Kitabı oku: «Le Visage de la Mort», sayfa 10

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Elle saisit et assembla à la hâte les dossiers de chaque victime dans l’ordre, prenant les notes des scènes de crime, les rapports des médecins légistes sur tous les corps sauf le dernier, et la photographie qui montrait le mieux la scène complète. En les voyant toutes côte à côte ainsi, il était on ne peut plus évident qu’il y avait un lien. Les deuxièmes bouches béantes sur leurs gorges, toutes des mêmes largeurs et profondeurs au millimètre près, la pression appliquée exactement au même degré à chaque fois.

Toutes l’œuvre de la même paire de mains. Des mains qui, encore alors, serraient un volant, conduisant le tueur à la destination où il rencontrerait sa prochaine victime. Zoe observa la carte sur le mur, assimilant la courbe. Elle vit les villes qui pourraient être sur sa route. Elle se concentra sur une zone précise, la zone où il était probable que la courbe continue — une ville rurale, seulement quelques bâtiments, une étape sur la route.

Personne n’y mourrait ce soir-là. Pas si elle pouvait y faire quelque chose.

Un adjoint arriva et frappa à la porte de la salle d’enquête d’un air hésitant, un sac en papier marron à la main.

— Entrez, dit Shelley en lui souriant. C’est le déjeuner ?

— Le shérif a dit que je devrais vous apporter quelque chose, dit-il, s’arrêtant de nouveau avant d’entrer dans la pièce, comme s’il traversait une ligne interdite. Je ne savais pas ce que vous aimez alors je vous ai pris plusieurs sandwiches différents. Et aussi quelques pâtisseries.

— C’est très gentil, sourit Shelley en lui prenant le sac.

— C’est l’heure du déjeuner ? demanda Zoe, levant les yeux vers l’horloge démodée sur le mur.

Elles commençaient à manquer de temps. Elle pouvait compter sur une seule main le nombre d’heures qu’il restait avant qu’il essaye de tuer de nouveau. Il y aurait assurément un autre corps avant minuit — à moins qu’elle ne parvienne à le trouver avant.

Zoe remercia l’adjoint et prit un sandwich au hasard, n’ayant que faire duquel elle prenait. Il s’avéra être un sandwich au fromage fondant et à la tomate, un fait qu’elle considéra à peine excepté pour noter que le pain faisait un virgule vingt-sept centimètre d’épaisseur, que les tranches ne représentaient que deux tiers d’une tomate et que le beurre était étalé de façon irrégulière de chaque côté de l’intérieur. Quoi que ce fût, c’était délicieux pour un cerveau qui avait besoin de carburant.

Les dossiers devant elle capturèrent son attention, les nombres à présent encore plus évidents qu’ils ne l’étaient auparavant. Elle vit en un coup d’œil leurs tailles, leurs âges, leurs salaires annuels, l’année où elles avaient fini le lycée — ou échoué aux examens de fin d’année —, le nombre de personnes à leur charge, la longueur de leurs cheveux en millimètres. Rien de tout cela ne donnait de lien quelconque ou de séquence.

Zoe faisait chou blanc, mais ce n’était pas nécessairement une mauvaise chose. C’était un signe qu’elle était sur la bonne voie. Écarter l’idée d’un lien entre les victimes signifiait que son instinct était correct et que c’était le lieu qui importait. Elle en était à présent plus sûre que jamais. Les vingt minutes supplémentaires qu’elle avait mises à s’en assurer en valaient la peine — et la preuve se trouvait chez leur dernière victime, la jeune femme identifiée comme s’appelant Rubie.

Pourquoi le tueur aurait-il été si en colère après la femme qui s’était enfuie qu’il lui avait mis un coup de pied, même après qu’elle fut morte ? Cela n’avait pas de sens — pas si l’on ne voyait pas comment il réfléchissait. Si l’on regardait la scène du point de vue de n’importe qui d’autre, on pourrait dire qu’il était simplement assez frustré, stupide ou mesquin pour prendre du plaisir à mettre un coup de pied à un cadavre. Des attitudes qui n’étaient représentées dans aucune des autres scènes de crime.

Zoe se mit à sa place. Si elle était le tueur, pourquoi serait-elle aussi énervée ? Qu’est-ce qui pourrait bien l’énerver tant dans le fait d’obtenir ce qu’elle voulait ?

À moins que, bien sûr, à moins qu’elle n’eût pas entièrement obtenu ce qu’elle voulait.

Cela devait être cela. Et ce fut ainsi que Zoe comprit.

La réponse était simple. Ce n’était pas parce qu’elle s’était débattue — elles s’étaient toutes débattues, autant qu’elles le pouvaient, parfois seulement en s’agitant et en tentant de respirer. Ce n’était pas simplement parce qu’elle s’était enfuie ou par crainte qu’elle ne meure pas — elle était déjà morte le temps qu’il la trouve dans les bois.

Non, c’était parce qu’elle avait ruiné sa séquence. Zoe le voyait à présent, aussi clairement que le rayon de soleil lumineux qui traversait les fenêtres du couloir et formait un carré jaune brillant sur le mur opposé et leur chevalet et qui rendait presque impossible de lire le profil écrit dessus.

Zoe n’avait plus besoin du profil. Elle savait ce qu’elle regardait à présent.

Un homme qui vivait pour les séquences, qui vivait et mourrait selon elles. Ou plutôt qui tuait selon elles. La séquence était ce qui importait le plus à ses yeux. Ce qui signifiait que la courbe sur la carte n’était pas simplement une courbe ; c’était un message.

Un message que Zoe était à présent déterminée à comprendre.

Une sonnerie stridente retentit depuis le téléphone sur le mur, interrompant ses pensées. Shelley se leva pour répondre sans qu’elle le lui demande, ce qui était une autre raison pour laquelle Zoe commençait à beaucoup l’apprécier.

— Vraiment ?

Quelque chose dans le ton de Shelley, sa brusquerie, fit que Zoe leva les yeux et écouta attentivement.

— C’était quand ? … Et vous venez tout juste de trouver la correspondance dans le système ? D’accord, oui. Pourriez-vous tout nous faxer dès que possible ? Merci.

Elle raccrocha le téléphone et se tourna vers Zoe, les yeux écarquillés.

— Il y a une autre victime. Le meurtre date d’il y a cinq jours, mais le département de police local vient seulement d’entrer les données dans le système et a vu la ressemblance avec nos affaires. On dirait que ça pourrait être son premier meurtre.

Zoe sauta de son siège et se dirigea vers la carte accrochée au mur.

— Où ?

C’était la seule question qui importait à présent. Le « qui » n’avait pas d’importance. Le « comment » était évident — tuée avec un garrot, autrement le système n’aurait jamais signalé la correspondance. Le « pourquoi » devenait de plus en plus clair à chaque pas qu’elles faisaient.

C’était le « où » qui pouvait tout dévoiler.

Shelley courut vers le fax et saisit la première feuille de papier qu’il crachait en toute hâte. Elle lut rapidement la page, criant le nom de la ville dès qu’elle le trouva.

Zoe parcourut la carte à la recherche de quelque chose le long de la ligne droite ou même de la légère courbe qu’elle savait à présent qu’elle était. Où était cette ville ? Elle parcourut les noms encore et encore sans la voir, se demandant où elle pouvait bien être.

Elle recula, faisant un signe en direction de la feuille et la prenant des mains de Shelley afin de pouvoir l’examiner elle-même. Le nom de l’endroit était correct. Alors pourquoi ne se trouvait-il pas là où il était censé être ?

Zoe leva les yeux et, tandis qu’elle s’orientait, son regard se posa sur une autre partie de la carte et le nom lui sauta aux yeux. Là. Mais absolument pas à l’endroit auquel elle s’était attendue. C’était bien trop sur le côté, loin au-dessus de la dernière punaise. Zoe enfonça une nouvelle punaise dans le mur et s’éloigna de nouveau afin de tout assimiler.

Et combien elle se sentait stupide en cet instant, à présent qu’elle disposait de tous les indices.

Ce qu’elle avait d’abord pris pour une ligne droite avec quelques écarts maladroits et ensuite pour une courbe n’était en fait ni l’un ni l’autre. Le virage était trop droit pour être précisément décris comme étant une courbe. C’était plutôt une forme, une forme qui devait être complétée.

Mais le trait restait trop droit pour former un cercle. Si les points de données venaient à former une boucle fermée, elle devrait être écrasée et décentrée, une chose étrange et déformée. La séquence comptait bien trop aux yeux du tueur pour qu’il fasse ce genre d’erreur. Non, ce n’était pas un cercle.

C’était une spirale — ou cela allait en être une, une fois qu’il aurait terminé.

Un peu écrasée, un peu étirée, mais c’était une spirale.

Comment avait-elle pu rester si longtemps sans le voir ? Rubie n’aurait pas eu à mourir si Zoe avait calculé que le prochain endroit serait quelque part le long de cette autoroute. Elles auraient pu y faire stationner des voitures, des chiens et des hélicoptères. Elles auraient pu coincer le tueur, même si sa spirale avait trop dévié d’une vraie forme mesurée pour correspondre complètement à ses estimations.

Mais cela correspondait-il à ce qu’elle pensait ? S’il était si focalisé sur la séquence, permettrait-il réellement qu’elle soit si imparfaite ? Cela ne semblait pas logique aux yeux de Zoe.

Les victimes n’avaient pas d’importance et elles n’en avaient jamais eu. Leur tueur se contentait de trouver quelqu’un au bon endroit et au bon moment — pour ce qu’il avait à faire, du moins — et de transformer cette personne en un repère sur la carte. Si les victimes n’avaient pas d’importance et le tueur était si en colère après sa dernière victime pour s’être enfuie, alors…

Zoe sortit la punaise des bois, où le corps avait été trouvé, et la planta au tout début de la voie d’accès. À l’endroit où il avait attaqué.

— Shelley, est-ce que la victime a été trouvée morte à l’endroit où l’attaque a eu lieu ? demanda-t-elle d’une voix pressante.

Celle-ci parcourut les autres pages que le fax crachait toujours et fronça les sourcils.

— Attends, laisse-moi… Hmm… Non, on ne dirait pas. L’homme a été trouvé à l’extérieur d’une ferme — attends, l’homme ? Ça n’est pas en accord avec ses habitudes.

— Non, ce n’est pas vrai, dit impatiemment Zoe. Allez. Où est-ce qu’il a été attaqué ?

— Dans le domaine de la ferme, répondit Shelley, s’approchant et mettant le doigt sur la carte. Ici. On dirait qu’il s’est enfui.

Zoe déplaça la punaise rouge, seulement un petit peu. Mais une fois qu’elle l’eut déplacée, la spirale devint plus soignée, plus mesurée, plus alignée avec ce à quoi elle aurait pu s’attendre. Il s’avérait qu’elles regardaient mal depuis le tout début. Ce n’était pas les endroits où les corps étaient trouvés qui importaient. C’était les endroits où les attaques avaient eu lieu — les endroits spécifiques et précis où le tueur avait voulu que les corps se trouvent.

Le téléphone sonna à nouveau, quelque part à la périphérie de l’attention de Zoe. Elle l’ignora, laissant Shelley s’en charger. Cela n’avait pas d’importance pour le moment. L’important, c’était la séquence.

Il n’avait pas attendu que l’employée de la station-service tourne à l’angle car il avait voulu la distraire, ou lui donner un faux espoir ou parce que ce n’était qu’un jeu. Il l’avait attaquée à cet endroit car il le devait, autrement, sa spirale ne fonctionnerait pas.

À vrai dire, maintenant qu’elle la regardait, Zoe dirait que la spirale était parfaite. Rien n’avait été fait par erreur et il n’y avait aucune déviation. C’était une spirale parfaite du même genre que celles qui pouvaient être trouvées partout dans la nature, une spirale de Fibonacci, l’espacement diminuant d’un ratio précis jusqu’à atteindre un point final.

Cela signifiait deux choses. La première était encourageante : les meurtres prendraient fin.

La deuxième l’était moins.

C’était que trois autres meurtres étaient nécessaires afin de compléter la spirale.

CHAPITRE SEIZE

Zoe attendit que Shelley finisse son appel, cette dernière réglait les derniers détails et parlait du corps qu’ils venaient de trouver. Toutes sortes de pensées se bousculaient dans l’esprit de Zoe, des calculs et des souvenirs des scènes de crime précédentes, des choses qui se liaient et qui avaient beaucoup plus de sens. Elle vit la distance entre les scènes de crime, une distance qui diminuait à chaque fois, brosser l’image qu’elle aurait dû voir depuis le début.

Shelley raccrocha le téléphone et retourna au niveau du fax, n’ayant de toute évidence pas conscience de la fulguration qui submergeait Zoe depuis de longues minutes.

— J’ai trouvé, souffla enfin Zoe pour attirer son attention tout en fixant la carte dans un mélange d’émerveillement et d’horreur. Je sais où il va frapper ensuite.

— Quoi ? demanda Shelley en levant les yeux, abandonnant sa tentative pour rassembler toutes les feuilles qui avaient enfin arrêté de sortir du fax. Mais je ne t’ai même pas encore donné le reste des détails. Et si ce n’est pas une de ses victimes ?

— C’en est une, répondit Zoe.

— Mais c’est un homme — ce n’est pas en accord avec son profil. La plupart des tueurs choisissent des victimes du même sexe ou de la même ethnie. Ils ne visent qu’une seule chose et ne s’en détournent pas.

— Shelley, dit Zoe, se tournant et faisant un signe en direction des chaises. Je sais qu’ils racontent ce genre de choses pendant la formation. Les statistiques, les règles générales que suivent les tueurs. Mais crois-moi, c’est une de ses victimes. Je peux voir sa séquence à présent. Laisse-moi te l’expliquer.

Shelley s’assit, les yeux écarquillés et les bras croisés sur le bureau devant elle. Elle semblait complètement perplexe, bien que Zoe ne pût dire si c’était à cause de ses découvertes ou de la façon dont elle lui avait parlé.

— Nous avons affaire à un schizophrène, commença Zoe, debout devant elle comme si elle faisait une présentation. Je crois qu’il se trouve dans une phase précise du développement de la schizophrénie appelée apophénie.

Shelley ouvrit son calepin et nota le mot.

— Que signifie « apophénie » ?

— Une personne atteinte d’apophénie est obsédée par les séquences et les motifs. Lorsqu’elle souffre de délire, elle peut avoir l’impression que les séquences ou les motifs lui parlent ou qu’ils sont un signe laissé par une puissance supérieure. Elle voit deux choses et crée un lien entre elles quand il n’y a rien de particulier à voir entre les deux choses.

— Donc, par exemple…

Shelley mâchouilla le bout de son stylo, les sourcils froncés comme si elle réfléchissait.

— Si je disais à voix haute que je ne sais pas quoi faire de ma vie et que tout de suite après je voyais un panneau publicitaire disant « Visitez Nashville », je croirais que Dieu me dit d’aller à Nashville.

— Bon exemple. Excepté que chez les schizophrènes, ça peut aller beaucoup plus loin. Ils se jettent sur les signes, les séquences et les motifs et ça les obsède complètement. Ils vouent leur vie à ces séquences. Ils peuvent aller se tenir sur une voie de chemin de fer et attendre qu’un train vienne les percuter car la séquence leur a dit de le faire.

— Ou ils peuvent tuer quelqu’un, dit doucement Shelley d’une petite voix.

Zoe marqua une pause, donnant à Shelley un moment de silence respectueux comme elle avait remarqué que d’autres faisaient dans des situations sérieuses, puis hocha la tête.

— Tout ce temps, on croyait qu’il nettoyait ses scènes de crime afin de nous empêcher de retrouver sa trace, qu’il était un tueur accompli et éduqué, quelqu’un qui avait assez de connaissances pour nous empêcher de l’attraper. Si je ne me trompe pas, il pourrait bien s’agir d’un simple effet secondaire chanceux de son besoin de garder la séquence intacte. Il s’efface lui-même, ainsi que toute trace qui pourrait dénaturer la séquence. C’est tout.

— Et donc, tu sais quelle est sa séquence ?

— Oui, répondit Zoe, s’approchant de la carte et désignant les punaises rouges. Regarde. Si on les suit dans l’ordre chronologique, on voit clairement le début d’une spirale. Une spirale parfaite, à vrai dire, basée sur la spirale de Fibonacci et le nombre d’or.

Shelley fronça les sourcils.

— C’est… attends, laisse-moi essayer de me rappeler. Ça a quelque chose à voir avec la nature, les ratios présents dans la nature ?

— Correct. C’est une suite de nombres qui définissent les ratios de nombreuses choses qui se produisent naturellement. On peut voir retrouver le nombre d’or dans la coquille des escargots, dans la façon dont les pétales poussent sur les fleurs, dans les phénomènes météorologiques comme les cyclones. Dans presque tout, à vrai dire. Pour une personne souffrant d’apophénie, c’est comme de l’herbe à chats. C’est l’obsession parfaite car on la trouve absolument partout.

— Mais ça veut dire qu’il doit continuer à tuer afin de finir sa spirale.

Zoe sortit trois nouvelles punaises et les planta aux endroits précis sur la carte qui devraient compléter la spirale.

— Trois fois. Dont une ce soir.

— Et ce sont les lieux, ajouta Shelley, glissant son stylo dans sa bouche pour en mâchouiller l’extrémité.

Ses yeux faisaient des allers-retours entre Zoe et la carte, comme si elle essayait de trouver une espèce de message secret caché.

— Nous devons donner l’alerte et rassembler une équipe pour surveiller l’endroit de ce soir.

— Attends, dit Shelley en secouant la tête. Est-ce que tu… es sûre de tout ça ? Je veux dire, tu as déplacé certaines des punaises. Et nous n’avons aucun vrai indice sur l’identité du tueur, et encore moins sur s’il souffre ou non de troubles psychologiques. On va mobiliser l’équivalent de la moitié des forces de l’ordre d’un État à un seul endroit en se basant sur le fait qu’il forme peut-être une spirale ? Et s’il ne faisait que se déplacer en cercle autour de chez lui, se rendant à un autre endroit chaque nuit et se rapprochant de plus en plus car il devient trop sûr de lui ?

Zoe devait l’admettre, la façon dont Shelley décrivait la chose avait du sens. Ce n’était pas une série télévisée où l’agent arrogant mais qui était aussi un génie pouvait mobiliser toutes les ressources du Bureau pour suivre une simple intuition. Elles avaient besoin de preuves, de preuves tangibles, ou sinon d’être réellement sûres que c’était possible. Elles avaient besoin de bien plus qu’une conjecture.

Mais ce n’était pas une simple conjecture. Il était seulement difficile de convaincre quelqu’un quand on était incapable d’expliquer exactement comment on savait ce qu’on savait.

— Il se déplacerait quand même dans la même direction.

Shelley haussa les épaules comme si un lourd fardeau pesait dessus.

— Je suis désolée, Z. Je sais que tu as plus d’expérience que moi. Mais je ne comprends pas comment tu es passée de cette carte au fait d’être aussi sûre de savoir où il frappera ensuite. Tu peux peut-être me l’expliquer ? Ça pourrait m’aider à m’améliorer. Je serais peut-être capable de voir la séquence la prochaine fois.

Zoe secoua vivement la tête. C’était inutile. Même si elle expliquait chaque petite chose qu’elle voyait sans aucun problème sur la carte, Shelley ne serait jamais capable de comprendre toute seule. Zoe ne pouvait pas enseigner le genre de capacité qu’elle possédait. Elle ne venait pas de son expérience. C’était simplement quelque chose dont elle était capable — et ce, depuis qu’elle était capable de réfléchir.

— Je ne peux pas l’expliquer plus clairement que je ne l’ai déjà fait.

Un pli barra le front de Shelley et Zoe se prépara. Et voilà, c’était le moment. Le point de rupture inévitable de tous les binômes dont elle avait fait partie depuis qu’elle avait rejoint le FBI. Shelley s’énerverait. Elle protesterait et essayerait de décourager Zoe de suivre la bonne route. Quand il s’avérerait que Zoe avait raison, elle l’accuserait d’être de connivence avec le meurtrier, d’une façon ou d’une autre. Ou elle l’accuserait d’être réellement impliquée ou d’avoir dissimulé des preuves qui auraient permis à n’importe qui d’autre d’arriver à la même conclusion qu’elle.

Elle crierait et hurlerait, appellerait leur chef et demanderait à être transférée. Et, aussi simplement que cela, Zoe se verrait attribuer un autre partenaire, une fois de plus.

C’était dommage. Elle avait commencé à vraiment apprécier Shelley. Elles s’étaient bien entendues jusqu’à présent, non ? Mais peu importe combien Zoe essayait d’interagir avec ses partenaires, de leur donner ce qu’ils semblaient vouloir, cela finissait toujours de la même façon. Elle ne savait pas comment calmer leurs doutes et les faire s’arrêter de crier. La vérité ne suffirait pas.

Elle ferait tout aussi bien d’en finir. Zoe prit une règle et un stylo et commença à tracer les lignes droites qui s’intersectaient entre toutes les punaises sur la carte. Elle les relia une par une, traçant une ligne d’encre sur les lignes qui étaient déjà visibles dans son esprit. Elle posa ensuite la règle et traça à main levée une spirale qui reliait chaque ligne, une spirale de Fibonacci aussi parfaite que possible sans outils géométriques.

— Est-ce que tu le vois maintenant ? demanda-t-elle, enfonçant les trois punaises sur les lieux restants. Regarde. J’ai raison. Tu dois me faire confiance.

Elle se tourna et rencontra le regard de Shelley. Le visage de cette dernière n’était pas animé de colère ou de frustration comme elle s’y était attendue, elle y voyait plutôt une confusion impressionnée. Elle pouvait voir la séquence, c’était évident. Mais elle ne comprenait toujours pas comment Zoe était parvenue à la trouver, et elle ne le comprendrait jamais.

— On a les mêmes données, n’est-ce pas ? demanda doucement Shelley. Je n’arrive pas à le voir dans tous les documents. Je peux le voir sur la carte là, mais je ne sais pas comment tu en es arrivée là. Comment est-ce que tu as su que ces punaises formeraient une forme parfaite avec ces lignes ?

— Je ne te cache aucune information, dit sèchement Zoe.

Elle en avait déjà assez, elle voulait en finir. Elle voulait simplement que Shelley la ferme et la laisse alerter les autorités locales et mettre des gens en position pour la surveillance. Elles perdaient un temps précieux.

— On doit agir maintenant. Ne discute pas ce que je dis.

Shelley se leva et Zoe recula presque, prête à ce que la confrontation s’échauffe. Elle ne pouvait pas montrer de faiblesse, pas maintenant. Elle devait maintenir son assurance, se servir de sa position d’agent supérieur. Cela allait à l’encontre de tout ce qu’elle s’était dit de faire dans des situations normales, mais des vies étaient en jeu. Ses lèvres se pincèrent en une ligne droite et ferme, Zoe déterminée à ne pas céder.

Shelley vint se placer devant elle et s’assit sur le rebord de la table.

— Z… tout va bien, dit-elle. Je n’essaye pas de me disputer avec toi. Je veux seulement comprendre.

Zoe ne dit mot. En son for intérieur, cependant, sa détermination vacilla. Personne n’avait jamais réagi ainsi. À chaque fois qu’elle révélait un soupçon de son don — ou de sa malédiction, l’un ou l’autre —, elle était traitée avec suspicion et accusation. Personne ne réagissait ainsi. Personne n’avait l’expression douce et ouverte que Shelley lui adressait, la voix basse et les paroles d’encouragement.

— Tu peux voir quelque chose que je ne vois pas, d’une façon ou d’une autre, n’est-ce pas ?

Shelley inspira et tendit la main pour toucher le bras de Zoe.

— Le chef m’a prévenue que tu as eu de nombreux partenaires différents avant. Qu’ils t’ont appelée certaines choses, qu’ils t’ont accusée. Je ne suis pas là pour faire ça. Tu peux me le dire et je ne vais pas demander à être transférée. J’aime travailler avec toi.

Zoe hésita, baissant les yeux vers la main chaleureuse de Shelley sur son bras. Un geste de réconfort ; un geste qui avait quelque chose de maternel. Non pas que Zoe eût eu de véritable expérience de la façon dont une mère était censée se comporter, mais elle pouvait deviner que cela devait être ainsi. Comme les mères dans les vieux sitcoms qui présentaient le rameau d’olivier à leurs adolescents déconcertés et frustrés.

C’était peut-être la comparaison qui la faisait se sentir de nouveau jeune et sans défense. C’était peut-être simplement le fait que Shelley semblait sincère, comme si elle accepterait vraiment Zoe sans retenue. Ou c’était peut-être tout simplement les lignes presque symétriques sur son visage, les angles et les axes rassurants que Zoe voyait dans les nombres qui recouvraient sa peau. Quoi que ce fût, quelque chose fit que Zoe ouvrit la bouche et se mit à parler.

— J’ai un problème, commença-t-elle. Qui fait que je vois les choses… différemment.

— C’est-à-dire ? Comme… quelqu’un qui souffre d’apophénie ?

De la part de n’importe qui d’autre, cela aurait pu sonner comme une accusation. Zoe se serait attendue à ce que d’autres veulent l’envoyer à l’asile, la faire renvoyer du Bureau. Mais Shelley cherchait seulement à comprendre, sans juger.

— Pas tout à fait. Les séquences que je vois sont réelles. Il n’y a pas que des séquences, bien qu’elles en fassent partie. Je vois le monde sous forme de nombres. Je peux te dire la distance entre les punaises sur la carte ou la mesure des angles entre elles sans rien mesurer. De là, la séquence suit.

— Qu’est-ce que tu peux voir d’autre ?

Le ton de Shelley était teinté d’émerveillement et d’enthousiasme. Des émotions positives, Zoe en était certaine. Pas la négativité qu’elle entendait habituellement. Elle se préparait quand même à un changement soudain, à ce que son sourire se transforme en colère et en ressentiment. Elle continua malgré tout.

— Tout, dit-elle, en faisant des gestes éperdus.

Il était difficile de tout expliquer complètement à quelqu’un qui n’en avait jamais fait l’expérience. C’était comme essayer d’expliquer les couleurs à quelqu’un qui ne voyait qu’en noir et blanc.

— Je sais combien de millimètres font que ton visage n’est pas parfaitement symétrique. Je compte les chaises et les bureaux dans la salle de briefing dès que j’y entre, instantanément. Je peux voir des empreintes dans le sable et connaître la taille et le poids du suspect ainsi que la vitesse à laquelle il court. Un coup de couteau me donne les dimensions de la lame. Je vois les nombres dans tout.

Shelley resta silencieuse un moment, assimilant tout. Zoe voulait fermer les yeux. Voilà — c’était le moment où Shelley se retournerait contre elle. Cela allait commencer, ce n’était que le calme avant la tempête.

— Waouh, souffla Shelley. C’est incroyable, Z. Tu as vraiment un don.

Zoe cligna des yeux.

— Je veux dire, c’est incroyable. Pas étonnant que tu sois aussi douée pour attraper des gens. Avec un aussi bon taux d’affaires résolues, je me suis demandée pourquoi tu n’arrivais pas à garder de partenaires. Je pensais que tu devais être arrogante ou quelque chose du genre, mais ça ? dit Shelley en secouant la tête, un sourire se dessinant soudain sur ses lèvres et illuminant son visage. Tu peux faire tant de choses avec un don comme celui-ci. Sauver tant de gens.

Zoe attrapa une chaise et s’assit, le souffle coupé.

— Tu n’es pas en colère après moi ?

Shelley rit à moitié et tendit la main pour lui toucher de nouveau le bras.

— Non, Z. Pourquoi est-ce que je serais en colère ?

Un moment passa et quelque chose traversa l’expression de Shelley, quelque chose que Zoe ne put pas lire.

— Oh. Parce que… parce qu’on t’a fait te sentir comme si tu étais… différente ? Dans le mauvais sens du terme ?

Zoe étudia ses propres mains et baissa la tête.

— Ma mère a dit que c’était un don du diable.

— Ce n’est pas vrai, répondit Shelley. Je sais que ce n’est pas vrai. Doux Jésus, pas étonnant que tu n’aimes pas les chrétiens. Je veux dire — excuse l’expression.

Zoe dut rire, même si ce ne fut qu’un petit rire bas.

La tension dans la pièce avait disparu et Shelley regardait la carte avec une compréhension renouvelée.

— On doit s’occuper de ça immédiatement, dit-elle. Tu es la seule personne qui puisse probablement comprendre comment pense le tueur. Une fois qu’on l’aura expliqué pendant le briefing, tout le monde sera d’accord.

Zoe releva brusquement la tête.

— Tu ne peux en parler à personne, dit-elle. Tu ne peux pas raconter ce que tu sais sur moi. Ça reste entre nous, en tant que partenaires. Personne d’autre ne peut le savoir.

Shelley hésita, mais elle croisa le regard de Zoe et hocha la tête.

— Promets-le-moi, dit cette dernière.

Shelley s’humecta les lèvres avant de répondre.

— Je te le promets. Il va falloir réfléchir à un moyen de présenter cela d’une façon qui ait du sens sans que les gens sachent ce que tu peux voir, mais je ne dirais rien. Tant que tu me promets quelque chose, toi aussi.

— Quoi ?

— Ne me cache rien. Si tu parviens à voir quelque chose, dis-le-moi, dit Shelley ; elle secoua la tête bien que son visage restât souriant. Je viens de repenser au gars qu’on a attrapé l’autre jour, dans le désert. Comment tu as su où il serait et que tout le monde croyait que tu avais tort. Tu pouvais le voir, n’est-ce pas ?

— Comme le nez au milieu de la figure, répondit Zoe avant de prendre une profonde inspiration. D’accord. Je promets de tout te dire en ce qui concerne nos enquêtes à partir de maintenant.

La clarification était nécessaire. Zoe ne voulait pas promettre à Shelley de littéralement tout lui dire. Cela aurait été trop.

— On se sert la main, partenaire ? demanda Shelley en tendant la main, une lueur dans les yeux.

Zoe lui serra la main et l’accord fut conclu.

— Maintenant, allons chercher des cartes plus précises afin de pouvoir commencer à chercher les coordonnées exactes de l’endroit que nous devons surveiller, dit Shelley, se levant et se dirigeant déjà vers l’ordinateur.

* * *

Zoe finit la dernière ligne plus d’une heure plus tard, éloignant sa règle et examinant son travail. Il était soigné et précis, exactement comme il le fallait. Pas une seule erreur. Zoe avait toujours été précise. Ce n’était pas si difficile quand on voyait déjà les lignes, les angles et les calculs sur la page devant soi avant de les tracer à l’encre.

Yaş sınırı:
0+
Litres'teki yayın tarihi:
15 nisan 2020
Hacim:
291 s. 2 illüstrasyon
ISBN:
9781094305639
İndirme biçimi:
Metin
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