Kitabı oku: «Le Visage de la Mort», sayfa 15
CHAPITRE VINGT-QUATRE
La salle d’enquête semblait bien vide maintenant que Shelley était partie. Zoe avait l’habitude de travailler seule — elle aimait même cela — mais elle avait besoin d’un peu de réconfort avec toutes les erreurs qu’elle avait faites. Shelley avait été capable de lui fournir ce réconfort.
Shelley était partie depuis maintenant des heures, allant d’une partie de la rafle à l’autre, suivant une piste inutile après l’autre. C’était incroyable le nombre de Ford Taurus vertes qu’il y avait sur les routes, mais aucune d’entre elles ne s’était avérée être celle de leur tueur. Il y avait toujours quelque chose — un alibi, le fait que le conducteur était une mère célibataire menue qui n’avait pas la force de tuer des femmes plus grandes, une fausse alerte pour la mauvaise marque de voiture.
Ce n’était pas qu’elle en avait quelque chose à faire d’être battue à froid par les policiers locaux. Le fait que son travail était menacé n’avait aucune importance. Soit elle résoudrait l’affaire, soit elle n’y parviendrait pas. Elle ne basait pas ses décisions d’enquête sur ce qui sauverait son travail — elle essayait de sauver des vies.
C’était le fait qu’ils avaient raison.
Elle avait échoué — totalement. Une autre femme avait perdu la vie.
Elle se sentait de nouveau comme une petite fille, à genoux aux pieds de sa mère qui lui disait de réessayer car elle avait dû prier de la mauvaise façon jusqu’à présent. Elle n’était pas parvenue à faire que Dieu la change, la débarrasse de ses pouvoirs démoniaques. Et maintenant, elle échouait de nouveau, incapable de comprendre quelle erreur ils commettaient dans leur poursuite de ce tueur.
Le fait qu’elle soupçonnait de ne pas être plus avancée que n’importe qui d’autre dans la résolution de l’affaire n’aidait pas. Personne n’avait sa perspicacité — la capacité de penser de la même façon que le tueur.
Cela ne faisait qu’ajouter du poids sur ses épaules. Si elle était la seule à pouvoir l’arrêter, alors elle devait l’arrêter. Elle n’avait pas d’autre choix. L’alternative était de simplement attendre et regarder les victimes mourir les unes après les autres, et il lui était impossible de faire cela.
Celle-ci avait déjà un nom. Aisha Sparks, l’adolescente de dix-sept ans qui travaillait à la foire le soir pour gagner assez d’argent pour aller à l’université. Elle était portée disparue, et si ce n’était pas déjà évident, il devenait de plus en plus clair à chaque heure qui passait qu’il l’avait enlevée.
Zoe avait regardé de loin pendant que les policiers d’État avaient fait une conférence de presse durant laquelle ils avaient demandé à des volontaires de faire des recherches dans les bois autour de la zone de la foire. Ils étaient profonds et denses, et ils mettraient de nombreuses heures à s’assurer qu’ils avaient vérifié partout.
Mais Zoe savait qu’ils ne la trouveraient pas là-bas. C’était impossible. Il l’avait enlevée.
Tant avaient déjà perdu la vie. Elle ne pouvait pas laisser Aisha mourir elle aussi.
Les lieux de ses meurtres étaient de plus en plus rapprochés tandis que la spirale se resserrait sur la fin. Mais le problème était qu’elle ne pouvait pas être absolument et mathématiquement sûre de l’endroit où il frapperait ensuite. Bien sûr, c’était une spirale de Fibonacci et c’était génial — mais sur la carte, même en préparant tout soigneusement, la zone où aurait lieu la prochaine attaque n’était quand même pas très précise. Avec la foire, cela avait été simple — la foire était la seule chose à des kilomètres à la ronde et était assez grande pour contenir le carré entier qu’elle avait tracé sur la carte.
La petite ville située dans la prochaine zone contenait de nombreux bâtiments différents. Comment pourrait-elle être sûre duquel il choisirait ? Ou de quelle rue ? Comment parviendraient-ils à parer à toute éventualité dans une zone si densément peuplée ?
Et si Aisha était déjà morte ?
Cette pensée retournait l’estomac de Zoe, mais elle devait être prise en considération. Les lieux dans sa spirale étaient ceux des attaques, pas des morts. Et s’il la tuait d’une autre façon, seulement pour ensuite lui couper la gorge quand le moment serait venu ?
Non, cela n’allait pas. Cela aurait été un geste trop symbolique, un acte désinvolte au lieu du vrai. D’une façon ou d’une autre, l’acte en lui-même comptait. Il devait faire couler le sang au bon moment, au bon endroit. Zoe le voyait. Plus elle essayait d’entrer dans sa tête et de penser comme lui, plus elle se sentait capable de comprendre l’importance qu’il donnait aux choses. Le choix d’un nouveau jour pour chaque meurtre, l’action délibérée d’utiliser le garrot. Il devait suivre cela pour compléter la séquence.
Et pourtant, il avait changé son mode opératoire en enlevant une fille au lieu de trouver quelqu’un la nuit-même, alors rien n’était encore arrêté pour le moment. Elle pouvait faire confiance à son intuition, mais il n’y avait rien derrière. Pas de vrais preuves ou faits sur lesquels elle pouvait se baser pour savoir qu’Aisha serait toujours en vie.
Zoe ne pouvait pas faire cela seule. C’était trop — tant de pression pour les épaules d’une seule personne. Elle ne rechignerait pas, pas si cela pouvait sauver la vie d’Aisha. Mais elle ne pouvait pas y aller ; elle ne pouvait pas finir son travail. En particulier avec toute la police locale qui se retournait contre elle, qui pensait qu’elle ne savait pas ce qu’elle faisait.
Zoe prit son téléphone portable et composa un numéro familier de sa liste de contacts, espérant que la personne répondrait.
— Bonjour ?
Zoe soupira presque de soulagement. Entendre la voix de son mentor, le Dr Francesca Applewhite, la faisait déjà se sentir mieux et elle n’avait dit que « bonjour ». Parler à quelqu’un qui la comprenait complètement apaisait tout son stress.
— Dr Applewhite, dit Zoe. Est-ce que vous êtes disponible pour discuter ?
— Francesca, comme je te l’ai déjà dit un million de fois, rit-elle. Oui, je disponible. Je suis toujours disponible pour toi, même en plein milieu d’une séance. Mais je n’ai pas de rendez-vous aujourd’hui. C’est samedi.
Zoe jeta un coup d’œil par réflexe à sa smartwatch, surprise d’entendre la date. Le temps lui échappait, peut-être plus rapidement qu’elle ne l’avait réalisé.
— Je suis désolée de vous déranger le weekend.
— Tu n’as pas à être désolée avec moi, Zoe. Tu sais que ça ne me dérange pas. Alors, qu’est-ce qui te tracasse ?
Le Dr Applewhite comprenait toujours quand Zoe avait besoin d’aide.
— C’est à propos d’une affaire sur laquelle je travaille, commença-t-elle.
Elle lui raconta tout rapidement. Ou du moins, tout ce qui était pertinent. Comme il s’agissait d’une affaire en court, elle ne pouvait pas donner de noms ou révéler les lieux précis. Mais cela valait la peine de prendre le risque d’être sanctionné si cela signifiait qu’elle obtiendrait de l’aide de la seule personne qui savait toujours quoi dire.
Maintenant, le Dr Applewhite gloussait et Zoe ne comprenait pas vraiment pourquoi.
— Qu’est-ce qu’il y a drôle ? demanda-t-elle, ne voyant rien d’amusant dans l’histoire d’un tueur en série schizophrène.
— La séquence, répondit le Dr Applewhite. Notre garçon n’a rien compris. Il opère peut-être selon des délires, mais ils sont plus grands qu’il ne le réalise. Il a mal compris la réalité de la spirale de Fibonacci.
— Je ne comprends pas.
— Laisse-moi t’expliquer. La spirale de Fibonacci est liée à une théorie, à une formule qui peut être appliquée à de nombreuses séquences visuelles dans la nature et qui se produisent naturellement. Mais l’erreur qu’a commise le tueur est de présupposer que la spirale devrait être parfaite. En vérité, dans la nature, elle est presque toujours imparfaite.
Zoe fronça les sourcils.
— Mais je croyais que la raison était que c’est une séquence spécifique. Chaque nombre est la somme des deux nombres qui le précèdent.
— Oui, mais la nature n’est pas aussi ordonnée que les mathématiques peuvent faire croire. Pense aux exemples où l’on peut voir des spirales de Fibonacci : la coquille d’un escargot peut pousser un peu penchée, les feuilles d’une plante peuvent subir des poussées de croissance dues à leur exposition à de l’eau ou à la lumière et qui peuvent décaler la séquence, un ouragan a bien la forme de la spirale mais ses rebords ne sont pas nets et bien définis, le vent force les nuages à remonter la spirale, créant un rebord effiloché qui n’est pas toujours exactement en conformité avec la séquence.
Zoe comprit ce qu’elle voulait dire.
— Alors la séquence devrait être imparfaite. Mais comment est-ce que cela aide ? Si elle est imparfaite, on a encore moins de chances de le coincer.
— Non, dit le Dr Applewhite.
Zoe pouvait presque entendre qu’elle souriait. Elle avait cette même expression quand elle faisait une remarque importante et qu’elle savait qu’elle faisait passer des connaissances importantes à son élève.
— L’erreur du tueur est de croire que la séquence devrait être parfaite. Elle sera précise — excessivement précise.
Zoe retourna ce qu’elle venait de dire dans son esprit.
— Il est si obsédé par la séquence qu’il n’arrive pas à voir qu’il y a des variations dans la nature. Sa séquence devra être parfaite.
— Tout comme, ma chère, tu as parfois des difficultés à voir au-delà des nombres afin de voir les variations de la nature humaine. Tu peux avoir du mal à comprendre les subtilités du bavardage ou des réponses émotionnelles car tu regardes les calculs dans ta tête.
Zoe pencha légèrement la tête vers la table couvertes de cartes et de documents. Le Dr Applewhite avait raison. Bien qu’elle fût la seule personne capable de voir les choses comme le tueur, cela signifiait aussi qu’elle était victime des mêmes erreurs et travers.
Être semblable à un tueur en série — cette pensée la fit frissonner de nouveau.
— Il y a de la beauté dans l’imperfection, continua le Dr Applewhite. Nos défauts sont ce qui nous rend humains. C’est pour ça que je ne t’ai jamais jugée pour les tiens. Mais ce criminel… il ne voit pas la beauté. Il est incapable de voir au-delà des nombres de la spirale. Il l’objective, de la même façon qu’un tueur en série voit une victime au lieu de voir une épouse, une mère, une sœur, une amie. Seul l’objectif final importe pour lui. En raison de cela, il est devenu un homme prévisible.
— Vous voulez dire qu’on peut être plus précis dans les calculs. Découvrir exactement où il a prévu de commettre les derniers meurtres, de façon bien plus précise.
— Oui. Pourquoi chercher dans une ville tout entière ? Il ne voit que des coordonnées précises. Tu peux aller jusqu’aux décimales, plutôt que de regarder des grilles entières sur la carte.
— Je comprends, dit Zoe en prenant un stylo. J’ai les coordonnées précises de chaque attaque.
Elle commençait à griffonner les calculs avec des nombres plus précis.
Le Dr Applewhite rit, un bruit de joie et d’amitié qui réchauffait toujours le cœur de Zoe.
— Donne-moi les nombres.
Zoe n’avait pas pensé à demander de l’aide, mais cette aide était la bienvenue. Il était toujours plus sûr d’avoir quelqu’un pour vérifier votre travail. Bien qu’elle eût déjà terminé les calculs, accepter l’offre ne ferait pas de mal. Elle parcourut les dossiers de chaque affaire et lut les coordonnées précises jusqu’à quatre chiffres après la virgule, attendant que le Dr Applewhite effectue la fonction logarithmique et détermine précisément où seraient les prochains points. Il n’en restait que deux, et cela leur facilitait la tâche — elles avaient presque tous les indices et pas de mystère. Saisir les données prit du temps — du temps que Zoe regrettait éperdument de pas avoir pris plus tôt dans l’enquête — mais ensuite, ce fut terminé et elles eurent tout ce dont elles avaient besoin.
— Très bien, dit le Dr Applewhite, après un moment de pause pour effectuer les calculs. Note ces nombres.
Zoe les compara aux siens et vit qu’ils étaient identiques, puis elle se servit du vieil ordinateur usé dans le coin de la salle d’enquête pour les saisir dans la barre de recherche de la carte.
— Je l’ai, dit-elle, se concentrant sur le carré surligné sur la carte. Trente mètres carrés. C’est assez restreint pour qu’on puisse surveiller toute la zone.
— Bien joué ! Et est-ce que ce sera un endroit facile à surveiller ?
Zoe étudia de nouveau la carte, vérifiant qu’elle n’avait pas fait d’erreur.
— C’est un café-restaurant, répondit-elle. On dirait que la zone est entièrement recouverte par le bâtiment. Je vais devoir vérifier avec les autorités locales si cette carte est correcte.
— Non, le tueur ne peut pas avoir fait ça, fit remarquer le Dr Applewhite. Il se base sur les mêmes données que toi. Une carte à disposition du grand public. Aie confiance en ce que tu vois.
— Alors ce n’est qu’une partie du bâtiment. La partie avant, face à la rue avec les portes d’entrée, n’est même pas inclue. La zone ne comprend que le milieu et l’arrière du café-restaurant.
— Tu sais où le trouver. Je suppose que tu ferais mieux de te dépêcher — n’as-tu pas dit qu’il frappe toujours après la tombée de la nuit ?
Zoe jeta un coup d’œil à sa montre. Dans la salle d’enquête isolée et sans fenêtre, elle n’avait même pas remarqué les heures passer. Le soleil allait bientôt commencer à se coucher, et après, le tueur ne mettrait pas longtemps à frapper.
Ils devaient passer à l’action — immédiatement. Elle devrait faire le même trajet que lui, découvrir les routes qu’il prendrait, où il serait. Il était toujours tout à fait possible qu’Aisha soit morte, qu’il n’arriverait seulement pour se débarrasser de son corps. Ou qu’elle soit encore en vie mais qu’elle ne le serait plus le temps qu’il arrive au café-restaurant. Zoe devrait garder son sang-froid et ses yeux ouverts.
Laisser les mathématiques derrière elle, s’éloigner de la séquence, lui semblait pénible. Zoe pensait que cela serait pareil pour le tueur, mais comment pouvait-elle le savoir réellement ? Bien qu’elle comprît les nombres avec une résonance instinctive, l’esprit humain était une chose à part entière. C’était ce qui la terrifiait réellement et qui faisait remonter son cœur dans sa gorge : l’idée qu’il puisse dévier maintenant, à un stade aussi avancé.
— Merci, dit Zoe, le souffle court, dans le téléphone.
— Je t’en prie, répondit le Dr Applewhite. Tu peux me montrer ta gratitude en prenant rendez-vous avec la psychiatre que je t’ai recommandée.
— À bientôt.
Zoe raccrocha avec un petit sourire, toujours réticente à s’engager.
Elle n’avait pas beaucoup de temps à perdre en civilités, après tout. Zoe savait où le tueur allait être et elle savait quand — et c’était bientôt. Elle composa le numéro de Shelley immédiatement après avoir raccroché. Elles devraient se retrouver là-bas — elle ne pouvait pas attendre que sa partenaire revienne à leur base d’opérations quand la vie de quelqu’un était en jeu.
CHAPITRE VINGT-CINQ
Zoe était assise au comptoir, seule. Elle sirotait une tasse de café sans réellement trop boire. Elle s’occupait plutôt en regardant autour d’elle et en vérifiant régulièrement chaque direction.
Elle ne pouvait pas supporter l’attente. Elle avait pris en considération chaque angle, chaque option. Le fait qu’il amènerait Aisha vivante et qu’il la tuerait au milieu d’une pièce pleine de gens. Non, cela n’avait aucun sens. Le fait qu’il apporte son cadavre — mais comment espérait-il repartir vivant ensuite ?
Zoe avait pris son temps en se rendant prudemment au café-restaurant, elle avait vérifié les routes, le parking, elle avait regardé dans chaque voiture qui y était garée, pas seulement dans les Ford Taurus de différentes couleurs. Elle n’allait pas refaire la même erreur deux fois. Non, elle avait tout examiné minutieusement, et il n’y avait aucun signe de sa présence.
Mais une petite lueur d’espoir brillait toujours dans son cœur, due au fait qu’il restait deux meurtres, pas seulement un. Deux lieux. Et peut-être, juste peut-être, que le tueur garderait Aisha pour le dernier meurtre afin de s’assurer que le dernier point de sa séquence ne serait pas ruiné.
C’était plus logique que d’essayer de tuer une fille, ou d’en amener une déjà morte, dans un café-restaurant bondé. Il devait savoir que cela lui vaudrait un allé simple en prison.
Cependant, avec un schizophrène qui ne prenait pas ses médicaments, comment pouvait-on savoir si son esprit fonctionnerait de façon de logique ?
Mais Zoe devait essayer. Elle était la seule personne présente et elle ne pouvait pas être partout à la fois. Elle avait prévenu Shelley d’arriver prudemment et de couvrir une zone plus large avec les policiers d’État, d’observer le parking et de s’assurer de surveiller autant d’endroits que possible. Ils avaient beaucoup à faire avec des pistes allant dans tant de directions différentes à présent, et les enjeux étaient importants. Un petit mouvement à l’arrière d’une voiture pouvait indiquer qu’Aisha se débattait. Quelque chose de facile à manquer avant qu’elle ne perde la vie. Mais les policiers d’État seraient sur la route, sur le parking, à attendre.
Et il restait Zoe pour surveiller le café-restaurant. Il semblait peu probable qu’il trouve une victime ici, n’est-ce pas ? Mais il y avait des endroits à l’abri des regards — la cuisine, les toilettes. Des endroits un peu moins visibles. Elle devait simplement guetter tant bien que mal les comportements suspects. S’il entrait, elle le verrait. Elle l’arrêterait. Elle se le promit.
Il y avait dix box sur les côtés de la pièce et une zone centrale plus large avec plusieurs tables qui étaient faciles à voir d’un coup d’œil. Ensuite, il y avait aussi le comptoir. Cela faisait douze endroits où le tueur pouvait être — quatorze si elle comptait les toilettes. Elle avait déjà vérifié les toilettes des femmes en entrant, au cas où il s’y soit caché pour attendre une victime. Un policier d’État qu’elle n’avait jamais vu auparavant était entré et avait vérifié les toilettes des hommes avant de partir en adressant un subtil signe de tête à Zoe plus tôt. Sa tâche accomplie, il était reparti surveiller les voitures. Il n’y avait pas de tueur ici — pas encore.
Zoe essaya d’empêcher son genou de s’agiter, d’empêcher les nombres de la submerger. Elle connaissait la taille et le poids de chaque personne dans tout le café, des serveuses qui allaient et venaient avec des cafetières et des calepins pour prendre les commandes des vingt-sept autres personnes assises dans diverses positions autour d’elle. Le café-restaurant était bien rempli — presque plein. Il n’aurait pas besoin de beaucoup chercher pour trouver une victime, bien que le défi serait de prendre une vie sans être vu.
Zoe était déterminée qu’elle devait le voir.
Elle essaya de ne pas se laisser perturber par le faire qu’il y avait un sucrier de plus qu’il n’y avait de salières et qu’il y avait deux de chaque en trop par rapport au nombre de tables — des ustensiles de rechange sortis de la cuisine à un moment pour ensuite être laissés à des endroits étranges plutôt que d’être rangés. Elle essaya aussi d’ignorer les dix-sept hamburgers, les vingt portions de frites, les vingt-huit tasses de café — certaines n’ayant pas été ramenées à la cuisine après avoir été abandonnées par leurs propriétaires — et les quatre milkshakes sur les tables. Elle n’avait pas besoin de savoir ces choses-là.
Elle n’avait pas besoin de savoir qu’il y avait sept sièges de libres mais seulement une table entièrement libre. Elle n’avait aucune raison de savoir qu’il y avait treize luminaires éparpillés à travers la pièce, ou trois conduits de climatisation, ou que les serveuses portaient toutes les cordons de leur tablier à des longueurs légèrement différentes.
Ce qu’elle avait besoin de savoir, c’était toutes les informations possibles sur les gens déjà dans le café-restaurant, et elle s’y appliqua autant que possible. Elle tourna le dos au comptoir et se pencha, étudiant la pièce d’une façon qu’elle espérait sembler désinvolte. Elle commanda une deuxième tasse de café et la posa à côté d’elle, comme si elle attendait un ami.
La moitié des personnes dans le café étaient de sexe féminin, une quantité qui était influencée par le personnel qui était exclusivement composé de femmes. Il y avait aussi des enfants. Zoe pouvait les écarter d’emblée. Il y avait ensuite les hommes en surpoids, une vision familière dans un établissement qui servait principalement des plats sucrés ou gras. Deux d’entre eux étaient bien trop vieux, ils avaient l’âge d’être à la retraite, et n’avaient pas assez de force dans les bras pour commettre les meurtres.
Cela laissait cinq hommes, dont un qui était trop petit pour atteindre le cou des plus grandes victimes sans difficulté, ce qui signifiait que Zoe pouvait l’écarter. Plus que quatre.
Des groupes assis en des structures évidentes, des motifs dictés par les attentes sociales. Homme, femme, enfant : une unité familiale. Petite amie assise en face de son petit ami. Deux filles en face de deux garçons, des couples assis ensemble. Prévisible et fort. Mais il y avait ceux qu’elle ne parvenait pas à situer — deux hommes et une femme qui était assise seule en face d’eux, sans évidences de famille ou d’amour. Ils étaient les plus énigmatiques, ceux qui la forçait le plus à se poser des questions.
Un groupe de trois — un homme, une femme et un enfant — se levèrent de leurs sièges et partirent. Cela faisait maintenant trois. Mais un autre groupe entrait, quatre jeunes hommes, pas beaucoup plus âgés que des adolescents. Cela la faisait remonter à sept, et ils étaient suivis par un jeune couple. Huit maintenant. Un autre couple se levait pour partir, libérant un des box, et — avait-elle déjà éliminé celui-là ? Était-ce maintenant sept ou toujours huit ?
Zoe fronça les sourcils et se concentra. Elle ne devait pas faire d’erreur. Il n’était pas certain que le tueur serait facile à reconnaître. Il serait peut-être du coin — il avait peut-être prévu de se retrouver ici, malgré leur supposition qu’il vienne d’un autre État. Cela signifiait qu’il pourrait être avec des amis, voire des membres de sa famille.
Zoe avait eu le pressentiment qu’il serait solitaire, mais c’était peut-être un simple parti pris de sa part. Elle était solitaire, alors il devrait l’être aussi. Il n’était peut-être pas comme elle du tout et était capable de maintenir des relations et d’avoir des amis facilement malgré sa façon de voir les choses.
Peut-être pas.
L’animation du dîner commençait à retomber, le soleil déjà couché dehors. Un autre groupe se leva pour partir et ramener les enfants à la maison pour dormir après avoir fini leur repas du soir. C’était un de ses suspects. Elle en était à sept à présent, elle en était certaine. Elle étudia le groupe de quatre amis de sexe masculin, essayant de les assimiler, se demandant si l’un d’entre eux regardait trop autour de lui ou semblait nerveux.
La porte s’ouvrit de nouveau et un jeune homme entra seul. Il était quelconque : des vêtements simples mais respectables, un mètre quatre-vingt, mince. Il s’assit à quelques tabourets de Zoe, derrière un routier en surpoids et une femme qui avait vérifié son téléphone dix-huit fois durant les dix dernières minutes.
Le jeune homme commanda un thé et Zoe le regarda du coin de l’œil, du mieux qu’elle pouvait malgré les deux personnes qui se trouvaient entre eux. C’était possible. Cela pouvait être lui. Zoe l’ajouta à sa liste mentale et balaya une nouvelle fois la pièce du regard, vérifiant les autres tables, éliminant un homme car il mangeait salement.
La femme soupira, se leva et partit rapidement, la tête baissée. Zoe regarda sur le côté. Elle pouvait un peu mieux voir le jeune homme à présent. Il semblait observer la pièce, lui aussi.
Une autre famille se leva et partit, une mère seule avec trois enfants à sa suite. Zoe regarda la porte mais personne d’autre n’entra. Où était Shelley ? Elle devrait arriver bientôt, non ?
Le routier jeta un peu d’argent sur le comptoir pour payer sa note et se leva tout en laissant échapper un rot. Zoe le regarda, incapable de se retenir. Quand il s’éloigna, ses yeux rencontrèrent ceux du jeune homme qui avait l’air tout aussi dégoûté.
L’espace d’un instant, ils restèrent à se fixer. Elle vit une étincelle dans ses yeux, quelque chose qu’elle ne parvint pas vraiment à identifier, avant qu’il ne détourne le regard.
Zoe continua de le regarder. Il évitait délibérément de regarder dans sa direction à présent. Il n’y avait aucun doute là-dessus.
Cette étincelle. Se pourrait-ce que cela eût été… de la reconnaissance ?
Les idées se bousculèrent dans la tête de Zoe. Taille, poids, âge. Tout correspondait. Le timing de son entrée dans le café-restaurant, après que le soleil se fut complètement couché. Le fait qu’il était seul, tandis que les autres hommes seuls dans le café-restaurant semblaient être là pour une raison — les routiers faisaient une pause pendant un long trajet, certains attendaient nerveusement la personne avec qui ils avaient rendez-vous, et un homme dans un costume froissé que Zoe avait identifié comme étant un alcoolique qui essayait de dessaouler avant de rentrer chez lui.
Ce jeune homme — il était là pour une raison lui aussi.
Il était là pour tuer.
Elle le savait en son for intérieur. C’était lui.
Elle n’aurait qu’une seule chance. Si elle faisait une erreur, il pourrait s’enfuir. Révéler qu’elle était un agent du FBI forcerait le vrai tueur à s’enfuir s’il n’était pas ce qu’elle croyait. Mais elle en était sûre. Cela devait être lui.
Zoe se leva, prête à l’aborder pour l’interroger, au moment même où il se leva lui aussi de son siège. Elle hésita, faisant semblant d’ajuster sa veste, tandis qu’il se dirigeait vers l’arrière du café-restaurant et entrait dans les toilettes. Contrariée, Zoe se rassit, pensant qu’elle devrait attendre qu’il revienne.
Elle prit son téléphone et envoya un rapide SMS à Shelley. Un avertissement, mais pas encore un ordre d’envoyer des renforts.
Suspect aperçu. Parti aux toilettes. J’attends qu’il ressorte pour l’aborder, l’interroger et l’arrêter.
Zoe attendit, gardant la porte des toilettes dans son champ de vision afin de pouvoir voir l’instant où elle s’ouvrirait. Un autre homme se rendit aux toilettes, la peau de Zoe la picotant tandis qu’elle essayait d’apercevoir quoi que ce soit derrière la porte alors qu’elle se fermait.
Elle jeta un rapide coup d’œil à ses autres suspects dans la pièce, aucun d’entre eux ne semblant aussi intéressant.
La porte des toilettes s’ouvrit à nouveau et Zoe regarda, son corps se tendant — mais seul l’autre homme en sortit.
Son sang ne fit qu’un tour. Il s’était écoulé assez de temps pour que le deuxième entre et sorte — pourquoi son suspect était-il toujours à l’intérieur ?
Que faisait-il ? Était-il en train d’essayer de s’échapper ?
Avait-il déjà escaladé la fenêtre et s’était enfui hors de vue, où elle n’aurait aucune idée d’où le trouver ?
Il n’y avait qu’une seule chose à faire. Zoe but une gorgée de café pour se donner du courage et se leva de son tabouret. Vérifiant son pistolet dans son holster d’une petite tape, elle se dirigea résolument vers les toilettes, évitant le regard de tous ceux qui se trouvaient autour d’elle tandis qu’elle pénétrait délibérément dans les toilettes des hommes.
Zoe dégaina son pistolet dès qu’elle entra, laissant la porte se fermer derrière elle. La dernière chose dont elle avait besoin était qu’un civil entre au pire moment possible. Elle envisagea de verrouiller la porte, mais cela ne ferait que la piéger ainsi que le tueur.
Elle balaya rapidement la pièce du regard, progressant avec son pistolet pointé devant elle comme elle l’avait appris. Les urinoirs étaient déserts, il n’y avait personne aux lavabos. Elle passa devant chaque cabinet un par un. Ils étaient tous vides, les portes à un angle qui faisait qu’elle pouvait voir qu’il n’y avait personne à l’intérieur.
Les toilettes étaient vides.
La fenêtre était ouverte, une conclusion prévisible au manque d’occupants. Zoe leva les yeux ; l’ouverture était assez large, calcula-t-elle, pour qu’un homme mince comme lui puisse passer. Cela aurait peut-être été serré au niveau des épaules. Elle s’approcha et toucha le verre, découvrant que la fenêtre s’ouvrait plus vers le haut, s’aplanissant d’une façon qui lui aurait accordé deux centimètres et demi de plus. Juste assez, lui laissant un centimètre et demi de marge de manœuvre. Il serait passé.
Zoe s’approcha et se mit sur la pointe des pieds, détendant sa posture avec son pistolet tandis qu’elle jetait un coup d’œil par la fenêtre. Il n’y avait rien dehors, pas de trace qu’il n’était pas loin, pas d’empreintes de pas visibles sur le sol. Pas même de trace d’impact. Il n’était pas lourd, mais il aurait dû laisser une trace d’impact… ?
Zoe ne réalisa la vérité que trop tard. Il n’était pas sorti par la fenêtre ; c’était pour cette raison qu’il n’y en avait pas de trace. Elle entendit le grincement d’une porte derrière elle et se rappela vaguement avoir vu un placard à produits d’entretien, et le bruit d’un pas sur le sol carrelé, et ce fut alors qu’elle sut qu’elle avait fait une erreur en lui tournant le dos.
Le bras de Zoe se leva instinctivement, le pistolet à la main. Elle voulait se tourner et le braquer sur lui, mais elle n’en avait pas le temps.
Elle ne parvint qu’à se prendre le bras dans le fil de fer prévu pour son cou, sa main et son poignet frappant son propre visage quand il tira fermement, formant une boucle avec le fil. Elle ne put qu’articuler un petit cri étranglé quand elle laissa tomber le pistolet, tressaillant quand il heurta bruyamment le sol.