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Kitabı oku: «Peines d'amour perdues», sayfa 4

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LE ROI. – Biron, tes railleries ont trop d'amertume: sommes-nous donc ainsi trahis et exposés à tes regards!

BIRON. – Ce n'est pas vous qui êtes trahis par moi; c'est moi qui le suis par vous; moi qui reste honnête à moi, qui regarde comme un crime de violer le voeu dont je suis lié: je suis trahi, puisque je suis dans la société d'hommes changeant comme la lune, et d'une rare inconstance! Quand me verrez-vous rien écrire en rimes ou pousser des soupirs pour une femme? ou dépenser une seule minute de mon temps à polir mes plumes? Quand entendrez-vous dire que je loue une main, un pied, un visage, un oeil, une démarche, une contenance, un sourcil, une gorge, une ceinture, une jambe?..

(Biron va sortir.)

LE ROI. – Arrêtez. – Où courez-vous si vite? Est-ce un honnête homme, ou un voleur, qui s'enfuit avec cette précipitation?

BIRON. – Je fuis l'amour: bel amoureux, laissez-moi partir.

(Entre Jacquinette et Costard.)

JACQUINETTE. – Dieu conserve le roi!

LE ROI. – Quel présent as-tu là?

COSTARD. – Une certaine trahison.

LE ROI. – Que fait la trahison ici?

COSTARD. – Elle n'y fait rien, seigneur.

LE ROI. – Si elle n'y fait rien non plus, la trahison et toi, allez tous deux en paix ensemble.

JACQUINETTE. – Je conjure Votre Altesse de lire cette lettre, notre curé a des soupçons sur elle, il a dit que c'était une trahison.

LE ROI, la donnant à Biron. – Biron, lisez-la. – (A Jacquinette.) D'où tiens-tu cette lettre?

JACQUINETTE. – De Costard.

LE ROI, à Costard. – Où l'as-tu prise?

COSTARD. – De dun Adramadio, dun Adramadio.

LE ROI. – Eh bien! que se passe-t-il donc en vous? Pourquoi la déchirez-vous?

BIRON. – Une bagatelle, mon souverain, une bagatelle: n'en concevez aucune inquiétude.

LONGUEVILLE. – Elle lui a causé du trouble: il faut la voir.

DUMAINE, la considérant. – Eh! c'est l'écriture de Biron, et voilà son nom au bas.

(Il ramasse les morceaux.)

BIRON, à Costard. – Ah! infâme bâtard, tu es né pour me déshonorer. – Je suis coupable, mon souverain, coupable; je le confesse, je l'avoue.

LE ROI. – Et de quoi?

BIRON. – Vous êtes trois fous, qui vous moquez d'un quatrième fou, comme moi, pour compléter le plat. Lui, et lui, et vous, mon souverain, et moi, sommes des filous en amour, et nous méritons la mort. (Montrant Costard et Jacquinette.) Congédiez, je vous prie, ce vil auditoire, et je vous en dirai davantage.

DUMAINE. – A présent nous sommes en nombre pair.

BIRON. – Oh! oui, oui, nous sommes quatre. – Ces tourtereaux s'en iront-ils?

LE ROI. – Allons, mes amis, retirez-vous. – Partez.

COSTARD. – Oui, que tous les honnêtes gens s'en aillent, et que les traîtres restent.

(Costard et Jacquinette s'en vont.)

BIRON. – Mes chers seigneurs, mes chers amoureux, embrassons-nous: nous sommes aussi fidèles à nos serments que le peuvent être la chair et le sang. La mer aura toujours son flux et reflux; le ciel montrera toujours sa face étoilée; le sang jeune et fougueux n'obéira jamais à un conseil suranné. Nous ne pouvons nous écarter du but pour lequel nous sommes nés. Ainsi, nous sommes contraints de toutes manières d'être parjures.

LE ROI. – Quoi, les lambeaux de cette lettre déchirée contiennent-ils quelques rimes de ta composition?

BIRON. – Si elles en contiennent, dites-vous? Hé! qui peut voir la céleste Rosaline, sans incliner devant elle sa tête vassale, comme le grossier et sauvage Indien se prosterne à la première ouverture des portes brillantes de l'orient? Qui peut, ébloui de son éclat, ne pas humilier son front jusqu'à baiser la poussière? Quel oeil audacieux, fût-il perçant comme celui de l'aigle, ose fixer son céleste front sans être aveuglé de sa majesté?

LE ROI. – Quelle passion, quelle fureur s'est tout à coup emparée de toi? Ma bien-aimée, la maîtresse de la tienne, est une lune gracieuse; ta Rosaline n'est qu'une étoile de sa suite, dont l'éclat s'aperçoit à peine.

BIRON. – Mes yeux ne sont donc pas des yeux, et je ne suis pas Biron. Que le ciel voulût, pour mon amour, changer le jour en nuit! Les plus belles couleurs de tous les teints s'assemblent dans ses belles joues, et de cent attraits divers font une grâce unique, où rien ne manque de tout ce que peut chercher le désir. Prêtez-moi la trompette à mille voix. Non, loin de moi, rhétorique fardée! Elle n'en a pas besoin. Ce sont les denrées communes qui ont besoin de l'éloge du vendeur: elle, elle surpasse la louange; et un éloge imparfait la ternit. Un ermite flétri, usé par cent hivers, pourrait, en se mirant dans son bel oeil, en secouer cinquante. La vue de sa beauté rend à la vieillesse un coloris qui la rajeunit, et ramène la béquille vers le berceau de l'enfance. Oh! c'est le soleil qui fait briller tous les objets!

LE ROI. – Par le ciel! ta maîtresse est noire comme l'ébène.

BIRON. – L'ébène lui ressemble-t-il? O bois divin! Une femme faite de ce bois serait le bonheur suprême. Qui peut ici me faire prêter serment: où y a-t-il un livre, afin que je jure que la beauté est imparfaite, si elle n'emprunte pas son regard de ses beaux yeux? Il n'est point de beau visage, s'il n'est noir comme le sien.

LE ROI. – O paradoxe! La couleur noire est le symbole de l'enfer, la couleur des prisons et du front de la nuit; la beauté suprême est seule digne du ciel.

BIRON. – Les démons, pour nous tenter plus sûrement, prennent la forme des anges de lumière. Si les sourcils de ma belle sont tendus du noir, c'est de douleur de ce qu'un fard mensonger, une chevelure usurpée séduisent les amants par une fausse apparence. Rosaline est née pour ériger le noir en beauté; car les couleurs naturelles sont maintenant prises pour un fard artificiel: aussi le rouge, pour éviter l'affront de cette méprise, se peint en noir, afin d'imiter le sourcil de Rosaline.

DUMAINE. – C'est aussi pour lui ressembler que les ramoneurs sont noirs.

LONGUEVILLE. – Et c'est depuis elle que les charbonniers passent pour beaux.

LE ROI. – Et que les Éthiopiens se vantent d'un aimable teint.

LONGUEVILLE. – Aujourd'hui l'obscurité n'a plus besoin de flambeaux, car les ténèbres sont lumière.

BIRON. – Vos maîtresses n'osent jamais s'exposer à la pluie, de crainte de voir leurs couleurs lavées s'effacer de leurs joues.

LE ROI. – Il ne serait pas mal que la vôtre lavât les siennes; car, à vous parler franchement, je trouverai un plus beau visage que le sien qui n'a pas été lavé d'aujourd'hui.

BIRON. – Je prouverai sa beauté ou je parlerai jusqu'au jour du jugement.

LE ROI. – Aucun démon ne te fera autant de peur qu'elle ce jour-là.

DUMAINE. – Je n'ai jamais vu d'homme faire tant de cas d'une drogue aussi vile.

LONGUEVILLE, montrant son pied. – Tiens, voilà ta belle; vois mon soulier et son visage.

BIRON. – Oh! si les rues étaient pavées avec des yeux comme les siens, ses pieds seraient encore trop délicats pour fouler un tel pavé.

DUMAINE. – Fi donc! alors, sur son passage, la rue verrait bien des mensonges à la face du ciel.

LE ROI. – A quoi bon tous ces propos? Ne sommes-nous pas tous amoureux?

BIRON. – Rien n'est plus certain; et par là tous parjures.

LE ROI. – Eh bien! finissez donc ce vain dialogue; et toi, cher Biron, prouve-nous à présent que notre amour est légitime, et que notre foi n'est pas violée.

DUMAINE. – Oui, vraiment, rends-nous ce service. Excuse et flatte un peu notre faiblesse.

LONGUEVILLE. – Oui, quelque argument qui nous autorise à poursuivre; quelques ruses, quelques chicanes pour duper le diable.

DUMAINE. – Quelque apologie pour notre parjure.

BIRON. – Oh! il y a plus de raisons qu'il n'en faut. Allons, aux armes, soldats de l'amour! Considérez ce que vous avez juré d'abord: de jeûner, d'étudier et de ne voir aucune femme; trahison notoire contre l'empire de la jeunesse. Dites, pouvez-vous jeûner? Vos estomacs sont trop jeunes, et l'abstinence engendre des maladies. Et lorsque vous avez fait voeu d'étudier, chers seigneurs, chacun de vous a fait un parjure à son propre livre; pouvez-vous toujours rêver, réfléchir et méditer? Et quand est-ce que vous, seigneur, ou vous, ou vous, avez trouvé le fondement de l'excellence de l'étude, sans la beauté du visage d'une femme? C'est des yeux des femmes que je tire cette doctrine. Elles sont le fond, le texte, le livre, l'académie d'où jaillit la vraie flamme de Prométhée. Tous les efforts de l'étude enchaînent les esprits de la vie dans les artères54, comme le mouvement et une action longtemps continués fatiguent les nerfs et la vigueur du voyageur. En jurant de ne point regarder le visage d'une femme, vous avez en cela fait un parjure à l'usage de vos yeux, et à l'étude même, qui est le principe de votre voeu; car, où est, dans le monde, l'auteur qui enseigne une beauté comparable à l'oeil d'une femme? La science n'est qu'un accessoire à notre individu, et partout où nous sommes, notre science y est aussi; or, quand nous nous contemplons nous-mêmes dans les yeux d'une femme, n'y voyons-nous pas aussi notre science? Nous avons fait voeu d'étudier, chers seigneurs; et, par ce voeu, nous avons manqué de foi à nos livres. Car, quand est-ce que vous, mon souverain, ou vous, ou vous, avez, dans une pesante contemplation, découvert jamais autant de feu poétique, que vous en ont communiqué les yeux brillants d'une belle maîtresse? Les autres arts indolents restent emprisonnés et oisifs dans le cerveau, et ne produisent que des savants stériles en pratique, qui montrent rarement quelque moisson de leurs pénibles travaux; mais l'amour, étudié d'abord dans les yeux d'une belle, ne vit pas emprisonné dans l'enceinte du cerveau: porté par le mouvement de tous les éléments, il court aussi vite que la pensée dans toutes les puissances de l'homme, et donne à chaque faculté une double force, qui l'élève au-dessus de leurs fonctions et de leurs offices; il ajoute une vue précieuse à l'organe de l'oeil: les yeux d'un amant peuvent éblouir l'oeil d'un aigle; l'oreille d'un amant saisit jusqu'au plus faible son, là où l'oreille soupçonneuse du voleur n'entend rien. Le sens de l'amour est plus sensible que ne le sont les cornes délicates du limaçon dans sa coquille. Le dieu Bacchus lui-même n'a qu'un palais grossier au prix du goût délicat de l'Amour. L'Amour n'est-il pas un Hercule en valeur, qui grimpe toujours sur les arbres des Hespérides; subtil comme le Sphinx, aussi doux, aussi musical que la lyre brillante d'Apollon, tendue de ses cheveux d'or? Et lorsque l'Amour parle, tous les dieux de l'Olympe s'assoupissent aux doux accents de sa voix. Jamais poëte n'osa toucher une plume pour écrire, qu'il ne l'eût trempée dans les pleurs de l'Amour; mais alors ses vers charmaient les oreilles les plus sauvages, et faisaient entrer la douceur dans le coeur des tyrans. Voilà la science que je puise dans les yeux des femmes. Elles étincellent comme le feu de Prométhée, elles sont les livres, les arts et les académies qui expliquent, contiennent et nourrissent tout l'univers; sans elles, nul homme n'excellera en rien. Ainsi, vous étiez des insensés d'avoir violé la foi que vous deviez aux femmes, ou vous serez des insensés en tenant votre serment. Au nom de la Sagesse, mot qu'aiment tous les hommes, ou au nom de l'Amour, mot qui les aime tous, ou au nom des hommes, les auteurs des femmes, ou au nom des femmes, par lesquelles nous sommes hommes, perdons une bonne fois nos serments pour nous retrouver nous-mêmes, ou bien nous nous perdons nous-mêmes pour conserver nos serments. C'est religion de se parjurer ainsi; car la charité elle-même accomplit la loi; et qui peut séparer l'Amour de la charité?

LE ROI. – Allons, crions donc tous: saint Cupidon! et en plaine, soldats!

BIRON. – Avancez vos étendards et fondons sur elles; allons, chaude mêlée, renversons-les; mais prenez garde avant tout, dans ce choc, de rencontrer un soleil, grâce à elles55.

LONGUEVILLE. – Allons, parlons clairement; laissons de côté les gloses. Prendrons-nous le parti de faire notre cour à ces filles de France?

LE ROI. – Oui, et d'en faire la conquête aussi; ainsi, méditons quelque divertissement pour les amuser dans leurs tentes.

BIRON. – D'abord, conduisons-les hors du parc jusqu'ici, et qu'ensuite, sous les lambris du palais, chaque homme saisisse la main de sa belle maîtresse; dans l'après-dînée, nous les égayerons par quelque passe-temps nouveau, tel que la brièveté du temps pourra permettre de le former; car les bals, les danses, les mascarades, les plaisirs précèdent les pas du bel Amour et jonchent son chemin de fleurs.

LE ROI. – Partons, partons; nous ne perdrons point de temps, ni aucune des occasions que nous pourrons employer à propos.

BIRON. – Allons, allons! quand on sème de l'ivraie, on ne recueille pas de blé, et toujours la justice tient sa balance égale. Des filles volages pourraient devenir le fléau d'hommes parjures; si cela arrive, notre cuivre n'achètera pas de métal plus précieux.

FIN DU QUATRIÈME ACTE

ACTE CINQUIÈME

SCÈNE I

Autre partie du parc
HOLOFERNE, NATHANIEL, DULL

HOLOFERNE. -Satis quod sufficit.

NATHANIEL. – Je bénis Dieu pour vous, monsieur. Vos arguments à dîner ont été piquants et sentencieux, plaisants sans bouffonnerie, ingénieux sans affectation, animés sans impudence, savants sans entêtement et neufs sans hérésie. J'ai conversé un quondam jour avec un homme de la suite du roi, qui est intitulé, nommé, ou appelé don Adriano d'Armado.

HOLOFERNE. -Novi hominem tanquam te. Son humeur est hautaine, sa conversation est tranchante, sa langue est impure, son oeil ambitieux, sa démarche superbe, et tout son maintien est vain, ridicule et plein d'emphase thrasonicale56. Il est trop tiré à quatre épingles, trop élégant, trop affecté, trop singulier, pour ainsi parler, trop pérégrinal, pourrais-je dire encore.

NATHANIEL, tirant ses tablettes pour écrire. – Épithète singulière et choisie!

HOLOFERNE. – Le fil de sa verbosité est plus beau et plus brillant que la chaîne de ses raisonnements. J'abhorre ces gens fantasques et fanatiques, ces puristes insociables et pleins d'affectation, qui mettent l'orthographe à la torture, qui prononcent doute, lorsqu'il faut dire doubte; dette, lorsqu'on doit prononcer debte, d, e, b, t, e, et non pas d, e, t: ils vous appellent un cerf, cer, un boeuf, beu. Froid, vocatur fret57, paon, en abrége, est pan. Cela est abhominable (il dirait, lui, abominable), cela m'insinue la folie. Ne intelligis, domine, il y a de quoi rendre frénétique, lunatique.

NATHANIEL. -Laus Deo, bonè; intelligo.

HOLOFERNE. -Bone? -bone pour benè, c'est donner un soufflet à Priscus; mais, fort bien.

(Entrent Armado, Moth et Costard.)

NATHANIEL. -Videsne, quis venit?

HOLOFERNE. -Video et gaudeo.

ARMADO, grasseyant. -Dole.

HOLOFERNE. -Quare dole, et non pas drôle?

ARMADO. – Gens de paix, soyez les bien-assaillis.

HOLOFERNE. – Voilà un salut des plus militaires, monsieur!

MOTH, à part, à Costard. – Ils se sont trouvés à un grand festin de langues et ils en ont volé des bribes.

COSTARD, à part. – Oh! ils ont longtemps vécu de rebuts de mots! Je m'étonne que ton maître ne t'ait pas pris et avalé pour un mot. Car tu n'es pas aussi long que honorificabilitudinitatibus58, tu es plus facile à avaler qu'une mèche dans un verre de vin.

MOTH. – Paix! le tonnerre gronde.

ARMADO, à Holoferne. – Monsieur, n'êtes-vous pas lettré?

MOTH. – Oui, oui; il enseigne aux enfants l'Abc; et ce que c'est qu'un a, b, qu'on appelle à rebours avec une corne sur la tête.

HOLOFERNE. -Ba, pueritia, avec l'addition d'une corne.

MOTH. -Ba, impertinent bélier, avec une corne. – Vous entendez sa science?

HOLOFERNE. -Quis, quis, toi, consonne.

MOTH. – La troisième des cinq voyelles, si c'est vous qui les répétez; et la cinquième, si c'est moi.

HOLOFERNE. – Je vais les répéter: a, e, i.

MOTH. – Le bélier; les deux autres terminent la chose: o, u, y.

ARMADO. – Par les flots salés de la Méditerranée, un joli échantillon: une vive botte d'esprit! une, deux, vite comme le vent, et portée au corps. Cela réjouit mon intellect. Du véritable esprit!

MOTH. – Servi par un enfant à un vieux barbon qui est vieux d'esprit.

HOLOFERNE. – Quelle est la figure? quelle est la figure?

MOTH. – Des cornes.

HOLOFERNE. – Tu raisonnes comme un enfant; va fouetter ton sabot.

MOTH. – Prêtez-moi votre corne pour en faire un; et je fouetterai votre ignominie tout alentour, circum circa. Une toupie de corne de cocu!

ARMADO. – Je n'aurais qu'un sou au monde, que je te le donnerais pour t'acheter du pain d'épice; tiens, voilà la rémunération même que j'ai reçue de ton maître, bourse d'esprit d'un demi-sou, oeuf de pigeon de sagacité. Oh! si le ciel voulait que tu fusses seulement mon bâtard, que tu ferais de moi un père joyeux! Va, tu as de l'esprit jusqu'à dunghill59, jusqu'au bout des doigts, comme on dit.

HOLOFERNE. – Oh! je sens là du faux latin; dunghill, pour unguem.

ARMADO. – Homme lettré, præambula: nous nous séparerons des barbares. N'élevez-vous pas la jeunesse à l'école privilégiée qui est sur le sommet de la montagne?

HOLOFERNE. – Ou du mont de la colline.

ARMADO. – A votre choix; pour la montagne.

HOLOFERNE. – Oui, sans question.

ARMADO. – Monsieur, c'est le très-gracieux plaisir et penchant du roi de congratuler la princesse dans sa tente vers la partie postérieure du jour, que le grossier vulgaire appelle l'après-midi.

HOLOFERNE. – La partie postérieure du jour, mon très-illustre monsieur, est une épithète très-propre et très-analogue à l'après-dînée. Ce mot est bien rencontré, bien choisi, gracieux et juste, je vous l'assure, monsieur, je vous l'assure.

ARMADO. – Monsieur, le roi est un brave gentilhomme, et mon intime, je puis vous l'assurer, mon bon ami. – Quant à ce qu'il y a entre nous, passons là-dessus. Je vous en prie, rappelez-vous votre science d'homme de cour. – Je vous en prie, meublez votre tête. – Et parmi bien d'autres discours importuns et très-sérieux… – Et d'une grande importance aussi, vraiment. – Mais laissons cela. – Car il faut vous dire que ce sera le bon plaisir de Son Altesse (j'en jure par l'univers!) de s'appuyer quelquefois sur mon humble épaule; et, de son doigt royal, comme cela, de caresser l'excrément de ma valeur60, mes moustaches; mais, mon cher coeur, laissons cela. Par l'univers! je ne vous débite pas des fables; il plaît à Sa Grandeur de conférer certains honneurs particuliers à Armado, un guerrier, un voyageur qui a vu le monde; mais passons là-dessus. – Le résultat en est que… mais, mon cher coeur, j'implore le secret; – que le roi veut me présenter à la princesse, mon cher poulet, avec quelque agréable ostentation, ou spectacle, ou scène divertissante; une farce gaie, ou un feu d'artifice. En conséquence, apprenant que le curé, et vous-même, mon cher, êtes excellents pour les éruptions, et ces soudains éclats de gaieté, pour ainsi parler, je vous en ai donné connaissance dans la vue de solliciter votre assistance.

HOLOFERNE. – Monsieur, il vous faut représenter devant elle les neuf héros. – Monsieur Nathaniel, c'est par rapport à quelque divertissement ou passe-temps, quelque spectacle dans la partie postérieure de ce jour, pour être exécuté par notre assistance… à l'ordre du roi, et de ce très-galant, très-illustre et très-savant gentilhomme… devant la princesse: je dis que rien ne convient tant que de représenter les neuf héros.

NATHANIEL. – Où trouverez-vous assez de grands hommes pour les représenter?

HOLOFERNE. – Josué, vous-même; moi-même, ou ce galant gentilhomme, Judas Machabée; ce berger, en ce qui concerne ses larges membres et ses forts muscles, surpassera Pompée le Grand; le page fera Hercule.

MOTH. – Pardon, monsieur, il y a une erreur: l'individu mesquin de ce page n'a pas assez de quantité pour représenter seulement le pouce de ce héros: il n'est pas aussi gros que le bout de sa massue.

HOLOFERNE. – Aurai-je audience? Il représentera Hercule dans sa minorité: son entrée et sa sortie seront l'étranglement d'un serpent; et j'aurai une apologie pour cela.

MOTH. – Un excellent plan! Ainsi, si quelqu'un de l'auditoire siffle, vous pourrez crier: «A merveille, Hercule! en ce moment tu écrases le serpent;» c'est là le moyen de tirer parti d'un outrage, quoique peu de gens aient le don de le faire.

ARMADO. – Et les autres héros?

HOLOFERNE. – J'en représenterai trois à moi seul.

MOTH. – Trois fois héroïque personnage!

ARMADO. – Vous dirai-je une chose?

HOLOFERNE. – Nous écoutons.

ARMADO. – Nous aurons, si cela ne réussit pas, une pantomime. Je vous conjure, suivez.

HOLOFERNE. -Via 61: bonhomme Dull, tu n'as pas dit un mot pendant tout ce temps.

DULL. – Ni n'en ai compris un, monsieur.

HOLOFERNE. – Allons, nous t'emploierons.

DULL. – J'en représenterai un dans une danse, ou à peu près. Ou je battrai sur le tambourin pour ces dignes personnages et leur ferai danser une ronde.

HOLOFERNE. – Tu es bien nommé62, honnête Dull; à notre pièce; partons.

(Ils sortent.)
54.Dans l'ancienne médecine, on attribuait aux artères les fonctions données aujourd'hui aux nerfs.
55.A sun, a son, équivoque sur ces deux mots: soleil et fils.
56.Comme le Thrason de Térence.
57.Il a fallu en beaucoup d'endroits de cette scène chercher des équivalents.
58.Ce mot est cité comme le plus long connu.
59.Dunghill, fumier, au lieu de usque ad unguem.
60.Dans le marchand de Venise, Shakspeare appelle la barbe l'excrément de la valeur.
61.Via! courage.
62.Most dull. Il joue sur le nom de Dull.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
110 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
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