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Kitabı oku: «Correspondance de Voltaire avec le roi de Prusse», sayfa 13

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DU ROI

À Potsdam, le 26 décembre 1776.

Pour écrire à Voltaire, il faut se servir de sa langue; celle des dieux. Faute de me bien exprimer dans ce langage, je bégayerai mes pensées.

 
Serez-vous toujours en butte
Au dévot qui vous persécute?
À l'envieux obscur, ébloui de l'éclat
Dont vos rares talents offusquent son état?
Quelque odieux que soit cet indigne manège;
Les exemples en sont nombreux;
On a poussé le sacrilège
Jusqu'au point d'insulter les dieux:
Ces dieux dont les bienfaits enrichissent la terre,
Ont été déchirés par des blasphémateurs:
Est-il donc étonnant que l'immortel Voltaire
Ait à gémir des traits des calomniateurs?
 

Je ne m'en tiens pas à ces mauvais vers: J'ai fait écrire dans le Virtemberg pour solliciter vos arrérages…

Au reste, je crois que pour vous soustraire à l'âcreté du zèle des bigots, vous pourriez vous réfugier en Suisse, où vous seriez à l'abri de toute persécution. Pour les désagréments dont vous vous plaignez à l'égard de vos nouveaux établissements de Ferney, je les attribue à l'esprit de vengeance des commis de vos financiers, qui vous haïssent à cause du bien que vous avez voulu faire au pays de Gex en le dérobant un temps à la voracité de ces gens-là.

Quant à ce point, je vous avoue que je suis embarrassé d'y trouver un remède parce qu'on ne saurait inspirer des sentiments raisonnables à des drôles qui n'ont ni raison ni humanité. Toutefois soyez persuadé que si la terre de Ferney appartenait à Apollon même, cette race maudite ne l'eût pas mieux traitée. Quelle honte pour la France de persécuter un homme unique qu'un destin favorable a fait naître dans son sein! un homme dont dix royaumes se disputeraient à qui pourrait le compter parmi ses citoyens, comme jadis tant de villes de la Grèce soutenaient qu'Homère était né chez elles! Mais quelle lâcheté plus révoltante de répandre l'amertume sur vos derniers jours! Ces indignes procédés me mettent en colère, et je suis fâché de ne pouvoir vous donner de secours plus efficaces que le souverain mépris que j'ai pour vos persécuteurs. Mais Maurepas n'est pas dévot; M. de Vergennes se contente d'entendre la messe, quand il ne peut pas se dispenser d'y aller; Necker est hérétique; de quelle main peut donc partir le coup qui vous accable? L'archevêque de Paris est connu pour ce qu'il est, et j'ignore si son Mentor ex-jésuite est encore auprès de lui; personne ne connaît le nom du confesseur du roi: le diable incarné dans la personne de l'évêque du Puy aurait-il excité cette tempête? Enfin plus j'y pense, moins je devine l'auteur de cette tracasserie.

DU ROI

Le 9 juillet 1777.
 
Oui, vous verrez cet empereur,
Qui voyage afin de s'instruire,
Porter son hommage à l'auteur
De Henri quatre et de Zaïre,
Votre génie est un aimant
Qui, tel que le soleil, attire
À soi les corps du firmament,
Par sa force victorieuse
Amène les esprits à soi:
Et Thérèse la scrupuleuse
Ne peut renverser cette loi.
 
 
Joseph a bien passé par Rome
Sans qu'il fût jamais introduit
Chez le prêtre que Jurieu nomme
Très civilement l'Antéchrist.
Mais à Genève qu'on renomme,
Joseph, plus fortement séduit,
Révérera le plus grand homme
Que tous les siècles aient produit.
 

Cependant, les Autrichiens ont, jusqu'à présent, encore mal profité des leçons de tolérance que vous avez données à l'Europe. Voilà en Moravie, dans le cercle de Préraw, quarante villages qui se déclarent à la fois protestants. La Cour, pour les ramener au giron de l'Église, a fait marcher des convertisseurs avec des arguments à poudre et à balle, qui ont fusillé une douzaine de ces malheureux, en attendant qu'on brûle les autres. Ces faits, que nous vous communiquons, sont par malheur peu consolants pour l'humanité.

Je ne sais si je me trompe, mais il semble qu'il y a un levain de férocité dans le cœur de l'homme, qui reparaît souvent quand on croit l'avoir détruit. Ceux que les sciences et les arts ont décrassés, sont comme ces ours que les conducteurs ont appris à danser sur les pattes de derrière; les ignorants sont comme les ours qui ne dansent point. Les Autrichiens (j'en excepte l'empereur) pourraient bien être de cette dernière classe.

Il est bien fâcheux que les Français d'ailleurs si aimables, si polis, ne puissent pas dompter cette fougue barbare qui les porte si souvent à persécuter les innocents En vérité, plus on examine les fables absurdes sur lesquelles toutes les religions sont fondées, plus on prend en pitié ceux qui se passionnent pour ces balivernes…

DU ROI

À Potsdam, le 5 septembre 1777.

…Je reviens de la Silésie, dont j'ai été très content: l'agriculture y fait des progrès très sensibles; les manufactures prospèrent; nous avons débité à l'étranger pour 5,000,000 de toile, et pour 1,200,000 écus de draps. On a trouvé une mine de cobalt dans les montagnes, qui fournit à toute Silésie. Nous faisons du vitriol aussi bon que l'étranger. Un homme fort industrieux y fait de l'indigo tel que celui des Indes; on change le fer en acier avec avantage, bien plus simplement que de la façon que Réaumur le propose. Notre population est augmentée, depuis 1756 (qui était l'année de la guerre), de cent quatre-vingt mille hommes. Enfin tous les fléaux qui avaient abîmé ce pauvre pays sont comme s'ils n'avaient jamais été; et je vous avoue que je ressens une douce satisfaction à voir une province revenir de si loin.

Ces occupations ne m'ont point empêché de barbouiller mes idées sur le papier; et pour épargner la peine de les transcrire, j'ai fait imprimer six exemplaires de mes rêveries: je vous en envoie un. Je n'ai eu que le temps de faire une esquisse; cela devrait être plus étendu; mais c'est à de vrais savants à y mettre la dernière main. Messieurs les encyclopédistes ne seront peut-être pas toujours de mon avis: chacun peut avoir le sien. Toutefois si l'expérience est le plus sûr des guides, j'ose dire que mes assertions sont uniquement fondées sur ce que j'ai vu, et sur ce que j'ai réfléchi.

Vivez, patriarche des êtres pensants, et continuez, comme l'astre de la lumière, à tirer l'univers. Vale. Fédéric.

DU ROI

À Potsdam, le 9 novembre 1777.

Monsieur Bitaubé doit se trouver fort heureux d'avoir vu le patriarche de Ferney. Vous êtes l'aimant qui attirez à vous tous les êtres qui pensent: chacun veut voir cet homme unique qui fait la gloire de notre siècle. Le comte de Falkenstein a senti la même attraction; mais, dans sa course, l'astre de Thérèse lui imprima un mouvement centrifuge qui, de tangente en tangente, l'attira à Genève. Un traducteur d'Homère se croit gentilhomme de la chambre de Melpomène, ou marmiton dans les offices d'Apollon; et muni de ce caractère il se présente hardiment à la cour de l'auteur de La Henriade; et celui-là sait abaisser son génie pour se mettre au niveau de ceux qui lui rendent leurs hommages.

Bitaubé vous a dit vrai: j'ai fait construire à Berlin une bibliothèque publique. Les œuvres de Voltaire étaient trop maussadement logées auparavant; un laboratoire chimique qui se trouvait au rez-de-chaussée menaçait d'incendier toute notre collection. Alexandre-le-Grand plaça bien les œuvres d'Homère dans la cassette la plus précieuse qu'il avait trouvée parmi les dépouilles de Darius: pour moi qui ne suis ni Alexandre ni grand, et qui n'ai dépouillé personne, j'ai fait, selon mes petites facultés, construire le plus bel étui possible pour y placer les œuvres de l'Homère de nos jours.

Si, pour compléter cette bibliothèque vous vouliez bien y ajouter ce que vous avez composé sur les lois, vous me feriez plaisir, d'autant plus que je ne crains pas les ports. Je crois vous avoir donné, dans ma dernière lettre, des notions générales à l'égard de nos lois, et du nombre des punitions qui se font annuellement. Je dois cependant y ajouter nécessairement qu'une bonne police empêche autant de crimes que la douceur des lois. La police est ce que les moralistes appellent le principe réprimant. Si l'on ne vole point, si l'on n'assassine point, c'est qu'on est sûr d'être incontinent découvert et saisi. Cela retient les scélérats timides. Ceux qui sont plus aguerris vont chercher fortune dans l'empire où la proximité des frontières de tant de petits États leur offre des asiles en assez grand nombre.

Vous voyez que dans l'empire on ne restitue pas même l'argent qu'on a emprunté des philosophes. Je vous envoie ci-joint la copie de la réponse que j'ai reçue de M. le duc de Virtemberg. Ce prince, qui tend au sublime, veut imiter en tout les grandes puissances; et, comme la France, l'Angleterre, la Hollande et l'Autriche sont surchargées de dettes, il veut ranger son duché de Virtemberg dans la même catégorie; et s'il arrive que quelqu'une de ces puissances fasse banqueroute, je ne garantirais pas que, piqué d'honneur, il n'en fît autant. Cependant je ne crois pas que maintenant vous ayez à craindre pour votre capital, vu que les États de Virtemberg ont garanti les dettes de Son Altesse Sérénissime, et qu'au demeurant il vous reste libre de vous adresser aux parlements de Lorraine et d'Alsace. J'avais bien prévu que Son Altesse Sérénissime serait récalcitrante sur le fait des remboursements, et je vous assure de plus que ce soi-disant pupille n'a jamais écouté mes avis ni suivi mes conseils.

Que ces misères ne troublent point la sérénité de vos jours: tranquille, du palais des sages, vous pouvez contempler de cette élévation les défauts et les faiblesses du genre humain, les égarements des uns, et les folies des autres: heureux dans la possession de vous-même, vous vous conserverez pour ceux qui savent vous admirer, au nombre desquels, et en première ligne, vous compterez, comme je l'espère, le solitaire de Sans-Souci. Vale. Fédéric.

DU ROI

Potsdam, le 18 novembre 1777.

…On ne trouve dans nos contrées aucun catholique lettré, si ce n'est parmi les jésuites; nous n'avions personne capable de tenir les classes; nous n'avions ni pères de l'oratoire ni piaristes; le reste des moines est d'une ignorance crasse; il fallait donc conserver les jésuites ou laisser périr toutes les écoles. Il fallait donc que l'ordre subsistât pour fournir des professeurs à mesure qu'il venait à en manquer; et la fondation pouvait fournir la dépense à ces frais. Elle n'aurait pas été suffisante pour payer des professeurs laïques. De plus c'était à l'université des jésuites que se formaient les théologiens destinés à remplir les cures. Si l'ordre avait été supprimé, l'université ne subsisterait plus, et l'on aurait été nécessité d'envoyer les Silésiens étudier la théologie en Bohème, ce qui aurait été contraire aux principes fondamentaux du gouvernement.

Toutes ces raisons valables m'ont fait le paladin de cet ordre. Et j'ai si bien combattu pour lui que je l'ai soutenu, à quelques modifications près, tel qu'il se trouvait à présent, sans général, sans troisième vœu, et décoré d'un nouvel uniforme que le pape lui a conféré. Le malheur de cet ordre a influé sur un général qui en avait été dans sa jeunesse: ce M. de Saint-Germain avait de grands et de beaux desseins, très avantageux à vos Welches; mais tout le monde l'a traversé, parce que les réformes qu'il se proposait de faire auraient obligé des freluquets à une exactitude qui leur répugnait. Il lui fallait de l'argent pour supprimer la maison du roi; on le lui a refusé. Voilà donc quarante mille hommes, dont la France pouvait augmenter ses forces sans payer un sou de plus, perdus pour vos Welches afin de conserver dix mille fainéants bien chamarrés et bien galonnés. Et vous voulez que je n'estime pas un homme qui pense si juste? Le mépris ne peut tomber que sur les mauvais citoyens qui l'ont contrecarré.

Souvenez-vous, je vous prie, du P. Tournemine, votre nourricier (vous avez sucé chez lui le doux lait des Muses), et réconciliez-vous avec un Ordre qui vous a porté, et qui, le siècle passé, a fourni à la France des hommes du plus grand mérite. Je sais très bien qu'ils ont cabalé et se sont mêlés d'affaires; mais c'est la faute du gouvernement. Pourquoi l'a-t-il souffert? Je ne m'en prends pas au père Letellier, mais à Louis XIV.

Mais tout cela m'embarrasse moins que le patriarche de Ferney: il faut qu'il vive, qu'il soit heureux et qu'il n'oublie pas les absents. Ce sont les vœux du solitaire de Sans-Souci. Vale. Fédéric.

DE M. DE VOLTAIRE

À Ferney, 6 janvier 1778.

Sire, grand homme, que vous m'instruisez, que vous me consolez, que vous me fortifiez dans toutes mes idées au bout de ma carrière! Votre Majesté, ou plutôt votre humanité a bien raison; le fatras métaphysique, théologique, fanatique, est sans doute ce que nous avons de plus méprisable, et cependant on écrira sur ces chimères absurdes tant qu'il y aura des universités, des esprits faux, et de l'argent à gagner.

Parmi les géomètres, il n'y a guère qu'Archimède et Newton qui aient acquis une véritable gloire, parce qu'ils ont inventé des choses très difficiles, très inconnues et très utiles; il n'y a point de gloire pour ceux qui ne savent que diviser A-B plus C, par X moins Z, et qui passent leur vie à écrire ce que les autres ont imaginé.

Pour l'histoire, ce n'est, après tout qu'une gazette; la plus vraie est remplie de faussetés; et elle ne peut avoir de mérite que celui du style. Ce style est le fruit de la littérature: c'est donc à la littérature qu'il faut s'en tenir. C'est ainsi que pense le grand Condé dans sa retraite de Chantilly; c'est ainsi que pense le grand Frédéric à Sans-Souci…

…Je vous ai plus d'obligation que vous ne pensez; votre pupille vient de se laisser un peu attendrir; il m'a payé 20,000 francs sur les 80,000 que je lui avais prêtés, et peut-être avant ma mort me payera-t-il le reste; c'est vous que j'en ai à remercier.

M. le comte de Montmorency-Laval saura bientôt assez d'allemand pour faire tourner à droite et à gauche, et pour commander l'exercice; mais en vous entendant parler français, il donnera la préférence à la langue des Montmorency; sans doute les hommes de sa maison doivent aimer les Prussiens. Il n'y a jamais eu que le cardinal Bernis qui ait imaginé d'unir la France avec la maison d'Autriche contre la maison de Brandebourg; il en a été bien puni. Sa politique a été aussi malheureuse que les chimères théologiques de trente autres cardinaux ont été ridicules…

DE M. DE VOLTAIRE

À Paris, le 1er avril 1778.

Sire, le gentilhomme français qui rendra cette lettre à Votre Majesté, et qui passe pour être digne de paraître devant Elle, pourra vous dire que si je n'ai pas eu l'honneur de vous écrire depuis longtemps, c'est que j'ai été occupé à éviter deux choses qui me poursuivaient dans Paris: les sifflets et la mort.

Il est plaisant qu'à quatre-vingt-quatre ans j'aie échappé à deux maladies mortelles. Voilà ce que c'est que de vous être consacré: je me suis renommé de vous, et j'ai été sauvé.

J'ai vu avec surprise et avec une satisfaction bien douce, à la représentation d'une tragédie nouvelle, que le public, qui regardait il y a trente ans Constantin et Théodose comme les modèles des princes, et même des saints, a applaudi avec des transports inouïs à des vers qui disent que Constantin et Théodose n'ont été que des tyrans superstitieux. J'ai vu vingt preuves pareilles du progrès que la philosophie a fait enfin dans toutes les conditions. Je ne désespérerais pas de faire prononcer dans un mois le panégyrique de l'empereur Julien: et assurément si les Parisiens se souviennent qu'il a rendu chez eux la justice comme Caton, et qu'il a combattu pour eux comme César, ils lui doivent une éternelle reconnaissance.

Il est donc vrai, Sire, qu'à la fin les hommes s'éclairent, et que ceux qui se croient payés pour les aveugler ne sont pas toujours les maîtres de leur crever les yeux! Grâces en soient rendus à Votre Majesté! Vous avez vaincu les préjugés comme vos autres ennemis: vous jouissez de vos établissements en tout genre. Vous êtes le vainqueur de la superstition, ainsi que le soutien de la liberté germanique.

Vivez plus longtemps que moi, pour affermir tous les empires que vous avez fondés. Puisse Frédéric le Grand être Frédéric l'immortel!

Daignez agréer le profond respect et l'inviolable attachement de Voltaire.

FIN
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27 eylül 2017
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