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Kitabı oku: «Le chevalier d'Harmental», sayfa 36

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– Ainsi, s'écria Bathilde, ainsi, plus d'espoir; il est condamné?

– De ce matin, mademoiselle Bathilde, de ce matin.

– À mort?

Boniface fit un signe de tête.

– Et quand l'exécute-t-on?

– Demain, à huit heures du matin.

– Bien, dit Bathilde.

– Mais il y a peut-être encore de l'espoir, dit Boniface.

– Lequel? demanda Bathilde.

– Si d'ici là il se décidait à dénoncer ses complices.

La jeune fille se mit à rire, mais d'un rire si étrange que Boniface en frissonna de la tête aux pieds.

– Enfin, dit Boniface, qui sait? Moi, à sa place par exemple, je n'y manquerais pas. Je dirais: c'est pas moi, parole d'honneur! Ce n'est pas moi; c'est un tel, un tel, et puis encore un tel.

– Boniface, dit Bathilde, il faut que je sorte.

– Vous, mademoiselle Bathilde! s'écria Boniface effrayé; vous sortir!

Mais c'est vous tuer que de sortir.

– Il faut que je sorte, vous dis-je.

– Mais vous ne pouvez pas vous tenir sur vos jambes.

– Vous vous trompez, Boniface, je suis forte, voyez.

Et Bathilde se mit à marcher par la chambre d'un pas ferme et assuré.

– D'ailleurs, reprit Bathilde, vous allez aller me chercher un carrosse de place.

– Mais, mademoiselle Bathilde…

– Boniface, vous avez promis de m'obéir, dit la jeune fille. Jusqu'à cette heure vous m'avez tenu parole: êtes-vous las de votre dévouement?

– Moi, mademoiselle Bathilde, moi las de mon dévouement pour vous! Que le bon Dieu me punisse s'il y a un mot de vrai dans ce que vous me dites là. Vous me demandez un carrosse, je vais en chercher deux.

– Allez, mon ami, dit la jeune fille; allez, mon frère.

– Oh! tenez, mademoiselle Bathilde, avec ces paroles-là, voyez-vous, vous me feriez faire tout ce que vous voudriez. Dans cinq minutes, le carrosse sera ici.

Et Boniface sortit en courant.

Bathilde avait une grande robe blanche flottante; elle la serra avec une ceinture, jeta un mantelet sur ses épaules, et s'apprêta à sortir. Comme elle s'avançait vers la porte, madame Denis entra.

– Ô mon Dieu! ma chère enfant, s'écria la bonne femme, qu'allez-vous faire?

– Madame, dit Bathilde, il faut que je sorte.

– Sortir… mais vous êtes folle!

– Vous vous trompez, madame, j'ai toute ma raison, dit Bathilde en souriant avec tristesse. Seulement peut-être me rendriez-vous insensée en essayant de me retenir.

– Mais enfin, où allez-vous, ma chère enfant?

– Ne savez-vous pas qu'il est condamné, madame?

– Ô mon Dieu! mon Dieu! qui vous a dit cela? J'avais tant recommandé à tout le monde de vous cacher cette horrible nouvelle!

– Oui, et demain, n'est-ce pas, vous m'auriez dit qu'il était mort? Et je vous aurais répondu: c'est vous qui l'avez tué, car, moi, j'ai un moyen de le sauver peut-être.

– Vous, vous, mon enfant, vous avez un moyen de le sauver?

– J'ai dit peut-être, madame. Laissez-moi donc tenter ce moyen, car c'est le seul qui me reste.

– Allez, mon enfant, dit madame Denis, dominée par le ton inspiré de Bathilde, allez, et que Dieu vous conduise!

Et madame Denis se rangea pour laisser passer Bathilde.

Bathilde sortit, descendit l'escalier d'un pas lent mais ferme, traversa la rue, monta ses quatre étages sans se reposer, et ouvrit la porte de sa chambre, où elle n'était pas entrée depuis le jour de la catastrophe. Au bruit qu'elle fit en entrant, Nanette sortit du cabinet et poussa un cri: elle croyait voir le fantôme de sa jeune maîtresse.

– Eh bien! demanda Bathilde d'un ton grave, qu'as-tu donc, ma bonne Nanette?

– Ô mon Dieu! s'écria la pauvre femme toute tremblante, est-ce bien vous, notre demoiselle, ou bien n'est-ce que votre ombre?

– C'est moi, Nanette, moi-même, touche-moi plutôt en m'embrassant. Dieu merci! je ne suis pas morte encore.

– Et pourquoi avez-vous quitté la maison des Denis? Est-ce qu'ils vous auraient dit quelque chose qui n'était point à dire?

– Non ma bonne Nanette non, mais il faut que je fasse une course nécessaire, indispensable.

– Vous, sortir dans l'état où vous êtes, jamais! Ce serait vous tuer que de le souffrir. Monsieur Buvat! monsieur Buvat! voilà notre demoiselle qui veut sortir! Venez donc lui dire que cela ne se peut pas.

Bathilde se retourna vers Buvat, avec l'intention d'employer son ascendant sur lui s'il tentait de l'arrêter, mais elle lui vit une figure si bouleversée, qu'elle ne se douta point qu'il ne sût la fatale nouvelle. De son côté, Buvat en l'apercevant, fondit en larmes.

– Mon père, dit Bathilde, ce qui a été fait jusqu'aujourd'hui est l'ouvrage des hommes, mais l'œuvre des hommes est finie, et ce qui reste à faire appartient à Dieu. Mon père, Dieu aura pitié de nous.

– Oh! s'écria Buvat en tombant sur un fauteuil, c'est moi qui l'ai tué! c'est moi qui l'ai tué! c'est moi qui l'ai tué!

Bathilde alla gravement à lui et l'embrassa au front.

– Mais que vas-tu faire, mon enfant? demanda Buvat.

– Mon devoir, répondit Bathilde.

Et elle ouvrit une petite armoire qui était dans le prie-Dieu, y prit un portefeuille noir, le déplia et en tira une lettre.

– Oh! tu as raison, tu as raison, mon enfant! s'écria Buvat; j'avais oublié cette lettre.

– Je m'en souvenais, moi, dit Bathilde en baisant la lettre et en la mettant sur son cœur, car c'est le seul héritage que m'a laissé ma mère.

En ce moment, on entendit le bruit du carrosse qui s'arrêtait à la porte.

– Adieu, mon père; adieu, Nanette, dit Bathilde. Priez tous deux pour que je réussisse.

Et Bathilde s'éloigna avec cette gravité solennelle qui faisait d'elle, pour ceux qui la voyaient en ce moment quelque chose de pareil à une sainte.

À la porte, elle trouva Boniface qui l'attendait avec le carrosse.

– Irai-je avec vous, mademoiselle Bathilde, demanda Boniface.

– Non, mon ami, dit Bathilde en lui tendant la main, non, pas ce soir, demain peut-être.

Et elle monta dans le carrosse.

– Où faut-il vous mener, notre belle demoiselle? demanda le cocher.

– À l'Arsenal, répondit Bathilde

Chapitre 46

Arrivée à l'Arsenal, Bathilde fit demander mademoiselle Delaunay, qui, sur sa prière, la conduisit aussitôt à madame du Maine.

– Ah! c'est vous mon enfant, dit la duchesse d'une voix distraite et d'un air agité. C'est bien de se rappeler ses amis lorsqu'ils sont dans le malheur.

– Hélas! madame, répondit Bathilde, je viens près de Votre Altesse Royale pour lui parler d'un plus malheureux qu'elle encore. Sans doute, Votre Altesse Royale a perdu quelques-uns de ses titres, quelques-unes de ses dignités; mais là s'arrêtera la vengeance, car nul n'osera attenter à la vie ou même à la liberté du fils de Louis XIV ou de la petite-fille du grand Condé.

– À la vie, non, dit la duchesse du Maine, non; mais à la liberté, je n'en répondrais pas. Comprenez-vous cet imbécile d'abbé Brigaud qui se fait arrêter en colporteur il y a trois jours, à Orléans, et qui, sur de fausses révélations qu'on lui présente comme venant de moi, avoue tout et nous compromet affreusement; de sorte que je ne serais pas étonnée que cette nuit on nous arrêtât.

– Celui pour lequel je viens implorer votre pitié madame, dit Bathilde, n'a rien révélé, lui, et est condamné à mort pour au contraire avoir gardé le silence.

– Ah! ma chère enfant, s'écria la duchesse, vous voulez parler de ce pauvre d'Harmental: oui, je le connais: c'est un gentilhomme, celui-là.

Vous le connaissez donc?

– Hélas! dit mademoiselle Delaunay, non seulement Bathilde le connaît, mais elle l'aime.

– Pauvre enfant! Mon Dieu! mais que faire? Moi vous comprenez bien, je ne puis rien, je n'ai aucun crédit. Tenter une démarche en sa faveur, c'est lui ôter son dernier espoir, s'il lui en reste un.

– Je le sais bien, madame, dit Bathilde; aussi je ne viens demander à Votre Altesse qu'une chose: c'est par quelqu'un de ses amis, par quelqu'une de ses connaissances, au moyen de ses anciennes relations, c'est de m'introduire auprès de monseigneur le régent. Le reste me regarde.

– Mais, mon enfant, savez-vous ce que vous me demandez là? dit la duchesse; savez-vous que le régent ne respecte rien? Savez-vous que vous êtes belle comme un ange, et que votre pâleur même vous va à ravir?

Savez-vous…

– Madame, dit Bathilde avec une dignité suprême, je sais que mon père lui a sauvé la vie et est mort à son service.

– Ah! ceci, c'est autre chose, dit la duchesse. Attendez; voyons, comment faire? Oui, c'est cela. Delaunay appelle Malezieux.

Mademoiselle Delaunay obéit, et un instant après le fidèle chancelier entra.

– Malezieux, dit la duchesse, voilà une enfant que vous allez conduire à la duchesse de Berry, à qui vous la recommanderez de ma part. Il faut qu'elle voie le régent, et cela sur l'heure, vous entendez? il s'agit de la vie d'un homme. Et, tenez, de celle de ce cher d'Harmental, que je donnerais moi même tant de choses pour sauver.

– J'y vais, madame, dit Malezieux.

– Vous le voyez, mon enfant, dit la duchesse, je fais tout ce que je puis faire, si je puis vous être utile à autre chose, si pour séduire un geôlier, si pour préparer sa fuite vous avez besoin d'argent, je n'en ai pas beaucoup, mais il me reste quelques diamants, et ils ne pourraient jamais être mieux employés qu'à sauver la vie d'un si brave gentilhomme. Allons, ne perdez pas de temps, embrassez-moi et allez trouver ma nièce; vous savez que c'est la favorite de son père.

– Oh! madame, dit Bathilde, je sais que vous êtes un ange, et, si je réussis, je vous devrai plus que ma vie.

– Pauvre petite! dit la duchesse en regardant Bathilde s'éloigner; puis, lorsqu'elle eut disparu:

– Allons, Delaunay, continua madame du Maine, qui effectivement s'attendait à être arrêtée d'un moment à l'autre, reprenons nos malles.

Pendant ce temps, Bathilde, accompagnée de Malezieux, était remontée dans sa voiture, et avait pris le chemin du Luxembourg où vingt minutes après elle était arrivée.

Grâce au patronage de Malezieux, Bathilde entra sans difficulté, on la fit passer dans un petit boudoir où on la pria d'attendre, tandis que le chancelier, introduit auprès de Son Altesse Royale, la préviendrait de la grâce qu'on avait à lui demander. Malezieux s'acquitta de la commission avec tout le zèle qu'il portait aux choses recommandées par madame du Maine, et Bathilde n'avait pas attendu dix minutes qu'elle le vit rentrer avec la duchesse de Berry.

La duchesse avait un cœur excellent; aussi avait-elle été vivement touchée du récit que lui avait fait Malezieux; si bien que lorsqu'elle parut, il n'y avait pas à se tromper sur l'intérêt que lui inspirait d'avance la jeune fille qui venait solliciter sa protection. Bathilde s'aperçut de ses dispositions bienveillantes, et vint à elle les mains jointes. La duchesse lui prit les mains.

Bathilde voulut tomber à ses pieds, mais la duchesse la retint, et, l'embrassant au front:

– Ma pauvre enfant! lui dit-elle, que n'êtes-vous venue il y a huit jours?

– Et pourquoi il y a huit jours plutôt que maintenant madame? demanda Bathilde avec anxiété.

– Parce qu'il y a huit jours, je n'eusse cédé à personne le plaisir de vous conduire près de mon père tandis qu'aujourd'hui c'est impossible.

– Impossible! Ô mon Dieu! et pourquoi cela, s'écria Bathilde.

– Mais, vous ignorez donc que je suis en disgrâce complète depuis avant-hier, ma pauvre enfant! Hélas! toute princesse que je suis j'ai été femme comme vous, comme vous j'ai eu le malheur d'aimer. Or, nous autres filles de race royale, vous le savez, notre cœur n'est point à nous, c'est une espèce de pierre qui fait partie du trésor de la couronne, et c'est un crime d'en disposer sans l'autorisation du roi ou de son premier ministre. J'ai disposé de mon cœur, et je n'ai rien à dire, car on me l'a pardonné; mais j'ai disposé de ma main, et on m'a punie. Depuis, trois jours mon amant est mon époux; voyez l'étrange chose! on m'a fait un crime d'une action dont en toute autre condition on m'eût louée. Mon père lui-même s'est laissé gagner à la colère générale, et depuis trois jours, c'est-à-dire depuis le moment où je devais pouvoir me présenter devant lui sans rougir, sa présence m'est interdite. Hier on m'a ôté ma garde: ce matin, je me suis présentée au Palais-Royal, on m'a refusé la porte.

– Hélas! hélas! dit Bathilde, je suis bien malheureuse, car je n'avais d'espoir qu'en vous, madame, et je ne connais personne qui puisse m'introduire près de monseigneur le régent! Et c'est demain, madame, demain à huit heures, qu'on tue celui que j'aime comme vous aimez monsieur de Riom! Ô mon Dieu! mon Dieu! ayez compassion de moi, madame, car si vous ne me prenez en pitié, je suis perdue, je suis condamnée!

– Mon Dieu! Riom, venez donc à notre aide, dit la duchesse en se retournant vers son mari qui entrait en ce moment, et en lui tendant la main; voilà une pauvre enfant qui a besoin de voir mon père à l'instant, sans retard; sa vie dépend de cette entrevue: que dis-je? plus que sa vie! la vie de l'homme qu'elle aime! Comment faire? voyons. Le neveu de Lauzun ne doit jamais être embarrassé, ce me semble. Riom, trouvez-nous un moyen, et s'il est possible, eh bien! je vous aimerai encore davantage.

– J'en ai bien un… dit Riom en souriant.

– Oh! monsieur, s'écria Bathilde, oh! dites-le-moi, et je vous serai éternellement reconnaissante.

– Voyons, dites, ajouta la duchesse de Berry d'une voix presque aussi pressante que l'était celle de Bathilde.

– Mais c'est qu'il compromet singulièrement votre sœur.

– Laquelle?

– Mademoiselle de Valois.

– Aglaé? comment cela?

– Oui, ne savez-vous pas qu'il y a de par le monde une espèce de sorcier qui a le privilège de s'introduire auprès d'elle le jour comme la nuit, sans qu'on sache par où ni comment?

– Richelieu! C'est vrai, s'écria la duchesse de Berry; Richelieu peut nous tirer d'affaire. Mais…

– Mais… Achevez, madame, je vous supplie! Mais il ne voudra pas, peut être.

– J'en ai peur, répondit la duchesse.

– Oh! je le prierai tant, qu'il aura pitié de moi, s'écria Bathilde. D'ailleurs, vous me donnerez un mot pour lui n'est-ce pas? Votre Altesse aura cette bonté, et il n'osera refuser ce que lui demandera Votre Altesse.

– Faisons mieux que cela, dit la duchesse. Riom, faites appeler madame de Mouchy; priez-la de conduire elle-même mademoiselle chez le duc. Madame de Mouchy est ma première dame d'honneur, mon enfant, continua la duchesse tandis que Riom accomplissait l'ordre qu'il venait de recevoir, et on assure que monsieur de Richelieu lui doit quelque reconnaissance. Vous voyez donc que je ne puis vous choisir une meilleure introductrice.

– Oh! merci, madame, s'écria Bathilde en baisant les mains de la duchesse, merci! Oui, vous avez raison, et tout espoir n'est pas encore perdu. Et vous dites que monsieur le duc de Richelieu a un moyen de s'introduire au Palais Royal?

– Un instant, entendons-nous: je ne le dis pas, on le dit.

– Ô mon Dieu! dit Bathilde, pourvu que nous le trouvions chez lui!

– Ceci, par exemple, ce sera une chance. Mais oui. Quelle heure est-il? Huit heures à peine? Oui, il soupe probablement en ville et rentrera pour faire sa toilette. Je dirai à madame de Mouchy de l'attendre avec vous. N'est-ce pas, charmante? continua la duchesse en apercevant sa dame d'honneur et en la saluant du nom d'amitié qu'elle avait l'habitude de lui donner, n'est ce pas que tu attendras le duc jusqu'à ce qu'il rentre?

– Je ferai tout ce qu'ordonnera Votre Altesse, dit madame de Mouchy.

– Eh bien! je t'ordonne, entends-tu? je t'ordonne d'obtenir du duc de Richelieu qu'il introduise mademoiselle près du régent, et je t'autorise à user, pour le décider, de toute l'autorité que tu peux avoir sur son esprit.

– Madame la duchesse va bien loin, dit en souriant madame de Mouchy.

– Va, va, dit la duchesse, fais ce que je te dis; je prends tout sur mon compte. Et vous, mon enfant, bon courage! suivez madame, et si vous entendez dire sur votre chemin par trop de mal de cette pauvre duchesse de Berry, à qui on en veut tant, parce qu'elle a reçu un jour les ambassadeurs sur un trône élevé de trois marches, et qu'elle a traversé un autre jour tout Paris escortée de quatre trompettes, dites à ceux qui crieront anathème sur moi, que je suis une bonne femme au fond; que malgré toutes les excommunications, j'espère qu'il me sera remis beaucoup, parce que j'ai beaucoup aimé, n'est-ce pas, Riom?

– Oh! madame, s'écria Bathilde, je ne sais si l'on dit du bien ou du mal de vous, mais je sais que je voudrais baiser la trace de vos pas, tant vous me semblez bonne et grande!

– Allez, mon enfant, allez. Si vous manquiez monsieur de Richelieu, il est probable que vous ne sauriez où le trouver, et que vous attendriez inutilement qu'il rentrât.

– Puisque Son Altesse le permet venez donc vite, madame, dit Bathilde en entraînant madame de Mouchy, car en ce moment, chaque minute a pour moi la valeur d'une année.

Un quart d'heure après, Bathilde et madame de Mouchy étaient à l'hôtel de Richelieu. Contre toute attente, le duc était chez lui. Madame de Mouchy se fit annoncer. Elle fut introduite aussitôt, et elle entra suivie de Bathilde. Les deux femmes trouvèrent monsieur de Richelieu occupé avec Raffé, son secrétaire, à brûler une foule de lettres inutiles, et à en mettre quelques autres à part.

– Eh! bon Dieu! madame, dit le duc en apercevant madame de Mouchy, et en venant à elle le sourire sur les lèvres, quel bon vent vous amène, et à quel événement dois-je cette bonne fortune de vous recevoir chez moi à huit heures et demie du soir?

– Au désir de vous faire faire une belle action, duc.

– Ah! vraiment! en ce cas pressez-vous, madame.

– Est-ce que vous quittez Paris ce soir, par hasard?

– Non, mais je pars demain matin pour la Bastille.

– Quelle est cette plaisanterie?

– Je vous prie de croire, madame, que je ne plaisante jamais quand il s'agit de quitter mon hôtel, où je suis très bien, pour celui du roi, où je suis très mal. Je le connais, c'est la troisième fois que j'y retourne.

– Mais, qui peut vous faire croire que vous serez arrêté demain?

– J'ai été prévenu.

– Par une personne sûre?

– Jugez-en.

Et le duc présenta une lettre à madame de Mouchy, qui la prit et qui lut:

«Innocent ou coupable, il ne vous reste que le temps de prendre la fuite. Demain vous serez arrêté; le régent vient de dire tout haut devant moi qu'il tenait enfin le duc de Richelieu.»

– Croyez-vous que la personne soit en position d'être bien informée?

– Oui, car je crois reconnaître l'écriture. Vous voyez donc bien que j'avais raison de vous dire de vous presser. Maintenant, si c'est une chose qui puisse se faire dans l'espace d'une nuit, parlez; je suis à vos ordres.

– Une heure suffira.

– Dites donc alors. Vous savez, madame, que je n'ai rien à vous refuser.

– Eh bien! dit madame de Mouchy, voici la chose en deux mots. Comptiez-vous aller remercier ce soir la personne qui vous a donné cet avis?

– Peut-être, dit en riant le duc.

– Eh bien! il faut que vous lui présentiez mademoiselle.

– Mademoiselle! dit le duc étonné en se retournant vers Bathilde, qui jusque-là s'était tenue en arrière et cachée à demi dans l'obscurité. Et quelle est mademoiselle?

– Une pauvre jeune fille qui aime le chevalier d'Harmental qu'on doit exécuter demain, comme vous savez et qui veut demander sa grâce au régent.

– Vous aimez le chevalier d'Harmental, mademoiselle? dit le duc de Richelieu s'adressant à Bathilde.

– Oh! monsieur le duc! balbutia Bathilde en rougissant.

– Ne vous cachez pas, mademoiselle; c'est un noble jeune homme, et je donnerais dix ans de ma vie pour le sauver moi-même. Et croyez-vous au moins avoir quelque moyen d'intéresser le régent en sa faveur?

– Je le crois, monsieur le duc.

– Eh bien! Soit. Cela me portera bonheur. Madame, continua le duc en s'adressant à madame de Mouchy, retournez vers Son Altesse Royale, mettez mes humbles hommages à ses pieds, et dites-lui de ma part que mademoiselle verra le régent dans une heure.

– Oh! monsieur le duc! s'écria Bathilde.

– Décidément, mon cher Richelieu, dit madame de Mouchy, je commence à croire, comme on le dit, que vous avez fait un pacte avec le diable pour passer par le trou des serrures, et je suis moins inquiète maintenant, je l'avoue, de vous voir partir pour la Bastille.

– En tout cas, dit le duc, vous savez madame, que la charité ordonne de visiter les prisonniers. Si, par hasard, il vous restait quelque souvenir du pauvre Armand…

– Silence, duc; soyez discret, et l'on verra ce que l'on peut faire pour vous.

En attendant, vous me promettez que mademoiselle verra le régent?

– C'est chose convenue.

– En ce cas, adieu, duc, et que la Bastille vous soit légère!

– Est-ce bien adieu que vous me dites?

– Au revoir.

– À la bonne heure!

Et le duc, ayant baisé la main de madame de Mouchy, la conduisit vers la porte; puis revenant vers Bathilde:

– Mademoiselle lui dit-il, ce que je vais faire pour vous, je ne le ferais pour personne. Le secret que je vais confier à vos yeux, c'est la réputation, c'est l'honneur d'une princesse du sang; mais l'occasion est grave et mérite qu'on lui sacrifie quelques convenances. Jurez-moi donc que vous ne direz jamais, excepté à une seule personne, car je sais qu'il est des personnes pour lesquelles on n'a point de secrets, jurez-moi donc que vous ne direz jamais ce que vous allez voir, et que nul ne saura, excepté lui, de quelle façon vous êtes entrée chez le régent.

– Oh! monsieur le duc, je vous le jure, par tout ce que j'ai de plus sacré au monde, par le souvenir de ma mère!

– Cela suffit, mademoiselle, dit le duc en tirant le cordon d'une sonnette.

Un valet de chambre entra.

– Lafosse, dit le duc, fais mettre les chevaux bais à la voiture sans armoiries.

– Monsieur le duc, dit Bathilde, si vous ne voulez pas perdre de temps, j'ai un carrosse de louage en bas.

– Eh bien! cela vaut encore mieux. Mademoiselle, je suis à vos ordres.

– Irai-je avec monsieur le duc, demanda le valet de chambre.

– Non, c'est inutile, reste avec Raffé, et aide-le à mettre de l'ordre dans tous ces papiers. Il y en a plusieurs qu'il est parfaitement inutile que Dubois voie.

Et le duc, ayant offert son bras à Bathilde, descendit avec elle, la fit monter dans la voiture, et après avoir ordonné au cocher de s'arrêter au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de Richelieu, se plaça à son côté, aussi insoucieux que s'il n'eût pas su que ce sort auquel il allait essayer de soustraire le chevalier, l'attendait lui-même peut-être dans quinze jours.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
620 s. 1 illüstrasyon
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