Kitabı oku: «Le Visage de la Mort», sayfa 9

Yazı tipi:

CHAPITRE QUATORZE

Zoe laissa Shelley prendre le siège conducteur et s’assit à côté d’elle, réfléchissant. Des nombres et des chiffres et des courbes. Se pouvait-il réellement que ce soit vrai ? Pouvait-elle avoir mal interprété les signes tout ce temps ?

La voiture progressa sur des routes de campagne et des chemins de terre, suivant le chemin le plus rapide selon les indications du shérif. Il ouvrait la voie dans un vieux véhicule de police qui avait clairement connu de meilleurs jours et n’hésitait pas à ne pas ménager la suspension ou les pneus. Étant un véhicule de location, leur voiture ne pouvait pas vraiment subir le même traitement.

Zoe regarda le paysage défiler par la fenêtre, agrippant sa ceinture au niveau de sa poitrine. Elle avait toujours un peu le mal des transports quand elle était passagère. Éloigner un peu la ceinture de son cou aidait.

Elles tournèrent pour pénétrer sur une autoroute. Une grande zone rocailleuse et couverte de terre suivie d’arbres la longeait. Il était évident que le travail des humains et des machines avaient dégagé cet espace. Aucun arbre ne poussait en lignes droites et régulières dans la nature. Les motifs de la nature étaient les cercles et les spirales. Se pourrait-il que leur tueur y puise son inspiration ?

La présence de deux voitures de police du poste du shérif leur indiqua leur destination avant que le shérif ne quitte la route et n’arrête son propre véhicule à côté. Shelley poussa un soupir de soulagement sonore, relâchant sa prise sur le volant.

— Rappelle-moi de ne jamais monter en voiture avec cet homme, dit-elle en secouant la tête tandis qu’elle s’arrêtait doucement sur la bande d’arrêt d’urgence, assez loin de la circulation.

Zoe sauta de la voiture, impatiente de voir le corps. Elle voulait voir comment celui-ci avait été laissé. Leur première occasion de trouver un vrai corps toujours en position, avant que la scène de crime n’ait été enregistrée et que la victime n’ait été emmenée chez le médecin légiste. Il devait sûrement y avoir plus d’indices ici. Des choses que les enquêteurs n’auraient pas vues. Des choses que seules Zoe pouvait remarquer.

Deux hommes d’âge moyen blafards, vêtus de tenues de chasse marron et vert ternes, étaient appuyés contre le capot d’une des voitures de police. Le shérif fonça droit sur eux, suivi de près par Zoe qui jeta un coup d’œil derrière elle pour s’assurer que Shelley était avec elle.

— Shérif, voici les deux chasseurs qui ont trouvé le corps, disait le jeune adjoint. Ils sont un peu secoués, mais ils n’ont pas vu grand-chose.

— Vous n’avez vu personne d’autre dans les bois ? demanda sèchement Zoe, interrompant la réponse marmonnée du shérif.

Les chasseurs la regardèrent avec des yeux écarquillés avant de lancer un regard déconcerté en direction du shérif. Zoe sortit sa plaque de sa poche et la montra d’un geste impatient afin qu’ils puisse voir par eux-mêmes qu’elle travaillait pour le FBI.

— On n’a rien vu ou entendu, dit l’un des hommes. On était dans les bois depuis le petit matin, assis à attendre en silence. On écoutait pour entendre les animaux. On aurait entendu s’il s’était passé quelque chose pas loin.

— Comment est-ce que vous avez trouvé le corps ? demanda Zoe.

— On rangeait pour rentrer chez nous, expliqua l’autre avec un sourire triste. On n’a rien attrapé. Les oiseaux n’arrêtaient pas de brailler. On s’est dit qu’ils avaient dû comprendre qu’on était là et qu’ils n’allaient laisser aucun autre animal s’approcher de nous sans les prévenir. Ils se calment en général, mais pas ceux-là. Alors au bout de quelques heures, on s’est dit qu’il valait mieux partir.

— C’est là qu’on a vu le renard, ajouta le premier chasseur. Le museau rivé au sol, il suivait quelque chose. Il a pris peur quand il nous a vus et s’est enfui dans l’autre direction, mais le soleil était levé donc on a pu voir ce qu’il regardait.

— Du sang, clarifia le deuxième. Partout sur le sol. Une traînée. De grosses giclées. On s’est dit que ça devait être un animal blessé au début. Mais quand on l’a suivi, pas loin, on a trouvé…

Les deux hommes se firent silencieux et regardèrent leurs pieds, revivant de toute évidence ce qu’ils avaient vu.

— Merci pour votre aide, messieurs, dit doucement Shelley tandis que Zoe s’éloignait lentement d’eux pour se diriger vers les arbres.

Elle n’avait pas besoin d’en entendre plus.

Elle n’avait pas à aller bien loin. Une série de drapeaux et de nombres était déjà installée, suivant un chemin sur le sol clairsemé en direction des arbres. Elle les suivit du regard et vit qu’ils menaient à une voie d’accès que le shérif avait évité d’emprunter, un endroit juste assez loin de l’autoroute pour ne pas trop attirer l’attention.

Zoe marqua une pause et fit demi-tour. Elle avait le pressentiment que la voie d’accès était l’endroit où tout avait commencé et elle voulait procéder par ordre chronologique. Disposer les nombres d’une façon qui avait du sens.

Il y avait une grande flaque de sang au niveau de la voie d’accès, une giclée qui avait dû venir de l’attaque initiale. Une poussée d’adrénaline forçant le cœur à battre plus vite ou peut-être un mouvement quand la femme avait repoussé le tueur. Ce n’était pas comme les autres meurtres — absolument pas. Zoe doutait même qu’il puisse s’agir de celui qu’elles cherchaient.

Elle regarda devant elle et vit les drapeaux — chacun d’entre eux placé à côté d’une tache de sang. Il y en avant tant. C’était une blessure profonde. L’espace entre elles, plusieurs centimètres à chaque fois, lui indiqua un mouvement rapide. La régularité de l’espacement entre les drapeaux était due, eh bien, aux battements du cœur.

Laisser une piste si évidente — juste à côté de traces de pneus qui pouvaient être analysées — cela ne ressemblait absolument pas à leur homme. Non seulement cela, mais la victime n’était non plus pas morte à l’endroit où il l’avait trouvée. Rien que cela était insolite en soi. Leur homme choisissait soigneusement ses victimes et elles n’avaient aucune chance de s’enfuir ou d’être découvertes. Il ne les cachait pas, confiant qu’il serait parti depuis longtemps avant que qui que ce soit ne se doute de sa présence.

Non, Zoe n’y voyait absolument pas sa patte. Elle suivit les taches de sang, certaines de simples coulées, d’autres de plus grandes flaques. Les calculs qui défilaient devant ses yeux lui montraient un cœur qui battait la chamade sous le coup de la panique, une fuite rapide, un trébuchement ici et là. Des mains qui avaient maintenu la plaie fermée au bout de quelques pas, limitant l’hémorragie de chaque côté sans l’arrêter complètement. Projetant occasionnellement quelques gouttes plus loin, créant un motif d’éclaboussures entièrement unique.

Bien que le sol fût ici trop sec et dur pour former des empreintes visibles, elle pouvait déterminer les pas grâce aux giclées et aux flaques de sang. Les giclées avaient été plus importantes à chaque fois que les pieds de la femme avaient touché le sol, projetées par l’impact. La gorge de la femme avait été coupée, le sang était tombé de haut et avait donc formé un motif plus large que si la blessure avait été plus bas sur le corps. La quantité indiquait une hémorragie artérielle, pas une simple blessure superficielle. Il n’était pas surprenant qu’elle soit morte. Elle avait déjà perdu tant de sang avant même d’atteindre les bois.

Le sang lui disait des choses, presque trop de choses pour qu’elle puisse tout assimiler en même temps. La distance : la femme avait couru penchée en avant, son cou n’était pas aussi loin du sol qu’il l’aurait été si elle avait eu le dos droit. L’espacement : la vitesse, très rapide, la course de quelqu’un qui craignait pour sa vie, et à juste titre. Deux millimètres, trois centimètres, cinq centimètres. Tous ces espacements racontaient une histoire de désespoir. Et la perte de sang créait une image, elle aussi, demi-litre par demi-litre ; Zoe comptait dans sa tête tout en marchant. Presque un litre entier avant même qu’elle ait pénétré dans les bois.

Les signes étaient plus clairs sous les arbres, bien que déformés à leur façon par les effets de la nature. Le paysage devint en trois dimensions, des taches de sang atterrissant sur les troncs des arbres, les racines à découvert, les pierres et les feuilles basses. Cela ne changeait rien aux nombres. Ils lui disaient toujours tout. Elle ajustait ses calculs pour une motte de terre de cinq centimètres de haut et calculait à quelle distance le cou de la femme se trouvait du sol. Elle savait qu’elle avait été loin de se tenir droite. Son corps s’effondrait vers l’avant alors qu’elle courait. Un litre et demi.

Zoe sentit comment la femme avait trébuché et était tombée, mais s’était relevée pour continuer à courir, comment elle s’était déplacée presque à quatre pattes à cet endroit, comment elle avait continué aussi loin que possible. Le motif créé par le sang était différent ici, le sang avait coulé d’une blessure à seulement trente centimètres, voire moins, du sol ; il ressemblait moins à une éclaboussure et plus à une coulée. Plus de traces d’éclaboussures. Deux litres, puis deux litres et demi.

Ensuite, elle était finalement tombée et Zoe était plongée dans les yeux écarquillés et obscènement vides d’une fille morte, son cou béant comme un deuxième sourire, ses mains serrant fermement l’ourlet de son t-shirt déchiré.

Zoe s’accroupit, ignorant l’adjoint qui était en poste à côté du corps et même la présence de Shelley qui arrivait derrière elle. Elle devait lire ces signes, découvrir ce qu’ils signifiaient, voir ce que tout le monde ratait. Était-ce son œuvre ? Ou non ?

La fille était allongée sur le dos, mais les taches de sang à côté d’elle racontaient une autre histoire. Elle s’était déplacée, ou avait été déplacée, d’une distance aussi large que son corps ; elle avait d’abord été allongée sur le ventre, ses mains agrippant sa gorge. Le sang avait giclé des deux côtés de son cou où la blessure ne pouvait pas être fermée, formant deux flaques qui avaient dû s’étendre sous elle comme des ailes macabres. D’après la largeur des flaques et ce qu’elle avait déjà vu, Zoe savait qu’elle avait perdu trop de sang pour survivre. Un litre de plus rien que dans les flaques. Elle était morte d’exsanguination.

Des ailes… Zoe regarda de plus près, ses yeux s’écarquillant lentement quand elle réalisa ce qu’elle regardait. Les flaques de sang étaient une représentation symbolique d’une tache utilisée dans un test de Rorschach, un motif dans une chose qui n’était pas vraiment un motif. C’était presque parfaitement symétrique, comme pour le fameux test. Cela signifiait quelque chose — elle le savait, elle le sentait au plus profond d’elle-même. Cela aurait eu une signification pour lui.

D’où venait-elle, cette certitude ? Il n’y avait eu aucun motif digne de ce nom sur les scènes de crime jusqu’à présent, n’est-ce pas ? Zoe repoussa cette pensée pour le moment, se concentrant sur le corps devant elle. Elle devait d’abord déterminer s’il s’agissait bien de leur tueur.

Le motif créé par le sang, la fine coupure à la gorge qui pourrait être due à un fil de fer tranchant, le choix de la victime et du lieu, le timing — c’était lui, après tout. Mais quelque chose s’était mal passé. Elle lui avait échappé et était parvenue à s’enfuir, quoique pas très loin. Elle s’était presque échappée. Il était normalement plus au contrôle.

Zoe pensa aux quelques traces de pas restantes sur la scène de crime de Linda, comment la femme pouvait voir son lieu sûr quand il avait passé son fil autour de sa gorge et l’avait tuée. Il était si au contrôle en temps normal. C’était une interruption de sa séquence, et ce n’était pas délibéré. La fille lui avait résisté. Zoe regarda son visage immobile et blême avec un rare éclat de compassion, songeant à quel point elle avait dû s’accrocher à la vie pour aller aussi loin.

La couleur lui dit autre chose : le temps qui s’était écoulé. Il avait attaqué exactement dans son créneau horaire habituel. Quand Zoe avait été en train de… quoi ? Lâcher des confessions à propos de son enfance difficile et de se sentir désolée pour elle-même ? En train de perdre ces précieuses heures qui auraient pu sauver la vie de cette femme ?

Le médecin légiste arriva et Zoe se mit sur le côté, le laissant commencer un premier examen. Les équipes d’enquête complètes vêtues de blouses blanches du centre-ville ne venaient pas en extérieur comme cela. Il n’y avait que le médecin légiste et sa mallette, et ils avaient de la chance. Zoe avait à peine besoin d’attendre qu’il finisse — elle savait exactement ce qu’ils leur diraient.

— Qu’est-ce que tu en penses ? demanda Shelley quand Zoe s’approcha.

Elle avait attendu à une certaine distance du corps, depuis un endroit où elle n’avait pas à le regarder — ou à le sentir.

— Est-ce que tu as eu l’occasion de bien regarder ? demanda Zoe, préférant poser une question plutôt que répondre.

Elle commençait à s’inquiéter que Shelley soit un peu trop sensible — qu’elle n’ait pas la force de faire face à une scène de crime. De plus, elle n’avait pas envie d’expliquer en détails ce qu’elle avait vue. Le médecin légiste pourrait s’en charger et permettre à Zoe de ne pas avoir à dire comment elle l’avait vue.

— Brièvement, acquiesça Shelley. On dirait que sa gorge a été coupée là-bas, sur la voie d’accès, mais qu’elle s’est échappée et enfuie. Elle s’est vidée de son sang ici. Enfin, je suppose. Je n’ai pas pu voir d’autres blessures.

— Moi non plus. Rien n’a fonctionné pour lui cette fois. Elle a failli s’échapper et, bien qu’il semble y avoir des traces qui ont été nettoyées près du corps, il n’a pas fini son nettoyage complet habituel. Je suppose que la police scientifique parviendra à récupérer plus d’indices ici qu’on en a jamais trouvé auparavant.

— Les traces de pneus et des empreintes, peut-être.

Zoe hocha la tête.

— Pas assez pour identifier sa voiture ou sa personne pour le moment. Mais un pas dans la bonne direction, une preuve à présenter quand on l’attrapera. Il semble se montrer plus désespéré.

Le médecin légiste s’approcha, roulant une paire de gants médicaux et les fourrant dans sa poche.

— J’ai fini mon examen initiale. Préliminaire, bien évidemment, en attendant que je puisse l’emmener à mon bureau pour mieux l’examiner. Là, je pourrai faire les tests nécessaires et commencer une enquête plus approfondie qui devrait révéler plus de détails que ce que je peux fournir pour le moment.

Zoe ferma les yeux, ignorant la voix du vieil homme. Il était le genre de personne qui ne dirait pas quelque chose en dix mots s’il pouvait plutôt le dire en cent. L’exact opposé du genre de personnes avec qui Zoe aimait discuter. Elle pensa plutôt à la scène de crime et au fait que tout était légèrement décalé.

Zoe déplaça mentalement le repère rouge sur la carte dans sa tête et le posant au nouveau lieu, un peu plus loin, mais toujours pertinent. La route était l’endroit où il avait tenté de la tuer et c’était cela l’important, pas l’endroit où elle était morte. Cela rapprochait un peu le repère de sa ligne droite, mais pas assez pour faire la différence. Cela devait être une courbe.

— Où étaient les contusions ? demanda Shelley, faisant se reconcentrer Zoe.

Le médecin légiste indiqua une zone sur son propre corps, au niveau des côtes et du ventre, sur le flanc gauche.

— Comme je disais, les contusions semblent avoir été infligées post mortem, il restait très peu de sang à ce moment. C’est tout ce que je peux obtenir d’un examen initial. Je dirais…

— De la colère, dit Zoe, l’interrompant. Il était en colère après elle, pour une raison ou pour une autre.

— Peut-être parce qu’elle s’est enfuie, suggéra Shelley.

— Mais elle était déjà morte quand il l’a rattrapée, dit Zoe. Il avait atteint son but. Alors pourquoi était-il si énervé ?

Shelley écarta les mains dans un geste muet et le médecin légiste reprit son monologue marmonné comme s’il n’avait jamais été interrompu.

Les idées se bousculaient dans la tête de Zoe. Il y avait plus de questions ici qu’elle n’en avait vues sur les autres scènes de crime — ce qui était ironique, quand c’était de réponses qu’elles avaient désespérément besoin à présent. Pourquoi avait-il choisi cette route comme lieu du meurtre, cette voie d’accès au milieu de l’autoroute sans rien d’autre autour ? Pas un parking ou un endroit normal pour rencontrer quelqu’un comme un sentier, comme pour ses autres crimes — pourquoi avoir changé ?

Et pourquoi, s’il avait déjà atteint son but de tuer la femme, avait-il été assez énervé pour perdre du temps à lui mettre un coup de pied — du temps qui lui avait fait défaut quand était venu le moment d’effacer ses empreintes ?

Non seulement cela, mais quelque chose d’autre ne cessait de tourmenter son esprit. Les flaques de sang du test de Rorschach. Les motifs. Pourquoi cela avait-il éveillé quelque chose dans son esprit, quelque chose qui lui avait donné la certitude qu’il s’agissait de son œuvre ? Si elle parvenait simplement à découvrir ce qui avait créé un lien entre cette image mentale et les autres scènes de crime, elle le coincerait.

L’idée déplaisante qu’il était peut-être comme elle, capable de lire les nombres, commença à prendre forme dans son esprit. C’était peut-être l’œuvre de quelqu’un avec la capacité diabolique de voir des choses que personne d’autre ne voyait.

Si tu trouves la séquence, tu trouves le tueur, se dit Zoe. Et il fallait qu’elle le trouve maintenant — avant qu’il ne tue à nouveau.

CHAPITRE QUINZE

Zoe était assise à côté de l’un des bureaux et avait une vue d’ensemble de la salle d’enquête. Elle était de nouveau pleine de vie et d’activité et de nouvelles feuilles de papier venaient rejoindre les piles éparpillées sur les bureaux. Il y avait à présent tant de dossiers ouverts et prêts à être lus, des dossiers contenant quelque chose prêt à révéler leurs secrets seulement si elle parvenait à regarder d’assez prêt. Les nombres qu’elle avait déjà vus défilèrent devant ses yeux, une simple distraction. Ils n’avaient pas d’importance. C’était des nombres qu’elle avait manqués jusqu’alors qu’elle avait besoin.

Zoe parcourut rapidement les rapports devant elle, sachant qu’il y avait quelque chose. Quelque chose qu’ils avaient tous manqué. Si seulement elle parvenait à vraiment se concentrer…

— Nous avons trouvé une correspondance pour les pneus, dit Shelley, raccrochant bruyamment le téléphone tout en tournant sa chaise de bureau à roulettes vers Zoe. Une berline. Ils pensent que c’est probablement un ancien modèle en raison de leur largeur. La chape est assez usée alors ça doit faire un moment qu’il est sur la route. Il existe plusieurs constructeurs différents qui font des berlines avec ce genre de pneus, mais c’est un début.

Zoe hocha la tête et prit une feuille de papier du fax. Cela la laissait perplexe de voir que l’équipe du shérif se servait toujours d’un fax, mais ce n’était pas à elle de leur dire comment rénover leur bureau.

— Le médecin légiste a envoyé ça. C’est une photographie… qu’est-ce que c’est ?

Elle pencha la tête et analysa l’image. Une tâche de couleur verte sur un fond blanc. Il y avait une règle de taille standard sur le côté indiquant que la tâche faisait moins d’un centimètre de long et de large. À part cela, le médecin légiste n’avait pas envoyé d’informations.

— Laisse-moi voir ? Shelley tendit la main et pencha elle aussi la tête de la même façon. Oh ! C’est un éclat de peinture. Je crois. Laisse-moi l’appeler et vérifier.

Zoe ignora l’appel de Shelley, faisant abstraction de sa voix en arrière-plan. Des éclats de peinture et des modèles de berlines étaient de bonnes nouvelles pour l’enquête en général, mais il y avait quelque chose d’autre. Quelque chose qui la travaillait dans un recoin de son esprit et qu’elle n’avait pas encore bien compris. Quoi que ce fût, cela pouvait sauver la vie d’une autre femme — car le tueur ne s’était pas arrêté ni n’avait ralenti et sa séquence exigeait un autre corps ce soir-là.

— C’est un éclat de peinture, confirma Shelley en s’approchant de nouveau. Le médecin légiste dit qu’il était sous un des ongles de la victime. Il y a de fortes chances qu’il provienne de la voiture du tueur.

Zoe se détourna des dossiers de l’affaire, se leva et se dirigea vers leur chevalet.

— Nouveau profil alors, dit-elle. Nous sommes à la recherche d’un vieux modèle de berline vert avec une plaque d’immatriculation d’un autre État conduite par un homme au physique correspondant à la description que nous avons déjà élaborée.

Le visage de Shelley rayonnait presque d’enthousiasme.

— Le profil devient plus précis.

— Ça reste quand même assez vague, dit pensivement Zoe en tapotant le marqueur contre sa lèvre inférieure ; qu’y avait-il qu’elle ne voyait pas ? On devrait diffuser un APB avec cette description.

— Je m’en occupe !

Shelley sauta de son siège et quitta la pièce en courant presque pour se rendre au bureau du shérif où se trouvaient ses contrôles.

Son enthousiasme aurait pu être agaçant ou rebutant, excepté qu’elle faisait avancer les choses. Zoe devait admettre qu’elle était heureuse d’avoir une autre paire de mains et une autre paire d’yeux sur cette affaire. Il y avait trop de choses à faire et il manquait trop de pièces du puzzle pour qu’elle puisse s’en charger seule.

Cependant, elles manquaient toujours grandement de preuves physiques. Identifier la voiture était une chose, et elles n’avaient pas été réellement capables de le faire. Il y avait probablement toujours des centaines, sinon des milliers, de véhicules qui correspondaient à la description qu’elles avaient. Parcourir les bases de données et localiser chaque véhicule n’était pas une option. Le temps qu’elles se soient occupées de toute la liste, il y aurait des corps empilés dans tous les États du pays.

Sauf qu’il ne prenait pas le pays entier pour cible, non ? Il traçait une courbe — une courbe que seule Zoe pouvait comprendre et suivre. Les nombres ne pouvaient pas la laisser tomber, pas si prêt d’une sorte d’indice. Elle devait simplement continuer à chercher.

Zoe parcourut de nouveau du regard les photographies des scènes de crime de chaque femme, des yeux vitreux et des gorges béantes lui rendant son regard. Elle lisait toutes sortes de nombres dans les cadres. Une jupe de trente centimètres contre une tenue qui flottait à seulement deux centimètres et demi du sol. Un 90D, un 105G et un 85A. Dix-sept dollars fourrés dans une coque de téléphone par sécurité qui n’avaient pas été pris. Ils lui disaient quelque chose à propos des victimes, mais rien sur le tueur.

Au fond d’elle, Zoe savait qu’elles avaient raison en ce qui concernait le choix de ses victimes. C’était les lieux et l’occasion qui comptaient, et non le fait de trouver la personne qui convenait parfaitement. Elle devait arrêter de regarder les femmes, aussi difficile que cela fut quand un corps grisâtre couvert de sang était allongé en plein cadre sous le flash d’un appareil photo. Elle devait regarder au-delà, elle devait regarder les lieux. La scène.

Qu’y avait-il qu’elle ne voyait pas ?

Zoe recommença et examina les photographies de la station-service. À son grand désespoir, seules peu d’images montraient autre chose que le corps lui-même. En arrière-plan, elle pouvait voir le reflet des prix de l’essence sur les fenêtres, les trois différents journaux locaux en vente, la distance exacte entre la victime et la porte d’entrée. Mais il n’y avait rien, rien qui lui disait qui était le tueur.

Quelque chose tirailla sa mémoire et Zoe fronça les sourcils et parcourut de nouveau les photographies. Seule une d’entre elles montrait un bonbon bleu. Mais ce n’était pas normal, n’est-ce pas ? Il y avait plus de bonbons — beaucoup plus. Elle se souvenait des couleurs éparpillées autour d’elle quand elle était allée voir la scène de crime.

Elle se leva et traversa le couloir en direction de la petite pièce à son extrémité où le photographe judiciaire local avait installé son matériel. Il était assis devant un Mac à grand écran, l’objet le plus moderne de tout le poste, et sursauta quand elle ouvrit la porte sans frapper.

— Est-ce que je peux vous aider, Madame ? demanda-t-il nerveusement.

— La scène de crime à la station-service, dit Zoe, allant droit au but.

Elle n’appréciait pas quand les autres perdaient du temps à bavarder et étant donné que personne d’autre ne semblait apprécier cela non plus, elle ne savait pas vraiment pourquoi il était généralement exigé de le faire.

— Est-ce que vous avez d’autres photos des bonbons qui étaient éparpillés sur le parking ?

Le photographe se leva, se dirigea vers un classeur à tiroirs sur le côté et en sortit une fine chemise en plastique. Il commença à feuilleter les tirages, qui se trouvaient dans des pochettes plastique brillantes afin de les protéger, jusqu’à ce qu’il trouve ce qu’il cherchait.

— Voilà, dit-il. J’ai fait une photo. Je trouvais ça assez extravagant, des bonbons sur les lieux d’un meurtre. Mais ça n’avait pas l’air d’avoir d’importance au niveau de l’enquête. Le shérif a dit que c’est probablement un enfant qui les a renversés.

Zoe lui prit la chemise des mains et étudia attentivement la photographie.

— Merci, dit-elle, faisant demi-tour pour retourner dans le couloir.

— Ces photos ne sont pas vraiment censées quitter mon bureau, dit le photographe sans parvenir à continuer quand elle l’ignora et continua de marcher.

Protocol de petite ville ou non, il y avait quelque chose sur cette photographie. Elle pouvait le sentir. Et si cela allait sauver la vie de quelqu’un, alors elle se fichait de la pièce dans laquelle la chemise était censée rester.

Seulement une photographie. Qui soulignait plus que tout le fait que personne d’autre ne pouvait voir ce qu’elle voyait. Car c’était cela. Elle le sentait. C’était quelque chose qu’ils avaient tous manqué, mais c’était la clé pour résoudre toute l’affaire.

Zoe se rassit sur son siège, ses yeux parcourant encore et encore la collection de bonbons sur le sol. Grâce à cette photographie prise directement au-dessus avec un peu de hauteur — peut-être depuis un escabeau — elle pouvait voir le motif tel qu’il était réellement. Car c’était un motif — comme tout le reste.

La plupart des gens auraient regardé cela et auraient vu de simples bonbons éparpillés au hasard. Quelque chose renversé par un enfant, peut-être. Quelque chose d’insignifiant. Mais il avait une chose que Zoe avait apprise au fil du temps, c’était que rien n’était insignifiant. Les arbustes rustiques de l’Arizona poussaient à une certaine distance les uns des autres en fonction des nutriments qu’ils parvenaient à trouver. Les nuages se formaient sur les courants aériens, suivant les lignes de pression et forcés par la température et l’humidité. Les gens suivaient les mêmes séquences jour après jour, vie après vie, poussés par des principes sociaux préétablis et par la génétique.

Et dans leur chute, les bonbons avaient presque parfaitement formé les sommets d’un polyèdre convexe. Il suffisait simplement de relier les points pour voir les lignes droites entre chacun d’entre eux. Elles étaient faciles à voir quand on savait comment regarder.

Presque personne n’aurait pris cela en considération, n’y voyant que de simples déchets, quelque chose qui devait être nettoyé et jeté. Mais il en avait vu l’importance. Il avait tout nettoyé, les empreintes de pas, toute trace de sa présence. Mais il avait laissé ces bonbons sur le sol, les évitant minutieusement et les laissant à l’endroit où ils étaient tombés.

Elle eut un moment de doute dans son esprit, mais à vrai dire, ce n’était pas un doute quant au fait qu’elle ait raison ou tort. Elle savait qu’elle devait avoir raison. Ce doute venait de la peur, de la peur d’avoir quelque chose en commun avec un tueur violent. Un tueur en série — un homme qui traitait les vies humaines comme des bonbons éparpillés. Quelque chose de jetable qui ne servait qu’à créer une séquence.

Une peur de devenir pareille. Sa mère avait dit que le diable était en elle.

Zoe savait qu’elle n’était pas une tueuse malveillante — même si elle avait des difficultés à créer des liens avec d’autres gens, elle les considérait quand même comme des êtres humains. Cette peur venait de l’extérieur, des superstitions de sa mère et du besoin de cacher qui elle était vraiment.

Mais peur ou non, elle ne pouvait pas nier ce qu’elle avait sous les yeux. Tous les bonbons étaient liés et formaient à présent une image complète, et bien qu’ils pussent être réarrangés, elle ne parvenait pas à les imaginer racontant une autre histoire.

Zoe savait à présent qui était leur tueur. Il était comme elle. Il voyait les choses de la même façon qu’elle. Il avait regardé ces bonbons éparpillés et avait vu un signal divin qu’il était sur la bonne voie. Il avait regardé le motif de Rorschach en forme d’ailes créé par une blessure à la gorge et cela l’avait encouragé à continuer.

Il ne traçait pas une simple courbe aléatoire par nécessité. Il formait une séquence.

Et maintenant qu’elle le connaissait, elle pouvait l’attraper. Elle pouvait l’arrêter.

La seule question était, parviendrait-elle à le faire avant qu’il ne tue quelqu’un d’autre ?

* * *

Zoe reprit ses esprits, réalisant qu’elle avait passé du temps les yeux dans le vague, perdue dans ses pensées. Elle voyait tout sous une nouvelle perspective. Tout avait changé. Il réfléchissait de la même façon qu’elle — et Zoe connaissait sa façon de penser mieux que quiconque.

Shelley était revenue dans la pièce pour s’asseoir et parcourir les dossiers en silence, mais Zoe remarquait à peine sa présence. Elle était trop concentrée, des idées se bousculant dans son esprit.

Yaş sınırı:
0+
Litres'teki yayın tarihi:
15 nisan 2020
Hacim:
291 s. 2 illüstrasyon
ISBN:
9781094305639
İndirme biçimi:
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin PDF
Ortalama puan 3, 1 oylamaya göre
Metin PDF
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin PDF
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Pequeños regalos
Yvonne Reidelbach и др.
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 3,4, 10 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 5, 1 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 5, 1 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 2,5, 2 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 3, 2 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 4,5, 2 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre