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Kitabı oku: «Abrégé de l'Histoire universelle depuis Charlemagne jusques à Charlequint (Tome 1)», sayfa 8

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DE LA PAPAUTÉ AU DIXIÈME SIÈCLE AVANT QU'OTHON LE GRAND SE RENDIT MAÎTRE DE ROME

Le Pape Formose, fils du Prêtre Léon, étant Évêque de Porto, avait été à la tête d'une faction contre Jean VIII et deux fois excommunié par ce Pape; mais ces excommunications qui furent bientôt après si terribles aux Têtes couronnées, le furent si peu pour Formose qu'il se fit élire Pape en 890.

Étienne VI aussi fils de Prêtre, successeur de Formose, homme qui joignait l'esprit du fanatisme à celui de la faction, ayant toute sa vie haï Formose, fit déterrer son corps qui était embaumé, et l'ayant revêtu des habits pontificaux, le fit comparaître dans un Concile assemblé pour juger sa mémoire. On donna au mort un Avocat, on lui fit son procès en forme, le cadavre fut déclaré coupable d'avoir changé d'Évêché, et d'avoir quitté celui de Porto pour celui de Rome; et pour réparation de ce crime, on lui trancha la tête par la main du bourreau, on lui coupa trois doigts, et on le jeta dans le Tibre.

Le Pape Étienne VI se rendit si odieux par cette farce aussi horrible que folle, que les amis de Formose ayant soulevé les citoyens, les chargèrent de fers, et l'étranglèrent en prison.

La faction ennemie de cet Étienne fit repêcher le corps de Formose, et le fit enterrer pontificalement une seconde fois.

Cette querelle échauffait les esprits. Sergius III qui remplissait Rome de ses brigues pour se faire Pape, fut exilé par son rival Jean IX ami de Formose; mais reconnu Pape après la mort de Jean IX il fit jeter une seconde fois Formose dans le Tibre. Dans ces troubles Théodora mère de Marozie qu'elle maria depuis au Marquis de Toscane, et d'une autre Théodora, toutes trois, célèbres par leurs galanteries, avait à Rome la principale autorité. Sergius n'avait été élu que par les intrigues de Théodora la mère. Il eut étant Pape un fils de Marozie qu'il éleva publiquement dans son Palais. Il ne paraît pas qu'il fût haï des Romains, qui naturellement voluptueux suivaient ses exemples plus qu'ils ne les blâmaient.

Après sa mort les deux sœurs Marozie et Théodora procurèrent la Chaire de Rome à un de leurs favoris, nommé Landon, mais ce Landon étant mort, la jeune Théodora fit élire Pape son Amant Jean X Évêque de Bologne, puis de Ravenne, et enfin de Rome. On ne lui reprocha point comme à Formose, d'avoir changé d'Évêché. Ces Papes condamnés par la postérité comme Évêques peu religieux, n'étaient point d'indignes Princes. Il s'en faut beaucoup. Ce Jean X que l'amour fit Pape, était un homme de génie et de courage; il fit ce que tous les Papes ses prédécesseurs n'avaient pu faire; il chassa les Sarrasins de cette partie de l'Italie nommée le Garillan.

Pour réussir dans cette expédition, il eut l'adresse d'obtenir des troupes de l'Empereur de Constantinople, quoique cet Empereur eût à se plaindre autant des Romains rebelles que des Sarrasins. Il fit armer le Comte de Capoue. Il obtint des milices de Toscane, et marcha lui-même à la tête de cette armée, menant avec lui un jeune fils de Marozie et du Marquis Adelbert: ayant chassé les Mahométans du voisinage de Rome, il voulait aussi délivrer l'Italie des Allemands et des autres étrangers.

L'Italie était envahie presqu'à la fois par les Bérengers, par un Roi de

Bourgogne, par un Roi d'Arles. Il les empêcha tous de dominer dans Rome.

Mais au bout de quelques années Guido, frère utérin de Hugo Roi d'Arles,

Tyran de l'Italie, ayant épousé Marozie toute puissante à Rome, cette même

Marozie conspira contre le Pape si longtemps Amant de sa sœur. Il fut surpris, mis aux fers, et étouffé entre deux matelas.

Marozie, maîtresse de Rome, fit élire Pape un nommé Léon, qu'elle fit mourir en prison au bout de quelques mois. Ensuite ayant donné le siège de Rome à un homme obscur, qui ne vécut que deux ans, elle mit enfin sur la Chaire Pontificale Jean XI son propre fils, qu'elle avait eu de son adultère avec Sergius III.

Jean XI n'avait que 24 ans quand sa mère le fit Pape; elle ne lui conféra cette dignité qu'à condition qu'il s'en tiendrait uniquement aux fonctions d'Évêque, et qu'il ne serait que le Chapelain de sa mère.

On prétend que Marozie empoisonna alors son mari Guido, Marquis de Toscane. Ce qui est vrai, c'est qu'elle épousa le frère de son mari Hugo Roi de Lombardie, et le mit en possession de Rome, se flattant d'être avec lui Impératrice; mais un fils du premier lit de Marozie se mit alors à la tête des Romains contre sa mère, chassa Hugues de Rome, renferma Marozie et le Pape son fils dans le Château Saint Ange. On prétend que Jean XI y mourut empoisonné.

Un Étienne VII Allemand de naissance, élu en 939, fut par cette naissance seule si odieux aux Romains, que dans une sédition le peuple lui balafra le visage au point qu'il ne put jamais depuis paraître en public.

Quelque temps après un petit-fils de Marozie, nommé Octavien, fut élu Pape à l'âge de 18 ans par le crédit de sa famille. Il prit le nom de Jean XII en mémoire de Jean XI son oncle. C'est le premier Pape qui ait changé son nom à son avènement au Pontificat. Il n'était point dans les Ordres quand sa famille le fit Pontife. C'était un jeune-homme qui vivait en Prince, aimant les armes et les plaisirs. On s'étonne que sous tant de Papes si scandaleux et si peu puissants, l'Église Romaine ne perdit ni ses prérogatives, ni ses prétentions; mais alors presque toutes les autres Églises étaient ainsi gouvernées. Le Clergé d'Italie pouvait mépriser les Papes, mais il respectait la Papauté, d'autant plus qu'ils y aspiraient; enfin dans l'opinion des hommes la place était sacrée, quand la personne était exécrable.

Pendant que Rome et l'Église étaient ainsi déchirées, Bérenger qu'on appelle le Jeune, disputait l'Italie à Hugues d'Arles. Les Italiens, comme le dit Luitprand contemporain, voulaient toujours avoir deux Maîtres pour n'en avoir réellement aucun: fausse et malheureuse politique, qui les faisait changer de tyrans et de malheurs. Tel était l'État déplorable de ce beau Pays, lorsqu'Othon le Grand y fut appelé par les plaintes de presque toutes les Villes, et même par ce jeune Pape Jean XII réduit à faire venir les Allemands qu'il ne pouvait souffrir.

SUITE DE L'EMPIRE D'OTHON ET DE L'ÉTAT DE L'ITALIE

Othon entra en Italie, et il s'y conduisit comme Charlemagne. Il vainquit Bérenger, qui en affectait la Souveraineté. Il se fit sacrer et couronner Empereur des Romains par les mains du Pape, prit le nom de César et d'Auguste, et obligea le Pape à lui faire serment de fidélité sur le tombeau dans lequel on dit que repose le corps de St. Pierre. On dressa un instrument authentique de cet Acte. Le Clergé et la Noblesse Romaine se soumettent à ne jamais élire de Pape qu'en présence des Commissaires de l'Empereur. Dans cet Acte Othon confirme les donations de Pépin, de Charlemagne, de Louis le Débonnaire, «sauf en tout notre puissance, dit-il, et celle de notre fils et de nos descendants». Cet Instrument écrit en lettres d'or, souscrit par sept Évêques d'Allemagne, cinq Comtes, deux Abbés et plusieurs Prélats Italiens, est gardé encore au Château Saint Ange; la date est du 13 Février 962.

On dit, et Mézéray le dit après d'autres, que Lothaire Roi de France et Hugues Capet depuis Roi, assistèrent à ce couronnement. Les Rois de France étaient en effet alors si faibles, qu'ils pouvaient servir d'ornement au Sacre d'un Empereur; mais le nom de Lothaire et de Hugues Capet ne se trouve pas dans les signatures de cet Acte.

Le Pape s'étant ainsi donné un Maître, quand il ne voulait qu'un Protecteur, lui fut bientôt infidèle. Il se ligua contre l'Empereur avec Bérenger même, réfugié chez des Mahométans qui venaient de se cantonner sur les côtes de Provence. Il fit venir le fils de Bérenger à Rome, tandis qu'Othon était à Pavie. Il envoya chez les Hongrois pour les solliciter à rentrer en Allemagne, mais il n'était pas assez puissant pour soutenir cette action hardie, mais l'Empereur l'était assez pour le punir.

Othon revint donc de Pavie à Rome, et s'étant assuré de la Ville, il tint un Concile, dans lequel il fit juridiquement le procès au Pape. Au lieu de le juger militairement, on assembla les Seigneurs Allemands et Romains, 40 Évêques, 17 Cardinaux dans l'Église de Saint Pierre, et là en présence de tout le peuple on accusa le Saint Père d'avoir joui de plusieurs femmes, et surtout d'une nommée Étiennette, qui était morte en couche. Les autres chefs d'accusation étaient d'avoir fait Évêque de Tody un enfant de dix ans, d'avoir vendu les Ordinations et les Bénéfices, d'avoir fait crever les yeux à son parrain, d'avoir châtré un Cardinal, et ensuite de l'avoir fait mourir; enfin de ne pas croire en JÉSUS-CHRIST, et d'avoir invoqué le Diable: deux choses qui semblent se contredire. On mêlait donc, comme il arrive presque toujours, de fausses accusations à de véritables; mais on ne parla point du tout de la seule raison pour laquelle le Concile était assemblé. L'Empereur craignait sans doute de réveiller cette révolte et cette conspiration dans laquelle les accusateurs même du Pape avaient trempé. Ce jeune Pontife qui avait alors vingt-sept ans, parut déposé pour ses incestes et ses scandales, et le fut en effet pour avoir voulu ainsi que tous les Romains, détruire la puissance Allemande dans Rome.

Othon ne put se rendre maître de sa personne, ou s'il le put, il fit une faute en le laissant libre. À peine avait-il fait élire le Pape Léon VIII qui, si l'on en croit le discours d'Arnoud Évêque d'Orléans, n'était ni Ecclésiastique, ni même Chrétien. À peine en avait-il reçu l'hommage, et avait-il quitté Rome, dont probablement il ne devait pas s'écarter, que Jean XII eut le courage de faire soulever les Romains, et opposant alors Concile à Concile, on déposa Léon VIII. On ordonna que jamais l'inférieur ne pourrait ôter le rang à son supérieur.

Le Pape par cette décision n'entendait pas seulement, que jamais les Évêques et les Cardinaux ne pourraient déposer le Pape, mais on désignait aussi l'Empereur, que les Évêques de Rome regardaient toujours comme un séculier, qui devait à l'Église l'hommage et les serments qu'il exigeait d'elle. Le Cardinal nommé Jean, qui avait écrit et lu les accusations contre le Pape, eut la main droite coupée. On arracha la langue, on coupa le nez et deux doigts à celui qui avait servi de Greffier au Concile de déposition.

Au reste dans tous ces Conciles où présidaient la faction et la vengeance, on citait toujours l'Évangile et les Pères, on implorait les lumières du Saint Esprit, on parlait en son nom, on faisait même des règlements utiles; et qui lirait ces Actes sans connaître l'Histoire, croirait lire les Actes des Saints.

Tout cela se faisait presque sous les yeux de l'Empereur; et qui sait jusqu'où le courage et le ressentiment du jeune Pontife, le soulèvement des Romains en sa faveur, la haine des autres Villes d'Italie contre les Allemands, eussent pu porter cette révolution? Mais le Pape Jean XII fut assassiné trois mois après, entre les bras d'une femme mariée par les mains du mari qui vengeait sa honte. (964)

Il avait tellement animé les Romains, qu'ils osèrent, même après sa mort, soutenir un siège, et ne se rendirent qu'à l'extrémité. Othon deux fois vainqueur de Rome, fut le maître de l'Italie comme de l'Allemagne.

Le Pape Léon créé par lui, le Sénat, les principaux du Peuple, le Clergé de Rome solennellement assemblés dans Saint Jean de Latran, confirmèrent à l'Empereur le droit de se choisir un Successeur au Royaume d'Italie, d'établir le Pape et de donner l'investiture aux Évêques. Après tant de Traités et de serments formés par la crainte, il fallait des Empereurs qui demeurassent à Rome pour les faire observer.

À peine l'Empereur Othon était retourné en Allemagne, que les Romains voulurent être libres. Ils mirent en prison leur nouveau Pape, créature de l'Empereur. Le Préfet de Rome, les Tribuns, le Sénat, voulurent faire revivre les anciennes lois; mais ce qui dans un temps est une entreprise de héros, devient dans d'autres une révolte de séditieux. Othon revole en Italie, fait pendre une partie du Sénat, et le Préfet de Rome qui avait voulu être un Brutus, fut fouetté dans les carrefours, promené nu sur un âne, et jeté dans un cachot, où il mourut de faim.

Tel fut à peu près l'état de Rome sous Othon le Grand, Othon II et Othon III. Les Allemands tenaient les Romains subjugués, et les Romains brisaient leurs fers dès qu'ils le pouvaient.

Un Consul nommé Crescentius, fils du Pape Jean X et de la fameuse Marozie, prenant avec ce titre de Consul la haine de la Royauté, arma Rome contre Othon II. Il fit mourir en prison Benoît VI créature de l'Empereur; et l'autorité d'Othon quoiqu'éloigné, ayant dans ces troubles donné la Chaire Romaine au Chancelier de l'Empire en Italie, qui fut Pape sous le nom de Jean XIV ce malheureux Pape fut une nouvelle victime que le Parti Romain immola. Le Pape Boniface VIII créature du Consul Crescentius déjà souillé du sang de Benoît VI fit encore périr Jean XIV. Les temps de Caligula, de Néron, de Vitellius, ne produisirent ni des infortunes plus déplorables, ni de plus grandes barbaries; mais les horreurs de ces Papes sont obscures comme eux. Ces tragédies sanglantes se jouaient sur le théâtre de Rome, mais petit et ruiné; et celles des Césars avaient pour théâtre le Monde connu.

Crescentius maintint quelque temps l'ombre sur la République Romaine. Il chassa du siège Pontifical Grégoire IV neveu de l'Empereur Othon III. Mais enfin Rome fut encore assiégée et prise. Crescentius attiré hors du Château Saint Ange sur l'espérance d'un accommodement et sur la foi des serments de l'Empereur, eut la tête tranchée. Son corps fut pendu par les pieds, et le nouveau Pape élu par les Romains, sous le nom de Jean XV eut les yeux crevés et le nez coupé. On le jetta en cet état du haut du Château Saint Ange dans la Place.

Les Romains renouvellèrent alors à Othon III les serments faits à

Othon Ier et à Charlemagne.

Après les trois Othon, ce combat de la domination Allemande, et de la liberté Italique, resta longtemps dans les mêmes termes. Sous les Empereurs Henri II de Bavière, Conrad II le Salique, dès qu'un Empereur était occupé en Allemagne, il s'élevait un parti en Italie. Henri II y vint comme les Othons dissiper des factions, confirmer aux Papes les donations des Empereurs, et recevoir les mêmes hommages. Cependant la Papauté était à l'encan, ainsi que presque tous les autres Évêchés.

Benoît VIII Jean XIX l'achetèrent publiquement l'un après l'autre: ils étaient frères de la maison des Marquis de Toscane, toujours puissante à Rome depuis le temps de Marozie.

En 1034, après leur mort, pour perpétuer le Pontificat dans leur maison on acheta encore les suffrages pour un enfant de douze ans. C'était Benoît IX qui eut l'Évêché de Rome de la même manière, qu'on voit encore aujourd'hui tant de familles acheter, mais en secret, des Bénéfices pour des enfants.

Ce désordre n'eut point de bornes. On vit sous le Pontificat de ce Benoît IX deux autres Papes élus à prix d'argent, et trois Papes dans Rome s'excommunier réciproquement; mais par un accord heureux qui étouffa une guerre civile, ces trois Papes s'accordèrent à partager les revenus de l'Église, et à vivre en paix, chacun avec sa Maîtresse.

Ce Triumvirat pacifique et singulier ne dura qu'autant qu'ils eurent de l'argent; et enfin, quand ils n'en eurent plus, chacun vendit sa part de la Papauté au Diacre Gratien, homme de qualité, fort riche. Mais comme le jeune Benoît IX avait été élu longtemps avant les deux autres, on lui laissa par un accord solennel la jouissance du tribut que l'Angleterre payait alors à Rome, qu'on appelait le Denier de Saint Pierre, à quoi un Roi Danois d'Angleterre, nommé Etelvolft, Edelvolf ou Ethelulfe s'était soumis en 852.

En 1046, ce Gratien qui prit le nom de Grégoire VI et qui passe pour s'être conduit très-sagement, jouissait paisiblement du Pontificat, lorsque l'Empereur Henri III fils de Conrad II le Salique, vint à Rome.

Jamais Empereur n'y exerça plus d'autorité. Il déposa Grégoire VI que les Romains aimaient, et nomma Pape Suidger son Chancelier Évêque de Bamberg sans qu'on osât murmurer.

En 1048, après la mort de cet Allemand qui parmi les Papes est appelé Clément II, l'Empereur qui était en Allemagne, y créa Pape un Bavarois nommé Popon: c'est Damaze II qui avec le Brevet de l'Empereur alla se faire reconnaître à Rome. Il le fut malgré ce Benoît IX qui voulait encore rentrer dans la Chaire Pontificale après l'avoir vendue.

Ce Bavarois étant mort vingt-trois jours après son intronisation, l'Empereur donna la Papauté à son cousin Brunon de la Maison de Lorraine, qu'il transféra de l'Évêché de Toul à celui de Rome avec une autorité absolue.

DE LA FRANCE VERS LE TEMPS DE HUGUES CAPET

Pendant que l'Allemagne commençait à prendre ainsi une nouvelle forme d'administration, et que Rome et l'Italie n'en avaient aucune, la France devenait comme l'Allemagne un Gouvernement entièrement féodal.

Ce Royaume s'étendait des environs de l'Escaut et de la Meuse jusqu'à la Mer Britannique et des Pyrénées au Rhône. C'était alors ses bornes; car quoique tant d'Historiens prétendent que ce grand Fief de la France allait par-delà les Pyrénées jusqu'à l'Ebre, il ne paraît point du tout que les Espagnols de ces Provinces entre l'Ebre et les Pyrénées fussent soumis au faible Gouvernement de France en combattant contre les Mahométans.

La France, dans laquelle ni la Provence ni le Dauphiné n'étaient compris, était un assez grand Royaume, mais il s'en fallait beaucoup que le Roi de France fût un grand Souverain. Louis, le dernier des descendants de Charlemagne, n'avait plus pour tout domaine que les Villes de Laon, de Soissons, et quelques Terres qu'on lui contestait. L'hommage rendu par la Normandie, ne servait qu'à faire un Roi vassal qui aurait pu soudoyer son Maître. Chaque Province avait ou ses Comtes ou ses Ducs héréditaires, celui qui n'avait pu se saisir que de deux ou trois Bourgades, rendait hommage aux usurpateurs d'une Province; et qui n'avait qu'un Château, relevait de celui qui avait usurpé une Ville.

Le temps et la nécessité établirent que les Seigneurs des grands Fiefs marcheraient avec des troupes au secours du Roi. Tel Seigneur devait 40 jours de service, tel autre 25; les arrières-vassaux marchaient aux ordres de leurs Seigneurs immédiats. Mais si tous ces Seigneurs particuliers servaient l'État quelques jours, ils se faisaient la guerre entre eux presque toute l'année. En vain les Conciles, qui dans ces temps de crimes ordonnèrent souvent des choses justes, avaient réglé qu'on ne se battrait point depuis le jeudi jusqu'au point du jour du lundi, et dans les temps de Pâques et dans d'autres solennités, ces règlements n'étant point appuyés d'une justice coercitive, étaient sans vigueur. Chaque Château était la Capitale d'un petit État de Brigands, chaque Monastère était en armes: leurs Avocats qu'on appelait Avoyers, institués dans les premiers temps pour présenter leurs requêtes au Prince et ménager leurs affaires, étaient les Généraux de leurs troupes: les Moissons étaient ou brûlées, ou coupées avant le temps, ou défendues, l'épée à la main: les Villes presque réduites en solitude, et les Campagnes dépeuplées par de longues famines.

Il semble que ce Royaume sans Chef, sans police, sans ordre, dût être la proie de l'Étranger; mais une anarchie presque semblable dans tous les Royaumes, fit sa sûreté; et quand sous les Othons l'Allemagne fut plus à craindre, les guerres intestines l'occupèrent.

C'est de ces temps barbares que nous tenons l'usage de rendre hommage pour une Maison et pour un Bourg au Seigneur d'un autre Village. Un Praticien, un Marchand qui se trouve possesseur d'un ancien Fief, reçoit foi et hommage d'un autre Fermier ou d'un Pair du Royaume qui aura acheté un arrière-fief dans sa censive. Les lois de Fiefs ne subsistent plus, mais ces vieilles coutumes de mouvances, d'hommages, de redevances subsistent encore: dans la plupart des Tribunaux on admet cette maxime, nulle Terre sans Seigneur, comme si ce n'était pas assez d'appartenir à la Patrie.

Quand la France, l'Italie et l'Allemagne furent ainsi partagées sous un nombre innombrable de petits Tyrans, les armées dont la principale force avait été l'Infanterie sous Charlemagne, ainsi que sous les Romains, ne furent plus que de la Cavalerie. On ne connut plus que les Gens d'armes; les Gens de pied n'avaient pas ce nom, parce qu'en comparaison des hommes de cheval ils n'étaient point armés.

Les moindres possesseurs de Chatellenies ne se mettaient en campagne qu'avec le plus de chevaux qu'ils pouvaient, et le faste consistait alors à mener avec soi des Écuyers qu'on appela vaslets du mot vassalet, petit vassal. L'honneur étant donc mis à ne combattre qu'à cheval, on prit l'habitude de porter une armure complète de fer, qui eût accablé un homme à pied de son poids. Les brassards, les cuissards furent une partie de l'habillement. On prétend que Charlemagne en avait eu, mais ce fut vers l'an mille que l'usage en fut commun.

Quiconque était riche devint presqu'invulnérable à la guerre, et c'était alors qu'on se servit plus que jamais de massues pour assommer ces Chevaliers que les pointes ne pouvaient percer. Le plus grand commerce alors fut en cuirasses, en boucliers, en casques ornés de plumes.

Les Paysans qu'on traînait à la guerre, seuls exposés et méprisés, servaient de pionniers plutôt que de combattants. Les chevaux plus estimés qu'eux, furent bardés de fer, leur tête fut armée de champfrain.

On ne connut guère alors de lois que celles que les plus puissants firent pour le service des Fiefs. Tous les autres objets de la justice distributive furent abandonnés au caprice des Maîtres-d'hôtel, Prévôts, Baillis, nommés par les possesseurs des Terres.

Les Sénats de ces Villes qui sous Charlemagne et sous les Romains avaient joui du gouvernement municipal, furent abolis presque partout. Le mot de Senior, Seigneur, affecté longtemps à ces principaux du Sénat des Villes, ne fut plus donné qu'aux possesseurs des Fiefs.

Le terme de Pair commençait alors à s'introduire dans la Langue Gallo-Tudesque, qu'on parlait en France. Il venait du mot Latin par, qui signifie égal ou confrère. On ne s'en était servi que dans ce sens sous la première et la seconde Race des Rois de France. Les enfants de Louis le Débonnaire s'appellèrent pares dans une de leurs entrevues l'an 851; et longtemps auparavant Dagobert donne le nom de pairs à des Moines. Godegrand, Évêque de Metz du temps de Charlemagne, appelle Pairs des Évêques et des Abbés, ainsi que le marque le savant Du Cange.

Les Vassaux d'un même Seigneur s'accoutumèrent donc à s'appeler Pairs.

Alfred le Grand avait établi en Angleterre les Jurés, c'était des Pairs dans chaque profession. Un homme dans une cause criminelle choisissait douze hommes de sa profession pour être juges. Quelques Vassaux en France en usèrent ainsi, mais le nombre des Pairs n'était pas pour cela déterminé à douze. Il y en avait dans chaque Fief autant que de Barons qui relevaient du même Seigneur, et qui étaient Pairs entre eux, mais non Pairs de leur Seigneur féodal.

Les Princes qui rendaient un hommage immédiat à la Couronne, tels que les

Ducs de Guyenne, de Normandie, de Bourgogne, les Comtes de Flandres, de

Toulouse, étaient donc en effet des Pairs de France.

Hugues Capet n'était pas le moins puissant. Il possédait depuis longtemps le Duché de France, qui s'étendait jusqu'en Touraine. Il était Comte de Paris. De vastes domaines en Picardie et en Champagne lui donnaient encore une grande autorité dans ces Provinces. Son frère avait ce qui compose aujourd'hui le Duché de Bourgogne. Son grand-père Robert le Fort, et son grand-oncle Eudes ou Odon, avaient tous deux porté la couronne du temps de Charles le Simple. Hugues son père, surnommé l'Abbé à cause des Abbayes de St. Denis, de St. Martin de Tours, de St. Germain des Prez, et de tant d'autres qu'il possédait, avait ébranlé et gouverné la France. Ainsi l'on peut dire, que depuis l'année 810, où le Roi Eudes commença son règne, sa Maison a gouverné sans interruption; et que si on excepte Hugues l'Abbé qui ne voulut pas prendre la Couronne Royale, elle forme une suite de Souverains de plus de 850 ans, filiation unique parmi les Rois.

On sait comment Hugues Capet, Duc de France, Comte de Paris, enleva la couronne au Duc Charles oncle du dernier Roi Louis V. Si les suffrages eussent été libres, le sang de Charlemagne respecté, et le droit de succession aussi sacré qu'aujourd'hui, Charles aurait été Roi de France. Ce ne fut point un Parlement de la Nation qui le priva du droit de ses ancêtres; ce fut ce qui fait et défait les Rois, la force aidée de la prudence.

Tandis que Louis, ce dernier Roi du Sang Carolingien, était prêt à finir à l'âge de 23 ans sa vie obscure par une maladie de langueur, Hugues Capet assemblait déjà ses forces; et loin de recourir à l'autorité d'un Parlement, il sut dissiper avec des troupes un Parlement qui se tenait à Compiègne pour assurer la succession à Charles. La lettre de Gerbert, depuis Archevêque de Reims et Pape sous le nom de Sylvestre II déterrée par Duchesne, en est un témoignage authentique.

Charles Duc de Brabant et de Hainaut, États qui composaient la basse Lorraine, succomba sous un rival plus puissant et plus heureux que lui; trahi par l'Évêque de Laon, surpris et livré à Hugues Capet, il mourut captif dans la tour d'Orléans; et deux enfants mâles qui ne purent le venger, mais dont l'un eut cette basse Lorraine, furent les derniers Princes de la postérité masculine de Charlemagne. Hugues Capet devenu Roi de ses Pairs, n'en eut pas un plus grand domaine.

ÉTAT DE LA FRANCE AUX Xe et XIe SIÈCLES

La France démembrée languit dans des malheurs obscurs depuis Charles le Gros jusqu'à Philippe Ier arrière-petit-fils de Hugues Capet, près de 250 années. Nous verrons si les Croisades qui signalèrent le règne de Philippe Ier à la fin de l'XIe Siècle, rendirent la France plus florissante. Mais dans l'espace de temps dont je parle, tout ne fut que confusion, tyrannie, barbarie et pauvreté. Chaque Seigneur un peu considérable faisait battre monnaie, mais c'était à qui l'altèrerait. Les belles Manufactures étaient en Grèce et en Italie. Les Français ne pouvaient les imiter dans des Villes sans privilège, et dans un Pays sans union.

De tous les évènements de ce temps, le plus digne de l'attention d'un Citoyen est l'excommunication du Roi Robert. Il avait épousé Berthe sa cousine au quatrième degré; mariage en soi légitime, et de plus nécessaire au bien de l'État. Nous avons vu de nos jours des particuliers épouser leurs nièces, et acheter au prix ordinaire les dispenses à Rome, comme si Rome avait des droits sur des mariages qui se font à Paris. Le Roi de France n'éprouva pas autant d'indulgence. L'Église Romaine dans l'avilissement et les scandales où elle était plongée, osa imposer au Roi une pénitence de sept ans, lui ordonna de quitter sa femme, l'excommunia en cas de refus. Le Pape interdit tous les Évêques qui avaient assisté à ce mariage, et leur ordonna de venir à Rome lui demander pardon. Tant d'audace paraît incroyable, mais l'ignorante superstition de ces temps peut l'avoir souffert, et la politique peut l'avoir causée. Grégoire V qui fulmina cette excommunication, était Allemand, et gouverné par Gerbert ci-devant Archevêque de Reims, ennemi de la Maison de France. L'Empereur Othon III peu ami de Robert, assista lui-même au Concile où l'excommunication fut prononcée; tout cela fait croire que la Raison d'État eut autant de part à cet attentat, que le fanatisme.

Les Historiens disent que cette excommunication fit en France tant d'effet, que tous les Courtisans du Roi et ses propres Domestiques l'abandonnèrent, et qu'il ne lui resta que deux Serviteurs qui jetaient au feu le reste de ses repas, ayant horreur de ce qu'avait touché un excommunié. Quelque dégradée que fût alors la Raison humaine, il n'y a pas d'apparence que l'absurdité pût aller si loin. Le premier Auteur qui a écrit cet excès de l'abrutissement de la Cour de France, est le Cardinal Pierre Damien, qui n'écrivit que 64 ans après. Il rapporte qu'en punition de cet inceste prétendu, la Reine accoucha d'un monstre; mais il n'y eut rien de monstrueux dans toute cette affaire, que l'audace du Pape, et la faiblesse du Roi qui se sépara de sa femme.

Les excommunications, les interdits sont des foudres qui n'embrasent un État que quand ils trouvent des matières combustibles. Il n'y en avait point alors, mais peut-être Robert craignit-il qu'il ne s'en formât.

La condescendance du Roi Robert enhardit tellement les Papes, que son petit-fils Philippe Ier fut excommunié comme lui. D'abord le fameux Grégoire VII le menaça de le déposer en 1075, s'il ne se justifiait de l'accusation de simonie devant ses Nonces. Un autre Pape l'excommunia en effet, Philippe s'était dégoûté de sa femme, et était amoureux de Bertrade épouse du Comte d'Anjou. Il se servit du ministère des Lois pour casser son mariage sous prétexte de parenté, et Bertrade sa Maîtresse fit casser le sien avec le Comte d'Anjou sous le même prétexte.

Le Roi et sa Maîtresse furent ensuite mariés solennellement par les mains d'un Évêque de Bayeux. Ils étaient condamnables, mais ils avaient au moins rendu ce respect aux lois, que de se servir d'elles pour couvrir leurs fautes. Quoi qu'il en soit, un Pape avait excommunié Robert pour avoir épousé sa parente, et un autre Pape excommunia Philippe pour avoir quitté sa parente. Ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'Urbain II qui prononça cette sentence, la prononça dans les propres États du Roi, à Clermont en Auvergne, où il venait chercher un asile, et dans ce même Concile où nous verrons qu'il prêcha la Croisade.

Cependant il ne paraît point que Philippe excommunié ait été en horreur à ses Sujets; c'est une raison de plus pour douter de cet abandon général, où l'on dit que le Roi Robert avait été réduit.

Ce qu'il y eut d'assez remarquable, c'est le mariage du Roi Henri père de Philippe avec une Princesse Moscovite. Les Moscovites ou Russes commençaient à être Chrétiens, mais ils n'avaient aucun commerce avec le reste de l'Europe. Ils habitaient au-delà de la Pologne, à peine Chrétienne elle-même, et sans aucune correspondance avec la France. Cependant le Roi Henri envoya jusqu'en Russie demander la fille du Souverain, à qui les autres Européens donnaient le titre de Duc, aussi bien qu'au Chef de la Pologne. Les Russes le nommaient dans leur langage Tzar, dont on a fait depuis le mot de Czar. On prétend que Henri se détermina à ce mariage, dans la crainte d'essuyer des querelles Ecclésiastiques. De toutes les superstitions de ces temps-là, ce n'était pas la moins nuisible au bien des États, que celle de ne pouvoir épouser sa parente au septième degré. Presque tous les Souverains de l'Europe étaient parents de Henri. Quoi qu'il en soit, Anne fille de Jaraflau Czar de Moscovie fut Reine de France, et il est à remarquer qu'après la mort de son mari, elle n'eut point la Régence et n'y prétendit point.

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Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
170 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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