Kitabı oku: «Henri IV (1re partie)», sayfa 3
SCÈNE II
Le grand chemin près de Gadshill
Entrent LE PRINCE HENRI avec POINS, BARDOLPH ET PETO à quelque distance
POINS. – Allons, cachez-moi, cachez-moi. Je viens d'emmener le cheval de Falstaff, et il est là de colère à crever comme un velours gommé.
HENRI. – Serre-toi contre moi.
(Entre Falstaff.)
FALSTAFF. – Poins! Poins! Que le diable emporte Poins!
HENRI. – Paix, maudit sac à lard: quel vacarme fais-tu donc là?
FALSTAFF. – Hal, où est Poins?
HENRI. – Il est monté jusqu'au haut de la colline; je vais te l'aller chercher.
(Il feint d'y aller.)
FALSTAFF. – Il faut que je sois maudit pour toujours voler en compagnie de ce filou-là. Le scélérat a emmené mon cheval et l'a attaché je ne sais où. Si j'avance seulement sur mes jambes de quatre pieds carrés je vais perdre haleine. Allons, je ne doute plus que malgré tout je ne meure de ma belle mort, si j'échappe la corde pour avoir tué ce fripon-là. Il y a vingt-deux ans que je jure tous les jours et à toutes les heures, de renoncer à sa compagnie, et cependant je suis ensorcelé à ne pouvoir le quitter; oui, je veux être pendu, si le scélérat ne m'a pas donné quelques drogues qui me forcent à l'aimer, cela ne peut être autrement, j'aurai pris quelque drogue. Poins! Hal! – Peste soit de vous deux. – Bardolph! Peto! – Je mourrai plutôt de faim que de faire un pas de plus pour voler. S'il n'est pas vrai que j'aimerais autant devenir honnête homme et quitter ces drôles-là, que de boire un verre de vin, je veux être le plus fieffé maraud qui ait jamais mâché avec une dent. Huit toises de chemin raboteux sont autant pour moi que soixante et dix milles; et ces scélérats au coeur de pierre le savent bien! C'est une malédiction quand les voleurs ne savent pas se garder fidélité les uns aux autres. (On siffle, il répond.) La peste vous crève tous tant que vous êtes; donnez-moi mon cheval et allez vous faire pendre.
HENRI. – Tais-toi, grosse bedaine; couche-toi là, colle ton oreille à la terre et écoute si tu n'entends pas le trot de quelques voyageurs qui s'approchent.
FALSTAFF. – Avez-vous ici des leviers pour me relever quand je serai par terre? Ventrebleu! je ne charrierais pas une autre fois ma pauvre viande si loin à pied pour tout l'or qui est dans le trésor de ton père. Que diable prétends-tu en me tenant de la sorte le bec dans l'eau?
HENRI. – Tu ne sais pas ce que tu dis; on ne te tient pas le bec dans l'eau, mais le pied à terre 23.
FALSTAFF. – Je t'en prie, mon bon prince Hal, aide-moi à ravoir mon cheval, mon cher fils de roi.
HENRI. – Laissez-moi donc tranquille, maraud. Suis-je votre palefrenier?
FALSTAFF. – Va-t'en te pendre, toi, avec ta jarretière d'héritier présomptif 24. Va, si je suis pris, je te chargerai pour la peine. – Si je ne fais pas faire sur vous tous des ballades qu'on chantera sur les airs du coin, je veux qu'un verre de vin d'Espagne me serve de poison. Quand on pousse la plaisanterie si loin, et à pied encore, je la déteste.
(Entre Gadshill.)
GADSHILL. – Arrête là.
FALSTAFF. – Aussi fais-je, dont bien me fâche.
POINS. – Oh! c'est notre chien d'arrêt; je reconnais sa voix.
(Entre Bardolph.)
BARDOLPH. – Quelles nouvelles?
GADSHILL. – Enveloppez-vous, enveloppez-vous; vite, mettez vos masques: voilà l'argent du roi qui descend la montagne et qui va au trésor royal.
FALSTAFF. – Tu en as menti, maraud; il va à la taverne du roi.
GADSHILL. – Il y en a assez pour nous remonter tous tant que nous sommes.
FALSTAFF. – A la potence.
HENRI. – Vous quatre, vous les attaquerez dans la petite ruelle. Ned, Poins et moi, nous allons nous placer plus bas; s'ils vous échappent, alors ils tomberont dans nos mains.
PETO. – Mais combien sont-ils?
GADSHILL. – Environ huit ou dix.
FALSTAFF. – Morbleu! ne sera-ce pas eux qui nous voleront?
HENRI. – Quoi! si poltron que cela, sir Jean de la Panse?
FALSTAFF. – A la vérité, je ne suis pas Jean de Gaunt 25, votre grand-père; mais je ne suis pas poltron non plus, Hal.
HENRI. – On le verra à l'épreuve.
POINS. – Ami Jack, ton cheval est derrière la haie; quand tu le voudras, tu le trouveras là; adieu, et tiens ferme.
FALSTAFF. – A présent, je n'ai plus le coeur de le tuer, quand je devrais être pendu.
HENRI. – Ned, où sont nos déguisements?
POINS. – Ici tout près: écartons-nous.
FALSTAFF. – Maintenant, mes maîtres, c'est au plus heureux à se faire sa part: chacun à sa besogne.
(Entrent les voyageurs.)
LES VOYAGEURS. – Allons, voisin; le garçon conduira nos chevaux en descendant la colline, et nous irons à pied quelque temps pour nous dégourdir les jambes.
LES VOLEURS. – Arrête!
LES VOYAGEURS. – Jésus, ayez pitié de nous!
FALSTAFF. – Frappez, jetez-les sur le carreau, coupez la gorge à ces coquins-là. Ah! infâmes fils de chenilles, maudits mangeurs de jambons! Ils nous détestent, mes enfants; terrassez-les; dépouillez-les de leur toison.
LES VOYAGEURS. – Oh! nous sommes ruinés, perdus sans ressource, nous et tout ce que nous avons.
FALSTAFF. – Le diable soit de vous, gros coquins; vous, ruinés! non, gros balourds. Je voudrais bien que tout votre argent fût ici. Allons, pièces de lard, marchons. Comment, drôles, ne faut-il pas que les jeunes gens vivent? Vous êtes grands jurés, n'est-ce pas? Nous allons vous faire jurer, sur ma foi.
(Sortent Falstaff et autres, chassant les voyageurs devant eux.)
(Rentrent le prince Henri et Poins.)
HENRI. – Ce sont les voleurs qui ont lié les honnêtes gens: à présent, si nous pouvions à nous deux voler les voleurs et nous en aller ensuite joyeusement à Londres, il y aurait matière à se divertir pour une semaine, de quoi rire un mois, et plaisanter à tout jamais.
POINS. – Tenez-vous coi, je les entends venir.
(Rentrent les voleurs.)
FALSTAFF. – Allons, mes maîtres, faisons le partage, et puis remontons à cheval avant qu'il soit jour. – Si le prince et Poins ne sont pas deux fieffés poltrons, il n'y a pas de justice dans le monde. Non, il n'y a pas plus de coeur dans ce Poins que dans un canard sauvage.
HENRI, accourant sur eux. – Votre argent!
POINS. – Scélérats!
(Tandis qu'ils sont à partager, le prince et Poins fondent sur eux. Falstaff, après un coup ou deux, se sauve ainsi que tous les autres, laissant tout leur butin derrière eux.)
HENRI. – Nous n'avons pas eu grand'peine à l'avoir. Allons, gai, à cheval; les voleurs sont dispersés et si saisis de frayeur, qu'ils n'osent pas même se rapprocher l'un de l'autre; chacun prend son camarade pour un officier de justice. Allons, partons, cher Ned. Falstaff sue à mourir, et en marchant il engraisse ce mauvais sol. Si cela n'était pas si plaisant, j'aurais pitié de lui.
POINS. – Comme il hurlait, le coquin.
(Ils sortent.)
SCÈNE III
Warkworth. Un appartement du château
HOTSPUR entre lisant une lettre
HOTSPUR, lisant. -Quant à moi, milord, je serais bien satisfait de m'y trouver, par l'affection que je porte à votre maison.-Il serait satisfait? Quoi?.. Et pourquoi n'y est-il donc pas? par l'affection qu'il porte à notre maison. Il montre bien en ceci qu'il aime mieux sa grange que notre maison. – Voyons, continuons. L'entreprise que vous tentez est dangereuse. Vraiment, cela est certain; mais il est dangereux aussi de prendre froid, de dormir, de boire; mais je vous dis, mon imbécile lord, que dans cette épine, le danger, nous cueillerons cette fleur, la sûreté. -L'entreprise que vous tentez est dangereuse; les amis que vous avez nommés ne sont pas sûrs; les circonstances même ne sont pas favorables, et tout l'ensemble de votre projet n'est pas assez fortement conçu pour contre-balancer la force d'un si puissant adversaire. C'est là votre réponse? c'est là votre réponse? eh bien! je vous réplique, moi, que vous êtes un poltron comme une mauvaise biche, et que vous mentez. Quel imbécile est-ce là? Par le ciel! notre projet est le projet le mieux conçu qui ait jamais été formé. Nos amis sont fidèles et constants. C'est un projet admirable! Ce sont de bons amis, et dont on peut tout attendre: un excellent projet et de bons amis! – Quel coquin au coeur glacé est-ce donc là! Comment, lorsque monseigneur d'York approuve le projet et toute la conduite de l'entreprise? – Mordieu, si ce gredin-là était maintenant sous ma main, je lui casserais la tête avec l'éventail de sa femme. – Mon père n'en est-il pas, mon oncle et moi? Edmond Mortimer, monseigneur d'York et Owen Glendower? N'y a-t-il pas encore les Douglas? N'ai-je pas leurs lettres à tous où ils me promettent de me joindre armés le neuf du mois prochain? Et quelques-uns d'eux n'y sont-ils pas déjà rendus d'avance? Qu'est-ce que c'est donc que ce gredin de païen-là, ce renégat? Oui, vous allez voir que, dans la sincérité de sa poltronnerie et la lâcheté de son coeur, il ira trouver le roi et lui découvrir tous nos desseins. Oh! que ne puis-je me partager et m'assommer de coups pour avoir imaginé de proposer à ce plat de lait écrémé une si honorable entreprise! Qu'il aille se faire pendre; il peut tout déclarer au roi s'il lui plaît: nous sommes préparés. Je partirai cette nuit. (Entre lady Percy.) Eh bien, Kate 26, il faut que je vous quitte dans deux heures.
LADY PERCY. – O mon cher lord, pourquoi demeurez-vous ainsi seul? Par quelle offense ai-je mérité d'être, depuis quinze jours, une épouse bannie de la couche de mon Henri? Dis-moi, mon bien-aimé, quelle est la cause qui t'ôte l'appétit, les plaisirs et ton précieux sommeil? Pourquoi tiens-tu tes yeux attachés à la terre? Pourquoi tressailles-tu si souvent lorsque tu es assis seul? Pourquoi la fraîcheur de ton teint s'est-elle flétrie? Pourquoi abandonnes-tu ce qui m'appartient et les droits que j'ai sur toi, à la rêverie aux yeux ternes et à la détestable mélancolie? Pendant tes légers sommeils je veillais auprès de toi, et je t'entendais murmurer des projets de guerre terrible, prononcer des termes de manége à ton coursier bondissant, lui crier: Courage! au champ de bataille! et tu parlais de sorties et de retraites, de tranchées, de tentes, de palissades, de forts, de parapets, de canons, de coulevrines, de rançon de prisonniers, de soldats tués et de tout ce qui appartient à un combat opiniâtre; et ton esprit avait tellement guerroyé au dedans de toi et t'avait si fort agité dans ton sommeil, que j'ai vu sur ton front des gouttes de sueur semblables aux bulles d'eau qui s'élèvent sur un ruisseau dont l'eau vient d'être troublée; d'étranges mouvements se sont fait apercevoir sur ton visage, comme d'un homme qui retient son souffle dans une grande et soudaine précipitation. Oh! ce sont là des présages de malheur. Mon époux est occupé de quelque important projet; et il faut que je le sache… ou bien il ne m'aime pas.
HOTSPUR. – Hé, holà! Guillaume est-il parti avec le paquet?
(Entre un domestique.)
LE DOMESTIQUE. – Oui, milord, il y a plus d'une heure.
HOTSPUR. – Butler a-t-il amené ces chevaux de chez le shérif?
LE DOMESTIQUE. – Il vient d'en amener un il n'y a qu'un moment.
HOTSPUR. – Quel cheval? Un cheval rouan, épi mûr, n'est-ce pas?
LE DOMESTIQUE. – C'est cela même, milord.
HOTSPUR. – Ce cheval sera mon trône. C'est bon, et je vais y monter tout à l'heure. -O espérance 27! – Dis à Butler de le conduire dans le parc.
(Le domestique.)
LADY PERCY. – Mais écoutez-moi, milord.
HOTSPUR. – Que dis-tu, ma femme?
LADY PERCY. – Qui vous entraîne loin de moi?
HOTSPUR. – Mon cheval, cher amour, mon cheval.
LADY PERCY. – Allons, finissez, singe à la tête folle. Une belette n'est pas si capricieuse que vous. Sur mon honneur, je saurai ce qui vous occupe, Henri, je le saurai. Je crains que mon frère Mortimer ne se mette en mouvement pour soutenir ses droits, et qu'il n'ait envoyé vers vous pour vous demander d'appuyer son entreprise; mais si vous allez…
HOTSPUR. – Si loin à pied, je serai las, ma chère. LADY PERCY. – Allons, allons, perroquet 28, répondez sans détour à la question que je vous fais. Je te casserai le petit doigt, Henri, si tu ne me dis pas les choses comme elles sont.
HOTSPUR. – Lâchez-moi, lâchez-moi; trêve de badinage: l'amour?.. Je ne t'aime point; je ne pense pas à toi, Kate. Ce n'est point ici un monde où l'on puisse s'amuser à la poupée, et jouer des lèvres. Il faut que nous ayons le nez sanglant et la tête fracassée, et que nous rendions la pareille 29. – De par le diable, mon cheval! – Eh bien! que dis-tu, Kate? que me veux-tu?
LADY PERCY. – Vous ne m'aimez pas? est-ce bien vrai que vous ne m'aimez pas? Eh bien! ne m'aimez point; car si vous ne m'aimez point, je ne m'aimerai plus moi-même. Quoi, vous ne m'aimez pas? Ah! dites-moi, parlez-vous sérieusement, ou non?
HOTSPUR. – Allons, veux-tu me voir monter à cheval? Lorsque je serai assis sur la selle, je te jurerai que je t'aime infiniment… Mais écoutez, Kate, je ne prétends pas que désormais vous me questionniez sur le lieu où je vais, ni que vous raisonniez là-dessus. Je vais où il faut que j'aille, et pour finir, il faut que je vous quitte ce soir, ma douce Kate. Je sais que vous êtes une femme sensée, mais enfin pas plus que ne peut l'être la femme de Henri Percy. Vous êtes constante, mais cependant vous êtes une femme: quant au secret, je ne crois pas qu'il y en ait une plus discrète, car je suis parfaitement convaincu que tu ne révéleras pas ce que tu ne sais pas; et voilà jusqu'où ira ma confiance en toi, ma douce Kate.
LADY PERCY. – Comment, jusque-là?
HOTSPUR. – Pas un pouce plus loin. Mais écoutez-moi, Kate: où je vais, vous irez aussi. Je pars aujourd'hui, et vous demain; êtes-vous satisfaite, Kate?
LADY PERCY. – Il le faut bien, par force.
SCÈNE IV
East cheap. Une chambre dans la taverne de la Tête-de-Sanglier
Entrent LE PRINCE HENRI ET POINS
HENRI. – Ned, je t'en prie, sors de cette sale chambre, et viens m'aider à rire un peu.
POINS. – Où étais-tu donc, Hal?
HENRI. – Avec trois ou quatre lourdauds, au milieu de soixante ou quatre-vingts tonneaux. Je me suis encanaillé à fond. Me voilà, mon cher confrère, à vendre et à dépendre d'un trio de garçons de cave, et je peux les appeler tous par leurs noms de baptême, comme Tom, Dick, François; ils jurent déjà sur leur paradis que, quoique je ne sois encore que le prince de Galles, je suis cependant le roi de la courtoisie; ils me disent tout platement que je ne fais pas le gros dos comme Falstaff, mais que je suis un vrai Corinthien, une bonne pâte d'homme, un bon enfant; et que, quand je serai roi d'Angleterre, j'aurai à mes ordres tous les bons garçons d'Eastcheap. Ils appellent boire dur, se teindre en écarlate, et quand vous prenez haleine en buvant, ils crient, hem! et vous recommandent de vider tout. Enfin, j'ai si bien profité en un quart d'heure de temps, que me voilà en état, pour la vie, de boire avec le premier chaudronnier, et dans son argot. Tiens, Ned, je t'assure que tu as perdu beaucoup de gloire à ne t'être pas trouvé avec moi dans cette rencontre-là. Mais, mon doux ami Ned, et pour adoucir encore plus ton nom de Ned, je te fais présent de ce sou de sucre que vient de me taper dans la main un sous-garçon, un drôle qui n'a jamais de sa vie su dire d'autre anglais que huit schellings et six sous, et fort à votre service, monsieur, en y ajoutant le cri en fausset: On y va, on y va, monsieur; marquez une pinte de muscat 30 dans la demi-lune 31, ou quelque autre chose de semblable. A présent, Ned, pour tuer le temps, en attendant que Falstaff arrive, va te poster dans quelque chambre voisine, tandis que je questionnerai mon benêt de garçon de cave pour savoir dans quel dessein il m'a donné ce sucre; et toi, ne cesse point d'appeler François, afin qu'il ne puisse rien trouver autre chose à me dire que: On y va, on y va. Mets-toi là un peu de côté, je te dirai comment il faut faire.
POINS. – François!
HENRI. – En perfection.
POINS. – François!
(Poins sort.)
(Entre François.)
FRANÇOIS. – On y va, monsieur, on y va. – Ralph, aie l'oeil dans la grenade.
HENRI. – Écoute ici, François.
FRANÇOIS. – Milord…
HENRI. – Combien as-tu encore de temps à servir, François?
FRANÇOIS. – Par ma foi, cinq ans, et encore autant à…
POINS, derrière le théâtre. – François!
FRANÇOIS. – On y va, monsieur, on y va.
HENRI. – Cinq ans! par Notre-Dame, c'est être engagé pour longtemps à faire tinter les pots. – Mais, François, aurais-tu bien le courage de lâcher le pied à ton engagement, de lui montrer les talons et de te sauver?
FRANÇOIS. – Oh! Dieu! milord, je ferai serment sur tous les livres d'Angleterre que j'aurais bien le coeur de…
POINS, derrière le théâtre. – François!
FRANÇOIS. – On y va, monsieur, on y va.
HENRI. – Quel âge as-tu, François?
FRANÇOIS. – Attendez… à la Saint-Michel qui vient, j'aurai…
POINS, derrière le théâtre. – François!
FRANÇOIS. – On y va, monsieur. – Je vous en prie, milord, attendez-moi un petit moment.
HENRI. – Oui, mais écoute donc, François; ce sucre que tu m'as donné, il y en avait pour un sou, n'est-ce pas?
FRANÇOIS. – Oh Dieu! milord, je voudrais qu'il y en eût eu pour deux.
HENRI. – Je te donnerai pour cela mille guinées: demande-les-moi quand tu voudras, et tu les auras.
POINS, derrière le théâtre. – François!
FRANÇOIS. – On y va: tout à l'heure.
HENRI. – Tout à l'heure, François? Non pas, François, mais demain, François: ou bien, François, jeudi prochain, ou, François, quand tu voudras; mais, François…
FRANÇOIS. – Milord?
HENRI. – Veux-tu voler ce pourpoint de cuir à boutons de cristal, cheveux en rond, agate au doigt, bas bruns, jarretières de flanelle, voix douce, panse d'Espagnol 32?
FRANÇOIS. – Oh Dieu, milord, que voulez-vous donc dire?
HENRI. – Eh bien donc, votre bâtard brun est votre boisson ordinaire; car voyez-vous, François, votre veste de toile blanche se salira. En Barbarie, l'ami, cela ne saurait revenir à tant.
FRANÇOIS. – Quoi, monsieur?
POINS, derrière le théâtre. – François!
HENRI. – Veux-tu courir, maraud. N'entends-tu pas comme on t'appelle? (Dans ce moment ils l'appellent tous deux de toutes leurs forces.) François! François!
(Le garçon demeure dans une immobilité stupide, ne sachant de quel côté aller d'abord.)
(Entre le cabaretier.)
LE CABARETIER. – Comment, tu ne te remues pas plus que cela, et tu t'entends appeler de la sorte? Va voir là dedans ce que l'on demande. (François sort.) Milord, le vieux sir Jean est à la porte avec une demi-douzaine d'autres: les laisserai-je entrer?
HENRI. – Faites-les attendre un moment, et puis vous leur ouvrirez la porte. (Le cabaretier sort.) Poins!
POINS, entrant. – On y va, on y va.
HENRI. – Ami, Falstaff et les autres voleurs sont à la porte. Serons-nous bien gais?
POINS. – Gais comme pinsons, mon enfant. Mais, dites-moi donc, à quel bon tour vous a servi votre plaisanterie du garçon de cave? qu'est-il sorti de là, je vous prie?
HENRI. – Que je suis à présent propre à toutes les farces qui aient jamais fait figure de farce depuis les vieux jours du bonhomme Adam, jusqu'à la naissance de celui que nous commençons à l'heure présente de minuit. (François rentre avec du vin.) Quelle heure est-il, François?
FRANÇOIS. – On y va, monsieur, on y va.
HENRI. – Que ce drôle-là possède moins de mots qu'un perroquet, et qu'il soit cependant fils d'une femme! Toute sa science se borne à monter et descendre, et son éloquence à la somme totale d'un écot. Je ne suis pas encore du caractère de Percy, chaud éperon 33 du Nord, lui qui vous tue quelque six ou sept douzaines d'Écossais à un déjeuner, ensuite se lave les mains, et dit à sa femme: «Oh! que je hais cette vie oisive! J'ai besoin de m'occuper. – Oh! mon cher Henri, dit-elle, combien en as-tu tué aujourd'hui? – Donnez à boire à mon cheval rouan moucheté,» dit-il. Et puis répond une heure après: «Environ quatorze, une bagatelle, une bagatelle.» Je t'en prie, fais venir Falstaff; je ferai Percy, et ce damné paquet de lard fera la dame de Mortimer, sa femme, Rivo 34, dit l'ivrogne. L'entendez-vous? Faites entrer ces larges côtes, faites entrer ce pain de suif.
(Entrent Falstaff, Gadshill, Bardolph et Peto.)
POINS. – Sois le bienvenu, Jack; où as-tu donc été?
FALSTAFF. – Malédiction sur tous les poltrons; oui, et vengeance avec; oui, par ma foi, et amen! Donne-moi un verre d'Espagne, garçon. – Plutôt que de continuer de mener cette vie-là, je vais me mettre à remmailler des bas, à les raccommoder et aussi à les ressemeler. Malédiction sur tous les poltrons! Donne-moi un verre d'Espagne, drôle. N'y a-t-il plus de vertu sur terre?
(Il boit.)
HENRI. – N'as-tu jamais vu Titan caresser de ses rayons un pain de beurre, autre Titan au coeur tendre qui se fondait d'amour aux douceurs du soleil 35? Si tu l'as vu, eh bien, regarde-moi cette pièce.
FALSTAFF. – Misérable! il y a de la chaux aussi dans ce vin… Il n'y a que de la coquinerie à trouver dans un mauvais sujet: et malgré cela, un poltron est pire cent fois qu'un verre de vin d'Espagne frelaté. Infâme poltron! – Va ton chemin, vieux sir Jean, meurs quand tu voudras; si le courage, le vrai courage n'est pas perdu sur la face de la terre, je veux être un hareng saur. Il n'y a pas en Angleterre trois honnêtes gens ayant échappé à la potence, et l'un de ces trois est gros et se fait vieux: Dieu veuille avoir pitié de nous! Le monde est corrompu, je vous dis. Oui, je voudrais être tisserand 36, je saurais chanter des psaumes et toutes sortes de chansons. Malédiction sur tous les poltrons, c'est là que j'en reviens toujours.
HENRI. – Hé, sac à laine, que marmottez-vous là entre vos dents?
FALSTAFF. – Cela un fils de roi! Si je ne te chasse pas hors de ton royaume avec une épée de bois, et si je ne mène pas tous tes sujets devant toi comme un troupeau d'oies sauvages, je ne veux plus porter de barbe au menton. Vous, prince de Galles?
HENRI. – Comment, vieille boule 37, de quoi s'agit-il donc?
FALSTAFF. – N'êtes-vous pas un poltron? Répondez-moi à cela, et Poins aussi que voilà.
POINS. – Mordieu, grosse bedaine, si vous m'appelez encore poltron, je te poignarde.
FALSTAFF. – Moi, t'appeler poltron? Je te verrais damner plutôt que de t'appeler poltron; mais je donnerais bien mille guinées pour savoir courir aussi bien que toi. Vous avez les épaules assez droites, aussi ne vous embarrassez-vous guère si on vous voit le dos: est-ce là ce que vous appelez épauler vos amis? Que le diable emporte de pareils épauleurs! Parlez-moi de gens qui me feront face. – Un verre de vin: que je sois un coquin si j'ai bu d'aujourd'hui.
HENRI. – Misérable! tes lèvres sont encore humides du dernier verre que tu as avalé.
FALSTAFF. – C'est tout un. Malédiction sur tous les poltrons, je ne dis que cela.
HENRI. – De quoi s'agit-il donc?
FALSTAFF. – De quoi s'agit-il! Quatre de nous qui sommes ici avons pris ce matin mille guinées.
HENRI. – Où sont-elles, Jack, où sont-elles?
FALSTAFF. – Où elles sont? reprises sur nous, voilà ce qu'elles sont. Il nous en est tombé une centaine sur le corps à nous quatre malheureux.
HENRI. – Comment, une centaine, mon cher?
FALSTAFF. – Je veux être un coquin si je n'ai pas ferraillé à bras raccourci pendant deux heures d'horloge contre une douzaine. C'est un miracle que j'en sois réchappé; j'ai reçu huit coups d'épée au travers de mon pourpoint, quatre dans mes chausses; mon bouclier est percé d'outre en outre, mon épée hachée comme une scie, ecce signum. Je n'ai jamais mieux fait depuis que j'ai âge d'homme; cela n'a servi de rien. Malédiction sur tous les poltrons! – Demandez-leur plutôt. S'ils vous disent plus ou moins que la vérité, ce sont des traîtres, des enfants de ténèbres.
HENRI. – Parlez, messieurs; comment cela s'est-il passé?
GADSHILL. – Nous quatre sommes tombés sur une douzaine ou environ.
FALSTAFF. – Seize au moins, milord.
GADSHILL. – Et les avons garrottés.
PETO. – Non, non, ils n'ont pas été garrottés.
FALSTAFF. – Que dis-tu, maraud? Ils ont été tous garrottés sans exception d'un seul, ou je suis un Juif, un Juif hébreu.
GADSHILL. – Comme nous étions à partager, six ou sept nouveaux-venus nous sont tombés sur le corps.
FALSTAFF. – Et alors ils ont détaché les autres qui sont venus encore.
HENRI. – Comment, est-ce que vous vous êtes battus tous?
FALSTAFF. – Tous? Je ne sais ce que vous entendez par tous; mais si je ne me suis pas battu avec une cinquantaine, je ne suis qu'une botte de radis! S'il n'y en avait pas cinquante-deux ou cinquante-trois sur le pauvre vieux Jack, je ne suis pas une créature à deux pieds.
POINS. – Je prie le ciel que vous n'en ayez pas tué quelques-uns.
FALSTAFF. – Oh! cette prière vient trop tard. J'en ai poivré deux; oui, je suis sûr d'en avoir bien payé deux, deux coquins en habits de bougran. Je te dis la chose comme elle est, Hal; si je te mens, crache-moi au visage, appelle-moi cheval. Tu connais bien ma vieille manière de me mettre en garde? Je me tenais de là, et la pointe de mon épée comme cela: quatre coquins en bougran fondent sur moi.
HENRI. – Comment quatre? Tu ne disais que deux tout à l'heure.
FALSTAFF. – Quatre, Hal. J'ai toujours dit quatre.
POINS. – Oui, oui, il a dit quatre.
FALSTAFF. – Ces quatre-là se sont présentés de front, et ils fonçaient principalement sur moi; je ne m'en suis pas embarrassé d'abord. Je vous ai rassemblé leurs sept pointes dans mon bouclier, comme cela.
HENRI. – Sept! Comment, il n'y en avait que quatre tout à l'heure.
FALSTAFF. – En bougran, vous dis-je.
POINS. – Oui, quatre en habit de bougran.
FALSTAFF. – Sept, vous dis-je, par cette épée, ou je suis un coquin.
HENRI. – Je t'en prie, laisse-le aller son train, nous en aurons encore davantage tout à l'heure.
FALSTAFF. – M'entends-tu, Hal?
HENRI. – Oh! que oui, je comprends bien aussi, Jack.
FALSTAFF. – N'y manque pas, car cela vaut la peine d'être écouté. Ces neuf en bougran, comme je te le disais donc.
HENRI. – En voilà déjà deux de plus.
FALSTAFF. – Quand ils virent leurs pointes raccourcies de cette façon…
POINS. – Ils se trouvèrent alors des courtes-pointes 38.
FALSTAFF. – Ils commencèrent à reculer; mais je les suivis de près et vous les accostai corps à corps, et en un clin d'oeil, je fis le compte à sept des onze.
HENRI. – O prodige! onze hommes en bougran sortis de deux!
FALSTAFF. – Mais le diable a voulu que trois maudits coquins en vert de Kendal 39 soient venus me prendre par derrière; ils ont foncé sur moi, car il faisait si noir, Henri, que tu n'aurais pas pu voir ta main.
HENRI. – Ces menteries sont comme le père qui les engendre, aussi grosses qu'une montagne, bien visibles, bien palpables. Quoi, triple sans cervelle, tête à perruque, bâtard, sale et gras magasin de suif.
FALSTAFF. – Comment, es-tu fou? es-tu fou? Est-ce que la vérité n'est pas la vérité?
HENRI. – Quoi! comment est-il possible que tu aies distingué que ces hommes étaient en vert de Kendal, puisqu'il faisait si noir que tu ne pouvais pas voir la main? Allons, rends-nous raison de cela; qu'as-tu à dire?
POINS. – Allons, il faut nous expliquer cela, Jack, il faut nous dire vos raisons.
FALSTAFF. – Comment? de force! Non; me donnassiez-vous l'estrapade, ou toutes les tortures du monde, je ne vous le dirais pas par force. Vous donner une raison par force? Quand les raisons seraient aussi communes que des mûres de haies, on ne me ferait pas donner à un homme une raison par force, à moi!
HENRI. – Je ne veux pas avoir plus longtemps son péché sur la conscience. Cet effronté poltron, bon seulement à écraser les lits, à éreinter les chevaux; cette énorme montagne de chair…
FALSTAFF. – Laisse-nous tranquilles, figure étique, peau d'anguille, langue de boeuf séchée, longue perche, morue sèche: oh! que n'ai-je assez d'haleine pour nombrer tout ce qui te ressemble! toi, aune de tailleur, fourreau d'épée, étui d'arc, sonde de commis de barrière…
HENRI. – Allons, courage, reprends haleine, et puis recommence de plus belle; et quand tu seras bien épuisé en basses comparaisons, laisse-moi te dire seulement ces deux mots…
POINS. – Écoute bien, Jack.
HENRI. – Nous deux, nous vous avons vus vous quatre tomber sur quatre, les garrotter et vous emparer de ce qu'ils avaient. Or, remarquez bien à présent comment un récit tout simple va vous confondre. Alors nous deux que voilà, sommes tombés sur vous quatre, et d'un seul mot nous vous avons, à votre barbe, enlevé votre prise, et nous l'avons, qui plus est, et nous sommes en état de vous la faire voir dans la maison; et vous, Falstaff, en criant miséricorde, vous avez sauvé votre bedaine, et très-lestement, et très-adroitement, toujours courant, toujours hurlant, aussi bien que je l'aie jamais entendu faire à un jeune taureau. – Ne faut-il pas que tu sois un grand misérable, pour avoir tailladé ton épée exprès comme tu l'as fait, et puis nous venir conter que c'était en te battant? Quel subterfuge, quel stratagème, quelle échappatoire peux-tu trouver à présent, pour te dérober à ta honte visible et manifeste?
POINS. – Allons, dis-nous donc, Jack, quelle invention nouvelle te tirera de là?
FALSTAFF. – Pardieu, je vous ai reconnus comme celui qui vous a faits. Eh! voyons donc un peu, mes maîtres, ne vouliez-vous pas que j'allasse tuer l'héritier présomptif? Était-ce à moi à tenir tête à mon prince légitime? Vraiment, vous savez bien que je suis brave comme Hercule. Mais voyez l'instinct, le lion ne toucherait pas au prince légitime 40. L'instinct est une belle chose; j'ai été poltron par instinct: je n'en aurai que meilleure opinion de moi et de toi tant que je vivrai; de moi, comme d'un lion courageux, et de toi, comme du prince légitime. Mais après tout, mes enfants, je suis pardieu bien aise que vous ayez l'argent. Hôtesse, jetez les portes, veillez cette nuit, vous prierez demain. Pour vous, gaillards, bons garçons, bons enfants, coeurs d'or, que tous les titres qui reviennent aux bons compagnons vous soient donnés. Eh bien! nous divertirons-nous bien ce soir? Ferons-nous une comédie impromptu?
HENRI. – Va comme il est dit: le sujet sera, sauve qui peut.
FALSTAFF. – Ah! ne parlons plus de cela, Hal, par amitié pour moi.
(Entre l'hôtesse.)
L'HOTESSE. – Milord le prince.
HENRI. – Eh bien, milady l'hôtesse, qu'as-tu à me dire?
L'HOTESSE. – Vraiment, milord, il y a à la porte un noble de la cour qui demande à vous parler; il dit qu'il vient de la part de votre père.
HENRI. – Donnez-lui ce qu'il faut pour en faire un homme royal, et renvoyez-le à ma mère 41.
LE PRINCE. Thou liest, thou art not colted, thou art uncolted. To colt signifie berner, jouer; to uncolt, désarçonner. Il a fallu s'écarter du sens pour en conserver un à la plaisanterie du prince, qui n'existe en anglais que par le jeu de mots.
Jeu de mots sur crown, crâne, et crown, monnaie, and pass them current too (et que nous les passions dans le commerce).
POINS. Down fell their hose.
Points signifie également pointe d'épée et aiguillettes. Ainsi le sens littéral de la plaisanterie est:
FALSTAFF. Leurs pointes (aiguillettes) étant brisées…
POINS. Leurs chausses tombèrent à terre.
Il a fallu trouver quelque jeu de mots à substituer à celui-là, impossible à faire passer en français.