Kitabı oku: «Timon d'Athènes», sayfa 6
FLAVIUS. – Votre pauvre et honnête serviteur…
TIMON. – Je ne te connais donc point. Je n'eus jamais un honnête homme auprès de moi; je n'avais que des fripons qui servaient à manger à des coquins.
FLAVIUS. – Les dieux me sont témoins que jamais pauvre intendant ne versa sur l'infortune de son maître de larmes plus sincères, que n'en ont versé mes yeux sur la vôtre.
TIMON. – Quoi! tu pleures! Approche; maintenant je t'aime, parce que tu es une femme, et que tu désavoues le coeur de pierre des hommes, qui ne pleurent jamais que de débauche ou de folle joie! – La pitié dort: étrange siècle que celui où on pleure de rire, non en pleurant!
FLAVIUS. – Reconnaissez-moi, mon cher maître, je vous en conjure; agréez ma sincère douleur, et tant que ce faible trésor durera (il lui présente tout ce qu'il a d'or), souffrez que je sois votre intendant26.
TIMON. – Quoi, j'avais un intendant si fidèle, si juste, et aujourd'hui si compatissant! Ceci adoucit presque mon caractère sauvage. – Voyons ton visage. – Cet homme pourtant naquit sûrement d'une femme. – Dieux éternellement sages! pardonnez-moi mon anathème téméraire et sans exception; je proclame qu'il est un homme honnête: mais ne vous y trompez pas; un seul, pas davantage, et c'est un intendant! Oh! que j'aurais voulu détester tout le genre humain; mais tu te rachètes toi-même: toi seul excepté, je maudis tous les hommes. – Il me semble que tu es plus honnête que sage. Car en me trahissant, en m'opprimant tu aurais retrouvé plus facilement un autre emploi; tant de gens arrivent au service d'un second maître, en marchant sur le corps du premier. Mais dis-moi la vérité; car je douterai toujours, malgré ma certitude; cette tendresse n'est-elle point feinte, intéressée, usuraire comme celle du riche qui fait des présents dans l'espérance de recevoir vingt pour un!
FLAVIUS. – Non, mon digne maître; la défiance et le soupçon sont entrés, hélas! trop tard dans votre coeur. C'était au milieu de vos festins que vous auriez dû craindre la perfidie; mais le soupçon ne vient que quand les biens sont dissipés. Ma démarche, le ciel m'en est témoin, est pur amour, devoir et zèle pour votre âme incomparable; je veux prendre soin de votre nourriture et de votre subsistance, et, soyez-en persuadé, mon noble seigneur, tout ce que je possède, et tout ce que je puis espérer dans l'avenir, je le donnerais pour remplir l'unique voeu de mon coeur: que vous redevinssiez riche et puissant pour me récompenser en m'enrichissant vous-même.
TIMON. – Vois, ton voeu est accompli, seul honnête homme qui existe. Tiens, prends; les dieux, du fond de ma misère, t'envoient un trésor. Va, vis riche et heureux; mais à condition que tu iras bâtir loin des hommes; hais-les tous, maudis-les tous; ne montre de pitié pour aucun; plutôt que de secourir le mendiant, laisse sa chair exténuée par la faim se détacher de ses os; donne aux chiens ce que tu refuseras aux hommes; que les cachots les engloutissent, que les dettes les dessèchent, que les hommes soient comme des arbres flétris, et que toutes les maladies dévorent leur sang perfide! – Adieu, sois heureux.
FLAVIUS. – O mon maître, souffrez que je reste avec vous et que je vous console.
TIMON. – Si tu crains les malédictions, ne t'arrête pas, fuis, tandis que tu es libre et heureux. Ne vois jamais les hommes, et que je ne te voie jamais!
(Timon rentre dans sa caverne. Flavius s'éloigne.)
FIN DU QUATRIÈME ACTE
ACTE CINQUIÈME
SCÈNE I
Devant la caverne de Timon
Entrent UN POÈTE ET UN PEINTRE, TIMON est derrière eux sans en être vu
LE PEINTRE. – Si je connais bien le lieu, sa demeure ne doit pas être éloignée.
LE POÈTE. – Que doit-on penser de lui? En croirons-nous la rumeur, qu'il regorge d'or?
LE PEINTRE. – Cela est certain, Alcibiade le dit; Phrynia et Timandra ont reçu de l'or de lui; il a aussi enrichi libéralement quelques soldats maraudeurs. On dit qu'il a donné une somme considérable à son intendant.
LE POÈTE. – Ainsi, sa banqueroute n'était destinée qu'à éprouver ses amis.
LE PEINTRE. – Rien de plus: vous le verrez encore comme un palmier dans Athènes, fleurir parmi les plus grands, ainsi, il ne sera pas mal à propos d'aller lui offrir nos hommages dans son infortune apparente. Ce sera de notre part un procédé honnête, et qui a bien des chances d'amener nos desseins à ce qu'ils souhaitent, s'il est vrai qu'il soit aussi riche qu'on le dit.
LE POÈTE. – Qu'avez-vous à lui présenter maintenant?
LE PEINTRE. – Rien, quant à présent, que ma visite; mais je lui promettrai un chef-d'oeuvre.
LE POÈTE. – Il faut que j'en use de même envers lui; je lui dirai que je prépare certain ouvrage pour lui.
LE PEINTRE. – C'est tout ce qu'il y a de mieux: promettre est le ton du siècle. La promesse ouvre les yeux de l'attente, qu'engourdit et tue l'accomplissement d'une parole. Excepté pour les gens simples et vulgaires, tenir ce qu'on a promis n'est plus en usage. Promettre est plus poli, plus à la mode; tenir sa promesse, c'est faire son testament, ce qui annonce toujours une grande maladie dans le jugement de celui qui le fait.
TIMON, à part. – Excellent artiste! tu ne pourrais pas peindre un homme aussi méchant que toi.
LE POÈTE. – Je rêve à l'ouvrage que je lui dirai avoir préparé pour lui. Il faut qu'il en soit lui-même le sujet. Ce sera une satire contre la mollesse de la prospérité, et un détail des flatteries qui obsèdent la jeunesse et l'opulence.
TIMON, à part. – Faut-il aussi que tu fasses le rôle de fripon dans ta propre pièce? Châtieras-tu tes propres fautes sur le dos des autres? Va, écris, j'ai de l'or pour toi.
LE PEINTRE. – Mais cherchons-le: nous péchons contre notre fortune, quand nous pouvons faire quelque profit et que nous arrivons trop tard.
LE POÈTE. – Vous avez raison; quand le jour nous sert, et avant le retour de la nuit aux coins obscurs, trouvez ce dont vous avez besoin à la libre lumière qui vous est offerte; allons.
TIMON, à part. – Je vais vous joindre au tournant. – Quel dieu est donc cet or, pour être adoré dans des temples plus vils et plus abjects que les lieux où l'on nourrit les porcs? C'est toi qui équipes les flottes et qui sillonnes l'onde écumante; toi qui attaches l'hommage et le respect à l'esclave. Sois donc adoré, et que tes saints soient récompensés par tous les fléaux de n'obéir qu'à toi! – Il est temps que je les aborde.
(Il s'avance vers eux.)
LE POÈTE. – Salut, noble Timon.
LE PEINTRE. – Notre ancien et digne maître.
TIMON. – Aurais-je assez vécu pour voir enfin deux honnêtes gens?
LE POÈTE. – Seigneur, ayant souvent éprouvé vos libéralités, ayant appris votre retraite et la désertion de vos amis dont les natures ingrates… Oh! les âmes détestables! le ciel n'a pas assez de fouets… Quoi! envers vous! dont la générosité, comme l'astre du ciel, donnait la vie et le mouvement à tout leur être; je me sens hors de moi; je ne connais point d'expressions assez énergiques, pour revêtir de ses vraies couleurs, leur énorme ingratitude.
TIMON. – Laisse-la toute nue; les hommes l'en verront mieux. – Vous, qui êtes honnêtes, en étant ce que vous êtes, faites à merveille voir et connaître leur caractère.
LE PEINTRE. – Lui et moi, nous avons voyagé sous la céleste rosée de vos bienfaits, et nous l'avons doucement sentie.
TIMON. – Oh! vous êtes d'honnêtes gens.
LE PEINTRE. – Nous sommes venus ici vous offrir nos services.
TIMON. – Âmes honnêtes! comment vous récompenserai-je? – Pouvez-vous manger des racines et boire de l'eau? Non.
LE POÈTE. – Tout ce que nous pourrons faire, nous le ferons pour vous.
TIMON. – Vous êtes d'honnêtes gens; vous avez appris que j'avais de l'or, je le sais: dites la vérité, vous êtes d'honnêtes gens.
LE PEINTRE. – On le dit, noble seigneur; mais ce n'est pas là ce qui amène mon ami, ni moi.
TIMON. – Braves, honnêtes gens! – Il n'est personne dans Athènes qui soit capable de faire un portrait comme toi. De tous les artistes, tu es celui qui contrefais le mieux la vérité.
LE PEINTRE. – Là! là! seigneur.
TIMON. – C'est comme je le dis. (Au poète.) Et toi, dans tes fictions, ton vers coule avec tant de grâce et de douceur, que l'art y ressemble à la nature. Cependant, mes dignes amis, il faut que je vous le dise, vous avez un défaut, à vrai dire, il n'est pas monstrueux, et je ne veux pas que vous preniez beaucoup de peine pour vous en corriger.
LE POÈTE ET LE PEINTRE. – Nous prions votre Honneur de nous le faire connaître.
TIMON. – Vous le prendrez mal.
LE POÈTE ET LE PEINTRE. – Avec la plus vive reconnaissance, seigneur.
TIMON. – En vérité, croyez-vous?
LE POÈTE ET LE PEINTRE. – N'en doutez pas, seigneur.
TIMON. – C'est qu'il n'y en a pas un de vous qui ne se fie à un coquin qui le trompe.
LE POÈTE ET LE PEINTRE. – Nous, Seigneur?
TIMON. – Oui; vous entendez l'imposteur vous flatter, vous le voyez dissimuler, vous connaissez son artifice grossier, et cependant vous l'aimez, vous le nourrissez, vous le réchauffez dans votre sein. Soyez pourtant bien sûrs que c'est un parfait scélérat.
LE PEINTRE. – Je ne connais personne de ce caractère, seigneur.
LE POÈTE. – Ni moi non plus.
TIMON. – Écoutez, je vous aime tendrement, je vous donnerai de l'or, mais chassez-moi de votre compagnie ces coquins, pendez-les, poignardez-les, noyez-les dans les latrines, exterminez-les enfin par quelque moyen, et venez ensuite me trouver, et je vous donnerai de l'or libéralement.
LE POÈTE ET LE PEINTRE. – Nommez-les, seigneur, que nous les connaissions.
TIMON. – Placez-vous ici, vous; et vous là; chacun de vous séparément, tout seul, sans compagnon; eh bien! un maître fripon vous tient encore compagnie. – (Au peintre.) Si là où tu es tu ne veux pas qu'il se trouve deux coquins, ne te laisse pas approcher de lui. – (Au poète.) Et toi, si tu ne veux pas habiter auprès d'un coquin, fuis loin de cet homme. Hors d'ici, couple de fripons, voilà de l'or. Vous êtes venus chercher de l'or, esclaves! – Vous avez travaillé pour moi, vous voilà payés. – Hors d'ici: tu es alchimiste, toi; convertis cela en or. Loin d'ici, vils chiens!
(Il sort en les battant et en les chassant devant lui.)
SCÈNE II
Entrent FLAVIUS, DEUX SÉNATEURS
FLAVIUS. – C'est en vain que vous cherchez à parler à Timon. Il s'est tellement concentré en lui-même, que de tous ceux qui ont la figure humaine il est le seul qui soit en bon rapport avec lui-même.
PREMIER SÉNATEUR. – Conduis-nous à sa caverne; c'est notre devoir; nous avons promis aux Athéniens de lui parler.
SECOND SÉNATEUR. – Dans des circonstances toutes semblables, les hommes ne sont pas toujours les mêmes. C'est le temps et le chagrin qui ont produit en lui ce changement; le temps, en lui offrant d'une main plus propice le bonheur de ses premiers jours, peut ressusciter en lui l'homme d'autrefois. Conduis-nous vers lui, et qu'il arrive ce qui pourra.
FLAVIUS. – Voilà sa caverne. – Que la paix et le contentement règnent ici! Seigneur Timon! seigneur Timon! reparaissez, parlez à vos amis: les Athéniens, représentés par ces deux membres de leur respectable sénat, viennent vous saluer; parlez-leur, noble Timon.
(Timon sortant de sa caverne.)
TIMON. – Soleil, qui réchauffes, brûle! (Aux sénateurs.) Parlez, et soyez pendus; que chaque parole vraie engendre une pustule, et que chaque mensonge cautérise votre langue et la consume jusqu'à la racine!
PREMIER SÉNATEUR. – Digne Timon!
TIMON. – Pas plus digne des hommes qui te ressemblent que toi de Timon.
SECOND SÉNATEUR. – Les sénateurs d'Athènes vous saluent, Timon.
TIMON. – Je les remercie; et je voudrais, en retour, leur envoyer la peste, si je pouvais la prendre pour la leur donner.
PREMIER SÉNATEUR. – Oubliez une injure dont nous-mêmes nous sommes affligés pour vous. Le sénat, d'un consentement et d'un coeur unanimes, vous rappelle à Athènes, et a pensé à des dignités spéciales qui, devenues vacantes, vous sont destinées.
SECOND SÉNATEUR. – Ils confessent que leur ingratitude envers vous fut trop grande et grossière. Le peuple même, qui se rétracte rarement, sent le besoin qu'il a du secours de Timon, et reconnaît le danger de sa chute s'il refuse d'avoir recours à Timon. Il nous envoie pour vous porter l'aveu de ses regrets, et vous offrir une récompense qui dépassera le poids de l'offense qu'il vous a faite. Oui, il vous promet tant d'amas et de trésors d'amour et de richesses, que ses torts seront effacés, et que l'empreinte de son amour sera gravée en vous pour attester à jamais son dévouement à votre personne.
TIMON. – Vos offres m'enchantent, me surprennent jusqu'à m'arracher presque des larmes: donnez-moi le coeur d'un fou et les yeux d'une femme, et ces consolations, dignes sénateurs, vont faire couler mes pleurs.
PREMIER SÉNATEUR. – Daignez donc revenir parmi nous. Reprenez l'autorité dans notre Athènes (la vôtre et la nôtre); vous y serez reçu avec transport, et revêtu du pouvoir absolu; votre nom révéré y régnera en souverain, et nous aurons bientôt repoussé les féroces attaques d'Alcibiade, qui, comme un sanglier sauvage, cherche à déraciner la paix de sa patrie.
SECOND SÉNATEUR. – Et brandit son épée menaçante sous les murs d'Athènes.
PREMIER SÉNATEUR. – Ainsi, Timon…
TIMON. – Oui, sénateurs, je le veux bien; oui, je le veux bien. – Si Alcibiade tue mes concitoyens, dites à Alcibiade, de la part de Timon, que Timon ne s'en embarrasse guère; mais s'il livre la belle Athènes au pillage, s'il prend nos respectables vieillards par la barbe, s'il abandonne les vierges sacrées aux outrages de la guerre insolente, brutale, furieuse, alors qu'il sache, et dites-lui ce que dit Timon: Par pitié pour notre jeunesse et pour nos vieillards, je ne puis m'empêcher de lui dire que je ne m'en inquiète point… Qu'il fasse tout au pire. – Moquez-vous de leurs glaives tant que vous aurez des gorges à couper. Quant à moi, il n'est point de poignard dans le camp le plus désordonné que je ne préfère à la gorge la plus respectable d'Athènes. Je vous abandonne donc à la garde des dieux justes, comme des voleurs à leurs geôliers.
FLAVIUS. – Ne vous arrêtez pas plus longtemps; tout est inutile.
TIMON. – Tenez, j'étais occupé à écrire mon épitaphe: on la verra demain. Je commence à me rétablir de cette longue maladie de la vie et de la santé; je retrouve tout dans le néant. Allez, vivez; qu'Alcibiade soit votre fléau et vous le sien, et vivez ainsi longtemps!
PREMIER SÉNATEUR. – Nous parlons en vain.
TIMON. – Cependant j'aime ma patrie, et je ne suis point homme à me réjouir du malheur public, comme on en fait courir, le bruit.
PREMIER SÉNATEUR. – C'est bien parlé.
TIMON. – Recommandez-moi à mes chers compatriotes.
PREMIER SÉNATEUR. – Voilà des paroles dignes de passer par vos lèvres.
SECOND SÉNATEUR. – Elles entrent dans nos oreilles comme des grands triomphateurs sous les portes où retentissent les applaudissements.
TIMON. – Recommandez-moi à eux; dites-leur que, pour les consoler de leurs peines, de la crainte de leurs ennemis, de leurs maux, de leurs pertes, de leurs chagrins d'amour, et de toutes les autres souffrances qui peuvent assaillir le frêle vaisseau de la nature dans le voyage incertain de la vie, je veux leur montrer quelque amitié, je veux leur apprendre à prévenir la fureur du sauvage Alcibiade.
SECOND SÉNATEUR. – Ceci me plaît assez, il reviendra.
TIMON. – J'ai ici, dans mon enclos, un arbre que je veux abattre pour mon usage, et je ne tarderai pas à le couper. Dites à mes amis, à tous les habitants d'Athènes, d'après l'ordre des rangs, aux grands et aux petits, que si quelqu'un veut terminer son affliction, il se hâte de venir ici avant que mon arbre ait senti la coignée, et qu'il se pende; je vous prie, faites ma commission.
FLAVIUS. – Ne l'importunez pas davantage, vous le verrez toujours le même.
TIMON. – Ne revenez plus me voir; dites seulement aux Athéniens que Timon a bâti sa demeure éternelle sur les grèves de l'onde arrière, et qu'une fois le jour la vague turbulente viendra la couvrir de sa bouillante écume. Venez ici, et que la pierre de mon tombeau soit votre oracle. Lèvres, prononcez des paroles amères, et que ma voix cesse; que la peste contagieuse réforme ce qui va mal; que les hommes ne travaillent qu'à creuser leurs tombeaux, et que la mort soit leur gain! – Soleil, cache tes rayons, le règne de Timon est passé!
(Il se retire.)
PREMIER SÉNATEUR. – Sa haine est devenue inséparable de sa nature.
SECOND SÉNATEUR. – Toute notre espérance en lui est morte; retournons, et tentons les moyens qui nous restent dans notre grand péril.
PREMIER SÉNATEUR. – Il demande des pieds agiles.
(Ils sortent.)
SCÈNE III
Le théâtre représente les murs d'Athènes
Entrent DEUX SÉNATEURS ET UN MESSAGER
PREMIER SÉNATEUR, au messager. – Tu as bien pris de la peine pour le savoir; son armée est-elle aussi nombreuse que tu le disais?
LE MESSAGER. – Ce que je vous ai dit n'est rien encore; la rapidité de ses mouvements promet qu'il va bientôt être ici.
SECOND SÉNATEUR. – Nous courons un grand péril si on n'amène pas Timon.
LE MESSAGER. – J'ai trouvé en chemin un courrier, un de mes anciens amis, quoique servant un parti différent; cependant nous avons cédé au penchant de notre vieille liaison, et nous avons causé comme des amis. Il allait de la part d'Alcibiade à la caverne de Timon, chargé de lettres pour le prier de prêter main-forte à la guerre contre notre ville entreprise en partie à cause de lui.
(Arrivent les sénateurs qui avaient été députés à Timon.)
SECOND SÉNATEUR. – Voici nos frères.
TROISIÈME SÉNATEUR. – Ne parlez plus de Timon, n'attendez rien de lui. – Déjà les tambours des ennemis se font entendre, et leur marche redoutable obscurcit les airs de poussière. Rentrons et préparons-nous: je crains bien que nous ne tombions dans le piège de nos ennemis.
(Ils sortent.)
SCÈNE IV
Les bois; on voit la caverne de Timon et un tombeau grossier
UN SOLDAT cherchant Timon
D'après toutes les descriptions, ce doit être ici l'endroit. – Y a-t-il quelqu'un ici? Holà! Parlez. – Personne ne répond. – Que veut dire ceci? – Ah! Timon est mort. Il a terminé sa carrière; quelque bête sauvage a élevé ce tertre. Point d'homme vivant ici. – Sûrement il est mort, et voilà son tombeau. Je ne puis pas lire ce qu'il y a sur la pierre. – Je vais enlever cette inscription sur la cire; notre général connaît tous les caractères. C'est un vieil interprète, quoique jeune d'années. Il a mis à l'heure qu'il est le siège devant l'orgueilleuse Athènes, dont la ruine est son ambition.