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Kitabı oku: «Henri IV (1re partie)», sayfa 4

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FALSTAFF. – Quelle espèce d'homme est-ce?

L'HOTESSE. – C'est un vieillard.

FALSTAFF. – Que fait la gravité d'un vieillard hors de son lit à minuit? Irai-je lui donner sa réponse?

HENRI. – Oh! oui, je t'en prie; va, Jack.

FALSTAFF. – Eh bien, ma foi, je m'en vais lui donner son paquet.

(Il sort.)

HENRI. – Oh çà! mes braves, par Notre-Dame, vous vous êtes bien battus; et vous aussi, Peto, et vous aussi, Bardolph. Vous êtes aussi des lions, vous vous êtes sauvés par instinct; vous ne voudriez pas mettre la main sur le prince légitime. Oh! non, fi donc!

BARDOLPH. – Ma foi, je me suis sauvé, moi, quand j'ai vu les autres se sauver.

HENRI-Oh çà! dites-moi à présent, sans plaisanterie, comment se fait-il que l'épée de Falstaff soit si ébréchée?

PETO. – Pardieu, il l'a ébréchée avec son poignard, et a dit que sur son honneur il n'y avait plus de bonne foi en Angleterre, s'il ne parvenait pas à vous persuader que cela s'était fait dans le combat; et il nous a engagés à faire comme lui.

BARDOLPH. – Oui, comme encore de nous frotter le nez avec de l'herbe tranchante, pour le faire saigner et en barbouiller nos habits, et jurer que c'était du sang d'honnêtes gens. Je puis bien dire que j'ai fait ce que je n'avais pas fait depuis sept ans; car je rougis d'entendre parler seulement de ses monstrueuses inventions.

HENRI. – Oh! misérable, tu dérobas un verre de vin d'Espagne il y a dix-huit ans et tu fus pris sur le fait, et depuis ce temps-là tu as toujours rougi ex tempore. Tu avais pour toi le fer et la flamme, et cependant tu t'es sauvé! Dis-moi quel était ton instinct pour cela?

BARDOLPH. – Milord, voyez-vous ces météores? apercevez-vous ces feux?

HENRI. – Oui.

BARDOLPH. – Que croyez-vous que cela annonce?

HENRI. – Un foie chaud et une froide bourse.

BARDOLPH. – Rage et fureur, milord, à le bien prendre.

HENRI. – Non, si on te prend bien, la corde. (Rentre Falstaff.) Voilà notre maigre Jack qui revient; voilà notre squelette décharné. Eh bien, ma douce créature rembourrée de coton, combien y a-t-il que tu n'as vu ton genou?

FALSTAFF. – Mon genou? À ton âge, Henri, je n'avais pas la taille aussi grosse que la serre d'un aigle. Je me serais glissé dans la bague d'un alderman. Ah! ne me parlez pas de vivre dans les soupirs et les chagrins; cela vous gonfle un homme comme un ballon. – Il y a de maudites nouvelles par le monde: sir Jean Bracy venait ici de la part de votre père; il faut que vous vous rendiez à la cour dès le matin. Ce maudit fou du Nord, Percy, et cet autre Gallois qui a donné la bastonnade à Amaimon et a fait cocu Lucifer, qui a forcé le diable de se jurer son vassal sur la croix d'une pique galloise, comment le nommez-vous?

POINS. – Oh! Glendower.

FALSTAFF. – Oui, Owen, Owen; c'est lui-même et son gendre Mortimer, et le vieux Northumberland, et cet Écossais, le plus leste de tous les Écossais, Douglas, qui monte au galop de son cheval une montagne en ligne perpendiculaire.

HENRI. – Celui qui en courant à toute bride tue un moineau au vol d'un coup de pistolet.

FALSTAFF. – Précisément, vous l'avez touché.

HENRI. – Mieux qu'il n'a jamais touché le moineau.

FALSTAFF. – Tenez, ce drôle-là a du sang dans les veines, il ne se sauvera pas.

HENRI. – Et quel autre drôle es-tu donc, toi, de le louer si fort pour savoir bien courir?

FALSTAFF. – À cheval, coucou; mais à pied, il ne bougera jamais d'un seul pas.

HENRI. – Si fait, Jack, par instinct.

FALSTAFF. – Ah! j'en conviens, par instinct. Eh bien, il est donc là aussi avec un certain Mordake, et encore un millier de bonnets bleus. Worcester s'est sauvé secrètement cette nuit. La barbe de ton père a blanchi de toutes ces nouvelles-là. On peut acheter des terres à présent à aussi bon marché que du maquereau moisi.

HENRI. – Ainsi donc, si le mois de juin est chaud, et que cette bouffée de guerre se prolonge, il est probable que nous aurons les filles 42, comme les clous de fer à cheval, au cent.

FALSTAFF. – Par la messe! mon garçon, tu dis vrai; il y a apparence que le commerce ira bien pour nous de ce côté-là! Mais dis-moi donc, Hal, n'as-tu pas horriblement peur? À toi qui es l'héritier présomptif, aurait-on pu te trouver dans le monde trois autres ennemis de la sorte de ce démon de Douglas, ce salpêtre de Percy, et ce satan de Glendower? N'as-tu pas horriblement peur? N'as-tu pas le frisson dans le sang?

HENRI. – Pas un brin, sur ma foi. Il me faudrait pour cela un peu de ton instinct.

FALSTAFF. – Oh! tu seras horriblement grondé demain, quand tu te présenteras devant ton père. Allons, par amitié pour moi, prépare une réponse.

HENRI. – Voyons, mets-toi à la place de mon père, et examine-moi sur les particularités de ma vie.

FALSTAFF. – Veux-tu? Volontiers. Cette chaise sera mon trône, ce poignard mon sceptre, et ce coussin ma couronne.

HENRI. – On prendrait ton trône pour un escabeau, ton sceptre d'or pour un poignard de plomb, et ta précieuse et riche couronne pour la triste tonsure d'une tête chauve.

FALSTAFF. – C'est bien; mais pour peu qu'il te reste une étincelle de la grâce, tu vas être ému. – Donnez-moi un verre de vin d'Espagne, afin que cela me fasse paraître les yeux rouges, et qu'on puisse croire que j'ai pleuré; car il faut que je parle en homme transporté de douleur, et je veux le faire sur le ton du roi Cambyse.

HENRI. – Fort bien! Voilà ma révérence.

FALSTAFF. – Et voici mon discours. – Écartez-vous, seigneurs.

L'HOTESSE. – Voilà une excellente scène, en vérité!

FALSTAFF, à l'hôtesse. – Ne pleurez pas, charmante reine; car c'est en vain que coulent vos larmes.

L'HOTESSE. – Oh! voyez donc ce père, comme il soutient bien son rôle!

FALSTAFF. – Pour l'amour de Dieu, lords, emmenez ma triste épouse, car les pleurs obstruent les écluses de ses yeux.

L'HOTESSE. – Oh! à merveille! Il fait aussi bien qu'aucune de ces canailles d'acteurs que j'aie jamais vus.

FALSTAFF. – Paix là, bonne dame Pinte; paix, chauffe-cervelle. – Henri, je m'étonne non-seulement de la manière dont tu passes ton temps, mais encore de la compagnie que tu fréquentes; car bien que la camomille pousse d'autant plus vite qu'elle est plus foulée aux pieds, cependant la jeunesse est d'autant plus vite usée que plus on la gaspille. Je te crus mon fils en partie sur la parole de ta mère, et en partie d'après ma propre opinion; mais surtout un maudit trait que tu as dans les yeux, et ta sotte manière de laisser tomber la lèvre inférieure, m'en sont une bonne garantie. Si donc tu es mon fils, voilà le point. Pourquoi, étant mon fils, te fais-tu ainsi montrer au doigt? Le brillant soleil des cieux 43 doit-il faire l'école buissonnière, et aller se nourrir de mûres sauvages? Ce n'est pas là une question à faire. Un fils d'Angleterre doit-il devenir un filou, un coupeur de bourses? Voilà la question. – Il y a une chose, Henri, dont tu as souvent entendu parler, et que beaucoup de gens de notre pays connaissent sous le nom de poix; cette poix, suivant le rapport des anciens auteurs, est une chose qui se lie: il en est de même de la compagnie que tu fréquentes. Car, Henri, dans ce moment je ne parle pas dans le vin, mais dans les pleurs; ni dans la joie, mais dans la colère; ni en paroles seulement, mais par mes gémissements; et cependant tu as un homme de bien que j'ai souvent remarqué dans ta compagnie, mais je ne sais pas son nom.

Il y a probablement là un jeu de mots entre sun (soleil) et son (fils).

HENRI. – Quelle sorte d'homme est-ce, sous le bon plaisir de Votre Majesté?

FALSTAFF. – C'est un homme de bonne mine, ma foi, et de corpulence, qui a l'air gai, l'oeil gracieux et un port des plus nobles. Je crois qu'il peut avoir quelque cinquante ans, ou, par Notre-Dame, tirant vers soixante… Je me le rappelle maintenant; son nom est Falstaff. Si cet homme était un débauché, il me tromperait bien, car, Henri, je vois la vertu dans ses yeux. Si donc l'arbre peut se connaître par le fruit, comme le fruit par l'arbre, alors je le déclare hautement, il y a de la vertu dans ce Falstaff; conserve-le et bannis tout le reste. Or, dis-moi à présent, méchant vaurien, dis-moi, qu'es-tu devenu depuis un mois?

HENRI. – Est-ce là parler en roi? – Prends ma place; je vais faire le rôle de mon père.

FALSTAFF. – Quoi! me déposséder? – Si tu le fais la moitié aussi gravement, aussi majestueusement, en paroles et en matière, pends-moi par les talons comme un lapin écorché.

HENRI. – A la bonne heure: je me mets là.

FALSTAFF. – Et moi ici. Jugez, messieurs.

HENRI. – Oh çà! Henri, d'où venez-vous?

FALSTAFF. – Mon noble seigneur, d'Eastcheap.

HENRI. – Les plaintes que j'entends faire de toi sont bien graves.

FALSTAFF. – Ventrebleu! seigneur, elles sont fausses. – Oh! je vous en ferai voir long pour un jeune prince.

HENRI. – Quoi! tu jures, enfant pervers? A dater de ce jour, ne lève jamais les yeux sur moi; je te retire avec colère mes bonnes grâces. Il y a un démon qui te hante sous la figure d'un gros vieux corps d'homme, une espèce de tonneau est ton compagnon. Pourquoi fais-tu ta société de ce magasin d'humeurs, de ce coffre à mangeaille, de cette créature animale, de cette loupe d'hydropisie, de cette énorme tonne de vin d'Espagne, de cette valise de tripes, de ce boeuf gras 44 rôti le pudding dans le ventre, de ce doyen du vice, de cette iniquité en cheveux gris, de ce père pendard, de cette vieille frivolité? A quoi est-il bon? à goûter le vin d'Espagne et à le boire. Que le voit-on faire avec grâce et propreté? rien autre chose que couper un chapon et le manger. Quelle science a-t-il? pas d'autre que la ruse. En quoi rusé? en coquinerie seulement. En quoi coquin? en tout. En quoi honnête? en rien.

FALSTAFF. – Je voudrais que Votre Altesse n'allât pas plus vite que je ne peux la suivre. Que veut-elle dire en ceci?

HENRI. – Ce scélérat abominable, corrupteur de jeunesse, ce Falstaff, ce vieux satan à barbe grise.

FALSTAFF. – Seigneur, je connais l'homme.

HENRI. – Je le sais bien que tu le connais.

FALSTAFF. – Mais de dire que je connais plus de mal en lui qu'en moi-même, ce serait dire plus que je ne sais. Qu'il soit vieux (et je l'en plains bien), ses cheveux blancs en font foi; mais qu'il soit (sauf votre révérence) un suborneur de filles, c'est ce que je nie absolument. Si le vin d'Espagne sucré est une offense, Dieu veuille avoir pitié des pécheurs! Si c'est un crime d'être vieux et gai, je connais plus d'un vieux cabaretier de damné. Si pour être gras l'on est haïssable, alors les vaches maigres de Pharaon sont dignes d'être aimées. Non, mon bon seigneur, bannis Peto, bannis Bardolph, bannis Poins; mais pour l'aimable Jack Falstaff, le bon Jack Falstaff, l'honnête Jack Falstaff, le vaillant Jack Falstaff, et d'autant plus vaillant qu'il est le vieux Jack Falstaff, ne le bannis point de la société de ton Henri, non, ne le bannis point de la société de ton Henri. Si tu bannis le gros Jack, autant bannir le reste de l'univers.

HENRI. – Je le bannis; je le veux.

(On frappe. Sortent l'hôtesse, François et Bardolph.)
(Bardolph rentre en courant.)

BARDOLPH. – Oh! milord, milord, le shérif est à la porte avec la plus monstrueuse garde…

FALSTAFF. – Va-t'en, drôle! – Achevez la pièce; j'ai bien des choses à dire en faveur de ce Falstaff.

(L'hôtesse rentre précipitamment.)

L'HOTESSE. – O Jésus! mon prince, mon prince!

FALSTAFF. – Allons, allons, le diable monté à cheval sur un chalumeau? De quoi s'agit-il?

L'HOTESSE. – Le shérif et toute la garde sont à la porte; ils viennent pour faire la visite de la maison. Les laisserai-je entrer?

FALSTAFF. – Entends-tu, Hal? Ne prends donc pas une bonne pièce d'or pour une fausse. Tu es foncièrement fou, sans qu'il y paraisse.

HENRI. – Et toi, naturellement poltron, sans instinct.

FALSTAFF. – Je renie votre major 45. – Si vous voulez renier aussi le shérif, soit, sinon laissez-le entrer. Si je ne fais pas autant qu'un autre homme à la charrette, la peste soit de mon éducation; et j'espère bien aussi, au moyen de la corde, être aussi vite étranglé qu'un autre.

HENRI. – Va te cacher derrière la tapisserie. – Vous autres, montez là-haut. A présent, mes maîtres, un visage honnête et une bonne conscience.

FALSTAFF. – J'ai vu le temps que j'avais l'un et l'autre; mais ce temps-là est passé: c'est pourquoi je vais me cacher.

(Tous sortent excepté Henri et Poins.)

HENRI. – Faites entrer le shérif. (Entrent le shérif et un voiturier.) Eh bien, monsieur le shérif, que me voulez-vous?

LE SHÉRIF. – D'abord, monseigneur, veuillez me pardonner. La clameur publique et toutes les apparences accusent quelques hommes qui sont dans cette maison.

HENRI. – Quels hommes?

LE SHÉRIF. – Il y en a un bien connu, mon gracieux seigneur, un homme gros et gras.

LE VOITURIER. – Oh! gras comme beurre.

HENRI. – L'homme que vous désignez, je vous assure, n'est point ici; car, moi qui vous parle, je lui ai donné une commission à faire à l'heure qu'il est. Mais, shérif, je te donne ma parole que d'ici à demain l'heure du dîner, je l'enverrai pour te répondre, à toi ou à qui il appartiendra, sur tout ce dont il pourra être accusé. Ainsi, permettez que je vous prie à présent de vous retirer.

LE SHÉRIF. – C'est ce que je vais faire, mon prince. Voilà deux honnêtes gens qui dans ce vol ont perdu trois cents marcs.

HENRI. – Cela peut être. S'il a volé ces hommes-là, il en sera responsable. Ainsi, adieu.

LE SHÉRIF. – Bonsoir, mon noble seigneur.

HENRI. – Je crois que c'est bonjour, n'est-ce pas?

LE SHÉRIF. – En effet, mon prince, je crois qu'il peut être deux heures du matin.

(Le shérif et le voiturier s'en vont.)

HENRI. – Ce graisseux coquin est aussi connu que le dôme de Saint-Paul: appelez-le.

POINS. – Falstaff! – Il dort profondément derrière la tapisserie et ronfle comme un cheval.

HENRI. – Écoutez avec quel effort il tire sa respiration. – Fouillez dans ses poches! – (Poins fouille dans ses poches.) Eh bien, qu'as-tu trouvé?

POINS. – Rien que des papiers, milord.

HENRI. – Voyons un peu ce que c'est. Lis-les.

POINS. -


HENRI. – O l'infâme! rien qu'un demi-penny de pain pour cette odieuse quantité de vin d'Espagne! Garde soigneusement le reste; nous lirons cela plus à loisir: laissons-le là dormir jusqu'au jour. J'irai à la cour dans la matinée. – Il nous faudra tous partir pour la guerre, et j'aurai soin de te procurer quelque poste honorable. Quant à ce gros maraud, je le ferai placer dans l'infanterie, une marche d'un quart de mille le tuera. Je ferai rendre l'argent volé avec usure. – Viens me trouver de bonne heure dans la matinée. Et sur ce, bonjour, Poins.

POINS. – Bonjour, mon bon seigneur.

(Ils partent.)
FIN DU DEUXIÈME ACTE

ACTE TROISIÈME

SCÈNE I

A Bangor. – La maison de l'archidiacre
Entrent HOTSPUR, WORCESTER, MORTIMER ET GLENDOWER

MORTIMER. – Ces promesses sont belles: nos partisans sont sûrs, et notre début présente les plus belles espérances.

HOTSPUR. – Lord Mortimer, – et vous, cousin Glendower, voulez-vous que nous nous asseyions? – et vous aussi, mon oncle Worcester. – Malédiction! j'ai oublié la carte.

GLENDOWER. – Non: la voici. Assieds-toi, cousin Percy, assieds-toi, mon bon cousin Hotspur: toutes les fois que Lancaster parle de vous sous ce nom, son visage pâlit; et poussant un soupir, il vous souhaite le ciel.

HOTSPUR. – Et à vous l'enfer, toutes les fois qu'il entend prononcer le nom d'Owen Glendower.

GLENDOWER. – Je ne peux l'en blâmer: lors de ma naissance, le front du firmament se remplit de figures enflammées et de signaux brûlants, et à l'instant où je vins au monde, les immenses fondements de la terre tremblèrent comme un poltron.

HOTSPUR. – Eh bon! ne fussiez-vous jamais né, la chatte de votre mère eût-elle simplement fait ses chats, le globe n'en aurait pas moins tremblé dans ce moment-là.

GLENDOWER. – Je vous dis que la terre trembla quand je naquis.

HOTSPUR. – Et je dis, moi, que si vous supposez que ce soit de peur de vous, la terre et moi nous ne nous ressemblons guère.

GLENDOWER. – Le ciel était tout en feu, et la terre a tremblé.

HOTSPUR. – Eh bien, la terre aura tremblé de voir le ciel en feu, et non pas de terreur de votre naissance. Souvent la nature malade lance d'étranges éruptions; souvent la terre en travail est pressée et tourmentée d'une sorte de colique causée par les vents désordonnés que renferment ses entrailles. En s'efforçant de sortir, ils secouent cette vieille bonne dame de terre, et jettent à bas les clochers et les tours couvertes de mousse. Sans doute qu'à votre naissance notre grand'mère la terre, souffrant de cette incommodité, se sera agitée de douleur.

GLENDOWER. – Cousin, il est bien des hommes de qui je ne souffre pas ces sortes de contradictions. – Permettez-moi de vous répéter encore qu'à ma naissance le front des cieux s'est couvert de figures enflammées, que les chèvres sont descendues des montagnes, et que les grands troupeaux ont épouvanté les plaines de leurs étranges clameurs. Tous ces signes m'ont annoncé comme un être extraordinaire, et tous les événements de ma vie démontrent que je ne suis pas dans la classe des hommes vulgaires. Quel homme parmi les vivants, de tous ceux qu'enferme la mer qui gronde autour des rivages, de l'Angleterre, de l'Ecosse et des terres de Galles, peut se vanter de m'avoir jamais appelé son élève, ou de m'avoir enseigné à lire? Trouvez-moi un simple fils de femme qui puisse me suivre dans les pénibles sentiers de la science, ou m'accompagner dans la recherche de ses profonds secrets?

HOTSPUR. – Je crois bien qu'il n'est point d'homme qui parle mieux le gallois. – Je vais dîner.

MORTIMER. – Finissez, cousin Percy; vous le rendrez fou.

GLENDOWER. – Je puis appeler les esprits du fond de l'abîme.

HOTSPUR. – Et moi aussi je le peux, et il n'y a pas un homme qui ne le puisse; mais viendront-ils quand vous les appellerez?

GLENDOWER. – Et je puis vous apprendre, cousin, à commander au diable.

HOTSPUR. – Et moi, cousin, je puis vous apprendre à faire honte au diable en disant la vérité; dites la vérité, et vous ferez honte au diable 46. Si vous avez le pouvoir de l'évoquer, faites-le venir ici, et je jure bien que j'aurai le pouvoir, moi, de le faire enfuir de honte. Oh! tant que vous vivrez, dites la vérité, et vous ferez honte au diable.

MORTIMER. – Allons, allons, finissons tous ces inutiles bavardages.

GLENDOWER. – Trois fois Henri Bolingbroke a levé une armée pour m'attaquer, et trois fois je vous l'ai renvoyé des rives de la Wye et de la sablonneuse Severn sans avoir pu porter une seule botte 47, et battu des orages.

HOTSPUR. – Sans bottes et par le mauvais temps encore! Comment diable aura-t-il fait pour ne pas gagner la fièvre?

GLENDOWER. – Allons, voici la carte. Ferons-nous par tiers, comme nous en sommes convenus, le partage de nos droits?

MORTIMER. – L'archidiacre a déjà tracé avec une parfaite égalité les limites des trois parts. L'Angleterre, depuis la Trent et la Severn jusqu'ici, au sud et à l'est, m'est assignée pour mon lot. Toute la partie de l'ouest, et le pays de Galles au delà des rives de la Severn et toutes les terres fertiles comprises entre ces limites, sont à Owen Glendower. Et à vous, cher cousin, tout le reste vers le nord, à partir de la Trent. Déjà nos trois traités de partage sont dressés. Après les avoir mutuellement scellés, opération qui peut être terminée ce soir, demain, cousin Percy, vous, et moi et le bon Worcester, nous partirons ensemble pour aller rejoindre votre père, et les troupes écossaises, au rendez-vous qui nous est donné à Shrewsbury. Mon père Glendower n'est pas prêt encore, et nous n'aurons pas besoin de son secours d'ici à quatorze jours. – (A Glendower.) Dans cet intervalle, vous aurez eu le temps de rassembler vos vassaux, vos amis et les gentilshommes de votre voisinage.

GLENDOWER. – Je vous aurai rejoints avant ce temps, milords, et vos dames viendront sous mon escorte. Il faut en ce moment leur échapper adroitement et sans leur dire adieu; car il y aurait un déluge de répandu quand vos femmes et vous auriez à vous dire adieu.

HOTSPUR. – Il me semble que ma portion au nord, depuis Burton jusqu'ici, n'égale pas les vôtres en étendue. Voyez comme cette rivière vient par ici me faire un crochet dans mes terres et m'en couper les meilleures, une énorme demi-lune, un angle prodigieux. Je veux que le courant soit coupé en cet endroit. Les ondes claires et argentées de la Trent couleront ici dans un nouveau canal uni et droit; elle ne serpentera plus dans ce profond détour, pour me venir voler un si riche coin de terre.

GLENDOWER. – Elle ne serpentera plus? Elle serpentera, il le faut bien. Vous voyez que c'est là son cours.

MORTIMER. – Oui, mais remarquez donc comme elle continue et revient sur moi de l'autre côté pour vous élargir de même, me retranchant sur ce point là tout autant qu'elle vous ôte sur l'autre.

WORCESTER. – Sans doute, mais vous pouvez, sans qu'il en coûte fort cher, couper ici la rivière; et en regagnant du côté du nord cette pointe de terre, la faire ainsi couler tout droit et sans détours.

HOTSPUR. – Je veux qu'il en soit ainsi; cela ne coûtera pas cher.

GLENDOWER. – Et moi, je ne veux pas qu'on change son cours.

HOTSPUR. – Vous ne le voulez pas?

GLENDOWER. – Non, et vous ne le ferez pas.

HOTSPUR. – Qui me dira non?

GLENDOWER. – Qui? ce sera moi.

HOTSPUR. – Tâchez donc que je ne l'entende pas. Parlez gallois.

GLENDOWER. – Je sais parler anglais, milord, et tout aussi bien que vous; car j'ai été élevé à la cour d'Angleterre, et très-jeune encore j'ai arrangé pour la harpe, et très-agréablement, une quantité de chansons anglaises, et j'ai su ajouter à la langue d'utiles ornements, mérite qu'on n'a jamais remarqué en vous.

HOTSPUR. – Vraiment, je m'en félicite de tout mon coeur. J'aimerais mieux être chat et crier miaou, que d'être un de vos ouvriers en vers de ballades. J'aimerais mieux entendre grincer un chandelier de cuivre ou une roue mal graissée gratter son essieu; cela m'agacerait moins les dents, beaucoup moins que tous ces diminutifs de poésie: elles ressemblent à l'allure forcée d'un poulain qu'on dresse.

GLENDOWER. – Allons, on vous changera le cours de la Trent.

HOTSPUR. – Oh! je ne m'en embarrasse guère. J'en donnerai, quand on voudra, trois fois autant à l'ami de qui j'aurai à me louer; mais en fait de marché, voilà comme je suis, je chicanerais sur la neuvième partie d'un cheveu. Les articles sont-ils dressés? Partons-nous?

GLENDOWER. – La lune est belle; vous pouvez partir la nuit. Je vais presser le rédacteur pendant ce temps, et vous, préparez vos femmes à votre départ. – Je crains que ma fille n'en perde la raison, tant elle aime passionnément son cher Mortimer!

(Il sort.)

MORTIMER. – Fi, cousin Percy! pouvez-vous contrarier ainsi mon père.

HOTSPUR. – Je ne peux m'en empêcher. Il me met quelquefois en colère, quand il vient me parler de la taupe et de la fourmi, de l'enchanteur Merlin et de ses prophéties, et d'un dragon, et d'un poisson sans nageoires, d'un grillon aux ailes rognées, d'un corbeau dans la mue, d'un lion couchant, d'un chat dansant, et de tout ce ramas de folies qui me mettent hors de sens, je vous le dis de bonne foi. La nuit dernière il m'a tenu au moins neuf heures entières à faire l'énumération des noms des diables qu'il a pour laquais. Je lui disais: Hom, et fort bien, continuez; mais je n'en ai pas écouté un mot. Oh! il est aussi ennuyeux qu'un cheval éreinté, ou une femme qui gronde; pis qu'une maison où il fume. – Oui, j'aimerais mieux vivre de fromage et d'ail, dans un moulin bien loin, que de faire bonne chère dans quelque maison de plaisance que ce fût de toute la chrétienté, s'il fallait l'avoir là à me parler.

MORTIMER. – Croyez-moi, c'est un digne gentilhomme, extrêmement instruit, et qui possède de singuliers secrets; vaillant comme un lion, merveilleusement affable, et aussi généreux que les mines de l'Inde. Voulez-vous que je vous dise, cousin? il fait le plus grand cas de votre caractère, et il fait même violence à sa nature pour fléchir lorsque vous contrariez ses idées; oui, je vous le proteste. Je vous garantis qu'il n'est pas d'homme sous le ciel qui eût pu le provoquer comme vous avez fait, sans s'exposer au châtiment et au danger. Mais ne recommencez pas souvent, je vous en supplie.

WORCESTER. – En vérité, milord, vous vous obstinez beaucoup trop à la contradiction; depuis que vous êtes arrivé, vous en avez assez fait pour pousser sa patience à bout. Il faut absolument, milord, que vous appreniez à vous corriger de ce défaut. Quelquefois il annonce de la grandeur, du courage, du feu, et voilà le plus grand éloge qu'on en puisse faire. Mais souvent il décèle une opiniâtreté furieuse, un défaut d'éducation, un manque d'empire sur soi-même, de l'orgueil, de la hauteur, de la présomption et du dédain; et le moindre de ces vices, dès qu'un gentilhomme en est possédé, lui fait perdre les coeurs; et laisse derrière soi une souillure qui ternit l'éclat de ses autres qualités, et leur dérobe les louanges qu'elles méritent.

HOTSPUR. – Fort bien, me voici à l'école; Que vos bonnes manières vous fassent prospérer! – Je vois venir nos femmes, faisons nos adieux.

(Rentrent Glendower avec lady Mortimer, et lady Percy.)

MORTIMER. – Voilà ce qui me dépite et m'impatiente à mourir. Ma femme ne sait pas dire un mot d'anglais, ni moi un moi de gallois.

GLENDOWER. – Ma fille pleure, elle ne veut point se séparer de vous; elle veut aussi se faire soldat et aller à la guerre.

MORTIMER. – Mon bon père, dites-lui qu'elle et ma tante Percy nous suivront de près sous votre escorte.

(Glendower parle à sa fille en gallois, et elle lui répond dans le même langage.)

GLENDOWER. – Elle se désespère. C'est une petite créature entêtée et volontaire, sur qui la persuasion ne peut rien.

(Lady Mortimer parle à son époux en gallois.)

MORTIMER. – J'entends tes regards: pour ce joli gallois qui tombe de ces yeux gonflés de larmes, j'y suis parfaitement habile; et si la honte ne me retenait pas, je te répondrais dans le même langage, (Lady Mortimer parle.) Oui, je comprends tes baisers et toi les miens, et c'est un dialogue tout en sentiment. – Mais je te promets, ma bien-aimée, de ne pas perdre un instant jusqu'à ce que j'aie appris ta langue; car dans ta bouche le gallois a autant de douceur que les airs les mieux composés chantés par une belle reine, sous un berceau d'été, avec les plus ravissantes modulations et l'accompagnement de son luth.

GLENDOWER. – Si vous vous attendrissez, elle perdra la raison.

(Lady Mortimer parle encore.)

MORTIMER. – Oh! je suis parfaitement ignorant de ceci.

GLENDOWER. – Elle vous invite à vous coucher sur les joncs voluptueux, et à reposer votre tête chérie sur ses genoux; elle vous chantera l'air que vous aimez, et fera régner sur vos paupières le dieu du sommeil qui charmera vos sens par un doux assoupissement, et vous fera passer de la veille au sommeil par un aussi doux changement que celui qui sépare le jour de la nuit, une heure avant que le céleste attelage commence à l'orient sa course dorée.

MORTIMER. – Je veux bien de tout mon coeur m'asseoir et l'entendre chanter. Pendant ce temps-là, à ce que je présume, notre traité sera rédigé.

GLENDOWER. – Allons, asseyez-vous. Les musiciens qui vont jouer des instruments volent dans les airs à mille lieues de vous, et cependant ils vont à l'instant être en ces lieux: asseyez-vous et soyez attentifs.

HOTSPUR. – Viens, Kate: tu sais aussi admirablement te coucher. Allons, vite, vite, que je puisse reposer ma tête sur tes genoux.

LADY PERCY. – Laisse-moi tranquille, oison sans cervelle.

(Glendower prononce quelques mots en gallois, et l'on entend des instruments.)

HOTSPUR. – Oh! je commence à m'apercevoir que le diable entend le gallois; cela ne m'étonne pas, il est si capricieux. Par Notre-Dame, il est bon musicien!

LADY PERCY. – Vous devriez être musicien des pieds à la tête, car vous n'êtes gouverné que par vos caprices. Allons, tenez-vous tranquille, mauvais sujet, et écoutez cette lady chanter en gallois.

HOTSPUR. – J'aimerais beaucoup mieux entendre Lady, ma chienne, hurler en irlandais.

LADY PERCY. – Veux-tu avoir la tête cassée?

HOTSPUR. – Non.

LADY PERCY. – Tiens-toi donc tranquille.

HOTSPUR. – Ni l'un ni l'autre: je suis comme les femmes.

LADY PERCY. – Va, Dieu te conduise.

HOTSPUR. – Au lit de la Galloise?

LADY PERCY. – Que dis-tu là?

HOTSPUR. – Paix! Elle chante. (Lady Mortimer chante une chanson galloise.) Allons, Kate, je veux que vous me chantiez aussi votre chanson.

LADY PERCY. – Non, par ma foi.

HOTSPUR. – Non, par ma foi! Mon coeur, vous jurez comme la femme d'un confiseur. Non, par ma foi, et aussi vrai que je vis, et comme je veux que Dieu me pardonne, et aussi sûr qu'il fait jour; vos serments sont d'une étoffe si mince, si légère! On dirait que vous n'êtes jamais sortie des faubourgs de Londres. Jure-moi, Kate, en lady, comme tu en es une, avec un bon serment qui emplisse la bouche; et laisse-moi ton par ma foi et ces protestations de pain d'épice aux garnitures de velours 48 et aux citadins endimanchés. Allons, chante.

LADY PERCY. – Je ne veux pas chanter.

HOTSPUR. – C'est pourtant le plus court chemin pour devenir tailleur, ou siffleur de rouges-gorges. Si nos articles sont copiés, je veux partir d'ici avant deux heures; amis, venez quand vous voudrez.

(Il sort.)

GLENDOWER. – Allons, allons, lord Mortimer; vous êtes aussi lent que l'impétueux Percy est impatient de partir. Pendant tout ceci, on achève de mettre les articles au net: nous n'avons plus qu'à les sceller, et ensuite, à cheval sans délai.

MORTIMER. – De tout mon coeur.

(Ils sortent.)
42.Maiden heaas.
43.The blessed sun of heaven.
44.Manningtree ox. Manningtree, dans le comté d'Essex, est célèbre par la richesse de ses pâturages. Il y avait, à ce qu'il paraît, des occasions où le boeuf de Manningtree jouait le rôle de notre boeuf gras.
45.I deny your major.
  Jeu de mots entre major, majeur, et mayor, le principal officier de toute corporation, dont le shérif n'est que le second.
46.Tell truth and shame the devil. Proverbe.
47.Have I sent him Bootless home, and weather beaten back Home without boots!
  Jeu de mots entre boot, butin, et boot, botte.
48.Velvet guards. Les femmes des gros bourgeois de la Cité portaient, dans leurs jours de parure, des robes garnies de bandes de velours.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
131 s. 2 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain
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