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Kitabı oku: «Abrégé de l'Histoire universelle depuis Charlemagne jusques à Charlequint (Tome 1)», sayfa 5

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SUITE DES USAGES DU TEMPS DE CHARLEMAGNE,
DE LA JUSTICE, DES LOIS ET COUTUMES SINGULIÈRES

La Justice se rendait ordinairement par les Comtes nommés par le Roi. Ils avaient leurs districts assignés. Ils devaient être instruits des Lois, qui n'étaient ni si difficiles ni si nombreuses, que les nôtres. La procédure était simple, chacun plaidait sa cause en France et en Allemagne. Rome seule et ce qui en dépendait, avait encore retenu beaucoup de Lois et de formalités de l'Empire Romain. Les Lois Lombardes avaient lieu dans le reste de l'Italie citérieure.

Chaque Comte avait sous lui un Lieutenant, nommé Viguier, sept Assesseurs, Scabini, et un Greffier, Notarius. Les Comtes publiaient dans leur juridiction l'ordre des marches pour la guerre, enrôlaient les soldats sous des Centeniers, les menaient aux rendez-vous, et laissaient alors leurs Lieutenants faire les fonctions de Juge.

Les Rois envoyaient des Commissaires avec Lettres expresses, missi Dominici, qui examinaient la conduite des Comtes. Ni ces Commissaires, ni ces Comtes ne condamnaient presque jamais à la mort, ni à aucun supplice; car si on en excepte la Saxe, où Charlemagne fit des Lois de sang, presque les délits se rachetaient dans le reste de son Empire. Le seul crime de rébellion était puni de mort, et les Rois s'en réservaient le jugement. La Loi Salique, celle des Lombards, celle de Ripuaires, avaient évalué à prix d'argent la plupart des autres attentats.

Leur Jurisprudence qui paraît humaine, était en effet plus cruelle que la nôtre. Elle laissait la liberté de mal faire à quiconque pouvait la payer. La plus douce loi est celle qui mettant le frein le plus terrible à l'iniquité, prévient ainsi le plus de crimes.

Par les anciennes Lois Ripuaires rédigées sous Théodoric, et depuis sous le Roi des Francs Dagobert, il en coûtait cent sous pour avoir coupé une oreille à un homme, et si la surdité ne suivait pas, on était quitte pour cinquante sous.

Le troisième Chapitre de la Loi Ripuaire permettait au meurtrier d'un Évêque de racheter son crime avec autant d'or qu'en pouvait peser une tunique de plomb, de la hauteur du coupable, et d'une épaisseur déterminée.

La Loi Salique remise en vigueur sous Charlemagne, fixe le prix de la vie d'un Évêque à neuf cents sous d'or.

On donnait la question, mais seulement aux esclaves; et celui qui avait fait mourir dans les tourments de la question l'esclave innocent d'un autre Maître, était obligé de lui en donner deux pour toute satisfaction.

Charlemagne qui corrigea les Lois Saliques et Lombardes, ne fit que hausser le prix des crimes. Ils étaient tous spécifiés. On distinguait ce que valait un coup qui avait ôté seulement un os de la tête, d'avec un coup qui laissait voir la cervelle.

Je trouve qu'une Sorcière convaincue d'avoir mangé de la chair humaine, était condamnée à deux cents sous: et cet article est un témoignage bien humiliant pour la Nature Humaine.

Il en coûtait sept cents sous pour le meurtre d'une Femme grosse, deux cents pour celui d'une Fille non encore adulte.

Tous les outrages à la pudicité avaient aussi leurs prix fixes. Le rapt d'une Femme non mariée ne valait que deux cents sous. Si on avait violé une Fille sur le grand-chemin on ne payait que quarante sous, et on la rendait à son Maître. De ces lois barbares la plus sévère était précisément celle qui devait être la plus douce. Charlemagne lui-même au VIe Livre de ses Capitulaires, dit que d'épouser sa Comère est un crime digne de mort, et qui ne peut se racheter qu'en passant toute sa vie en pèlerinage.

Parmi ces Lois Saliques, il s'en trouve une qui marque bien expressément dans quel mépris étaient tombés les Romains chez les Peuples barbares. Le Franc qui avait tué un Citoyen Romain, ne payait que mille cinquante deniers, et le Romain payait pour le sang d'un Franc deux mille cinq cents deniers.

Dans les Causes criminelles indécises, on se purgeait par serment. Il fallait non seulement que la partie accusée jurât, mais elle était obligée de produire un certain nombre de témoins qui juraient avec elle. Quand les deux parties opposaient serment à serment, on permettait quelquefois le combat, mais ce combat n'était point ce qu'on appela depuis combat à outrance.

Ces combats étaient appelés, comme on sait, le jugement de Dieu; c'est aussi le nom qu'on donnait à une des plus déplorables folies de ce Gouvernement barbare. Les accusés étaient fournis à l'épreuve de l'eau froide, de l'eau bouillante, ou du fer ardent. Le célèbre Étienne Baluze a rassemblé toutes les anciennes cérémonies de ces épreuves. Elles commençaient par la Messe, on y communiait l'accusé. On bénissait l'eau froide, on l'exorcisait. Ensuite l'accusé était jeté, garrotté, dans l'eau. S'il tombait au fond, il était réputé innocent. S'il surnageait, il était jugé coupable. Mr. de Fleury dans son Histoire Ecclésiastique dit que c'était une manière sûre de ne trouver personne criminel. J'ose croire que c'était une manière de faire périr beaucoup d'innocents. Il y a bien des gens qui ont la poitrine assez large et les poumons assez légers, pour ne point enfoncer, lorsqu'une grosse corde qui les lie avec plusieurs tours, fait avec leur corps un volume moins pesant qu'une pareille quantité d'eau. Cette malheureuse coutume, proscrite depuis dans les grandes Villes, s'est conservée jusqu'à nos jours dans beaucoup de Provinces. On y a très-souvent assujetti même par sentence de Juge, ceux qu'on faisait passer pour Sorciers: car rien ne dure si longtemps que la Superstition, et il en a coûté la vie à plus d'un malheureux.

Le jugement de Dieu par l'eau chaude s'exécutait en faisant plonger le bras nu de l'accusé dans une cuve d'eau bouillante. Il fallait prendre au fond de la cuve un anneau béni. Le Juge en présence des Prêtres et du Peuple enfermait dans un sac le bras du patient, scellait le sac de son cachet, et si trois jours après il ne paraissait sur le bras aucune marque de brûlure, l'innocence était reconnue.

Tous les Historiens rapportent l'exemple de la Reine Teutberge, bru de l'Empereur Lothaire petit-fils de Charlemagne, accusée d'avoir commis un inceste avec son frère Moine et Sous-diacre. Elle nomma un champion qui se soumit pour elle à l'épreuve de l'eau bouillante, en présence d'une Cour nombreuse. Il prit l'anneau béni sans se brûler. Plusieurs hommes crédules, fondés sur de telles histoires, pensent qu'il y a des secrets qui peuvent rendre la peau insensible à l'action de l'eau bouillante; mais il n'y en a aucun; et tout ce qu'on peut dire sur cette aventure, et sur toutes celles qui lui ressemblent, c'est qu'elles ne sont pas vraies, ou que les Juges fermaient les yeux sur les artifices dont on se servait, pour faire croire qu'on plongeait la main dans l'eau chaude, car on pouvait aisément faire une cuve à double fond, l'air échauffé pouvait par des tuyaux soulever l'eau à peine tiède et la faire paraître bouillante. Il y a bien des manières de tromper, mais aucune d'être invulnérable.

La troisième épreuve était celle d'une barre de fer ardent, qu'il fallait porter dans la main l'espace de neuf pas. Il était plus difficile de tromper dans cette épreuve que dans les autres, aussi je ne vois personne qui s'y soit soumis dans ces Siècles grossiers.

À l'égard des Lois Civiles, voici ce qui me paraît de plus remarquable. Un homme qui n'avait point d'enfants, pouvait en adopter. Les époux pouvaient se répudier en Justice, et après le divorce il leur était permis de passer à d'autres noces. Nous avons dans Marculfe le détail de ces lois.

Mais ce qui paraîtra peut-être plus étonnant, et ce qui n'en est pas moins vrai, c'est qu'au Livre II de ces Formules de Marculfe, on trouve que rien n'était plus permis ni plus commun que de déroger à cette fameuse Loi Salique, par laquelle les Filles n'héritaient pas. On amenait sa fille devant le Comte ou le Commissaire, et on disait «ma chère fille, un usage ancien et impie ôte parmi nous toute portion paternelle aux filles, mais ayant considéré cette impiété, j'ai vu que, comme vous m'avez été donnés tous de Dieu également, je dois vous aimer de même; ainsi, ma chère fille, je veux que vous héritiez par portion égale avec vos frères dans toutes mes Terres, etc.»

On ne connaissait point chez les Francs qui vivaient suivant la LoiSalique et Ripuaire, cette distinction de Nobles et de Roturiers, de

Nobles de nom et d'armes, et de Nobles ab avo ou gens vivant noblement.

Il n'y avait que deux ordres de Citoyens, les Libres et les Serfs, à peu près comme aujourd'hui dans les Empires Mahométans et à la Chine.

LOUIS LE DÉBONNAIRE

L'Histoire des grands évènements de ce Monde n'est guère que l'Histoire des crimes. Je ne vois point de Siècle que l'ambition des Séculiers et des Ecclésiastiques n'ait rempli d'horreurs.

À peine Charlemagne est-il au tombeau, qu'une guerre civile désole sa

Famille et l'Empire.

Les Archevêques de Milan et de Crémone allumèrent les premiers feux. Leur prétexte est que Bernard, Roi d'Italie, est le Chef de la Maison Carolingienne10, le fils de l'aîné de Charlemagne. On voit assez la véritable raison dans cette fureur de remuer et dans cette frénésie d'ambition, qui s'autorise toujours des lois même faites pour la réprimer. Un Évêque d'Orléans entre dans leurs intrigues, l'oncle et le neveu lèvent des armées. On est prêt d'en venir aux mains à Châlons sur Saône, mais le parti de l'Empereur gagne par argent et par promesses la moitié de l'armée d'Italie. On négocie, c'est-à-dire on veut tromper. Le Roi est assez imprudent pour venir dans le camp de son oncle. Louis qu'on a nommé le Débonnaire, parce qu'il était faible, et qui fut cruel par faiblesse, fait crever les yeux à son neveu, qui lui demandait grâce à genoux. Le malheureux Roi meurt dans les tourments du corps et de l'esprit, trois jours après cette exécution cruelle. Alors Louis fait tondre et enfermer dans un Monastère ses trois frères, dans la crainte qu'un jour le sang de Charlemagne, trop respecté en eux, ne suscitât des guerres. Ce ne fut pas tout. L'empereur fait arrêter tous les partisans de Bernard, que ce Roi avait nommés sous l'espoir de sa grâce. Ils éprouvent le même supplice que le Roi. Les Ecclésiastiques sont exceptés de la sentence. On les épargne, eux qui étaient les auteurs de la guerre. La déposition ou l'exil sont leur seul châtiment. Louis ménageait l'Église, et l'Église fit bientôt sentir qu'il faut être ferme pour être respecté.

Dès l'an 817 Louis avait suivi le mauvais exemple de son père, en donnant des Royaumes à ses enfants; et n'ayant ni le courage d'esprit de son père, ni l'autorité que ce courage donne, il s'exposait à l'ingratitude. Oncle barbare et frère trop dur, il fut un père trop facile.

Ayant associé à l'Empire son fils aîné, Lothaire, donné l'Aquitaine au second nommé Pépin, la Bavière à Louis son troisième fils, il lui restait un jeune enfant d'une nouvelle femme. C'est ce Charles le Chauve, qui fut depuis Empereur. Il voulut après le partage, ne pas laisser sans État cet enfant d'une femme qu'il aimait.

Une des sources du malheur de Louis le Débonnaire, et de tant de désastres plus grands qui depuis ont affligé l'Europe, fut cet abus qui commençait à naître, d'accorder de la puissance dans le monde à ceux qui ont renoncé au monde.

Cette scène mémorable commença par un Moine nommé Vala: c'était un de ces hommes qui prennent la dureté pour la vertu, et l'opiniâtreté pour la confiance; qui fiers d'une dévotion mal entendue se croient en droit d'éclater avec scandale contre des abus moins grands que celui qui leur laisse cette liberté; et qui factieux par zèle pensent remplir leur devoir en faisant le mal avec un air de Christianisme.

Dans un Parlement tenu en 823 à Aix-la-chapelle, Parlement où étaient entrés les Abbés, parce qu'ils étaient Seigneurs de grandes Terres, ce Vala reproche publiquement à l'Empereur tous les désordres de l'État: «c'est vous, lui dit-il, qui en êtes coupable». Il parle ensuite en particulier à chaque membre du Parlement avec plus de sédition. Il ose accuser l'Impératrice Judith d'adultère. Il veut prévenir et empêcher les dons que l'Empereur veut faire à ce fils, qu'il a eu de l'Impératrice. Il déshonore et trouble la Famille Royale, et par conséquent l'État, sous prétexte du bien de l'État même.

Enfin l'Empereur irrité renvoie Vala dans son Monastère, dont il n'eût jamais dû sortir. Il se résout pour satisfaire sa femme, à donner à son fils une petite partie de l'Allemagne vers le Rhin, le Pays des Suisses et la Franche-Comté.

Si dans l'Europe les Lois avaient été fondées sur la puissance paternelle; si les esprits eussent été pénétrés de la nécessité du respect filial comme du premier de tous les devoirs, ainsi que je l'ai remarqué de la Chine; les trois enfants de l'Empereur, qui avaient reçu de lui des couronnes, ne se seraient point révolté contre leur père, qui donnait un héritage à un enfant du second lit.

D'abord ils se plaignirent: aussitôt le Moine de Corbie se joint à l'Abbé de Saint Denis, plus factieux encore, et qui ayant les Abbayes de Saint Médard, de Soissons et de Saint-Germain-des-Prés11, pouvait lever des troupes, et en leva ensuite. Les Évêques de Vienne, de Lyon, d'Amiens, unis à ces Moines, poussent les Princes à la guerre civile, en déclarant rebelles à Dieu, à l'Église, ceux qui ne seront pas de leur parti. En vain Louis le Débonnaire, au lieu d'assembler des armées, convoque quatre Conciles, dans lesquels on fait de bonnes et d'inutiles lois. Ses trois fils prennent les armes. C'est, je crois, la première fois qu'on a vu trois enfants soulevés ensemble contre leur père. L'Empereur arme à la fin. On voit deux camps remplis d'Évêques, d'Abbés et de Moines. Mais du côté des Princes est le Pape Grégoire IV dont le nom donne un grand poids à leur parti. C'était déjà l'intérêt des Papes d'abaisser les Empereurs. Déjà un Étienne, prédécesseur de Grégoire, s'était installé dans la Chaire Pontificale sans l'agrément de Louis le Débonnaire. Brouiller le père avec les enfants, semblait le moyen de s'agrandir sur leurs ruines. Le Pape Grégoire vient donc en France, et menace l'Empereur de l'excommunier. Cette cérémonie d'excommunication n'emportait pas encore l'idée qu'on voulut lui attacher depuis. On n'osait pas prétendre qu'un excommunié dût être privé de ses biens par la seule excommunication. Mais on croyait rendre un homme exécrable, et rompre par ce glaive tous les liens qui peuvent attacher les hommes à lui.

Les Évêques du parti de l'Empereur se servirent de leur droit, et font dire courageusement à l'Évêque, SI EXCOMMUNICATURUS VENIET, EXCOMMUNICATUS ABIBIT, S'il vient pour excommunier, il retournera excommunié lui-même. Ils lui écrivent avec fermeté, en le traitant à-la-vérité de Pape, mais en même temps de Frère. Grégoire plus fier encore leur mande «le terme de Frère sent trop l'égalité, tenez-vous en à celui de Pape, reconnaissez ma supériorité, sachez que l'autorité de ma chaire est au-dessus de celle du trône de Louis». Enfin il élude dans cette Lettre le serment qu'il a fait à l'Empereur son Maître.

Au milieu de cette guerre on négocie. La supériorité devait donc être du côté du Pape. Il était Prêtre et Italien, Louis était faible. Le Pontife le va trouver dans son camp. Il y a le même avantage que Louis avait autrefois sur Bernard. Il séduit ses troupes. À peine le Pape est-il sorti du camp, que la nuit même la moitié des Troupes Impériales passe du côté de Lothaire son fils. Cette désertion arriva près de Bâle, et la Plaine où le Pape avait négocié, s'appelle encore le Champ du mensonge. Alors le Monarque malheureux se rend prisonnier à ses fils rebelles, avec sa femme Judith, objet de leur haine. Il leur livre son fils Charles âgé de dix ans, prétexte innocent de la guerre. Dans des temps plus barbares, comme sous Clovis et ses enfants, ou dans des Pays tel que Constantinople, je ne serais point surpris qu'on eût fait périr Judith et son fils, et même l'Empereur. Les Vainqueurs se contentèrent de faire raser l'Impératrice, de la mettre en prison en Lombardie, de renfermer le jeune Charles dans le Couvent de Prum, au milieu de la Forêt des Ardennes, et de détrôner leur père. Il me semble, qu'en lisant le désastre de ce père trop bon, on ressent au moins une satisfaction secrète, quand on voit que ses fils ne furent guère moins ingrats envers cet Abbé Vala, le premier auteur de ces troubles, et envers le Pape qui les avait si bien soutenus. On voit avec plaisir le Pape retourner à Rome, méprisé des Vainqueurs, et Vala se renfermer dans un Monastère en Italie.

Lothaire d'autant plus coupable qu'il était associé à l'Empire, traîne son père prisonnier à Compiègne. Il y avait alors un abus funeste, introduit dans l'Église, qui défendait de porter les armes et d'exercer les fonctions civiles pendant le temps de la pénitence publique. Ces pénitences étaient rares, et ne tombaient guère que sur quelques malheureux de la lie du peuple. On résolut de faire subir à l'Empereur ce supplice infamant, sous le voile d'une humiliation Chrétienne et volontaire, et de lui imposer une pénitence perpétuelle, qui le dégraderait pour toujours.

Louis est intimidé. Il a la lâcheté de condescendre à cette proposition qu'on a la hardiesse de lui faire. Un Archevêque de Reims, nommé Elbon, tiré de la condition servile, malgré les lois élevé à cette dignité par Louis même, dépose ainsi son Souverain et son bienfaiteur. On fait comparaître le Souverain entouré de trente Évêques, de Chanoines, de Moines, dans l'Église de Notre Dame de Soissons. Lothaire son fils présent y jouit de l'humiliation de son père. On fait étendre un cilice devant l'autel. L'Archevêque ordonne à l'Empereur d'ôter son baudrier, son épée, son habit, et de se prosterner sur ce cilice. Louis le visage contre terre, demande lui-même la pénitence publique, qu'il ne méritait que trop en s'y soumettant. L'Archevêque le force de lire à haute voix un papier, dans lequel il s'accuse de sacrilège et d'homicide. Le malheureux lit posément la liste de ses crimes, parmi lesquels il est spécifié qu'il avait fait marcher ses troupes en Carême, et indiqué un Parlement un Jeudi Saint. On dresse un procès verbal de toute cette action: monument encore subsistant d'insolence et de bassesse. Dans ce procès verbal on ne daigne pas seulement nommer Louis du nom d'Empereur: il y est appelé DOMINUS LUDOVICUS, noble homme, vénérable homme.

Louis fut enfermé un an dans une cellule du Couvent de Saint Médard de Soissons, vêtu du sac de pénitent, sans domestiques, sans consolation, mort pour le reste du monde. S'il n'avait eu qu'un fils, il était perdu pour toujours; mais ses trois enfants disputant ses dépouilles, leur désunion rendit au père sa liberté et sa couronne.

En 834, transféré à Saint Denis, deux de ses fils, Louis et Pépin, vinrent le rétablir, et remettre entre ses bras sa femme et son fils Charles.

En 835, l'Assemblée de Soissons est anathématisée par une autre à Thionville; mais il n'en coûta à l'Archevêque de Reims que la perte de son Siège, encore fut-il jugé déposé dans la Sacristie. L'Empereur l'avait été en public aux pieds de l'Autel. Quelques Évêques furent déposés aussi. L'Empereur ne put ou n'osa les punir davantage.

Bientôt après un de ces mêmes enfants qui l'avaient rétabli, Louis de Bavière, se révolta encore. Le malheureux père mourut de chagrin dans une tente auprès de Mayence, en disant, Je pardonne à Louis, mais qu'il sache qu'il m'a donné la mort. (20 Juin 840)

Il confirma solennellement par son testament la donation de Pépin et de

Charlemagne à l'Église de Rome. Il y ajouta la Corse, la Sardaigne et la

Sicile. Dons inutiles autant que pieux: les Mahométans, comme je le dirai, envahissaient déjà ces Provinces.

Les présents de l'Istrie, de Bénévent, du Territoire de Venise, faits par Charlemagne, n'ont pas eu plus d'effet. Ils étaient occupés par des Seigneurs particuliers, qui s'en disputaient la propriété. C'était en effet donner aux Papes des Terres à conquérir.

ÉTAT DE L'EUROPE APRÈS LA MORT DE LOUIS LE DÉBONNAIRE

Bientôt après la mort du fils de Charlemagne son Empire éprouva ce qui était arrivé à celui d'Alexandre, et que nous verrons bientôt être la destinée de celui des Califes. Fondé avec précipitation, il s'écroula de même, les guerres intestines le divisèrent.

Il n'est pas surprenant que des Princes qui avaient détrôné leur père, se soient voulu exterminer l'un l'autre. C'était à qui dépouillerait son frère. Lothaire, Empereur, voulait tout. Charles le Chauve Roi de France et Louis Roi de Bavière s'unissent contre lui.

En 841, un fils de Pépin, ce Roi d'Aquitaine fils du Débonnaire, et devenu Roi après la mort de son père, se joint à Lothaire. Ils désolent l'Empire, ils l'épuisent de soldats.

Enfin deux Rois contre deux Rois, dont trois sont frères, et dont l'autre est leur neveu, se livrent une bataille à Fontenay dans l'Auxerrois, dont l'horreur est digne de guerres civiles. (842)

Plusieurs Auteurs assurent qu'il y périt cent mille hommes. Il est vrai que ces Auteurs ne sont pas contemporains, et que du moins il est permis de douter que tant de sang ait été répandu. L'Empereur Lothaire fut vaincu. Il donna alors au monde l'exemple d'une politique toute contraire à celle de Charlemagne.

Le Vainqueur des Saxons les avait assujettis au Christianisme comme à un frein nécessaire. Quelques révoltes et de fréquents retours à leur culte avaient marqué leur horreur pour une Religion qu'ils regardaient comme leur châtiment. Lothaire pour se les attacher, leur donne une liberté entière de conscience. La moitié du Pays redevint idolâtre, mais fidèle à son Roi. Cette conduite et celle de Charlemagne son grand-père, firent voir aux hommes combien diversement les Princes plient la Religion à leurs intérêts.

Les disgrâces de Lothaire en fournirent un autre exemple: ses deux frères, Charles le Chauve et Louis de Bavière, assemblèrent un Concile d'Évêques et d'Abbés à Aix-la-chapelle. (842)

Ces Prélats d'un commun accord déclarèrent Lothaire déchu de son droit à la couronne, et ses sujets déliés du serment de fidélité: promettez-vous de mieux gouverner que lui? disent-ils aux deux frères Charles et Louis: nous le promettons, répondirent les deux Rois: et nous, dit l'Évêque qui présidait, nous vous permettons par l'autorité divine, et nous vous commandons de régner à sa place.

En voyant les Évêques ainsi donner les couronnes, on se tromperait, si on croyait qu'ils fussent alors tels que des Électeurs de l'Empire. Ils étaient puissants à-la-vérité, mais aucun n'était Souverain. L'autorité de leur caractère et le respect des peuples étaient des instruments dont les Rois se servaient à leur gré. Il y avait dans ces Ecclésiastiques bien plus de faiblesse que de grandeur à décider ainsi du droit des Rois suivant les ordres du plus fort.

On ne doit pas être surpris, que quelques années après un Archevêque de Sens avec vingt autres Évêques ait osé dans des conjonctures pareilles déposer Charles le Chauve, Roi de France. (859)

Cet attentat fut commis pour plaire à Louis de Bavière. Ces Monarques, aussi méchants Rois que frères dénaturés, ne pouvant se faire périr l'un l'autre, se faisaient anathématiser tour à tour; mais ce qui surprend, c'est ce que ce même Charles le Chauve exprime dans un Écrit qu'il daigna publier contre l'Archevêque de Sens: au moins cet Archevêque ne devait pas me déposer avant que j'eusse comparu devant les Évêques qui m'avaient sacré Roi: il fallait qu'auparavant j'eusse subi leur jugement, ayant toujours été prêt à me soumettre à leurs corrections paternelles et à leur châtiment. La race de Charlemagne réduite à parler ainsi, marchait visiblement à sa ruine.

Je reviens à Lothaire, qui avait toujours un grand parti en Germanie, et qui était maître paisible en Italie. Il passe les Alpes, fait couronner son fils Louis, qui vient juger dans Rome le Pape Sergius II. (844)

Le Pontife comparaît, répond juridiquement aux accusations d'un Évêque de Metz, se justifie, et prête ensuite serment de fidélité à ce même Lothaire déposé par ses Évêques. Lothaire même fit cette célèbre et inutile Ordonnance, que pour éviter les séditions trop fréquentes, le Pape ne sera plus élu par le Peuple, et que l'on avertira l'Empereur de la vacance du Saint Siège.

Leur sentence ne fut qu'un scandale de plus ajouté aux désolations de l'Europe. Les Provinces depuis les Alpes au Rhin ne savaient plus à qui elles devaient obéir. Les Villes changeaient chaque jour de tyrans, les Campagnes étaient ravagées tour à tour par différents partis. On n'entendait parler que de combats, et dans ces combats il y avait toujours des Moines, des Abbés, des Évêques qui périssaient les armes à la main. Hugues, un des fils de Charlemagne, forcé jadis à être Moine, et depuis Abbé de Saint Quentin, fut tué devant Toulouse avec l'Abbé de Ferriére, deux Évêques y furent faits prisonniers.

Cet incendie s'arrêta un moment, pour recommencer avec fureur. Les trois frères Lothaire, Charles et Louis firent de nouveaux partages, qui ne furent que de nouveaux sujets de division et de guerre.

L'Empereur Lothaire, après avoir bouleversé l'Europe sans sujet et sans gloire, se sentant affaibli, vint se faire Moine dans l'Abbaye de Pram. Il ne vécut dans le froc que six jours, et mourut imbécile après avoir vécu en tyran.

À la mort de ce troisième Empereur d'Occident il s'éleva de nouveaux Royaumes en Europe, comme des monceaux de terre après les secousses d'un grand tremblement.

Un autre Lothaire, fils de cet Empereur, donna son nom de Lotharinge à une assez grande étendue de Pays nommé depuis par contraction Lorraine, entre le Rhin, l'Escaut, la Meuse et la Mer. Le Brabant fut appelé la basse Lorraine, le reste fut connu sous le nom de la haute. Aujourd'hui de cette haute Lorraine il ne reste qu'une petite Province de ce nom, engloutie depuis peu dans le Royaume de France.

Un second fils de l'Empereur Lothaire, nommé Charles, eut la Savoie, le Dauphiné, une partie du Lyonnais, de la Provence et du Languedoc. Cet État composa le Royaume d'Arles du nom de la Capitale, Ville autrefois opulente et embellie par les Romains; mais alors petite et pauvre, ainsi que toutes les Villes en-deçà des Alpes.

Un Barbare, qu'on nomme Salomon, se fit bientôt après Roi de la Bretagne, dont une partie était encore Païenne; mais tous ces Royaumes tombèrent aussi promptement qu'ils furent élevés.

Le fantôme d'Empire Romain subsistait. Louis, second fils de Lothaire, qui avait eu en partage une partie de l'Italie, fut proclamé Empereur par Sergius II en 855. Il fut le seul de tous ces Empereurs qui fixa son séjour à Rome; mais il ne possédait pas la neuvième partie de l'Empire de Charlemagne, et n'avait en Italie qu'une autorité contestée par les Papes et par les Ducs de Bénévent, qui possédaient alors un État considérable.

Après sa mort arrivée en 875, si la Loi Salique avait été en vigueur dans la Maison de Charlemagne, c'était à l'aîné de la Maison qu'appartenait l'Empire. Louis de Bavière, aîné de Charlemagne, devait succéder à son neveu mort sans enfants; mais des troupes et de l'argent firent les droits de Charles le Chauve. Il ferma les passages des Alpes à son frère, et se hâta d'aller à Rome avec quelques troupes. Reginus, les Annales de Metz et de Fulden assurent qu'il acheta l'Empire du Pape Jean VIII. Le Pape non seulement se fit payer, mais profitant de la conjoncture il donna l'Empire en Souverain, et Charles le reçut en Vassal, protestant qu'il le tenait du Pape, ainsi qu'il avait protesté auparavant en France en 859, qu'il devait subir le jugement des Évêques, laissant toujours avilir sa dignité pour en jouir.

Sous lui l'Empire Romain était donc composé de la France et de l'Italie. On dit qu'il mourut empoisonné de son Médecin, un Juif nommé Sédécias; mais personne n'a jamais dit par quelle raison ce Médecin commit ce crime. Que pouvait-il gagner en empoisonnant son Maître? Auprès de qui eût-il trouvé une plus belle fortune? Aucun Auteur ne parle du supplice de ce Médecin. Il faut donc douter de l'empoisonnement, et faire réflexion seulement, que l'Europe Chrétienne était si ignorante, que les Rois étaient obligés de chercher pour leurs Médecins des Juifs et des Arabes.

On voulait toujours saisir cette ombre d'Empire Romain, et Louis le Bègue Roi de France, fils de Charles le Chauve, le disputait aux autres descendants de Charlemagne. C'était toujours au Pape qu'on le demandait. Un Duc de Spoléte, un Marquis de Toscane, investis de ces États par Charles le Chauve, se saisirent du Pape Jean VIII et pillèrent une partie de Rome, pour forcer, disaient-ils, à donner l'Empire au Roi de Bavière, Carloman l'aîné de la race de Charlemagne. Non seulement le Pape Jean VIII était ainsi persécuté dans Rome par des Italiens, mais venait en 877 de payer vingt-cinq mille livres pesant d'argent aux Mahométans possesseurs de la Sicile et du Carillan. C'était l'argent dont Charles le Chauve avait acheté l'Empire. Il passa bientôt des mains du Pape en celles des Sarrasins, et le Pape même signa un Traité authentique de leur en payer autant tous les ans.

Cependant ce Pontife tributaire des Musulmans et prisonnier dans Rome, s'échappe, s'embarque, passe en France. Il vient sacrer Empereur Louis le Bègue dans la Ville de Troyes, à l'exemple de Léon III, d'Adrien et d'Étienne III persécuté chez eux, et donnant ailleurs des couronnes.

Sous Charles le Gros, Empereur et Roi de France, la désolation de l'Europe redoubla. Plus le sang de Charlemagne s'éloignait de sa source, et plus il dégénérait. Charles le Gros fut déclaré incapable de régner par une assemblée de Seigneurs Français et Allemands, qui le déposèrent auprès de Mayence dans une Diète convoquée par lui-même. Ce ne sont point ici des Évêques, qui en servant la passion d'un Prince, semblent disposer d'une couronne; ce furent les principaux qui crurent avoir le droit de nommer celui qui devait les gouverner, et combattre à leur tête. On dit que le cerveau de Charles le Gros était affaibli. Il le fut toujours sans-doute, puisqu'il se mit au point d'être détrôné sans résistance, de perdre à la fois l'Allemagne, la France et l'Italie, et de n'avoir enfin pour subsistance que la charité de l'Archevêque de Mayence, qui daigna le nourrir. Il paraît bien qu'alors l'ordre de la succession était compté pour rien, puisqu'Arnould, bâtard de Carloman, fils de Louis le Bègue, fut déclaré Empereur, et qu'Eudes ou Odon Comte de Paris fut Roi de France. Il n'y avait alors ni droit de naissance, ni droit d'élection reconnu. L'Europe était un chaos dans lequel le plus fort s'élevait sur les ruines du plus faible, pour être ensuite précipité par d'autres.

10.«Carlovingienne» dans l'édition originale de Jean Neaulme (1753).
11.«Saint Germain des-prez» dans l'édition originale de Jean Neaulme (1753).
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Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
170 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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