Kitabı oku: «Le Visage de la Mort», sayfa 8
Zoe saisit sa radio et la porta à son visage mais il était en train de plaisanter avec un autre joueur et il tourna la tête sur le côté et sourit alors que Zoe se dirigeait vers lui. Il vit la radio dans sa main, ainsi que ses yeux rivés sur lui, et le rire mourut dans sa gorge. Après un bref instant, peut-être une demi-seconde, il tourna les talons et partit en courant aussi vite qu’il le pouvait.
Zoe jura entre ses dents et appuya sur le bouton d’appel.
— Suspect identifié. Il est à pied, il essaye de s’échapper au niveau des tables de jeux de cartes. Gardez les sorties sous contrôle.
Elle comptait sur ses hommes et sur le personnel de sécurité du casino pour gérer cela. Tant qu’ils étaient tous en position, il n’avait aucune chance de s’échapper.
Elle se lança à sa poursuite et vit du coin de l’œil le policier sortir d’entre les machines à sous et commencer à accélérer tandis qu’il se dirigeait vers elle. Sikes n’avait qu’une table d’avance, mais la foule jouait à son avantage, il poussait et séparait les gens qui, surpris, formaient de nouvelles barrières plus résistantes quand Zoe arrivait un instant plus tard.
Il prit le risque de regarder derrière lui, les yeux écarquillés et fous, et vit combien elle était proche.
— Arrêtez-vous ! FBI ! cria Zoe, lui donnant une chance de faire ce qu’il fallait.
Ils ne faisaient jamais ce qu’il fallait.
Elle tâtonnait pour dégainer son arme alors qu’elle courait, la mettant dans sa main et la stabilisant avec la radio qu’elle avait dans l’autre. S’il était armé, il était impossible de deviner ce qu’il pourrait tenter. Il était impossible de savoir s’il résisterait violemment.
— Arrêtez-vous et mettez les mains en l’air ! cria-t-elle de nouveau tandis que les gens se dispersaient devant elle en l’entendant.
Sikes zigzagua entre les tables, regardant par-dessus son épaule en poussant de petits cris enragés, la panique clairement écrite sur son visage.
Il percuta une table de blackjack, faisant presque tomber le croupier quand il la projeta au sol, la poussant avec ses bras jusqu’à ce qu’elle se retourne, envoyant voler les jetons et les cartes. La situation avait tant dégénéré que Zoe manqua de tomber dans le désordre qui s’étendait devant elle, et seul le plus bref des instants s’écoula avant que les gens ne se jettent en avant et se précipitent pour ramasser autant de jetons que possible, lui bloquant la route.
— FBI ! Ôtez-vous de mon chemin ! cria éperdument Zoe, mais cela avait fait l’affaire pour Sikes.
Il s’échappait, mettant de la distance entre eux tandis qu’elle s’efforçait de se frayer un chemin à travers la foule. Il était parvenu à tourner la situation à son avantage et elle pouvait l’imaginer s’enfuir — et pour de bon s’il réussissait à échapper à leur homme à la porte.
Mais il courait d’une façon particulière, elle pouvait le voir à présent. Cela faisait très probablement des heures qu’il était là, il était allé de tables en tables, avait joué à différents jeux, avait passé un très bon moment. Il connaissait la disposition de la pièce, mieux qu’elle en tout cas. Et il y avait une sorte de méthode dans sa folie, une série d’angles aigus qui tournait brusquement sur le sol du casino et ignorait complètement le chemin en faveur de la route la plus rapide pour atteindre l’arrière de la pièce.
Zoe s’immobilisa et le regarda. Il serait insensé d’essayer de tirer avec autant de civils dans la pièce. Il lui était impossible de le rattraper à présent. Mais il y avait au moins trois autres personnes dans ce casino qui avaient une chance de l’arrêter et elle pouvait les aider.
Elle vit sa route, tracée comme avec une règle dans son esprit, un zigzag qui était tout sauf aléatoire. Il s’élançait à gauche et à droite et longeait une table sur deux, trouvant le chemin le moins encombré jusqu’à la porte, même si cela ne semblait pas avoir de sens aux yeux de ceux qui ne pouvait pas le voir. Les lignes continuaient clairement en direction de l’arrière de la pièce, que Zoe pouvait voir à présent étant donné qu’ils pénétraient dans la partie arrière du casino. Zoe vit les lignes qui recouvraient littéralement la pièce, étendues devant elle de gauche à droite et lui désignant la bonne direction.
Et elle pouvait voir Shelley qui s’approchait de lui.
— Shelley, aboya Zoe dans la radio. L’extrémité du bar, à ta gauche. Intercepte-le à côté de la troisième colonne.
Zoe regarda Shelley entendre son message, sa tête se tournant rapidement vers le bar. Elle vit la colonne et s’élança vers elle en courant au moment même où Zoe se remit à bouger, la suivant à la fois avec ses pieds et avec ses yeux.
Une dernière rangée de table à dépasser…
Jimmy Sikes se précipita sur le côté, s’éloignant du policier qui s’approchait de lui, et tourna en direction du bar, ses pieds contournant la quatrième colonne dans la rangée.
— Stop ! appela la voix de Shelley avant que ne retentisse un bruit sourd, comme le bruit d’un corps entrant en collision avec le sol.
La troisième colonne bloquait la vue de Zoe — elle ne pouvait voir ni Shelley ni Jimmy — mais il n’avait pas émergé et Shelley non plus. Zoe tourna à l’angle, dégageant sa vue, et prit une profonde inspiration de soulagement en voyant Shelley fermer les menottes sur les poignets de Jimmy d’une précision entraînée.
Elle s’approcha, un peu essoufflée et sentant les effets de l’adrénaline qui avait envahi son corps pendant la poursuite, tandis que Shelley finissait de lire ses droits à Jimmy. Les autres policiers convergèrent vers eux, prenant Jimmy par les épaules pour le ramener au parking. Zoe inspira de nouveau, échangeant un sourire et un check de réussite secret avec Shelley.
— On l’a coincé, Z, dit Shelley en riant.
Et Zoe se demanda pourquoi elle ne sentait plus aussi sûre qu’ils avaient vraiment attrapé leur homme que voilà peu de temps.
CHAPITRE TREIZE
Zoe était avachie sur une chaise dans le bureau du shérif, toute son attention focalisée sur l’écran de son ordinateur. Il l’avait tourné sur son bureau afin qu’elle puisse regarder la vidéo pendant que Shelley interrogeait Jimmy Sikes dans la pièce d’à côté.
— Ce n’est probablement pas ce à quoi vous êtes habituée, dit le shérif à la fois en guise d’excuse bourrue et pour défendre son poste. On n’a pas vraiment le même budget que vous tous au FBI. On n’a pas de miroir sans tain ou de système de surveillance high-tech. On n’a pas assez de place.
— Ce n’est pas un problème, dit Zoe avant de faire un signe de tête en direction de l’écran. Je peux tout voir d’ici.
— Vous êtes sûre qu’elle peut s’en sortir toute seule ? Je veux dire, j’ai compris que vous êtes l’agent supérieur.
— L’agent spécial Rose n’aura aucun problème, dit Zoe en souriant, pas pour le rassurer ou l’encourager, simplement car elle trouvait ses doutes amusants. Ses interrogatoires sont réputés. Regardez.
L’homme se carra dans son siège de bureau, le vieux cuir grinçant sous l’effet de son poids tandis qu’ils regardaient la vidéo en silence.
Shelley était déjà à l’écran, assise en face de Jimmy Sikes, dont les menottes étaient passées dans une barre sur la table pour le maintenir. Il l’avait regardée tout en rongeant ses ongles inégaux et sales pendant cinq bonnes minutes tandis qu’elle lisait ses dossiers sans dire un mot. Elle les parcourait calmement page après page sans jamais ne serait-ce que lever la tête pour reconnaître sa présence.
Zoe s’inquiétait ; pas pour Shelley, mais pour Sikes. Il était plus lourd que ce qu’elle avait voulu. Les scènes de crime avaient indiqué un homme plus léger, selon elle. Sikes avait pris du poids depuis la dernière mise à jour de sa description. Non seulement cela, mais aussi la façon dont il se rongeait les ongles… clochait, d’une certaine manière. Cela n’allait pas avec la prudente méticulosité prouvée par les traces que le tueur n’avait jamais laissées.
Sikes s’agitait de plus en plus, bougeant d’un côté à l’autre et crachant un ongle mâché sur le sol. La technique de Shelley fonctionnait, il baissait sa garde. Il se serait attendu à une violente joute-verbale, à un vieux policier grisonnant qui essayerait de l’intimider. Il n’était pas habitué au silence — ni au sourire léger et décontracté que Shelley lui adressait de temps en temps tandis qu’elle continuait de lire.
Shelley finit de lire ses dossiers et leva les yeux, prenant une posture plus confortable et plus ouverte.
— Monsieur Sikes, dit-elle chaleureusement. Jimmy, si je puis me permettre.
Il la regarda fixement, sans rien dire, l’observant de côté comme un chien acculé.
— Vous avez un sacré casier, n’est-ce pas ? dit-elle en souriant, comme si elle l’encourageait à se vanter de ses exploits au lieu de le juger.
— J’ai purgé ma peine.
— Qu’avez-vous dit, Jimmy ?
— J’ai dit, j’ai purgé ma peine. Je suis libre. Vous ne pouvez plus me punir pour ça.
— À vrai dire, on le peut, Jimmy. Car vous êtes en liberté conditionnelle, n’est-ce pas ?
Shelley fit semblant de parcourir ses dossiers, bien que Zoe sût qu’elle les avait déjà mémorisés.
— Pour coups et blessures aggravés, il est écrit ici. Un crime violent.
Jimmy ne dit rien pour briser le silence qu’elle laissa entre eux, se tournant uniquement pour cracher un autre ongle sur le sol. Il toucha le sol avec un bruit sourd que seule Zoe put entendre. Le bruit de la vérité. Leur tueur ne ferait jamais une telle chose. Il ne laisserait jamais de preuve ADN derrière lui.
— Et comme vous êtes en liberté conditionnelle, Jimmy, vous n’étiez pas censé quitter l’État. N’est-ce pas ? Et pourtant, nous avons de preuves de votre présence ainsi que celle de votre voiture depuis le domicile de votre sœur — le domicile de Manda — jusqu’au Missouri et ici dans le Kansas. C’est un sacré trajet, non ?
Jimmy s’agita, son regard se posant sur la surface de la table entre eux. Il réfléchissait, son regard était distant et vague. Zoe secoua la tête avec raideur. Rien n’allait. Leur tueur était intelligent, calme, prudent. Il aurait répondu, il aurait déjà préparé quelque chose pour se couvrir. Il n’aurait jamais laissé Shelley lui forcer ainsi la main.
— Vous avez aussi manqué votre rendez-vous avec votre officier de probation, et somme toute, ça signifie que votre sursis sera révoqué pour violation. C’est vraiment dommage. J’aimerais vous voir réinséré plutôt que de devoir passer plus de temps derrière les barreaux.
Shelley fit semblant de vérifier tous les détails dans le dossier avant de le fermer et de le poser sur le côté.
— Évidemment, il se peut que je puisse vous aider. Car ce n’est pas pour ça qu’on vous a arrêté, n’est-ce pas ?
Jimmy leva la tête et plissa les yeux.
— … non ?
Shelley lui sourit comme s’ils étaient meilleurs amis.
— Non, Jimmy. On vous a arrêté pour les meurtres que vous avez commis cette semaine.
Jimmy Sikes tomba presque de sa chaise.
— Quoi ? Je n’ai jamais… !
Shelley exprima sa désapprobation et secoua la tête.
— Allons, allons. Ne me mentez pas, Jimmy. Pas à moi. Je suis votre meilleure chance de passer un bon accord avec le juge, vous savez ? Je peux vous aider à trouver quelque chose… mais seulement si vous me dites la vérité.
— J’ai tué personne ! cria Jimmy en secouant violemment la tête. Je ne sais pas ce que vous croyez avoir sur moi, mais j’suis juste sorti m’amuser. C’est tout. Pas de meurtre.
Et Zoe le croyait complètement. C’était une perte de temps. Jimmy Sikes n’était pas leur homme et ne l’avait jamais été. C’était écrit dans tous les angles avachis et négligents de son corps, le manque d’intelligence perturbé sur son visage, le choix de ses mots, ses actions. Même dans le poids de son corps.
Elle attendit. Shelley tirerait cela au clair. Elles devaient suivre les règles, après tout. Sinon, les gens se demanderaient pourquoi Zoe n’avait pas suivi toutes les pistes qui s’offraient à elle.
Shelley croisa les bras sur la table, sans s’arrêter de sourire.
— Eh bien, Jimmy, pourquoi ne me racontez-vous pas ce que vous avez fait ces derniers jours, alors ? Avec vos mots à vous. Comme ça on pourra régler ce stupide malentendu.
Jimmy haleta puis secoua de nouveau violemment la tête.
— Je sais ce que vous mijotez. C’est pas possible. Non. Je vous dirai rien. Vous allez me mettre ça sur le dos et j’vais avoir l’air idiot. Je connais les flics.
Shelley soupira, faisant reposer sa tête sur une de ses mains.
— Je ne suis pas un flic, Jimmy. Je suis du FBI. Et tout ceci est enregistré. Je n’essaye pas de vous piéger. Je vous le promets.
— J’ai déjà été ici, dit Jimmy en secouant la tête. Non. Nan. Je connais ça. Vous allez me mettre ça sur le dos comme mon ex tarée et son pote le flic. J’vous dirai rien.
Shelley le regarda calmement, le laissant se rassénérer.
— Si vous n’avez rien à cacher, vous feriez tout aussi bien de me parler, Jimmy. Si vous avez des alibis, on peut aller les vérifier. Voir si vous êtes sur les vidéos de surveillance. Il y a toujours des caméras. Même ici.
Jimmy leva les yeux, fouillant frénétiquement du regard la zone que Shelley avait désignée jusqu’à ce que ses yeux rencontrent l’objectif. Il le regarda fixement. Zoe frissonna légèrement, c’était comme si son regard était plongé dans le sien bien qu’il ne pût pas la voir comme elle le voyait.
— Alors, vous voyez, Jimmy, personne ne peut faire comme si vous aviez dit quelque chose que vous n’avez pas dit. Tout est enregistré. Et si j’essayais de vous piéger, je perdrais mon travail.
Jimmy regarda de nouveau Shelley ; il transpirait.
— Vous n’allez pas monter de coup contre moi ?
— Dites-moi ce qu’il s’est passé et je vous dirai si vous pouvez partir, dit Shelley, mettant l’accent sur les derniers mots pour s’assurer qu’il avait compris. C’est votre seul moyen de sortir d’ici. Et croyez-moi, je ne veux pas voir un homme innocent assis ici plus que vous.
Jimmy se carra sur sa chaise, sa chaîne cliquetant et le tirant presque en avant quand il éloigna trop ses bras. Il prit une profonde inspiration puis leva les yeux vers Shelley.
— J’étais au casino à Potawatomi. J’ai touché le gros lot, vous savez ? J’me suis retrouvé en face de ce gamin sans expérience et j’ai gagné tout ce qu’il avait apporté, et aussi un peu de ce que son ami avait apporté.
— Et c’était quand ?
— Il y a… quatre jours, je crois. Il y a cinq jours ? Peut-être quatre. je ne suis pas sûr.
— Vous êtes allé au casino depuis le domicile de Manda ?
— Ouais.
Shelley jeta un coup d’œil aux notes qu’elle avait écrites quand elle était au téléphone avec Manda.
— C’était il y a six jours, Jimmy.
— Eh bah, merde, dit-il avant d’éclater de rire.
— Alors, vous avez touché le gros lot, c’est ça ? Beaucoup d’argent ? demanda Shelley en se penchant avant pour lui montrer qu’il avait toute son attention.
— Plus que j’ai jamais eu, répondit Jimmy en hochant la tête. Alors j’suis allé au bar et je me suis dit, nan, j’devrais pas rester dans le coin. Le gamin et ses potes, les videurs, ils ont p’t-être un truc contre le fait qu’un ancien détenu touche le jackpot.
— Alors où êtes-vous allé ?
— J’ai pris ma voiture et je suis allé au bar suivant. Pas loin de l’autoroute. J’suis resté jusqu’à la fermeture et ensuite j’ai dormi quelques heures sur ma banquette arrière et je suis allé au bar suivant.
Shelley parcourait ses notes, les vérifiant, comparant les lieux où il avait été vu avec son histoire, mais elle s’arrêta et les posa en entendant cela.
— Vous êtes en train de me dire que vous avez passé les cinq derniers jours à boire, Jimmy ?
Ce dernier haussa les épaules.
— J’ai aussi été dans des casinos. J’suis devenu superstitieux. J’ai changé d’endroit à chaque fois que j’ai gagné une bonne somme.
Shelley appuya sur le haut de son stylo, en faisant sortir la bille.
— Je vais avoir besoin que vous me donniez les noms et les emplacements de ces casinos et de ces bars, Jimmy. Vous vous débrouillez super bien. Vous serez sorti d’ici en un rien de temps.
Zoe saisissait déjà le nom du premier bar sur son téléphone afin d’en trouver l’emplacement — et le numéro de téléphone. Elle sortit de la pièce et appela tout en regardant Shelley finir de prendre des notes et se lever pour quitter la pièce par la fenêtre de la porte fermée.
— Bonjour ? Oui, j’aimerais parler à votre manager. Je suis l’agent spécial Zoe Prime du FBI, dit-elle dans le téléphone, croisant le regard de Shelley quand elle pénétra dans le couloir. Je vous appelle pour vous demander d’envoyer vos vidéos de surveillance d’il y a quelques jours pour nous aider dans une enquête.
Entre Shelley, Zoe, le shérif et son équipe, ils trouvèrent tous les endroits où Jimmy avait dit être allé. Bien que les heures qu’il avait données fussent un peu décalée — sa notion du temps ayant sans doute été déformée par l’alcool et la façon dont le temps semblait aller à un rythme différent dans les casinos — plusieurs heures d’examen de vidéos envoyées par courriel confirmèrent lentement ses alibis.
Il était visible sur les images des caméras de surveillance aux heures estimées de tous les meurtres.
Chacun d’entre eux.
Shelley fit claquer son bloc-notes sur le bureau de frustration.
— On doit le laisser partir. Ce n’est pas notre gars, dit-elle.
— On va quand même le transférer pour violation de liberté conditionnelle, lui rappela le shérif. Je vais passer quelques coups de fils. La police de son comté voudra le récupérer.
Il laissa Shelley et Zoe seules dans leur salle d’enquête, les autres étant tous partis après avoir vérifié leurs vidéos respectives. Elles étaient les seules à être toujours dans la pièce, de nouveau dans la même position où elles avaient été avant d’avoir localisé Jimmy Sikes.
— On l’aura, dit Shelley d’une voix lasse. Je le sais. Ce n’est qu’un petit contretemps.
Zoe hocha la tête.
— Je sais qu’on l’aura. Je voulais l’attraper avant qu’il ne fasse une autre victime. On a perdu des heures précieuses avec Sikes.
— Mais comment as-tu su où il serait ?
Zoe leva la tête en entendant sa question brusque, baissant immédiatement les yeux quand elle vit que Shelley la regardait attentivement.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— On avait les mêmes données, toi et moi, dit Shelley. Tu en savais autant que moi. Mais tu as réussi à découvrir qu’il était au casino, bien qu’il ait été impossible que tu aies pu savoir à coup sûr qu’il y serait. Ensuite, quand il a essayé de s’enfuir — tu as su où il irait. Tu m’as donné l’endroit exact où je pourrais l’arrêter.
Zoe ne dit mot. Techniquement, elle n’avait pas posé de questions. Elle pouvait continuer à regarder les dossiers devant elle en silence, ses yeux parcourant les mots et les images sans rien voir.
— Comment est-ce que tu as su ? répéta Shelley.
Zoe sentit quelque chose dans sa gorge, un nœud qui menaçait d’avaler les mots simples qu’elle avait préparés. Elle pouvait peut-être l’admettre. Shelley comprendrait peut-être. Elle s’était montrée plutôt compréhensive jusqu’à présent, et gentille, et sympathique. Elle était peut-être la personne à qui Zoe pouvait se confier.
Mais le nombre de personnes dans le monde qui étaient au courant à propos de sa synesthésie, les nombres et les séquences devant ses yeux où qu’elle regardait, pouvait être compté sans utiliser tous les doigts d’une seule main. Et un secret qui avait été si bien gardé — la capacité depuis son enfance et le diagnostic depuis qu’elle l’avait reçu quand elle était jeune adulte — ne pouvait pas être révéler si facilement.
— Ce n’est qu’un mélange de chance et d’expérience, dit Zoe en tournant la page, ne lisant toujours aucun mot. Quand tu auras fait ça depuis aussi longtemps que moi, tu seras capable de repérer les choses un peu plus facilement. Ensuite, tu fais de ton mieux pour deviner et tu espères avoir raison.
Il y avait quelque chose dans l’air à présent, quelque chose qui pesait si lourdement sur le cou de Zoe qu’elle devait en avoir des marques physiques visibles. Le fait que Shelley la regardait et le voyait, et savait qu’elle ne disait pas toute la vérité.
— Juste de la chance ? C’est comme ça que tu as su qu’il irait sur le côté au lieu de continuer tout droit où les autres l’attendaient ?
Il y avait une profonde incrédulité dans la voix de Shelley, une sévérité et une inflexibilité que Zoe avait entendues de nombreuses fois auparavant. Dans la voix de sa mère, la voix de son enseignant, les voix des quelques amis qu’elle avait eus auparavant avant qu’ils ne finissent inévitablement par la trouver étrange et qu’ils n’arrêtent de l’appeler. C’était dans la voix de tout le monde, au final, quand ils arrêtaient de croire qu’elle était normale.
Tu as le diable en toi, mon enfant.
Les secondes s’écoulèrent, la peau de Zoe se recouvrant de chair de poule sous son haut et de la sueur suintant de ses pores. Shelley ne la croyait pas. Était-ce le moment où elle devait se confesser ? Les choses empireraient-elles si elle continuait de faire semblant ? Shelley pourrait passer à autre chose, trouver un nouveau partenaire et ce serait déjà assez terrible. Zoe commençait à s’habituer à elle. Ou elle pourrait en parler à leurs supérieurs.
Était-ce le moment de lui dire ?
Le téléphone fixe sonna, les surprenant toutes les deux quand la sonnerie rompit brusquement le silence, tranchant leur tension comme un fil à couper le fromage. Shelley se précipita pour répondre, laissant tomber ses papiers sur le bureau et faisant rouler sa chaise vers le téléphone.
— Bonjour ?... Oui ?
Zoe devina à la simple expression sur le visage de Shelley que ce n’était pas des bonnes nouvelles.
Elle raccrocha, son visage blêmissant.
— Il y a un autre corps, dit-elle. Le shérif va nous emmener. Ce n’est pas loin. Il envoie une équipe avec nous.
Zoe sentit son estomac se serrer. Le rater la veille n’avait finalement pas été sans conséquence. Bien qu’elle s’y fût attendue, cela la frappa comme un coup de massue. Une autre personne avait perdue la vie car Zoe ne l’avait pas sauvée assez vite.
— On a perdu ce temps avec Sikes, dit Shelley d’un ton vide.
Elle semblait sous le choc, comme si elle allait rester là sans bouger un long moment.
Elles ne pouvaient pas se le permettre en ce moment. Elles devaient passer à l’action. Elles devaient trouver les indices, empêcher les meurtres de se poursuivre. Zoe saisit son bloc-notes, son gobelet de café en polystyrène et son sac, et se dirigea vers la porte.
— Des détails ?
— Seulement le lieu pour le moment, dit Shelley en secouant la tête, semblant se tirer de sa torpeur, avant de tourner brusquement la tête et de changer de ton. Attends une seconde.
Elle se dirigea vers la carte sur le mur, saisit une punaise rouge et chercha le nom de l’endroit un moment avant d’enfoncer la punaise.
— Là ? demanda Zoe, sentant la confusion la submerger. Tu en es sûre ?
— C’est ce que le shérif a dit, confirma Shelley.
Zoe regarda de nouveau la carte, puis se tourna pour partir, se précipitant vers le parking. Cela n’allait pas, pas du tout. Ce n’était pas loin de l’endroit où elles se trouvaient, mais cela ne correspondait quand même pas à ce qu’elle avait prédit. Comment avait-elle pu se tromper ?
La ligne droite n’était plus intacte — ce repère descendait en piqué sur la gauche par rapport au dernier, tandis que le précédent s’était trouvé à droite et sous le premier meurtre.
Ce n’était pas une ligne droite.
Était-il possible que ce soit une courbe ?