Kitabı oku: «Le Visage de la Mort», sayfa 16
Ce ne fut que par pure chance qu’aucun coup ne partit — pour le meilleur et pour le pire ; cela aurait peut-être pu toucher le tueur. Mais il tirait résolument et fort, avec la même détermination dont il avait fait preuve avec toutes ses victimes jusqu’à présent. Zoe s’entendit crier involontairement quand le tissu de sa veste céda et que le fil de fer coupa la chair de son bras.
Elle ne pouvait pas tomber ainsi. Elle ne pouvait pas laisser la plaie de trois centimètres s’agrandir, elle pouvait pas laisser le fil de fer s’approcher plus de son cou. La prise du tueur était ferme, mais il était déséquilibré, sa posture habituelle déstabilisée par son bras.
Elle mit un coup de coude en arrière avec son autre bras, heurtant le bas de son torse et lui tirant un sifflement quand un peu d’air fut expulsé de son corps. Il tituba en arrière mais emporta le fil de fer avec lui, faisant crier de nouveau Zoe quand le fil s’enfonça encore plus dans sa peau. Elle pouvait déjà sentir le sang chaud couler sur son bras et à l’intérieur de sa manche, et s’accumuler à l’endroit où le tissu formait un pli.
Il se tenait entre deux virgule cinq et trois virgule huit centimètres trop loin pour qu’elle puisse lui mettre un autre coup de coude et tirait toujours aussi fort. Le fil de fer était si tranchant que Zoe craignait qu’il ne passe au travers de son bras avant qu’elle ne parvienne à se défendre. Il était légèrement penché en avant ; elle le vit du coin de l’œil quand elle tourna la tête ; son cou était incliné à trente degrés et ses hanches à soixante. Il mettait son poids dans le haut de son corps. Il était mal équilibré. Les humains avaient été finement conçus, mais ils avaient des points faibles.
Zoe tomba à genoux, sans protection, consciente que cela serait probablement douloureux. Ses rotules heurtèrent le sol carrelé avec un bruit sourd qui résonna dans son corps, faisant couler plus de sang de la blessure à son bras qui alla éclabousser le carreaux devant elle. Un indice pour les futurs enquêteurs. Le tueur se tint fermement, mais quand le fil de fer descendit avec le poids du corps de Zoe qui tombait, il fut encore plus déséquilibré et il chuta avec elle.
Son corps percuta lourdement le sien, son épaule heurtant son échine, sa tête rebondissant contre son épaule. Ils étaient au sol et Zoe était libérée au moins pour un moment du fil de fer qui tomba comme une auréole autour d’elle, mais son bras saignait et le pistolet était hors de sa portée de l’autre côté des toilettes.
Il le vit en même temps qu’elle et ils se jetèrent tous les deux dessus, se battant pour l’attraper en premier. Zoe l’ébranla en passant à un angle plus serré et le repoussa contre le sol tandis qu’elle s’efforçait de se lever. Le fil de fer oublié derrière elle, elle n’avait pas une seconde à perdre alors qu’elle le voyait se jeter de nouveau en avant. Elle n’était pas parvenue à lui couper le souffle une deuxième fois. Il l’atteindrait en premier.
Elle devait faire quelque chose. Au désespoir, Zoe tourna sur elle-même à la recherche de quelque chose qui lui offrirait un moment de supériorité. Une distraction. Là ! Elle mit un coup de coude avec son bras déjà blessé et heurta un miroir qui se brisa.
— Regarde ! cria-t-elle, sa voix soutenue par le tintement du verre brisé qui tombait au sol. La séquence !
Le tueur se tourna vers elle, surpris. Elle vit ses yeux changer, s’écarquiller, de reconnaissance et de surprise à l’idée qu’elle comprenait. Son regard se dirigea ensuite vers le sol, comme s’il était incapable de résister. Les morceaux de verre commençaient à s’immobiliser, certains dans le lavabo, d’autres formant un demi-cercle autour sur le sol. L’espace vide à l’intérieur, la forme arrondie, les morceaux égarés — il ne pouvait pas y résister.
Zoe se jeta en avant et mit les mains sur le pistolet alors qu’elle glissait sur le sol. Son épaule percuta le mur et elle ignora la douleur qui traversait non seulement son épaule mais aussi son bras tout entier tandis qu’elle roulait pour brandir son arme. Elle braqua son arme devant elle, attendant que le monde se stabilise juste assez pour qu’elle puisse le voir se jeter de nouveau sur elle, et elle appuya sur la détente.
Presque à bout portant. Si elle avait attendu ne serait-ce qu’une milliseconde de plus, il aurait été sur elle. Même si elle n’avait pas su comment viser, elle ne l’aurait presque certainement pas manqué.
Il s’effondra au sol, projeté quelque centimètres en arrière par l’impact de la balle, et porta une main à son torse afin d’examiner le trou qui y était soudainement apparu.
Zoe haletait, l’adrénaline la submergeant par vagues. Elle se sentait faible, étourdie. Voyant les éclaboussures de sang dans les toilettes en désordre, elle comprit pourquoi. Les choses devenaient floues tandis que le monde s’éclaircissait et s’immobilisait, le tintement du verre qui tombait dans ses oreilles, la course folle pour atteindre le pistolet et reprendre son souffle, la coulée chaude et humide sur son bras droit.
Le silence aurait pu avoir duré une seconde ou une heure ; Zoe regarda faiblement la main du tueur retomber contre sa jambe, son énergie le quittant aussi rapidement que son sang coulait de sa poitrine. Son visage était animé d’une expression étrange, une expression que Zoe ne parvenait pas à lire. Elle avait bien visé. Elle savait qu’elle devait l’avoir atteint près du cœur, si pas directement dans le cœur.
La porte des toilettes s’ouvrit brusquement en même que retentit un cri familier :
— FBI ! Mettez les mains en l’air et lâchez votre arme !
Shelley apparut dans l’embrasure de la porte, s’approchant son pistolet braqué sur le tueur tandis qu’elle balayait la pièce du regard.
— Zoe ?
Derrière elle, Zoe entendit vaguement d’autres policiers crier des ordres aux civils et évacuer le café-restaurant. Des coups de feu. Cela devait avoir déclenché un mouvement de panique.
— Où est-elle ? demanda Zoe.
Elle avait besoin de savoir. Aisha Sparks n’était pas là — il ne l’avait pas amenée au café-restaurant en fin de compte. Il avait cherché quelqu’un d’autre. Alors où était-elle ?
Le tueur riait, réalisa Zoe, sa bouche était ouverte et sa poitrine était secouée de tremblements bien que presque aucun son ne passât ses lèvres. Il ne lui répondit pas. Sa bouche était tordue en un rictus, ses yeux rivés sur Zoe et illuminés d’une étincelle qui lui disait qu’ils partageaient un secret. Quelque chose qu’elle aurait dû comprendre.
Et en un éclair, elle comprit.
Zoe savait pourquoi il riait. Pourquoi il était heureux au moment de sa mort.
Il avait besoin que quelqu’un meure ici. Et à présent, tandis qu’un dernier souffle quittait son corps et figeait la joie folle dans ses yeux, quelqu’un était bien mort ici.
— Où est-elle ? cria Zoe, se jetant sur lui et saisissant le devant de sa chemise pour le secouer.
Il n’y eut pas de réponse. Il n’y aurait jamais de réponse. C’était terminé. Zoe tomba en arrière, levant les yeux vers le plafond et laissant échapper un grognement de frustration insupportable.
— Parle-moi, Z !
Zoe redirigea son attention vers Shelley et hocha brièvement la tête.
— Je vais bien, dit-elle d’un ton impatient.
Elle ne voulait pas s’embêter avec des formalités et des mondanités, et elle n’était en aucun cas inquiète pour sa propre santé. Aisha Sparks était toujours dans la nature et il ne leur avait donné aucune indication quant à l’endroit où elle se trouvait.
— Tu saignes ? demanda Shelley en pointant le bras de Zoe du doigt tout en s’accroupissant pour être à sa hauteur.
Zoe baissa les yeux vers son propre bras, comme si elle était surprise de voir la manche rouge et trempée de sa veste.
— Oh, oui, admit-elle, se sentant détachée et embrumée, son esprit toujours fixé sur ce sourire rieur. Il m’a eue avec le fil de fer.
Shelley jura et aboya des ordres aux policiers qui s’entassaient dans la pièce derrière elle.
— Appelez une ambulance immédiatement ! J’ai un agent qui perd beaucoup de sang !
CHAPITRE VINGT-SIX
— Je n’ai pas besoin d’aller à l’hôpital, répéta Zoe pour la troisième fois.
Elle était assise au milieu du chaos, sur le hayon d’une ambulance, tandis que les forces de l’ordre s’affairaient autour d’elle. Ils avaient déjà emporté le corps du tueur à une morgue locale pour qu’il soit analysé et examiné afin de découvrir ses secrets.
— Est-ce que tu en es certaine ? demanda Shelley, échangeant un regard avec l’ambulancier. Je pense vraiment qu’il serait mieux que tu te fasses recoudre. C’est fini maintenant. Tu peux partir.
— Ce n’est pas fini, la contredit Zoe, levant le bras et le tendant vers l’ambulancier. Finissez de me rafistoler. On doit toujours trouver l’adolescente.
Shelley soupira et croisa les bras, mais elle ne protesta plus alors que l’ambulancier commençait à enrouler un bandage blanc autour du bras de Zoe après y avoir fait des soins rapides.
— C’est une solution temporaire, la prévint-il tandis qu’il finissait. Je vous conseille de vous rendre à un hôpital pour vous faire recoudre dès que possible. Et ne faites pas trop d’efforts, en particulier avec ce bras. Vous pourriez causer des dégâts supplémentaires.
— J’irai dès qu’on l’aura trouvée, dit Zoe, sautant du hayon et se dirigeant vers Shelley.
Elle jeta la veste qui était à présent ruinée par le sang et prit un anorak qu’un des policiers d’État avait laissé pour qu’elle puisse couvrir son haut qui était lui aussi taché de sang.
Elle se tint à côté de Shelley, regardant l’équipe de police scientifique affluer dans le café-restaurant et s’affairer sur la voiture du tueur sur le parking. La voiture : une Ford Taurus rouge qui avait apparemment été verte à l’origine. La peinture s’était un peu écaillée sur le bord du capot, révélant la couleur d’origine. Il manquait une autre écaille de peinture à cet endroit, où la carrosserie en métal était visible ; l’écaille de peinture qui avait fini sous l’ongle de Rubie.
La véritable ruche d’activité était focalisée sur deux choses : récupérer des preuves pour soutenir la déclaration de Zoe d’avoir dû avoir recours à l’auto-défense envers l’homme qui était certainement leur tueur en série, et chercher des indices sur ce qu’il avait fait de son otage.
— Il l’a terminée.
— Quoi ? demanda Shelley en regardant Zoe d’un air surpris.
— Il a terminé la séquence. C’est pour ça qu’il avait l’air si satisfait quand il est mort.
Cette idée lui avait trotté dans la tête depuis le moment où elle lui avait tiré dessus. Elle s’était attendue à voir du désespoir, non seulement en réaction à sa mort imminente mais aussi en réaction à son échec. Pour le tueur, la séquence était plus importante que tout. Il n’aurait pas été satisfait de la laisser incomplète.
Il avait ri car, pour lui, tout cela était vraiment amusant. La séquence était complète et il en faisait lui-même partie. À présent, dans un éclair d’inspiration tandis que le brouillard de la douleur et du choc de la confrontation s’estompait, elle comprit ce que cela signifiait. Il n’aurait pas été heureux de mourir s’il n’avait pas tout terminé — dont le dernier point de la spirale.
Comment ne l’avait-elle pas réalisé plus tôt ? Maudissant la perte de sang et le choc émotionnel d’avoir tué un homme, Zoe savait qu’elle devait passer à l’action — immédiatement.
— Il a emmené Aisha quelque part, déclara Zoe. Il l’a installée quelque part pour qu’elle meurt. Et je sais où.
— Le dernier point de la spirale, dit Shelley.
Elle n’avait peut-être pas été capable de voir les séquences et les motifs comme le pouvait Zoe, mais elle n’était pas stupide. Elle comprenait le concept.
— Tu penses qu’il a préparé quelque chose pour qu’elle meurt demain soir ?
— Il a dû savoir qu’on se rapprochait. On a failli le coincer à la foire et il a été vu par le policier en patrouille — il a dû savoir qu’il y avait de fortes chances pour qu’il ne s’en sorte pas ce soir.
— Plus qu’une seule mort pour compléter la séquence. Donc tu penses qu’elle est déjà là-bas ?
Zoe acquiesça.
— On doit fouiller l’endroit. Rassemble une équipe de policiers d’État et appelle le shérif pour qu’il envoie des hommes. Je vais programmer le GPS.
Shelley hésita, jetant un coup d’œil au bras de Zoe.
— Je vais conduire.
Zoe leva les yeux au ciel. Ce n’était pas une concession difficile à faire si cela signifiait qu’elles se mettraient en route.
— Très bien.
Elle attendit sur le siège passager avec une énergie en ébullition. La fille serait là-bas. Les cartes, dont Zoe avait fait des photographies avec son téléphone afin qu’elles puissent toujours y jeter un coup d’œil pendant qu’elles étaient sur le terrain, indiquaient une nouvelle zone pour le dernier point de la spirale. Elle avait pu grandement la restreindre grâce au nouveau logarithme bien plus précis. C’était une petite zone : une route, deux maisons de chaque côté — dont seulement les pièces avant faisaient partie de la zone, l’arrière des maisons et les jardins étaient hors limite — et une petite section d’une voie ferrée.
C’était précis, mais il faudrait quand même fouiller. Si elle avait besoin qu’une personne meure, où la mettrait-elle ? Hors de vue, assurément. Une cave ou un grenier. Quelque part où elle ne serait pas trouvée et qui n’éveillerait pas de soupçons.
Shelley s’assit sur le siège passager tout en faisant signe avec ses mains à un groupe d’hommes qui, en retour, se précipitèrent vers des voitures de patrouille. Elle démarra le moteur et regarda Zoe.
— Qu’est-ce qu’on cherche, à ton avis ? demanda Shelley, éloignant la voiture du café-restaurant, allant lentement afin d’éviter les gens qui allaient et venaient des véhicules officiels.
— J’en sais autant que toi, soupira Zoe. Je crains de ne pas avoir de pouvoirs spéciaux pour ce genre de choses. Il a besoin qu’elle meurt demain, donc on a au moins jusqu’à l’aube.
— Pas jusqu’à après la tombée de la nuit ?
Zoe haussa les épaules, ce qui provoqua un faible élancement de douleur dans son bras.
— On sait seulement qu’il attaquait après la tombée de la nuit pour éviter d’éveiller les soupçons. L’heure n’a peut-être jamais eu d’importance pour lui. C’était peut-être important, mais je n’en suis pas sûre et on ne peut pas le lui demander.
Shelley accéléra tandis qu’elles s’éloignaient de la scène de crime et Zoe saisit sa ceinture, l’éloignant de son cou. Elle réprima une vague de nausée. Le mal des transport était encore plus violent, semblait-il, quand on avait perdu assez de sang pour devoir aller à l’hôpital.
— Comment tu te sens à propos de ça ? demanda Shelley.
Ses yeux faisaient des allers-retours entre le rétroviseur central, les rétroviseurs latéraux et la route, vérifiant que le reste de leur petite équipe suivait.
— À propos de quoi ?
— D’avoir tué un homme, dit tout simplement Shelley avant de se mordre la lèvre. Je n’ai encore jamais eu à tirer avec mon pistolet. Tu l’as fait deux fois en deux jours.
Zoe soupira de nouveau, fermant brièvement les yeux. Ne pas voir où elle allait n’apaisa en rien son mal des transport.
— Je vais bien. Pour le moment. Je suis sûre que plus tard, un des psychologues attitrés du Bureau me dira à quel point je ne vais pas bien.
Shelley rit, un genre de bruit coupable et étranglé.
— Tu ne devrais pas plaisanter à propos de ce genre de choses.
— Qui a dit que je plaisantais ?
Shelley sourit, se penchant légèrement en arrière sur son siège. Zoe vit ses mains se détendre sur le volant, passant d’une position raide et droite à un pli plus décontracté au niveau des coudes.
— Il reste encore quelques heures avant l’aube. On a toujours de forte chances.
De fortes chances, excepté le fait qu’ils feraient leurs recherches dans l’obscurité. Zoe savait que le pourcentage de réussite diminuait dans ce genre de situation. Des indices vitaux pouvaient être manqués. Elle ne voulait quand même pas exprimer tant de pessimisme.
— On ne doit pas seulement trouver une cachette, mais aussi une méthode de meurtre. On devra faire attention. Il ne faudra pas être maladroit. Il a peut-être installé un piège qui la tuera quand elle sera trouvée.
Shelley émit un bruit compatissant.
— J’espère que non. Pauvre nénette, elle doit être terrifiée. Ce n’est qu’une adolescente.
— Il se peut bien qu’elle soit sous sédatif. Il doit la garder au même endroit, pas prendre le risque qu’elle s’échappe. Il avait prévu de ne pas être présent quand elle mourrait. Peut-être même s’il s’en était sorti ce soir. Quitter l’État aurait été le meilleur plan d’action.
Shelley se mordit la lèvre, ralentissant à peine quand elle prit un tournant à toute vitesse.
— Cachée, piégée, sous sédatif et préparée à mourir. Mais comment ?
— C’est ce qu’on doit découvrir. Et vite, dit Zoe, prenant une profonde inspiration et abaissant légèrement la fenêtre passager afin de faire entrer un peu d’air frais. Avant que son plan ne fonctionne.
Le trajet fut empli de spéculations inutiles. Zoe essaya de vraiment se concentrer sur ses pensées afin d’ignorer les palpitations dans sa tête, les élancements dans son bras et la nausée qui essayait de lui enserrer la gorge à chaque fois que Shelley tournait le volant ou appuyait sur l’accélérateur.
L’endroit n’était pas loin du café-restaurant, elles ne mirent que trente-cinq minutes à s’y rendre. Mais le compte à rebours était lancé, en ce qui concernait Zoe, et il résonnait bruyamment à l’arrière de sa tête. Le lever du soleil : c’était à ce moment-là que les jeux seraient peut-être faits. Le moment où il avait peut-être prévu qu’Aisha Sparks ne voit plus jamais le soleil se lever.
Les policiers d’État se rassemblèrent pour recevoir des instructions, les yeux de Zoe les étudiant tous. Leurs tailles étaient diverses, leurs poids étaient tous sains. Le genre d’hommes et de femmes qui seraient capables de faire des recherches pendant des heures, en bonne forme physique et capables de regarder partout. Il était tout à fait possible que la nuit soit longue. Ils devaient être ce que l’État avait de mieux à offrir.
Travaillant rapidement, ils marquèrent les limites de la zone de recherche à pieds. Zoe envoya la carte annotée de la zone sur leurs téléphones portables et ils installèrent un barrage routier à chaque extrémité de la zone avec un policier en poste de surveillance. Cela leur laissait dix personnes au total, dont Zoe et Shelley. Trois par maison pour aller réveiller les résidents et fouiller minutieusement chaque pièce. Deux de chaque côté de la route, progressant sur l’herbe et le terrain vague, passant la zone au peigne fin à la recherche d’indices.
Pour des raisons de sécurité, ils étendirent leur zone de recherche pour inclure les pièces arrière et les jardins des maisons, ainsi que les maisons directement au nord si les recherches venaient à être infructueuses.
Zoe se dirigea avec Shelley vers la zone sud sur le côté est de la route, des lampes torches à la main et avançant lentement tandis qu’elles se déplaçaient pour former une grille. Vers le haut, puis sur le côté, ensuite vers le bas, puis sur le côté et vers le haut. Rigoureusement et lentement. Elles cherchèrent des traces sur le sol, des objets qui auraient pu être abandonnés par le tueur ou Aisha, toute trace qu’un intrus s’était trouvé là.
Zoe vit des formations d’herbes qui indiquaient la dispersion des graines par le vent et remarqua un sentier usé dû à des pieds paresseux qui coupaient par l’herbe pour rejoindre la route. Elle vit un ballon dégonflé qui racontait des histoires d’enfants du coin jouant dans la zone, mais il n’y avait pas de terre déplacée puis remise en place. Pas de bijoux tombés ou de vêtements. Pas de tache de sang rouge formant un contraste saisissant avec les tiges d’herbe verte dans la lumière de la torche.
Elles avaient enfin fini et elles n’en savaient toujours pas plus.
Zoe et Shelley attendaient au milieu de la route quand l’équipe de recherche de l’autre côté de la rue les rejoignit en secouant la tête et le dos vouté avant de se diriger vers les autres maisons.
— Ils sont à l’extérieur de la zone, dit Zoe en se mordant la lèvre.
— Je sais, mais il vaut mieux vérifier, répondit Shelley. Il était en état de stress. Il a peut-être fait une erreur.
Et ils partirent réveiller les résidents surpris et les firent aller attendre dehors à trembler dans leurs pyjamas sur la pelouse froide pendant qu’ils fouillaient chaque pièce à la recherche de quoi que ce soit d’anormal. Il n’y avait rien dans le grenier. La maison n’avait même pas de cave. Pas de portes ou de fenêtres qui avaient été forcées, et personne n’avait de quelconque relation avec l’homme qu’ils connaissaient à présent comme étant leur tueur.
Il n’y avait aucune trace d’elle.
Et quand les autres équipes finirent leur recherches sans avoir trouvé de signe de la présence d’Aisha Sparks non plus, Zoe sut que quelque chose n’allait pas.
— Ça n’a aucun sens, dit-elle, s’affalant sur le siège passager pour se reposer.
Peu importe comment elle y pensait, elles devaient avoir fait les bons calculs. Le logarithme n’était pas affecté par l’erreur humaine. Il avait été correct à propos du lieu précédent. Et elles savaient déjà que l’homme n’aurait jamais dévié de la séquence, des calculs précis qu’elles avaient faits. Il n’en était pas capable. C’était au-delà de ses capacités.
Shelley se rassit derrière le volant à côté d’elle, se tournant sur son siège afin d’être face à elle.
— On doit y réfléchir, Z, dit-elle. On rate quelque chose. Elle n’est pas encore là.
— Quoi ? Répète ça.
— Elle n’est pas encore là ?
Zoe hocha furieusement la tête, le cerveau en ébullition.
— Elle n’a pas besoin d’être là pour le moment. Pas maintenant, dit-elle, jetant un coup d’œil à l’horloge du tableau de bord. Il reste six heures avant le lever du soleil. Elle n’est pas encore là. Mais elle sera là demain.
— Comment est-ce que c’est possible ? Le tueur est mort. Il ne peut pas amener qui que ce soit quelque part.
— Alors il doit y avoir une sorte de force extérieure qu’on n’a pas encore envisagée.
Shelley mit son visage dans ses mains dans un bref accès de désespoir, avant de relever des yeux injectés de sang.
— Tu es sûre que les nombres sont justes ?
Zoe acquiesça d’un signe de tête.
— J’ai tout vérifié. On a saisi des données correctes et la carte correspond. Une spirale de Fibonacci parfaite. Il n’y a aucun autre endroit où il pourrait aller.
— Très bien.
Shelley réfléchit quelques minutes de plus, toutes deux conscientes du tic incessant et insensible de l’horloge.
— Il a peut-être un complice. Quelqu’un qui l’a aidé à aller aussi loin.
Zoe se remémora les scènes de crime.
— Mais il n’y avait aucune preuve de la présence d’une autre personne sur les scènes de crime.
— Il n’y avait pratiquement pas de preuve de sa présence à lui non plus, fit remarquer Shelley. Et si cette personne était restée dans la voiture à chaque fois ? Si ses pieds n’ont jamais touché le sol, alors elle n’a pas pu laisser d’empreintes. C’est peut-être une femme, quelqu’un qui l’aidait à attirer ses victimes.
— Il est venu seul au café-restaurant. À un moment où il avait plus que jamais besoin d’une couverture.
— Parce qu’elle était déjà avec l’adolescente. Elle l’emmenait, la cachait, la préparait pour demain.
Zoe pencha la tête. Elle devait l’admettre, cela tenait la route.
— Il serait étrange que quelqu’un maintienne le même niveau de délire. L’apophénie. Je dois avouer que ça me surprendrait.
— Moi aussi, répondit Shelley. Je n’aime pas l’idée de quelque chose sortant de nulle part à la dernière minute, quelque chose qu’on n’a jamais vu venir, à propos duquel on n’a jamais eu d’indice. Mais c’est une possibilité.
L’esprit de Zoe prenait déjà de l’avance, se ruant vers d’autres options. L’idée que d’autres personnes soient impliquées ouvrait des portes.
— La famille d’Aisha Sparks est peut-être impliquée d’une façon ou d’une autre, dit-elle.
— Sa famille ?
— Peut-être qu’il les a menacés. Qu’il les a forcés à la signaler comme portée disparue afin qu’on cherche partout sauf au bon endroit.
— Je suis sûre que les policiers d’État savaient qu’ils devaient fouiller sa maison en premier, protesta Shelley.
— Peut-être pas, s’ils savaient déjà qu’on avait affaire à un tueur en série, dit Zoe avant de marquer une pause et de se ronger un ongle. Il leur dit qu’ils doivent envoyer Aisha ici à une heure précise. Ils ne savent pas qu’il est mort. Ils s’exécutent.
— Quelle menace pourrait-il faire qui soit pire que l’idée d’envoyer leur fille ici où elle serait seule et vulnérable ?
Zoe haussa les épaules. Elle n’avait pas de réponse à cela.
— Ça reste une idée, dit Shelley avant d’ouvrir de nouveau la porte et de sortir la voiture, puis de se pencher vers l’intérieur pour parler. Reste ici et repose-toi. Tu ne devrais pas courir partout comme ça. Je vais parler aux policiers qui ont interrogé les parents et organiser une autre équipe de recherche pour leur domicile.
C’était quelque chose. Cela dit, cela pouvait aussi être rien. Zoe se carra dans son siège, fermant les yeux face aux motifs lumineux et aux voix basses à l’extérieur, essayant de tout ignorer excepté la séquence. Elle devait se concentrer. Il devait y avoir quelque chose d’autre, une réponse. Six heures, peut-être moins. Aisha qui attendait d’être secourue, elle avait peut-être peur, elle était peut-être seule. La dernière personne qu’ils pouvaient peut-être sauver. S’ils ne la sauvaient pas, ils les auraient toutes perdues.
Puis Zoe pensa à l’étendue d’herbe à côté des maisons. La raison pour laquelle elles avaient dû fouiller un terrain vague et pas d’autres bâtiments. C’était au milieu d’une ville ; les promoteurs auraient dû construire plus de résidences, à moins d’avoir une raison spécifique de ne pas le faire.
Et ils avaient eu une raison. La voie ferrée qui traversait la partie inférieure de l’étendue d’herbe à l’ouest, le côté que Zoe et Shelley n’avaient pas fouillé personnellement. Elle était orientée à un certain angle par rapport à la route, traversant le terrain dans la direction la plus rapide pour se rendre à la grande ville la plus proche.
Sur la voie ferrée se trouvaient des trains, et dans les trains il y avait des gens. Les trains transportaient les gens et les choses selon des horaires précis.
Il était bel et bien possible de savoir à quelle heure passerait le premier train de la journée à un endroit.
Et elle sut qu’elle l’avait.
Zoe se rua hors de la voiture, se prenant presque les pieds dans la ceinture de sécurité quand elle s’emmêla autour de son bras douloureux et pendit sous le bord de son siège. Elle trottina à la suite de Shelley, la rattrapant au moment où elle finit de parler à un groupe de policiers d’État, qui s’étaient tous retournés et parlaient dans leurs téléphones ou dans leurs radios.
— Les horaires des trains, dit-elle, ses paroles s’élevant en un nuage blanc dans l’air froid.
Shelley lui adressa un regard déconcerté.
— Quoi ?
Zoe refoula son exaspération. Ce n’était pas la faute de Shelley si elle n’avait pas été dans sa tête à écouter pendant qu’elle résolvait tout.
— J’ai besoin des horaires des trains qui passent sur cette voie ferrée. On a besoin de savoir quand passeront les prochains trains.
Zoe vit le moment où la compréhension illumina les yeux de Shelley, même dans l’obscurité et le contraste des lampes torches dans la nuit autour d’elles. Shelley chercha son téléphone à tâtons et chercha des contacts locaux avant de téléphoner, s’éloignant du groupe d’un pas raide afin de pouvoir s’entendre parler.
Zoe la regarda sortir un carnet de sa poche et l’appuyer contre le capot d’une voiture, se servant de l’éclairage de la lumière intérieure tandis qu’elle griffonnait une série de notes. Une, deux, trois, quatre — sept lignes sur le papier. Zoe s’approcha lentement et regarda en retenant son souffle en attendant que Shelley raccroche le téléphone et lève le carnet en l’air.
— Le premier train passe avant l’aube, dit Shelley. Quatre heures précises, un train de marchandises. Ils continuent toutes les demi-heures, jusqu’à peu après sept heures, quand le seul train de voyageurs passera. Je leur ai ordonné d’empêcher tous les trains de quitter le dépôt ou la gare, mais on doit toujours la trouver.
Zoe réfléchit.
— Élimine le train de voyageurs, dit-elle. C’est trop risqué. Il est impossible qu’il puisse y cacher Aisha, ainsi que des moyens de la tuer. Les trains sont vérifiés et nettoyés avant de partir le matin. Elle serait trouvée.
Shelley cherchait quelque chose d’autre sur son téléphone.
— Le soleil se lève à six heure cinquante-deux ce matin.
Zoe leva les yeux et se tourna vers les policiers d’État qui attendaient d’autres instruction.
— Allez jeter un œil à la voie ferrée, cria-t-elle. Dans notre zone et sur neuf mètres dans chaque direction. Cherchez des fils, des rails brisés, quoi que ce soit qui puisse perturber un train. Soyez prudents. Nous avons peut-être affaire à des explosifs.
Ils s’élancèrent en courant vers leur nouvelle tâche, tous conscients de l’urgence de la situation. Des lumières dansèrent sur la route et l’herbe, se balançant de haut en bas au rythme des foulées d’un humain qui courait. Elles se rassemblèrent comme des lucioles, puis se dispersèrent quand les policiers d’État avancèrent en une formation de recherche standard, se positionnant à intervalles réguliers sur la zone en question.
— Qu’est-ce que tu en penses ? demanda Shelley, son pendentif scintillant dans la lumière de la lampe de Zoe quand elle l’agita et le tira d’avant en arrière sur la chaîne à son cou. Est-ce qu’il attendrait jusqu’à l’aube ? Ou est-ce qu’il choisirait le premier train ?