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Kitabı oku: «Quentin Durward», sayfa 38

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– Monseigneur, dit Isabelle, songez que je suis la fille de votre ancien ami, de votre fidèle et vaillant serviteur, le comte Reinold! Voudriez-vous faire de moi un prix pour le bras qui sait le mieux manier l'épée?

– La main de votre aïeule a été gagnée dans un tournoi, répondit le duc; on combattra pour la vôtre dans une bataille véritable. Seulement, et par égard pour la mémoire du comte Reinold, votre époux devra être gentilhomme et jouir d'une réputation sans tache. Mais quel que soit le vainqueur de Guillaume de la Marck, fût-il le plus pauvre de tous ceux qui ont jamais bouclé un baudrier, il aura du moins le droit de disposer de votre main; j'en fais serment par saint George, par ma couronne ducale, par l'ordre que je porte. Eh bien! messieurs, ajouta-t-il en se tournant vers ses conseillers, je me flatte que cela est conforme aux lois de la chevalerie?

Les remontrances d'Isabelle se perdirent dans les acclamations d'un assentiment universel, et l'on entendît par-dessus toutes les autres voix celle du vieux lord Crawford, qui regrettait que le poids des années l'empêchât de prétendre à un si beau prix. Le duc fut satisfait de ce murmure général d'applaudissemens, et sa violence commença à se calmer, comme celle d'une rivière débordée dont les eaux rentrent dans leur lit ordinaire.

– Et nous à qui le sort a déjà donné des compagnes, dit Crèvecœur, sommes-nous donc condamnés à n'être que spectateurs de cette lutte glorieuse? Mon honneur ne me le permet pas; j'ai fait un vœu, et je dois l'accomplir aux dépens de cette brute aux cruelles défenses et au crin hérissé de ce scélérat de la Marck.

– Eh bien! courage, Crèvecœur! dit le duc; frappe d'estoc et de taille; gagne-la, et si tu ne peux la prendre pour toi-même, tu en disposeras comme tu le voudras; tu la donneras au comte étienne, ton neveu, si bon te semble.

– Grand merci, monseigneur, répondit Crèvecœur. Je ferai de mon mieux dans la mêlée, et si je réussis à débusquer le Sanglier et à l'abattre, étienne verra si son éloquence peut l'emporter sur celle de la digne abbesse.

– Je me flatte, dit Dunois, qu'il n'est pas défendu aux chevaliers français de disputer un si beau prix.

– à Dieu ne plaise, brave Dunois, répliqua le duc, quand ce ne serait que pour le plaisir de vous voir faire de votre mieux. Je consens volontiers que la comtesse Isabelle épouse un Français. Cependant, ajouta-t-il, il est entendu que le comte de Croye doit devenir vassal de la Bourgogne.

– C'en est assez, s'écria Dunois, la barre d'illégitimité de mon écu ne sera jamais surmontée de la couronne de comte de Croye. Je veux vivre et mourir Français; mais tout en renonçant aux domaines, je puis frapper d'estoc et de taille pour la dame.

Le Balafré n'osa élever la voix dans une telle assemblée, mais il murmura tout bas:

– Allons, Saunders Souplesaw, songe à ta promesse. Tu as toujours dit que la fortune de notre maison se ferait par un mariage; jamais tu ne trouveras une si belle occasion de tenir ta parole.

– Personne ne pense à moi, dit le Glorieux; je suis pourtant plus sûr qu'aucun de vous de remporter le prix.

– Tu as raison, mon sage ami, lui dit Louis; quand il s'agit d'une femme, le plus grand fou est toujours le plus favorisé.

Tandis que les princes et les seigneurs de leur suite plaisantaient ainsi sur le destin d'Isabelle, l'abbesse et la comtesse de Crèvecœur, qui s'étaient retirées avec elle, cherchaient en vain à la consoler. La première l'assurait que la sainte Vierge ne permettrait pas qu'on réussît à l'obliger de renoncer à sa résolution de se consacrer à Dieu dans l'enceinte d'une maison protégée par sainte Ursule. La seconde lui donnait des consolations plus mondaines, en lui disant qu'aucun chevalier digne de ce nom, qui aurait réussi dans l'entreprise au succès de laquelle le duc avait attaché le don de sa main et de ses biens, ne voudrait en profiter pour contraindre ses inclinations; et elle ajouta même qu'il pouvait arriver que l'heureux vainqueur obtint grâce à ses yeux, et trouvât le moyen de la réconcilier avec l'obéissance.

L'amour, comme le désespoir, prendrait un fétu de paille pour appui: quelque faible et quelque vague que fût l'espérance que lui présentait ce discours, Isabelle pleura avec moins d'amertume en l'écoutant.

CHAPITRE XXXVI.
L'Attaque

«L'infortuné qui va périr

«Ne perd pas toute confiance;

«Chaque coup qui le fait gémir,

«Réveille en son cœur l'espérance.

«Telle qu'un propice rayon,

«L'espérance embellit notre courte carrière,

«Et quand la nuit obscurcit l'horizon,

«Plus brillante à nos yeux se montre sa lumière.

GOLDSMITH.

IL s'était écoulé peu de jours quand Louis reçut, avec le sourire de la vengeance satisfaite, la nouvelle que son conseiller favori, le cardinal de La Balue, gémissait dans une cage de fer, où il ne pouvait ni se tenir debout, ni s'étendre de son long, et où il resta, soit dit en passant, près de douze ans par ordre de ce monarque impitoyable.

Les forces auxiliaires que le duc avait requises étaient arrivées, et quoique trop peu nombreuses pour lutter contre l'armée bourguignonne, si tel eût été le dessein du roi, elles étaient du moins suffisantes pour protéger sa personne, et cette réflexion lui offrait quelque consolation. D'une autre part, il se voyait libre de reprendre son projet de mariage entre le duc d'Orléans et sa fille, et quoiqu'il sentît quel affront c'était pour lui de servir avec ses plus nobles pairs sous la bannière d'un vassal, et contre un peuple dont il avait favorisé la cause, il se mit peu en peine de cette circonstance, espérant bien prendre sa revanche quelque jour; car, comme il le dit à son fidèle Olivier, au jeu, le hasard peut faire une levée, mais c'est la patience et l'expérience qui finissent par gagner la partie.

Se livrant à de telles réflexions, Louis, par un beau jour de la fin de l'été, monta à cheval; et s'inquiétant peu qu'on le regardât comme marchant à la suite d'un vainqueur triomphant plutôt que comme un monarque indépendant environné de ses gardes et de ses chevaliers, il sortit de Péronne, et passa sous la porte gothique de cette ville pour aller joindre l'armée bourguignonne en marche sur Liège.

Un grand nombre de dames de distinction, alors dans Péronne, étaient sur les remparts, parées de leurs plus riches atours, pour voir passer les guerriers. La comtesse de Crèvecœur y avait conduit Isabelle, qui ne l'y avait suivie qu'avec beaucoup de répugnance; mais Charles avait ordonné impérieusement que celle qui devait être la récompense du vainqueur se montrât aux chevaliers se rendant aux tournois.

Pendant qu'ils défilaient, on vit plus d'une bannière et plus d'un bouclier avec de nouveaux emblèmes qui exprimaient la résolution formée par bien des chevaliers de chercher à mériter un si beau prix. Ici, c'était un coursier s'élançant dans la carrière; là, une flèche lancée contre un but; un chevalier portait sur son écu un cœur percé d'un trait, pour indiquer sa passion; un autre portait une tête de mort et une couronne de lauriers, pour annoncer sa détermination de vaincre ou de mourir. Il serait trop long de décrire tous ces emblèmes, et il en existait quelques-uns qu'on avait eu l'art de rendre si compliqués et si obscurs, qu'ils auraient défié la science du plus habile interprète. On peut bien croire aussi que chaque chevalier fit faire à son coursier les courbettes les plus élégantes, et prit sur sa selle l'attitude la plus gracieuse, en passant en revue devant ce bel essaim de dames et de demoiselles qui encourageaient la valeur par d'agréables sourires et en agitant leurs voiles et leurs mouchoirs. Les archers de la garde, choisis presque homme à homme parmi la fleur de la nation écossaise, attirèrent surtout les regards et les applaudissemens par leur bonne tenue et par la magnificence de leur costume.

Ce fut même un de ces étrangers qui se hasarda à faire une attention particulière à la comtesse Isabelle, et à prouver qu'il la connaissait, ce que n'avaient point osé se permettre les plus nobles chevaliers français. Quentin Durward, en passant devant la jeune comtesse, lui présenta respectueusement au bout de sa lance la lettre de sa tante, que lui avait remise Hayraddin.

– Sur mon honneur, s'écria le comte de Crèvecœur, vit-on jamais insolence égale à celle de cet indigne aventurier?

– Ne le nommez pas ainsi, Crèvecœur, dit Dunois; j'ai de bonnes raisons pour rendre témoignage à sa valeur; et c'est pour cette dame même qu'il en a fait preuve.

– Voilà beaucoup de paroles pour peu de chose, dit Isabelle rougissant de honte et de ressentiment; c'est une lettre de ma malheureuse tante; elle m'écrit avec enjouement, quoique sa situation doive être épouvantable.

– Voyons, voyons, dit Crèvecœur, faites-nous part de ce que vous dit la femme du Sanglier.

La comtesse Isabelle lut la lettre, dans laquelle sa tante semblait chercher à faire valoir le mieux possible un mauvais marché, et à justifier le peu de décorum de son mariage précipité, par le bonheur qu'elle avait d'avoir pour époux un des hommes les plus braves du siècle, qui venait d'acquérir une principauté par sa valeur. Elle suppliait sa nièce de ne pas juger de son Guillaume, comme elle l'appelait, par ce qu'elle en entendait dire, mais d'attendre qu'elle le connût personnellement. Sans doute il avait ses défauts, mais c'étaient des défauts qui lui étaient communs avec des hommes pour qui elle avait toujours eu la plus grande vénération. Il aimait le vin: le brave sire Godfrey, un de leurs aïeux, ne l'avait pas moins aimé; il avait le caractère un peu violent et même sanguinaire: tel avait été le père d'Isabelle, le comte Reinold, de bienheureuse mémoire; il était brusque dans ses discours: quel Allemand ne l'était pas? un peu volontaire et impérieux: quel homme n'aimait pas à dominer? Ces comparaisons justificatives s'étendaient encore davantage, et la vieille comtesse finissait par inviter Isabelle à tâcher d'échapper au pouvoir du tyran de Bourgogne, à l'aide du porteur de sa lettre, et à venir à la cour de son affectionnée parente à Liège, où les petites difficultés qui pouvaient exister entre elles, relativement à leurs droits mutuels de succession au comté de Croye s'arrangeraient facilement au moyen du mariage d'Isabelle avec Carl Eberson, un peu plus jeune que sa future épouse, à la vérité; mais cette différence d'âge, comme le croyait la comtesse Hameline, peut-être par expérience, était un inconvénient plus facile à supporter qu'Isabelle ne pouvait se l'imaginer.

Ici Isabelle s'arrêta, l'abbesse ayant fait observer, avec un air de prude, que c'était s'occuper trop long-temps de vanités mondaines, et le comte de Crèvecœur s'étant écrié: – Au diable soit la sorcière menteuse! Quoi! sa lettre ressemble au sale appât d'une souricière. Fi! cent fois fi, vieille pétrie d'imposture!

La comtesse de Crèvecœur reprocha gravement à son mari une apostrophe qui lui semblait trop violente. – De la Marck, dit-elle, peut avoir trompé la comtesse Hameline par une apparence de courtoisie.

– Lui! montrer une apparence de courtoisie? s'écria le comte: non, non, je l'absous du péché de dissimulation à cet égard. De la courtoisie! autant vaudrait en attendre d'un véritable sanglier; autant vaudrait essayer d'étendre une feuille d'or sur le vieux fer rouillé d'un carcan. Non, vous dis-je, tout idiote qu'elle est, elle n'est pas encore tout-à-fait assez bornée pour s'amouracher du renard qui l'a happée, et, cela même dans son terrier. Mais vous autres femmes, vous vous ressemblez toutes: il ne vous faut que quelques belles paroles; et j'ose dire que voici ma jolie cousine qui meurt d'envie d'aller joindre sa tante dans le paradis de ce fou, et d'épouser le marcassin.

– Bien loin d'être capable d'une telle folie, dit Isabelle, je désire doublement la punition du meurtrier du bon évêque, afin que ma tante ne soit plus au pouvoir d'un tel scélérat.

– Je reconnais la voix d'une de Croye, dit Crèvecœur.

– Et il ne fut plus question de la lettre.

Mais il est à propos de faire observer qu'Isabelle, en lisant à ses amis l'épître de sa tante, ne jugea pas nécessaire de leur faire part d'un certain postscriptum dans lequel la comtesse Hameline, en véritable femme, lui rendait compte de ses occupations, et lui disait qu'elle avait pour le présent suspendu la broderie d'un riche surtout qu'elle destinait à son mari, et qui porterait les armes réunies de Croye et de de la Marck, attendu que son Guillaume avait résolu, par suite d'un projet politique, de faire porter ses armes et son costume par quelques-uns de ses gens, dans la première affaire qui aurait lieu, et de prendre lui-même les armoiries d'Orléans avec la barre d'illégitimité; en d'autres termes, celles de Dunois. On avait aussi glissé dans la lettre un petit billet dont elle ne jugea pas devoir communiquer le contenu, qui ne consistait qu'en ce peu de mots d'une écriture différente:

– Si vous n'entendez pas bientôt la renommée parler de moi, concluez-en que je suis mort, mais d'une manière digne de vous.

Une pensée qu'elle avait jusqu'alors repoussée comme invraisemblable se présenta à l'esprit d'Isabelle, avec une nouvelle force; et comme l'esprit d'une femme manque rarement de moyens pour exécuter ce qu'elle a projeté, elle arrangea si bien les choses, qu'avant que les troupes fussent en pleine marche, Durward reçut, par une main inconnue, la lettre de la comtesse Hameline, avec trois croix en marge du postscriptum, pour y attirer son attention, et avec l'addition de ce peu de mots: – Celui qui ne craignit pas les armes de Dunois quand elles brillaient sur la poitrine du brave guerrier à qui elles appartiennent légitimement, ne peut les redouter quand il les verra sur celle d'un tyran et d'un meurtrier.

Le jeune Écossais baisa et pressa sur son cœur mille et mille fois cet avis utile; car il lui montrait le sentier dans lequel l'attendaient l'honneur et l'amour, et il lui apprenait un secret inconnu à tout autre pour reconnaître celui dont la mort seule pouvait donner la vie à ses espérances, secret qu'il résolut prudemment de cacher avec soin dans son sein.

Il vit pourtant la nécessité d'agir autrement relativement à l'avis que lui avait donné Hayraddin, puisque la sortie que de la Marck se proposait de faire pouvait causer la destruction de l'armée des assiégeans, si l'on ne déjouait son stratagème, tant il est difficile, dans le genre de guerre encore peu régulier qui était alors en usage, de se remettre d'une surprise nocturne. Après avoir bien réfléchi à la résolution qu'il avait déjà prise de donner avis de cette ruse, il ajouta celle de ne le faire que personnellement et aux deux princes réunis, peut-être parce qu'il craignait que s'il apprenait à Louis en particulier un complot si adroit et si bien ourdi, ce ne fût une tentation trop forte pour la probité équivoque de ce monarque, et qu'il ne lui prît envie de seconder le projet, au lieu d'en empêcher l'accomplissement. Il se détermina donc à attendre, pour révéler ce secret, que Louis et Charles se trouvassent ensemble; et cette occasion pouvait tarder de se présenter, car aucun d'eux n'était particulièrement épris de la contrainte que lui imposait la société de l'autre.

Cependant l'armée confédérée continuait sa marche, et elle entra bientôt sur le territoire de Liège. Là les soldats bourguignons, ou du moins une partie d'entre eux, c'est-à-dire ces bandes auxquelles on avait donné le surnom d'escorcheurs, montrèrent qu'ils méritaient ce titre honorable par la manière dont ils traitèrent les habitans des villages, sous prétexte de venger la mort de l'évêque. Cette conduite fit grand tort à la cause de Charles; car les paysans maltraités, qui auraient pu rester neutres dans cette querelle, prirent les armes pour se défendre, harassèrent sa marche, attaquèrent les détachemens qui s'écartaient du corps d'armée, et, se repliant enfin sur Liège, allèrent augmenter les forces de ceux qui avaient résolu de défendre cette ville avec le courage du désespoir. Les Français, au contraire, en petit nombre, et formant l'élite des troupes de leur pays, restaient toujours sous leurs bannières, conformément aux ordres du roi, et observaient la plus stricte discipline; ce contraste augmentait les soupçons de Charles, qui ne put s'empêcher de remarquer qu'ils agissaient en amis de Liège plutôt qu'en alliés de la Bourgogne.

Enfin l'armée combinée, sans avoir éprouvé aucune opposition sérieuse, arriva dans la riche vallée de la Meuse, devant la grande et populeuse cité de Liège. On vit que le château de Schonwaldt avait été rasé, et l'on apprit que Guillaume de la Marck, qui n'avait d'autres vertus que quelques talens militaires, rassemblant toutes ses forces dans la ville, avait résolu d'éviter une rencontre en rase campagne avec les armées de France et de Bourgogne; mais on ne fut pas long-temps sans éprouver le danger qu'il y a toujours à attaquer une grande ville, quoique ouverte, lorsque les habitans ont résolu de se défendre avec opiniâtreté.

Liège ayant été démantelée, et ses murailles offrant de larges brèches, les Bourguignons composant l'avant-garde s'imaginèrent que rien ne pouvait les empêcher de pénétrer dans cette ville. Ils entrèrent donc sans précautions dans un des faubourgs, en poussant de grands cris: – Bourgogne! Bourgogne! – tue! tue! – tout ici est à nous! – Souvenez-vous de Louis de Bourbon! Mais comme ils marchaient en désordre dans des rues étroites, et qu'ils se dispersaient pour piller, un corps nombreux d'habitans s'élança tout à coup de la ville, tomba sur eux avec fureur, et en fit un carnage considérable. De la Marck profita même des brèches des murailles pour faire sortir en même temps les défenseurs de la ville par plusieurs points, et ces détachemens entrant de différens côtés dans le faubourg, attaquèrent les assaillans de front, sur les flancs et par derrière. Ceux-ci, surpris par une attaque si vive, et par des ennemis qui semblaient se multiplier, se servirent à peine de leurs armes pour se défendre, et la nuit, qui commençait à tomber, ajouta à la confusion.

Lorsque le duc apprit cette nouvelle, il fut saisi d'un transport de rage qui ne s'apaisa guère par l'offre du roi Louis d'envoyer ses hommes d'armes français porter du secours à l'avant-garde pour la dégager. Rejetant cette offre d'un ton sec, il voulait se mettre lui-même à la tête de sa garde; mais Crèvecœur et d'Hymbercourt le prièrent de les charger de ce service, et marchant vers la scène de l'action sur deux points, avec plus d'ordre, et de manière à se soutenir mutuellement, ces deux célèbres capitaines réussirent à repousser les Liégeois et à dégager l'avant-garde, qui, indépendamment des prisonniers, ne perdit pas moins de huit cents hommes, dont une centaine étaient des hommes d'armes.

Les prisonniers ne furent pourtant pas en grand nombre, la plupart ayant été délivrés par d'Hymbercourt, resté maître du faubourg; il plaça une forte garde en face de la ville, qui en était séparée par un espace découvert d'environ sept à huit cents pas, formant une esplanade où l'on avait abattu toutes les maisons capables de nuire à la défense de la place. Il n'y avait pas de fossé entre Liège et le faubourg, le terrain était trop pierreux en cet endroit pour qu'il eût été possible d'en pratiquer un. En face du faubourg était une porte par où l'on pouvait faire des sorties, ainsi que par deux brèches voisines faisant partie de celles que le duc avait fait faire aux murs après la bataille de Saint-Tron, et que l'on s'était contenté de réparer avec des palissades en bois. D'Hymbercourt fit tourner deux couleuvrines contre la porte, en dirigea pareil nombre vers les brèches, afin d'en imposer à ceux qui voudraient sortir de la ville, et revint ensuite à l'armée, qu'il trouva dans un grand tumulte.

Dans le fait, le corps principal et l'arrière garde nombreuse du duc avaient continué à avancer, pendant que l'avant-garde repoussée faisait sa retraite en désordre et avec précipitation. Les fuyards vinrent à se choquer avec les corps qui marchaient en tête, et y jetèrent une confusion qui se propagea de rang en rang. L'absence de d'Hymbercourt, qui remplissait les fonctions de maréchal-de-camp, ou, comme nous le dirions aujourd'hui, de quartier-maître-général, augmenta le désordre; et pour que rien n'y manquât, la nuit était aussi noire que la gueule d'un loup; une forte pluie survint, et le sol sur lequel il était indispensable que les assiégeans prissent position était marécageux et coupé par plusieurs canaux.

Il serait impossible de se faire une idée de la confusion qui régnait alors dans l'armée bourguignonne. Les chefs ne reconnaissaient plus leurs soldats, qui abandonnaient leurs étendards pour chercher un abri partout où ils pouvaient en trouver. Les fuyards, épuisés de fatigue, et dont un grand nombre étaient blessés, demandaient en vain des secours et des rafraîchissemens; l'arrière-garde, ignorant le désastre qui avait eu lieu, accourait au pas redoublé, et se mêlait au corps d'armée en désordre, craignant d'arriver trop tard pour prendre part au sac de la ville, qu'elle croyait déjà joyeusement commencé.

D'Hymbercourt trouva qu'il avait une tâche difficile à accomplir, et elle fut remplie d'une nouvelle amertume par la violence à laquelle se laissa emporter son maître, qui n'eut aucun égard au devoir plus pressant encore dont il venait de s'acquitter. Toute la patience du brave chevalier ne put tenir à des reproches si injustes.

– C'est d'après vos ordres, lui dit-il, que j'ai été porter du secours à l'avant-garde; j'ai laissé à Votre Altesse le soin de l'armée; et après avoir rempli ma mission, je la trouve dans un tel désordre que l'avant-garde, le corps d'armée, l'arrière-garde, tout est confondu.

– Nous n'en ressemblons que mieux à un baril de harengs, dit le Glorieux, et c'est la comparaison la plus naturelle pour une armée flamande.

La plaisanterie du bouffon favori fit rire le duc et empêcha que l'altercation entre lui et le chevalier n'allât plus loin.

On s'empara d'une lust-haus, ou maison de campagne, appartenant à un riche habitant de Liège; on en chassa tous ceux qui l'occupaient, et le duc y établit son quartier-général. D'Hymbercourt et Crèvecœur placèrent tout auprès un poste d'une quarantaine d'hommes d'armes; et ceux-ci, ayant démoli quelques bâtimens extérieurs qui en dépendaient, se servirent de leurs débris pour allumer un grand feu.

à peu de distance sur la gauche, entre cette maison et le faubourg, qui, comme nous l'avons déjà dit, était en face d'une des portes de la ville, et occupé par l'avant-garde de l'armée bourguignonne, s'élevait une autre maison de plaisance, située entre cour et jardin, et ayant sur le derrière deux ou trois petits enclos. Ce fut là que le roi de France, de son côté, établit son quartier-général. Il n'avait pas la prétention d'avoir de grandes connaissances militaires, mais sa sagacité peu ordinaire lui en tenait lieu, et il y joignait une indifférence naturelle pour le danger. Louis et les principaux personnages de sa suite se logèrent dans cette maison. Une partie des archers de sa garde écossaise fut placée dans la cour, où quelques bâtimens pouvaient servir de casernes, et le reste bivouaqua dans le jardin. Les autres troupes françaises furent placées dans les environs, en bon ordre, et l'on établit des postes avancés pour donner l'alarme en cas d'attaque.

Dunois et Crawford, aidés de quelques vieux officiers parmi lesquels le Balafré se faisait remarquer par son activité, parvinrent, en abattant des murailles, en perçant des haies, en comblant des fossés, et par d'autres opérations semblables, à assurer une communication facile entre les différens corps, de manière à ce qu'ils pussent se réunir aisément et sans confusion, en cas de nécessité.

Cependant Louis jugea à propos de se rendre sans cérémonie au quartier-général du duc de Bourgogne, pour connaître le plan d'opérations qu'il avait adopté, et s'informer en quoi ce prince désirait qu'il y coopérât. Sa présence fut cause qu'on tint une sorte de conseil de guerre, auquel, sans cela, Charles n'aurait peut-être pas songé. Ce fut alors que Quentin Durward demanda à y être admis, et il insista fortement, comme ayant quelque chose de très-important à communiquer aux deux princes. Ce ne fut pas sans beaucoup de difficulté qu'il obtint d'être introduit dans la salle du conseil, et Louis fut saisi du plus grand étonnement en l'entendant détailler avec calme et clarté le projet conçu par Guillaume de la Marck de faire une sortie nocturne contre le camp des assiégeans, en marchant sous des bannières françaises, et avec des soldats portant l'uniforme de la même nation. Louis aurait sans doute préféré qu'une nouvelle si importante lui eût été annoncée en particulier; mais comme elle venait d'être publiquement divulguée, il se contenta de dire qu'un tel rapport, vrai ou faux, méritait qu'on y fit attention.

– Pas le moins du monde, dit le duc avec un air d'insouciance; pas le moins du monde. S'il avait existé un tel projet, ce ne serait pas un archer de la garde écossaise qui viendrait m'en faire part.

– Quoi qu'il en soit, beau cousin, répondit Louis, je vous prie, vous et vos capitaines, de faire bien attention que, pour prévenir les conséquences très-désagréables qui pourraient résulter d'une telle attaque, si elle avait lieu, je donnerai ordre à tous mes soldats de porter une écharpe blanche à leur bras. Dunois, allez veiller sur-le-champ à l'exécution de cet ordre; c'est-à-dire s'il a l'approbation de notre beau cousin, notre général.

– Je n'ai pas d'objection à y faire, dit le duc, si les chevaliers français veulent courir le risque d'être appelés désormais chevaliers de la manche de chemise.

– Ce serait une dénomination qui ne serait pas mal choisie, l'ami Charles, dit le Glorieux, puisqu'une femme doit être la récompense du plus vaillant.

– Bien parlé, la Sagesse, dit Louis. Bonsoir, beau cousin, je vais m'armer; mais à propos, si je gagne moi-même la comtesse, qu'en direz-vous?

– Qu'en ce cas, répondit le duc d'une voix altérée, il faudra que Votre Majesté devienne un vrai Flamand.

– Je ne puis, répliqua le roi du ton de la plus entière confiance, le devenir plus que je ne le suis déjà. Tout ce que je voudrais, c'est que vous en fussiez bien convaincu.

Le duc ne répondit qu'en souhaitant au roi une bonne nuit; l'accent de sa voix aurait pu rappeler le hennissement d'un cheval farouche se refusant aux caresses de son cavalier qui cherche à le calmer pour pouvoir le monter en repos.

– Je pourrais lui pardonner sa duplicité, dit le duc à Crèvecœur quand le roi fut parti; mais je ne lui pardonne pas de me croire assez fou pour être dupe de ses protestations.

Louis, de retour à son quartier-général, avait aussi ses confidences à faire à Olivier.

– Cet Écossais, lui dit-il, est un tel composé de finesse et de simplicité, que je ne sais qu'en faire. Pâques-Dieu! quelle folie impardonnable d'aller ébruiter le projet de l'honnête de la Marck, et en présence de Charles, de Crèvecœur, et de tous ces Bourguignons, au lieu de venir m'en instruire à l'oreille, afin de me laisser au moins le choix de le seconder ou de le déjouer!

– Il vaut mieux que les choses se soient passées de cette manière, Sire, répondit Olivier. Il se trouve dans votre armée bien des gens qui se feraient un scrupule d'attaquer les Bourguignons sans provocation, et de devenir les auxiliaires de de la Marck.

– Tu as raison, Olivier, répliqua le monarque; il existe de tels fous dans le monde, et nous n'avons pas assez de temps devant nous pour neutraliser leurs scrupules par une dose d'intérêt personnel. Il faut que nous soyons loyaux et fidèles alliés de la Bourgogne, en ce moment du moins. L'avenir peut nous offrir quelque chance plus favorable; va porter l'ordre que personne ne quitte les armes, et, en cas de nécessité, qu'on charge aussi vigoureusement ceux qui crieront France et Montjoie Saint-Denis, que s'ils criaient l'Enfer et Satan. Je passerai moi-même la nuit tout armé. Que Crawford place Quentin Durward en sentinelle, en première ligne du côté de la ville; il est juste, qu'il soit le premier à profiter de l'avis qu'il nous a donné. S'il a le bonheur de s'en tirer, il n'en aura que plus de gloire. Mais surtout, Olivier, prends un soin tout particulier de Martius Galeotti; fais-le rester à l'arrière-garde, dans quelque endroit où il soit en parfaite sûreté. Il n'est que trop porté à se hasarder, et il serait assez fou pour vouloir être soldat et philosophe en même temps. Veille à tout cela, Olivier, et bonsoir. Puissent Notre-Dame de Cléry et saint Martin de Tours me protéger pendant mon sommeil!

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28 eylül 2017
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