éleva dans la foule:

– Arquebusier de Munckholm, ce n'est pas toi qui as pris Han d'Islande!

– Par tous les bienheureux diables, s'écria le soldat en se retournant, je n'ai en propriété que ma pipe et la minute où je parle, mais je promets de donner dix mille écus d'or à celui qui vient de dire cela, s'il peut prouver ce qu'il a dit.

Et, croisant les deux bras, il promenait un regard assuré sur l'auditoire.

– Eh bien! que celui qui vient de parler se montre donc!

– C'est moi! dit un petit homme qui fendait la presse pour pénétrer dans l'enceinte.

Ce nouveau personnage était enveloppé d'une natte de jonc et de poil de veau marin, vêtement des Groënlandais, qui tombait autour de lui comme le toit conique d'une hutte. Sa barbe était noire, et d'épais cheveux de même couleur, couvrant ses sourcils roux, cachaient son visage, dont tout ce qu'on distinguait était hideux. On ne voyait ni ses bras ni ses mains.

– Ah! c'est toi? dit le soldat avec un éclat de rire. Et qui donc, selon toi, mon beau sire, a eu l'honneur de prendre ce diabolique géant?

Le petit homme secoua la tête et dit avec une sorte de sourire malicieux:

– C'est moi!

En ce moment, le baron Voethaün crut reconnaître en cet homme singulier l'être mystérieux qui lui avait donné à Skongen l'avis de l'arrivée des rebelles; le chancelier d'Ahlefeld, l'hôte de la ruine d'Arbar; et le secrétaire intime, un certain paysan d'Oëlmoe, qui portait une natte pareille et lui avait si bien indiqué la retraite de Han d'Islande. Mais, séparés tous trois, ils ne purent se communiquer leur impression fugitive, que les différences de costume et de traits qu'ils remarquèrent ensuite eurent bientôt effacée.

– Vraiment, c'est toi! répondit le soldat ironiquement.– Sans ton costume de phoque du Groënland, au regard que tu me lances, je serais tenté de reconnaître en toi un autre nain grotesque, qui m'a de même cherché querelle dans le Spladgest, il y a environ quinze jours;– c'était le jour où on apporta le cadavre du mineur Gill Stadt.

– Gill Stadt! interrompit le petit homme en tressaillant.

– Oui, Gill Stadt, affirma le soldat avec indifférence, l'amoureux rebuté d'une fille qui était la maîtresse d'un de nos camarades, et pour laquelle il est mort comme un sot.

Le petit homme dit sourdement:

– N'y avait-il pas aussi au Spladgest le corps d'un officier de ton régiment?

– Précisément, je me rappellerai toute ma vie ce jour-là; j'ai oublié l'heure de la retraite dans le Spladgest, et j'ai failli être dégradé en rentrant au fort. Cet officier, c'était le capitaine Dispolsen.

À ce nom le secrétaire intime se leva.

– Ces deux individus abusent de la patience du tribunal. Nous prions le seigneur président d'abréger cet entretien inutile.

– Par l'honneur de ma Cattie, je ne demande pas mieux, dit Toric Belfast, pourvu que vos courtoisies m'adjugent les mille écus promis pour la tête de Han, car c'est moi qui l'ai fait prisonnier.

– Tu mens! s'écria le petit homme.

Le soldat chercha son sabre à son côté.

– Tu es bien heureux, drôle, que nous soyons devant la justice, en présence de laquelle un soldat, fût-il arquebusier de Munckholm, doit se tenir désarmé comme un vieux coq.

– C'est à moi, dit froidement le petit homme, qu'appartient le salaire, car sans moi on n'aurait pas la tête de Han d'Islande.

Le soldat furieux jura que c'était lui qui avait pris Han d'Islande lorsque, tombé sur le champ de bataille, il commençait à rouvrir les yeux.

– Eh bien, dit son adversaire, il se peut que ce soit toi qui l'aies pris, mais c'est moi qui l'ai terrassé; sans moi tu n'aurais pu l'emmener prisonnier; donc les mille écus m'appartiennent.

– Cela est faux, répliqua le soldat, ce n'est pas toi qui l'as terrassé, c'est un esprit vêtu de peaux de bêtes.

– C'est moi!

– Non, non.

Le président ordonna aux deux parties de se taire; puis, demandant de nouveau au colonel Voethaün si c'était bien Toric Belfast qui lui avait amené Han d'Islande prisonnier, sur la réponse affirmative, il déclara que la récompense appartenait au soldat.

Le petit homme grinça des dents, et l'arquebusier étendit avidement les mains pour recevoir le sac.

– Un instant! cria le petit homme.– Sire président, cette somme, d'après l'édit du haut-syndic, n'appartient qu'à celui qui livrera Han d'Islande.

– Eh bien? dirent les juges.

Le petit homme se tourna vers le géant:

– Cet homme n'est pas Han d'Islande.

Un murmure d'étonnement parcourut la salle. Le président et le secrétaire intime s'agitaient sur leurs sièges.

– Non, répéta avec force le petit homme, l'argent n'appartient pas à l'arquebusier maudit de Munckholm, car cet homme n'est point Han d'Islande.

– Hallebardiers, dit le président, qu'on emmène ce furieux, il a perdu la raison.

L'évêque éleva la voix:

– Me permette le respectable président de lui faire observer qu'on peut, en refusant d'entendre cet homme, briser la planche du salut sous les pieds du condamné ici présent. Je demande au contraire que la confrontation continue.

– Révérend évêque, le tribunal va vous satisfaire, répondit le président; et s'adressant au géant:– Vous avez déclaré être Han d'Islande; confirmez-vous devant la mort votre déclaration?

– Le condamné répondit:– Je la confirme, je suis Han d'Islande.

– Vous entendez, seigneur évêque?

Le petit homme criait en même temps que le président:

– Tu mens, montagnard de Kole! tu mens! Ne t'obstine pas à porter un nom qui t'écrase; souviens-toi qu'il t'a déjà été funeste.

– Je suis Han, de Klipstadur, en Islande, répéta le géant, l'oeil fixé sur le secrétaire intime.

Le petit homme s'approcha du soldat de Munckholm, qui, comme l'auditoire, observait cette scène avec curiosité.

– Montagnard de Kole, on dit que Han d'Islande boit du sang humain. Si tu l'es, bois-en.– En voici.

Et à peine ces paroles étaient-elles prononcées, qu'écartant son manteau de natte, il avait plongé un poignard dans le coeur de l'arquebusier, et jeté le cadavre aux pieds du géant.

Un cri d'effroi et d'horreur s'éleva; les soldats qui gardaient le géant reculèrent. Le petit homme, prompt comme le tonnerre, s'élança sur le montagnard découvert, et d'un nouveau coup de poignard il le fit tomber sur le corps du soldat. Alors, dépouillant sa natte de jonc, sa fausse chevelure et sa barbe noire, il dévoila ses membres nerveux, hideusement revêtus de peaux de bêtes, et un visage qui répandit plus d'horreur encore parmi les assistants que le poignard sanglant dont il élevait le fer dégouttant de deux meurtres.

– Hé! juges, où est Han d'Islande?

– Gardes, qu'on saisisse ce monstre! cria le président épouvanté.

Han jeta dans la salle son poignard.

– Il m'est inutile, s'il n'y a plus ici de soldats de Munckholm. En parlant ainsi, il se livra sans résistance aux hallebardiers et aux archers qui l'entouraient, se préparant à l'assiéger comme une ville. On enchaîna le monstre sur le banc des accusés, et une litière emporta ses deux victimes, dont l'une, le montagnard, respirait encore.

Il est impossible de peindre les divers mouvements de terreur, d'étonnement et d'indignation qui, pendant cette scène horrible, avaient agité le peuple, les gardes et les juges. Quand le brigand eut pris place, calme et impassible, sur le banc fatal, le sentiment de la curiosité imposa silence à toute autre impression, et l'attention rétablit la tranquillité.

L'évêque vénérable se leva:

– Seigneurs juges.... dit-il.

Le brigand l'interrompit:

– Évêque de Drontheim, je suis Han d'Islande; ne prends pas la peine de me défendre.

Le secrétaire intime se leva.

– Noble président....

Le monstre lui coupa la parole:

– Secrétaire intime, je suis Han d'Islande; ne prends pas le soin de m'accuser.

Alors, les pieds dans le sang, il promena son oeil farouche et hardi sur le tribunal, les archers et la foule, et l'on eût dit que tous ces hommes palpitaient d'épouvante sous le regard de cet homme désarmé, seul et enchaîné.

– Écoutez, juges, n'attendez pas de moi de longues paroles. Je suis le démon de Klipstadur. Ma mère est cette vieille Islande, l'île des volcans. Elle ne formait autrefois qu'une montagne, mais elle a été écrasée par la main d'un géant qui s'appuya sur sa cime en tombant du ciel. Je n'ai pas besoin de vous parler de moi; je suis le descendant d'Ingolphe l'Exterminateur, et je porte en moi son esprit. J'ai commis plus de meurtres et allumé plus d'incendies que vous n'avez à vous tous prononcé d'arrêts iniques dans votre vie. J'ai des secrets communs avec le chancelier d'Ahlefeld.– Je boirais tout le sang qui coule dans vos veines avec délices. Ma nature est de haïr les hommes, ma mission de leur nuire. Colonel des arquebusiers de Munckholm, c'est moi qui t'ai donné avis du passage des mineurs au Pilier-Noir, certain que tu tuerais un grand nombre d'hommes dans ces gorges; c'est moi qui ai écrasé un bataillon de ton régiment avec des quartiers de rochers; je vengeais mon fils.– Maintenant, juges, mon fils est mort; je viens ici chercher la mort. L'âme d'Ingolphe me pèse, parce que je la porte seul et que je ne pourrai la transmettre à aucun héritier. Je suis las de la vie, puisqu'elle ne peut plus être l'exemple et la leçon d'un successeur. J'ai assez bu de sang; je n'ai plus soif. À présent, me voici; vous pouvez boire le mien.

Il se tut, et toutes les voix répétèrent sourdement chacune de ses effroyables paroles.

L'évêque lui dit:

– Mon fils, dans quelle intention avez-vous donc commis tant de crimes?

Le brigand se mit à rire.

– Ma foi, je te jure, révérend évêque, que ce n'était pas, comme ton confrère l'évêque de Borglum, dans l'intention de m'enrichir. [Footnote: Quelques chroniqueurs affirment qu'en 1525 un évêque de Borglum se rendit fameux par divers brigandages. Il soudoyait des pirates, disent-ils, qui infestaient les côtes de-Norvège.] Quelque chose était en moi, qui me poussait.

– Dieu ne réside pas toujours dans tous ses ministres, répondit humblement le saint vieillard. Vous voulez m'insulter, je voudrais pouvoir vous défendre.

– Ta révérence perd son temps. Va demander à ton autre confrère l'évêque de Scalholt, en Islande. Par Ingolphe, ce sera une chose étrange que deux évêques aient pris soin de ma vie, l'un près de mon berceau, l'autre près de mon sépulcre.– Évêque, tu es un vieux fou.

– Mon fils, croyez-vous en Dieu?

– Pourquoi non? Je veux qu'il soit un Dieu pour pouvoir blasphémer.

– Arrêtez, malheureux! vous allez mourir, et vous ne baisez pas les pieds du Christ!

Han d'Islande haussa les épaules.

– Si je le faisais, ce serait à la manière du gendarme de Roll, qui fit tomber le roi en lui baisant le pied.

L'évêque se rassit, profondément ému.

– Allons, juges, poursuivit Han d'Islande, qu'attendez-vous? Si j'avais été à votre place et vous à la mienne, je ne vous aurais point fait attendre si longtemps votre arrêt de mort. Le tribunal se retira. Après une courte délibération, il rentra dans l'audience, et le président lut à haute voix une sentence qui, selon les formules, condamnait Han d'Islande à être pendu par le cou jusqu'à ce que mort s'ensuivît.

– Voilà qui est bien, dit le brigand. Chancelier d'Ahlefeld, j'en sais assez sur ton compte pour t'en faire obtenir autant. Mais vis, puisque tu fais du mal aux hommes.– Allons, je suis sûr maintenant de ne point aller dans le Nysthiem[14].

Le secrétaire intime ordonna aux gardes qui l'emmenaient de le déposer dans le donjon du Lion de Slesvig, pendant qu'on lui préparerait un cachot, pour y attendre son exécution, dans le quartier des arquebusiers de Munckholm.

– Dans le quartier des arquebusiers de Munckholm! répéta le monstre avec un grondement de joie.

XLVI

Cependant le cadavre de Ponce de Léon qui était resté auprès de la fontaine, ayant été défiguré par le soleil, les Maures des Alpuxares s'en emparèrent et le portèrent à Grenade.

E.H. Le Captif d'Ochali.

Cependant, avant l'aube du jour dans lequel nous sommes déjà assez avancés, à l'heure même où la sentence d'Ordener se prononçait à Munckholm, le nouveau gardien du Spladgest de Drontheim, l'ancien lieutenant et le successeur actuel de Benignus Spiagudry, Oglypiglap, avait été brusquement réveillé sur son grabat par le retentissement de la porte de l'édifice sous plusieurs coups violents. Il s'était levé à regret, avait pris sa lampe de cuivre dont la faible lumière blessait ses yeux endormis, et était allé, en jurant de l'humidité de la salle des morts, ouvrir à ceux qui l'arrachaient si tôt à son sommeil.

C'étaient des pêcheurs du lac de Sparbo, qui apportaient sur une litière couverte de joncs, d'algues et de limoselle des marais, un cadavre trouvé dans les eaux du lac.

Ils déposèrent leur fardeau dans l'intérieur de l'édifice funèbre, et Oglypiglap leur donna un reçu du mort afin qu'ils pussent réclamer leur salaire.

Resté seul dans le Spladgest, il commença à déshabiller le cadavre, qui était remarquable par sa longueur et sa maigreur. Le premier objet qui se présenta à ses yeux, quand il eut soulevé le voile dont il était enveloppé, fut une énorme perruque.

– En vérité, se dit-il, cette perruque de forme étrangère m'a déjà passé par les mains, c'était celle de ce jeune élégant français… Mais, continua-t-il en poursuivant ses opérations, voici les bottes fortes du pauvre postillon Cramner que ses chevaux ont écrasé, et…– que diable est-ce que cela signifie?– l'habit noir complet du professeur Syngramtax, ce vieux savant qui s'est noyé dernièrement.– Quel est donc ce nouveau venu qui m'arrive avec la dépouille de toutes mes vieilles connaissances?

Il promena sa lampe sur le visage du mort, mais inutilement; les traits, déjà décomposés, avaient perdu leur forme et leur couleur. Il fouilla dans les poches de l'habit, et en tira quelques vieux parchemins imprégnés d'eau et souillés de vase; il les essuya fortement avec son tablier de cuir, et parvint à lire sur l'un d'eux ces mots sans suite à demi effacés: «– Rudbeck. Saxon le grammairien. Arngrim, évêque de Holum.– Il n'y a en Norvège que deux comtés, Larvig et Jarlsberg, et une baronnie…– On ne trouve de mines d'argent qu'à Kongsberg; de l'aimant, des aspestes, qu'à Sundmoër; de l'améthyste, qu'à Guldbranshal; des calcédoines, des agates, du jaspe, qu'aux îles Fa-roër.– À Noukahiva, en temps de famine, les hommes mangent leurs femmes et leurs enfants.– Thormodus Thorfoeus; Isleif, évêque de Scalholt, premier historien islandais.– Mercure joua aux échecs avec la Lune, et lui gagna la soixante-douzième partie du jour.– Malstrom, gouffre.– Hirundo, hirudo.– Cicéron, pois chiche; gloire.– Frode le savant.– Odin consultait la tête de Mimer, sage.– (Mahomet et son pigeon, Sertorius et sa biche).– Plus le sol… moins il renferme de gypse…»

– Je ne puis en croire encore mes yeux! s'écria-t-il, laissant tomber le parchemin; c'est l'écriture de mon ancien maître, Benignus Spiagudry!

Alors, examinant de nouveau le cadavre, il reconnut les longues mains, les cheveux rares, et toute l'habitude du corps de l'infortuné.

– Ce n'est pas à tort, pensa-t-il en secouant la tête, qu'on a lancé contre lui une accusation de sacrilège et de nécromancie. Le diable l'a enlevé pour le noyer dans le Sparbo.– Ce que c'est que de nous! qui eût jamais pensé que le docteur Spiagudry, après avoir si longtemps gardé les autres dans cette hôtellerie des morts, viendrait un jour de loin s'y faire garder lui-même!

Le petit lapon philosophe soulevait le corps pour le porter sur l'une de ses six couches de granit, lorsqu'il s'aperçut que quelque chose de lourd était attaché par un lien de cuir au cou du malheureux Spiagudry.

– C'est sans doute la pierre avec laquelle le démon l'a précipité dans le lac, murmura-t-il.

Il se trompait; c'était une petite cassette de fer, sur laquelle, en la regardant de près, après l'avoir soigneusement essuyée, il remarqua un large fermoir en écusson.

– Il y a sans doute quelque diablerie dans cette boîte, se dit-il; cet homme était sacrilège et sorcier. Allons déposer cette cassette chez l'évêque, elle renferme peut-être un démon.

Alors, la détachant du cadavre, qu'il déposa dans la salle d'exposition, il sortit en toute hâte pour se rendre au palais épiscopal, murmurant en chemin quelques prières contre la redoutable boîte qu'il portait.

XLVII

Est-ce un homme ou un esprit infernal qui parle ainsi? Quel est donc l'esprit malfaisant qui te tourmente? Montre-moi l'ennemi implacable qui habite ton coeur.

MATURIN.

Han d'Islande et Schumacker sont dans la même salle du donjon de Slesvig. L'ex-chancelier absous se promène à pas lents, les yeux chargés de pleurs amers; le brigand condamné rit de ses chaînes, environné de gardes.

Les deux prisonniers s'observent longtemps en silence; on dirait qu'ils se sentent tous deux et se reconnaissent mutuellement ennemis des hommes.

– Qui es-tu? demande enfin l'ex-chancelier au brigand.

– Je te dirai mon nom, reprit l'autre, pour te faire fuir. Je suis Han d'Islande.

Schumacker s'avance vers lui:

– Prends ma main! dit-il.

– Est-ce que tu veux que je la dévore?

– Han d'Islande, reprend Schumacker, je t'aime parce que tu hais les hommes.

– Voilà pourquoi je te hais.

– Écoute, je hais les hommes, comme toi, parce que je leur ai fait du bien, et qu'ils m'ont fait du mal.

– Tu ne les hais pas comme moi; je les hais, moi, parce qu'ils m'ont fait du bien, et que je leur ai rendu du mal.

Schumacker frémit du regard du monstre. Il a beau vaincre sa nature, son âme ne peut sympathiser avec celle-là.

– Oui, s'écrie-t-il, j'exècre les hommes, parce qu'ils sont fourbes, ingrats, cruels. Je leur ai dû tout le malheur de ma vie.

– Tant mieux!– je leur ai dû, moi, tout le bonheur de la mienne.

– Quel bonheur?

– Le bonheur de sentir des chairs palpitantes frémir sous ma dent, un sang fumant réchauffer mon gosier altéré; la volupté de briser des êtres vivants contre des pointes de rochers, et d'entendre le cri de la victime se mêler au bruit des membres fracassés. Voilà les plaisirs que m'ont procurés les hommes.

Schumacker recula avec épouvante devant le monstre dont il s'était approché presque avec l'orgueil de lui ressembler. Pénétré de honte, il voila son visage vénérable de ses mains; car ses yeux étaient pleins de larmes d'indignation, non contre la race humaine, mais contre lui-même. Son coeur noble et grand commençait à s'effrayer de la haine qu'il portait aux hommes depuis si longtemps en la voyant reproduite dans le coeur de Han d'Islande comme par un miroir effrayant.

– Eh bien! dit le monstre en riant, ennemi des hommes, oses-tu te vanter d'être semblable à moi?

Le vieillard frissonna.

– O Dieu! plutôt que de les haïr comme toi, j'aimerais mieux les aimer.

Les gardes vinrent chercher le monstre, pour l'emmener dans un cachot plus sûr. Schumacker rêveur resta seul dans le donjon; mais il n'y restait plus d'ennemi des hommes.