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Kitabı oku: «Quentin Durward», sayfa 36

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Un profond silence s'ensuivit; enfin, ayant donné au jeune homme, à ce qu'il lui parut, le temps de bien réfléchir à la situation dans laquelle il se trouvait, Charles lui demanda qui était son guide, qui le lui avait donné, et pourquoi il lui était devenu suspect.

Quentin répondit à la première question en nommant Hayraddin Maugrabin, le Bohémien; à la seconde, que ce guide lui avait été donné par Tristan l'Ermite; et pour répondre à la troisième, il raconta tout ce qui s'était passé au couvent de franciscains près de Namur; comment le Bohémien en avait été chassé; par quels motifs il s'était déterminé à le suivre, et comment il avait entendu son entretien avec un lansquenet de Guillaume de la Marck, entretien dont le but était d'arranger, un plan pour surprendre les deux dames voyageant sous sa protection.

– Et ces scélérats…? mais fais bien attention, dit le duc, que ta vie dépend de ta véracité; ces scélérats ont-ils dit qu'ils étaient autorisés par le roi, par le roi Louis de France ici présent, à tramer ce plan de surprise pour s'emparer de la personne de ces deux dames?

– Quand ces infâmes coquins l'auraient dit, répliqua Durward, je n'en aurais dû rien croire, puisque j'avais les paroles du roi lui-même à opposer aux leurs.

Le roi, qui avait écouté jusqu'alors avec la plus grande attention, ne put s'empêcher, en entendant la réponse de Durward, de respirer fortement, comme un homme dont la poitrine est soulagée tout à coup d'un poids qui l'oppressait. Le duc parut encore déconcerté et mécontent; et revenant à la charge, il demanda de nouveau à Quentin s'il n'avait pas compris, d'après la conversation de ces misérables, que le complot qu'ils tramaient avait la sanction du roi Louis.

– Je n'ai rien entendu qui pût m'autoriser à vous répondre affirmativement, répondit Quentin, qui, quoique intérieurement convaincu qu'Hayraddin n'avait agi que d'après les ordres secrets de Louis, croyait pourtant que son devoir ne lui permettait pas de faire connaître ses soupçons; – et je vous répète, ajouta-t-il, que quand même j'aurais entendu de pareils scélérats avancer une telle assertion, leur témoignage n'aurait pas eu pour moi le moindre poids auprès des instructions positives que j'avais reçues du roi lui-même.

– Tu es un fidèle messager, dit le duc avec un sourire amer; et j'ose dire qu'en obéissant si bien aux instructions du roi, tu as trompé son attente d'une manière qui aurait pu te coûter cher si les événemens subsequens n'avaient donné à ta fidélité aveugle l'apparence d'un bon office.

– Je ne vous comprends pas, monseigneur, répliqua. Durward avec fermeté. Tout ce que je sais, c'est que mon maître le roi Louis m'a donné ordre de protéger ces dames, et que j'ai agi en conséquence, tant en nous rendant à Schonwaldt, qu'au milieu des scènes cruelles qui ont eu lieu dans ce château. Les instructions du roi étaient honorables, et je les ai honorablement exécutées. S'il en avait eu à donner d'une nature différente, elles n'auraient pu convenir à un homme de mon nom et de mon pays.

– Fier comme un Écossais! s'écria Charles, qui, quoique mécontent de la réplique de Durward, n'était pas assez injuste pour lui en avoir mauvais gré. Mais dis-moi donc en vertu de quelles instructions tu as parcouru les rues de Liège, comme je l'ai appris de quelques fugitifs de Schonwaldt, à la tête de ces mutins qui assassinèrent cruellement ensuite leur prince temporel, leur père spirituel? – Peu de temps après que le meurtre fut commis, n'as-tu pas prononcé une harangue où tu t'annonçais comme un agent de Louis, pour te mettre en crédit parmi les scélérats qui venaient de se souiller de ce crime abominable?

– Monseigneur, répondit Quentin, il ne serait pas difficile de trouver assez de témoins pour prouver que je n'ai pas pris à Liège la qualité d'agent du roi Louis. C'est l'obstination du peuple qui m'y a conféré ce titre malgré moi, et tous mes efforts pour le désabuser ont été inutiles. Je l'ai dit aux serviteurs de l'évêque après avoir réussi à m'échapper de la ville. Je leur ai recommandé de veiller à la sûreté du château; et s'ils avaient fait attention à mes avis, peut-être aurait-on prévenu les calamités et les horreurs de la nuit suivante. Il est vrai, j'en conviens, que dans le moment du plus grand danger, j'ai profité de l'influence que pouvait me donner la qualité qu'on m'avait gratuitement attribuée, pour sauver la comtesse Isabelle, protéger ma propre vie, et empêcher de nouveaux massacres. Je répète, et je le soutiendrai envers et contre tous, je n'avais aucune mission du roi Louis pour Liège, et qu'enfin, lorsque je me suis servi du titre de son envoyé, qu'on m'avait conféré mal à propos et malgré moi, je n'ai fait que ramasser un bouclier pour m'en servir à me protéger, moi et les autres, dans un cas urgent, sans m'inquiéter si j'avais droit aux armoiries qu'il portait.

– Et en cela, dit Crèvecœur, incapable de garder plus long-temps le silence, mon jeune compagnon et prisonnier a agi avec autant de courage que de bon sens. Ce qu'il a fait en cette occasion ne peut avec justice s'imputer à blâme au roi Louis.

Un murmure général d'assentiment se fit entendre dans toute l'assemblée. Les oreilles du roi Louis en furent agréablement affectées, mais celles de Charles s'en trouvèrent offensées. Il lança des regards de courroux autour de lui. Ces sentimens si généralement exprimés par les plus puissans de ses vassaux et les plus sages de ses conseillers, ne l'auraient probablement pas empêché de se livrer à toute la violence de son caractère despotique, si d'Argenton, qui prévit l'orage, n'eût réussi à le détourner, en lui annonçant tout à coup l'arrivée d'un héraut envoyé par la ville de Liège.

– Un héraut envoyé par des tisserands et des cloutiers! s'écria le duc; qu'on l'admette à l'instant! De par Notre-Dame, ce héraut nous apprendra, sur les projets et les espérances de ceux qui l'emploient, quelque chose de plus que ce jeune homme d'armes franco-Écossais ne paraît avoir envie de le faire.

CHAPITRE XXXII.
Le Héraut

Ariel. «écoutez-les rugir!

Prospero. «Qu'on leur donne la chasse.»

SHAKSPEARE. La Tempête.

On s'empressa de faire place dans l'assemblée, car tous, ceux qui en faisaient partie n'étaient pas peu curieux de voir ce héraut que les Liégeois insurgés avaient osé envoyer à un prince aussi fier que le duc de Bourgogne, dans un moment où il était contre eux au comble de l'indignation. Il est bon de se rappeler qu'à cette époque les hérauts n'étaient envoyés que d'un prince souverain à l'autre, et seulement dans des occasions solennelles; la noblesse de second ordre n'employait que des poursuivans d'armes, officiers d'un rang inférieur. On peut aussi remarquer en passant que Louis XI, qui ne faisait cas que de ce qui lui promettait une augmentation de puissance ou quelque avantage réel, avait sur tout le plus grand mépris pour l'art héraldique et les hérauts

Rouges, bleus, verts, avec leurs friperies

Au contraire, l'orgueil de Charles, qui était d'une nature toute différente, n'attachait pas peu d'importance à ce cérémonial.

Le héraut introduit en ce moment devant les deux princes avait pour vêtement un tabard ou cotte d'armes avec les écussons de son maître, dans lesquels la tête de sanglier, au jugement des experts en blason, jouait un rôle plus brillant que conforme aux véritables règles de l'art héraldique. Le reste de son costume, ridicule à force de magnificence, était surchargé de galons, de broderies et d'ornemens de toute espèce, et la plume de son panache était si haute qu'elle semblait vouloir balayer le plafond de la salle; en un mot, tous ses vêtemens avaient l'air d'être une caricature et une charge du brillant costume des hérauts. Non-seulement la tête de sanglier était brodée sur toutes les parties de ses habits, mais sa toque même en avait la forme, et était garnie de défenses couleur de sang, ou, pour employer le langage convenable, gueules langués et dentés. On pouvait remarquer en cet homme quelque chose qui annonçait en même temps la crainte et l'audace, comme s'il eût senti qu'il s'était chargé d'une dangereuse mission, et qu'il ne pouvait la remplir avec sûreté qu'à force de hardiesse. Le même mélange d'effronterie et de timidité fut visible dans la manière dont il salua les deux princes; et il montra, en le faisant, une gaucherie grotesque qui n'était pas ordinaire aux hérauts habitués à paraître en présence des souverains.

– Qui es-tu, au nom du diable? – Telle fut l'exclamation par laquelle Charles-le-Téméraire accueillit ce singulier envoyé.

– Je suis Sanglier-Rouge, répondit le héraut, officier d'armes de Guillaume de la Marck, par la grâce de Dieu et l'élection du chapitre, prince-évêque de Liège.

– Ah! s'écria Charles; mais réprimant son impétuosité, il lui fit signe de continuer.

– Et du chef de son épouse, l'honorable comtesse Hameline, continua le héraut, comte de Croye et seigneur de Braquemont.

Charles sembla rester muet par l'étonnement dont le frappa l'excès d'audace avec lequel on osait annoncer en sa présence de semblables titres; et le héraut, attribuant peut-être ce silence à l'impression que l'énumération des qualités de son maître avait faite sur l'esprit du duc, continua ainsi qu'il suit:

– Annuncio vobis gaudium magnum. Charles, duc de Bourgogne et comte de Flandre, je vous fais savoir, au nom de mon maître, qu'en vertu d'une dispense de notre saint père le pape, qu'il attend incessamment et qui contiendra la nomination d'un substitut convenable ad sacra, il se propose d'exercer les fonctions de prince-évêque de Liège, et de maintenir ses droits comme comte de Croye.

Le duc de Bourgogne, à cette pause du discours du héraut, comme à toutes les autres, ne fit que s'écrier de nouveau: – Ah! – ou prononcer quelque interjection semblable, du ton d'un homme qui, quoique surpris et irrité, veut cependant entendre tout ce qu'on a à lui dire, avant de faire une réponse. À la grande surprise de tous ceux qui étaient présens, il ne se permit aucun des gestes brusques et violens qui lui étaient ordinaires; mais il serrait entre ses dents l'ongle de son pouce, ce qui était son tic favori quand il écoutait avec attention, et il tenait les yeux baissés, comme s'il eût craint de montrer le courroux qu'on y aurait vu étinceler.

Sanglier-Rouge continua donc à s'acquitter de sa mission avec audace – J'ai à vous requérir, duc Charles, au nom du prince-évêque de Liège et comte de Croye, de vous désister de vos prétentions sur la cité libre et impériale de Liège, et des usurpations que vous avez faites sur ses droits, de connivence avec feu Louis de Bourbon, indigne évêque de cette ville.

– Ah! s'écria encore le duc.

– Comme aussi de restituer les bannières de la communauté, au nombre de trente-six, dont vous vous êtes emparé par violence; – de réparer les brèches que vous avez faites aux murailles; – de reconstruire les fortifications que vous avez arbitrairement démantelées; – de reconnaître enfin mon maître, Guillaume de la Marck, comme évêque de Liège, légalement et librement élu par le chapitre de chanoines, dont voici le procès-verbal.

– Avez-vous fini? lui demanda le duc.

– Pas encore, lui répliqua l'envoyé: je suis chargé en outre de vous requérir de la part du dit noble et vénérable prince-évêque et comte, de retirer les garnisons que vous avez mises dans le château de Braquemont, et autres places fortes du comté de Croye, soit qu'elles y aient été placées en votre nom, en celui d'Isabelle de Croye, ou en tout autre; jusqu'à ce qu'il ait été décidé par la diète impériale si les fiefs en question ne doivent pas appartenir à la sœur du feu comte, la très-gracieuse comtesse Hameline, par préférence à sa fille, en vertu du jus emphyteusis.

– Votre maître est très-savant, dit le duc.

– Cependant, continua le héraut, le noble et vénérable prince-évêque et comte est disposé, lorsqu'il n'existera plus aucun sujet de querelle entre la Bourgogne et le pays de Liège, à assurer à sa nièce Isabelle un apanage convenable à sa qualité.

– Il est raisonnable et généreux, dit le duc avec le même ton d'ironie.

– Sur la conscience d'un pauvre fou, dît le Glorieux à l'oreille du comte de Crèvecœur, j'aimerais mieux être dans la peau de la plus mauvaise vache qui soit jamais morte d'une maladie contagieuse, que sous les habits brodés de ce drôle; il ressemble à un ivrogne qui vide les pots sans les compter, et sans faire attention aux marques que le garçon cabaretier trace à la craie derrière le volet.

– Avez-vous encore quelque chose à me dire? demanda le duc.

– Un seul mot de plus relativement au digne et fidèle allié de mondit noble et vénérable maître, le roi très-chrétien.

– Ah! ah! s'écria le duc; et il fit cette exclamation d'un ton tout différent de celui qu'il avait pris jusqu'alors en faisant les autres; mais il se contint encore pour prêter toute son attention.

– Duquel roi très-chrétien, continua le héraut, on assure que vous, Charles de Bourgogne, vous retenez par contrainte la personne royale en cette ville, au mépris de vos devoirs, comme vassal de la couronne de France, et contre la foi observée parmi les princes chrétiens. Pour laquelle raison, mondit noble et vénérable maître vous ordonne, par ma bouche, de mettre à l'instant en liberté son allié royal et très-chrétien, ou de recevoir le défi que je suis chargé de vous faire de sa part.

– Avez-vous enfin tout dit?

– Oui, et j'attends la réponse de Votre Altesse, espérant qu'elle sera de nature à éviter l'effusion de sang chrétien.

– Eh bien! s'écria le duc, de par saint George de Bourgogne!.. Mais avant qu'il en pût dire davantage, Louis se leva, et prit la parole avec un tel air de majesté et d'autorité que Charles se sentit dans l'impossibilité de l'interrompre.

– Beau cousin de Bourgogne, dit le roi, avec votre permission, nous réclamons la priorité pour répondre à cet impertinent coquin de héraut, ou qui que tu sois, va dire au parjure, au meurtrier, au proscrit Guillaume de la Marck, que le roi de France se trouvera incessamment devant Liège, dans le dessein de venger le meurtre sacrilège de feu son parent chéri, Louis de Bourbon, et qu'il se propose de faire pendre Guillaume de la Marck avec une chaîne de fer, pour le punir d'avoir eu l'audace de le nommer son allié, et d'avoir mis son nom royal dans la bouche de ses vils messagers.

– Et tu ajouteras de ma part, dit Charles, tout ce qu'un prince peut avoir à dire à un voleur et à un assassin. Va-t'en. Un moment pourtant: jamais héraut n'a quitté la cour de Bourgogne sans avoir à crier largesse. Qu'on l'étrille de manière à lui enlever la peau.

– Votre Altesse voudra bien faire attention, s'écrièrent en même temps Crèvecœur et d'Hymbercourt, que c'est un héraut, un homme privilégié.

– Est-ce vous, messieurs, dit le duc, qui êtes assez oisons pour croire que le tabard fasse le héraut? Je suis certain, par ses armoiries mêmes, que ce drôle n'est qu'un imposteur. Que Toison-d'Or s'avance, et qu'il le questionne en notre présence.

En dépit de son effronterie naturelle, on vit pâlir l'envoyé du Sanglier des Ardennes, quoiqu'il eût employé quelque fard pour se peindre le visage. Toison-d'Or, chef des hérauts du duc, comme nous l'avons déjà dit, et roi d'armes dans ses domaines, s'avança avec la gravité d'un homme qui savait ce qui est dû à sa place, et demanda à son prétendu confrère dans quel collège il avait étudié la science qu'il professait.

– J'ai été poursuivant d'armes au collège héraldique de Ratisbonne, répondit Sanglier-Rouge, et j'ai reçu le diplôme d'Ehrenhold de cette savante confrérie.

– Vous ne pouviez puiser la science dans une source plus pure, dit Toison-d'Or en s'inclinant plus profondément qu'il ne l'avait fait auparavant; et si je me permets de conférer avec vous sur les mystères de notre sublime science, par obéissance aux ordres du duc mon maître, c'est dans l'espoir de recevoir de vous des lumières, et non de vous en communiquer.

– Au fait, au fait! s'écria le duc d'un ton d'impatience; faites-lui quelque question qui mette sa science à l'épreuve.

– Il serait ridicule, reprit Toison-d'Or, de demander à un disciple de l'illustre collège de Ratisbonne s'il connaît les termes ordinaires du blason; mais je puis, sans l'offenser, demander à Sanglier-Rouge s'il est initié aux termes mystérieux et secrets de cette science, par laquelle les plus savans de nous s'expliquent les uns aux autres emblématiquement et paraboliquement ce qu'ils disent aux autres dans le langage ordinaire; termes qui sont, en quelque sorte, les premiers élémens de l'art héraldique?

– Je connais toutes les branches du blason aussi-bien l'une que l'autre, répondit Sanglier-Rouge avec hardiesse; mais il est possible que nos termes en Allemagne ne soient pas les mêmes que les vôtres en Flandre.

– Pouvez-vous parler ainsi? s'écria Toison-d'Or; notre noble science, qui est la bannière de la noblesse et la gloire de la générosité, est la même dans tous les pays chrétiens; elle est même connue des Maures et des Sarrasins. Je vous prierai donc de me décrire, d'après le style céleste, c'est-à-dire d'après les planètes, telles armoiries qu'il vous plaira de choisir.

– Faites-en la description vous-même, si bon vous semble, répondit Sanglier-Rouge. Je ne suis pas venu ici pour faire des tours de bouffon; croyez-vous me faire tenir debout comme un singe, à votre volonté?

– Montrez-lui quelques armoiries, et qu'il en fasse la description à sa manière, dit le duc; mais s'il ne réussit pas, je lui promets que son dos sera gueules, azur et sable.

– Voici, dit le héraut bourguignon en tirant de sa poche un parchemin, voici des armoiries que certaines considérations m'ont porté à tracer aussi-bien que me le permettent mes faibles talens; je prie mon confrère, s'il appartient véritablement au savant collège de Ratisbonne, de le déchiffrer en termes convenables.

Le Glorieux, qui semblait s'amuser beaucoup de cette discussion, s'était alors avancé près des deux hérauts. – Je vais t'aider, mon garçon, dit-il à Sanglier-Rouge qui regardait le parchemin d'un air de consternation; – Messeigneurs et messieurs, ceci représente un chat qui regarde à la fenêtre d'une laiterie.

Cette saillie fit rire; et Sanglier-Rouge y trouva quelque avantage, car Toison-d'Or, indigné qu'on interprétât son dessin de cette manière, en donna lui-même sur-le-champ l'explication, en disant que c'était l'écu porté par Childebert, roi de France, après qu'il eut fait prisonnier Gondemar, roi de Bourgogne, et qu'il représentait une once, ou chat-tigre, derrière une grille, emblème du monarque captif. Il en donna ensuite la définition en termes techniques, qu'un héraut seul pouvait comprendre.

– Par ma marotte, dit le Glorieux, si la Bourgogne est représentée par ce chat, il faut convenir qu'aujourd'hui du moins elle est du bon côté de la grille.

– Vous avez raison, mon cher ami, dit Louis en riant, tandis que tous les spectateurs et Charles lui-même semblaient décontenancés par une plaisanterie dont l'application était si évidente; je vous dois une pièce d'or pour avoir égayé une affaire qui a commencé sur un ton un peu sérieux, mais qui finira, j'espère, plus joyeusement.

– Silence, le Glorieux, dit le duc. Et vous, Toison-d'Or, qui êtes trop savant pour être intelligible, retirez-vous. Qu'on fasse avancer ce drôle. écoute-moi, misérable, lui dit-il en prenant son ton le plus dur: connais-tu la différence qui existe en blason entre argent et or!

– Pour l'amour du ciel! monseigneur, ayez pitié de moi, dit le héraut pris en défaut; noble roi Louis, intercédez pour moi.

– Parle pour toi-même, s'écria le duc; es-tu héraut ou non?

– Je ne le suis que pour cette occasion.

– De par saint George! dit le duc en jetant sur Louis un regard à la dérobée, nous ne connaissons pas de monarque, pas de gentilhomme qui eût voulu prostituer ainsi la noble science sur laquelle reposent la royauté et la noblesse, si ce n'est ce roi qui envoya à édouard d'Angleterre un valet déguisé en héraut78.

– Un tel stratagème, dit Louis, ne pouvait se justifier qu'à une cour où il ne se trouvait aucun héraut en ce moment, et où la chose pressait; mais quoiqu'il ait pu réussir à l'égard d'épais et pesans insulaires, il fallait ne pas avoir plus de bon sens qu'un sanglier, pour penser qu'un pareil tour ne serait pas découvert à la cour éclairée de Bourgogne.

– N'importe d'où ce prétendu héraut vienne, dit le duc avec courroux, il n'y retournera que bien étrillé. Qu'on le traîne sur la place du marché, et qu'on l'y batte avec des brides de chevaux et des fouets à chiens, jusqu'à ce que son tabard tombe en lambeaux. – Sus, au Sanglier-Rouge; ça, ça! tayau! tayau!

Quatre à cinq gros chiens, semblables à ceux qu'on voit peints sur les tableaux de chasse auxquels Rubens et Schneiders travaillèrent en société, entendirent les derniers mots du duc, et se mirent à aboyer comme s'ils voyaient un sanglier sortir de sa bauge.

– Par la sainte croix! dit Louis cherchant à entrer dans l'humeur de son dangereux cousin, puisque l'âne a mis la peau du sanglier, pourquoi ne pas charger les chiens de la lui retirer?

– Rien de mieux! rien de mieux! s'écria le duc, dont cette idée flatta l'humeur pour le moment: cela va se faire. Qu'on découple les chiens, qu'on les mette sur la voie: nous le courrons depuis la porte du château jusqu'à celle du parc du côté de l'orient.

– J'espère que Votre Altesse me traitera en bête de chasse, dit le prétendu héraut, faisant autant que possible bonne mine à mauvais jeu, – et qu'elle me laissera les mêmes moyens de salut.

– Tu n'es qu'une vermine79, répondit le duc, et en cette qualité la lettre du code des chasses ne te donne droit à aucune protection. Cependant ne fût-ce qu'à cause de ton impudence sans égale, tu auras cent pas en avance. Allons, messieurs, allons; il faut voir cette chasse.

La séance du conseil fut ainsi brusquement levée. Chacun courut pour jouir de l'agréable divertissement suggéré par le roi Louis; mais personne n'y mit plus d'empressement que les deux princes.

Rien ne manqua au plaisir qu'ils se promettaient; car Sanglier-Rouge à qui la terreur donnait des ailes, et qui avait à ses trousses une dizaine de chiens de chasse animés par le son des cors et les cris des piqueurs, courut avec la vitesse du vent; et s'il n'avait été gêné par ses vêtemens de héraut, le plus mauvais costume possible pour un coureur, il aurait peut-être échappé aux chiens; il évita même plus d'une fois leur poursuite, en changeant tout à coup de direction avec une adresse à laquelle tous les spectateurs rendirent justice. Mais aucun d'eux, pas même Charles, ne fut aussi enchanté de cette chasse que le roi Louis. En partie par des considérations politiques, et aussi parce que le spectacle des souffrances humaines ne lui était nullement désagréable quand il se présentait sous un point de vue burlesque, il rit à en avoir les larmes aux yeux. Dans son ravissement, il saisit le manteau d'hermine du duc, comme pour se soutenir, tandis que Charles, dans un transport semblable, appuyait la main sur l'épaule du roi, les deux princes montrant ainsi l'un pour l'autre une confiance et une familiarité qu'on n'avait guère droit d'attendre, d'après ce qui venait de se passer quelques instans auparavant.

Enfin l'agilité du faux héraut ne put le dérober plus long-temps aux dents des ennemis qui le poursuivaient. Les chiens l'atteignirent, le renversèrent, et ils l'auraient probablement étranglé, si le duc n'eût crié: – Arrêtez-les! retenez-les! rappelez les chiens! Il a si bien couru, que quoiqu'il n'ait pas fait bonne résistance aux abois, nous ne voulons pas qu'ils en fassent curée.

On s'empressa d'arracher aux chiens la proie sur laquelle ils étaient acharnés, on les accoupla de nouveau, et l'on poursuivit ceux qui s'enfuyaient portant en triomphe dans leur gueule les lambeaux de la cotte d'armes que le malheureux envoyé avait endossée dans un jour de malheur.

En cet instant, et pendant que le duc était encore trop occupé de ce qui se passait devant lui pour faire attention à ce qui se disait derrière, Olivier-le-Dain s'approcha doucement du roi, et lui dit à l'oreille: – C'est le Bohémien, c'est Hayraddin; il ne faudrait pas qu'il parlât au duc.

– Il faut qu'il meure, lui répondit le roi du même ton, les morts ne parlent plus.

Un moment après, Tristan-l'Ermite à qui Olivier avait fait sa leçon, s'avança en présence du roi et du duc, et dit avec le ton bourru qui lui était ordinaire: – Ce gibier m'appartient, et je le réclame, sauf le bon plaisir de Votre Majesté et de Son Altesse. Il porte ma marque, une fleur de lis sur l'épaule, comme tout le monde peut le voir. C'est un scélérat bien connu; il a assassiné nombre de sujets de Votre Majesté, pillé des églises, violé de saintes vierges, tué des daims dans les parcs royaux, et…

– En voilà bien assez! dit le duc Charles; mon royal cousin a droit à cette propriété à plus d'un titre. Que veut en faire Votre Majesté?

– S'il est laissé à ma disposition, répondit le roi, je lui ferai donner une leçon de l'art héraldique qu'il connaît si peu; il apprendra par expérience ce que c'est qu'une croix potencée, et l'on y joindra l'ornement d'un nœud coulant.

– Qu'il ne portera pas, mais qui lui servira de support! s'écria le duc en partant d'un grand éclat de rire occasionné par son trait d'esprit. Qu'il prenne ses degrés sous votre compère Tristan, il est passé maître dans cette science.

Louis partagea la gaieté du duc d'une manière si cordiale, que Charles ne put s'empêcher de le regarder d'un air presque amical.

– Ah! Louis, Louis! lui dit-il, plût au ciel que vous fussiez un allié aussi fidèle que vous êtes un joyeux compagnon! Je pense encore bien souvent aux jours que nous avons passés si gaiement ensemble.

– Il ne tient qu'à vous de les faire renaître, répondit Louis. Je vous accorderai d'aussi belles conditions que vous puisiez m'en demander dans la situation où je me trouve, sans vous rendre la fable de la chrétienté; et je ferai serment de les exécuter, sur la sainte relique que j'ai le bonheur de porter sur moi, et qui est un fragment du bois de la vraie croix.

En parlant ainsi, il tira de son sein un petit reliquaire d'or suspendu à son cou par une chaîne du même métal, et qu'il portait entre sa chemise et ses autres vêtemens; puis il ajouta, après l'avoir baisé dévotement:

– Jamais faux serment n'a été prêté sur cette sainte relique sans qu'il ait été puni dans l'année.

– Cependant, dit le duc, c'est la même sur laquelle vous m'avez juré amitié en quittant la Bourgogne; ce qui n'a pas empêché que peu de temps après vous n'y ayez envoyé, le bâtard de Rudempré pour m'assassiner ou s'emparer de ma personne.

– Ah! beau cousin, voilà que vous déterrez d'anciens griefs; mais je vous assure que vous êtes dans l'erreur à ce sujet. D'ailleurs, ce n'est pas sur la relique que voici que je vous ai fait alors le serment dont vous parlez; c'était sur un autre fragment du bois de la vraie croix, qui m'avait été envoyé par le Grand-Seigneur; et il avait sans doute perdu de sa Vertu en restant si long-temps entre les mains des infidèles. Mais après tout, la guerre du bien public n'éclata-t-elle pas dans le cours de cette année? Ne vis-je pas l'armée bourguignonne, appuyée de tous les grands feudataires de France, camper à Saint-Denis? Ne fus-je pas obligé d'abandonner la Normandie à mon frère? Que Dieu nous préserve de nous parjurer sur une relique comme celle-ci!

– Eh bien! cousin, je crois que vous avez reçu une leçon qui vous apprendra à être de bonne foi à l'avenir. Et à présent, franchement et loyalement, tiendrez-vous la parole que vous m'avez donnée de marcher avec moi contre ce meurtrier de la Marck et ces misérables Liégeois?

– Je marcherai contre eux, beau cousin, avec le ban et l'arrière-ban de France, et l'oriflamme déployée.

– Non, non! c'est plus qu'il ne faut, plus qu'il n'est convenable. La présence de votre garde écossaise et de quelques centaines de lances d'élite suffira pour prouver que vous agissez librement. Une armée considérable pourrait…

– Me rendre libre en réalité, voulez-vous dire, beau cousin? Eh bien vous réglerez vous-même le nombre des troupes qui me suivront.

– Et pour que nous n'ayons plus rien à craindre de la belle Hélène qui a jeté entre nous la pomme de discorde, vous consentirez que la comtesse Isabelle de Croye épouse le duc d'Orléans.

– Beau cousin, vous mettez ma courtoisie à une rude épreuve. Le duc est fiancé à ma fille Jeanne. Soyez généreux; n'insistez pas sur ce point, et parlons plutôt des places sur la Somme.

– Mon conseil parlera de cet objet à Votre Majesté. Quant à moi, j'ai moins à cœur une augmentation de territoire qu'une réparation des injures que j'ai reçues. Vous vous êtes mêlé des affaires de mes vassaux: vous avez voulu disposer à votre gré de la main d'une pupille du duché de Bourgogne; eh bien! puisque vous voulez la marier, que ce soit à un membre de votre propre famille; sans cela notre conférence est rompue.

– Personne ne me croirait, beau cousin, si je disais que je le fais avec plaisir. Jugez donc quel est mon désir de vous obliger, quand je vous dis, à mon grand regret, que si les parties y consentent et peuvent obtenir la dispense du pape, je ne m'opposerai en aucune manière au mariage que vous proposez.

– Tout cela s'arrangera aisément par nos ministres, dit le duc; et maintenant nous voici redevenus cousins et amis.

– Rendons-en grâce, dit Louis, à la bonté du ciel, qui, tenant entre ses mains les cœurs des princes, les dispose miséricordieusement à la paix et à la clémence, pour prévenir l'effusion du sang humain.

– Olivier, ajouta Louis en s'adressant à ce favori qui rôdait, toujours autour de lui comme l'esprit familier aux ordres d'un sorcier, – écoute: dis à Tristan d'aller vite en besogne avec ce vagabond de Bohémien.

78.Cette histoire d'un faux héraut n'arriva que sept ou huit ans plus tard. – (Note de l'éditeur.)
79.En Anglais varment ou vermin. Ce mot en vénerie s'applique aux blaireaux, aux fouines, etc., etc., toutes bêtes indignes d'être chassées selon les nobles règles de l'art. – (Note de l'éditeur.)

Türler ve etiketler

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
720 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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