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Kitabı oku: «Le Désespéré», sayfa 18

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LIV

– Que Dieu nous soit en aide! dit Véronique. Pourtant, cher ami, vous savez que l'Église a des promesses et qu'elle ne saurait périr.

– Je le sais comme vous le savez vous-même, c'est-à-dire par la Foi, qui est «la substance des choses à espérer.» Mais l'expérience ne m'a rien appris, sinon l'immense misère de tout mécréant que son infidélité condamne à se passer d'espérance. Je suis très assuré que l'Église doit tout surmonter à la fin des fins et que rien ne prévaudra contre elle, pas même la proditoire imbécillité de ses enfants, qui est, à mes yeux, son plus grand péril. J'exposerai, tant qu'on voudra, ma triste vie pour cette croyance, hors de laquelle il n'y a pour moi que ténèbres et putréfaction. Mais Elle peut tomber, demain, dans le mépris absolu, dans l'ignominie la plus excessive. Elle peut être conspuée, fouettée, crucifiée, comme Celui dont Elle se nomme l'Épouse. Il se peut que, définitivement, on lui préfère un immonde bandit, que tous ses amis prennent la fuite, qu'Elle crie la soif et que personne ne lui donne à boire. Il se peut enfin qu'Elle expire, pour une configuration parfaite à son Christ, et qu'Elle soit enfermée, deux nuits et un jour, dans le mieux gardé de tous les sépulcres. Il lui resterait, alors, à faire éclater, dans une apothéose de résurrection, les chaînes de montagnes ou les assises de mauvais peuples qui formeraient les parois de son dérisoire tombeau, – car Elle peut, aussi bien que Dieu lui-même, qui lui conféra sa puissance, défier l'extermination jusque dans le filet de la plus effective des morts.

Il me semble même que cette Pâque de l'Esprit saint doit paraître singulièrement prochaine à tout individu capable de penser et de voir. Ce qui s'accomplit, en la fin de siècle où nous sommes, n'est point une persécution ordinaire, – pour me servir de ce mot dont la rhétorique de nos lâches a tant abusé. Leverdier doit se souvenir de ce que j'ai tenté, au moment des expulsions, pour leur inspirer un peu de courage. J'ai couru huit jours dans toutes les maisons religieuses, menacées par les décrets et bondées de grotesques pleutres, attendant avec constance, – la palme du martyre en main, – l'occasion légale de mitrailler, de leurs inoffensives protestations, le commissaire de police, qui les congédiait sans colère, de l'extrémité de sa botte dioclétienne. J'ai tâché stupidement de faire entrer de viriles résolutions dans leurs viscères de crétins. Je leur ai démontré vingt fois l'évidente insolidité de ce gouvernement de fripouilles sans énergie, que la résistance armée de quelques audacieux aurait culbuté. Je leur ai dit, – Dieu sait avec quels accents! – que c'était l'instant ou jamais, de se racheter d'avoir été si longtemps, si onéreusement, renégats ou tièdes; que l'honneur, la raison, la stricte justice, la charité même, vociféraient d'une seule voix, pour qu'ils courussent aux armes, parce que c'était vraisemblablement la dernière fois qu'ils le pourraient faire!..

J'ai trouvé des âmes de torchons graisseux qui m'ont exhibé la consultation d'un avocat, dont ils avaient été prendre l'avis pendant qu'on violait leur mère. Ils m'ont accusé d'être un fou des plus dangereux. L'un d'eux, même, insinua que je pourrais bien être un provocateur envoyé par la police. – Monsieur, lui ai-je dit, je vous conseille de numéroter vos chicots, car je vous préviens que j'ai la calotte facile. Ce chien de procession eut la présence d'esprit de se rendre invisible instantanément, et tel fut, en totalité, le résultat de mes efforts. Il serait donc au moins ridicule de prononcer le mot de persécution à propos de cette clique de fluents cafards qui s'en vont téter, en sortant de la Sainte Table, le bubon véroleux de la Légalité, et qui livreraient aux plus noirs cochons leur propre femme, leur plus jeune sœur et jusqu'au Corps sacré du Dieu vivant, pour conserver l'intégrité de leur peau ou de leurs écus!

Néanmoins, on peut dire que l'Église est opprimée de la façon la plus inouïe, puisque les enfants qu'elle allaita la déshonorent, pendant que les étrangers l'assomment et qu'ainsi, elle n'a plus une âme pour la réconforter ou pour la plaindre. C'est l'angoisse de Gethsémani, c'est la déréliction suprême! – «L'assemblée des fidèles,» – dit le catéchisme. Je sais, parbleu! que c'est là l'Église. Mais combien sont-ils, à cette heure, les vrais fidèles? Quelques centaines, tout au plus, de quoi faire à peine un imperceptible groupe de pauvres gens héroïques et humbles, éparpillés aux plus distantes encoignures de l'univers, où ils attendent, en pleurant, qu'il plaise au Père, qui est dans les cieux, d'inaugurer enfin son règne espéré depuis dix-huit siècles …

L'Église est écrouée dans un hôpital de folles, chuchota tout à coup l'étrange visionnaire, pour sa peine d'avoir épousé un mendiant en croix qui s'appelait Jésus-Christ. Elle endure d'irrévélables tourments, dans des voisinages à épouvanter les démons. Les docteurs, qui se sont chargés de veiller sur elle et qui déclarent ne prétendre que son plus grand bien, sont pleins de sourires et pleins de pitié, quand on leur parle de sa guérison. «Pauvre fille, disent-ils, que deviendrait-elle sans nous?» – Et le mendiant qu'elle avait rêvé de faire adorer est, au loin, déchiqueté par les mauvais aigles et les bons corbeaux, sur son gibet solitaire!..

En vertu d'une certaine conformité mystérieuse qui unissait ces deux êtres, Véronique était devenue aussi extraordinaire par son attention que Marchenoir par ses paroles. De ses grands yeux en rognure de septième ciel, deux larmes pesantes avaient jailli, roulant avec lenteur sur ses joues pâles; ses mains, appuyées d'abord sur la table, avaient fini par se joindre et maintenant, elle avait l'air d'implorer silencieusement l'esprit invisible qui lui semblait, sans aucun doute, inspirer son maître.

Sa physionomie était si étonnante que Leverdier, déjà très frappé lui-même des derniers mots qu'il venait d'entendre, ne put s'empêcher de la faire remarquer à Marchenoir. – Regarde, murmura-t-il.

L'interrompu reploya les ailes de son lyrisme et la regarda.

– Qu'avez-vous, ma Véronique? lui demanda-t-il, assez ému.

– Mais, … je n'ai rien, mon ami, répondit-elle, en tressaillant. Je vous écoute, sans trop vous comprendre. Vos paroles sont vraies, je pense, mais si terribles! En vérité, j'ai cru, un instant, qu'un autre parlait à votre place. Je ne reconnaissais plus votre voix ni même vos pensées.

– Est-ce donc là ce qui vous faisait pleurer, mon attristée? Toi-même, Georges, tu sembles troublé. Est-il possible que j'aie dit des choses si étranges?

– Il est vrai, dit celui-ci, que ta dernière phrase sur l'Église m'a un peu surpris, peut-être par vertu réflexe de l'émotion de notre amie. Mais ta voix, encore plus que tes paroles, était inouïe. C'était à supposer que tu voyais, je ne sais quoi …

– Je vois très certainement, reprit alors Marchenoir, le mal horrible de ce monde exproprié de la foi chrétienne, et je ne me connais pas d'autres pensées, quels que puissent être les mots qui me servent à exprimer celle-ci, que je porte comme un couteau dans la gaîne de ma poitrine. C'est une passion si vraie, si poignante, que je finirai par devenir incapable de fixer mon attention sur n'importe quel autre objet. Mais cet incident me remet dans l'esprit que je ne vous ai pas encore complètement répondu, Véronique. Je vous ai fait remarquer la révoltante coalition des chrétiens et de leurs adversaires, toutes les fois qu'il s'agit de combattre l'ennemi commun, c'est-à-dire un homme tel que moi, téméraire à force d'amour et véridique sans peur. Puis, j'ai parlé de Louis Veuillot et de l'infortune de l'Église. Choses connexes. Laissons tout cela.

On vous a dit, n'est-ce pas, que mes violences écrites offensaient la charité. Je n'ai qu'un mot à répondre à votre théologien. C'est que la Justice et la Miséricorde sont identiques et consubstantielles dans leur absolu. Voilà ce que ne veulent entendre ni les sentimentaux ni les fanatiques. Une doctrine qui propose l'Amour de Dieu pour fin suprême, a surtout besoin d'être virile, sous peine de sanctionner toutes les illusions de l'amour-propre ou de l'amour charnel. Il est trop facile d'émasculer les âmes en ne leur enseignant que le précepte de chérir ses frères, au mépris de tous les autres préceptes qu'on leur cacherait. On obtient, de la sorte, une religion mollasse et poisseuse, plus redoutable par ses effets que le nihilisme même.

Or, l'Évangile a des menaces et des conclusions terribles. Jésus, en vingt endroits, lance l'anathème, non sur des choses, mais sur des hommes qu'il désigne avec une effrayante précision. Il n'en donne pas moins sa vie pour tous, mais après nous avoir laissé la consigne de parler «sur les toits,» comme il a parlé lui-même. C'est l'unique modèle et les chrétiens n'ont pas mieux à faire que de pratiquer ses exemples. Que penseriez-vous de la charité d'un homme qui laisserait empoisonner ses frères, de peur de ruiner, en les avertissant, la considération de l'empoisonneur? Moi, je dis qu'à ce point de vue, la charité consiste à vociférer et que le véritable amour doit être implacable. Mais cela suppose une virilité, si défunte aujourd'hui, qu'on ne peut même plus prononcer son nom sans attenter à la pudeur.

Je n'ai pas qualité pour juger, dit-on, ni pour punir. Dois-je inférer de ce bas sophisme, dont je connais la perfidie, que je n'ai pas même qualité pour voir, et qu'il m'est interdit de lever le bras sur cet incendiaire qui, plein de confiance en ma fraternelle inertie, va, sous mes yeux, allumer la mine qui détruira toute une cité? Si les chrétiens n'avaient pas tant écouté les leçons de leurs ennemis mortels, ils sauraient que rien n'est plus juste que la miséricorde, parce que rien n'est plus miséricordieux que la justice, et leurs pensées s'ajusteraient à ces notions élémentaires.

Le Christ a déclaré «bienheureux» ceux qui sont affamés et assoiffés de justice et le monde, qui veut s'amuser, mais qui déteste la béatitude, a rejeté cette affirmation. Qui donc parlera pour les muets, pour les opprimés et les faibles, si ceux-là, se taisent, qui furent investis de la Parole? L'écrivain, qui n'a pas en vue la Justice, est un détrousseur de pauvres aussi cruel que le mauvais riche. Ils dilapident l'un et l'autre leur dépôt et sont comptables, au même titre, des désertions de l'espérance. Je ne veux pas de cette couronne de charbons ardents sur ma tête, et, depuis longtemps déjà, j'ai pris mon parti.

Nous mourrons peut-être de faim, ma Véronique, et ce sera bien fait, sans doute, puisque tout le monde, excepté vous et Leverdier, me condamnera. Coûte que coûte, je garderai la virginité de mon témoignage, en me préservant du crime de laisser inactive aucune des énergies que Dieu m'a données. Ironie, injures, défis, imprécations, réprobations, malédictions, lyrisme de fange ou de flammes, tout me sera bon de ce qui pourra rendre offensive ma colère! Quel moyen me resterait-il autrement de n'être pas le dernier des hommes? Le juge n'a qu'une manière de tomber au-dessous de son criminel, c'est de devenir prévaricateur, et tout écrivain véritable est certainement un juge.

Quelques-uns m'ont dit: À quoi bon? le monde est en agonie et rien ne le touche plus. Peut-être. Mais, au fond du désert, il faudrait, quand même, rendre témoignage, ne fût-ce que pour l'honneur de la Vérité et pour l'édification des fauves, comme faisaient, autrefois, les anachorètes solitaires. Est-il croyable, d'ailleurs, qu'une telle opulence de rage, m'ait été octroyée pour rien? Certaines paroles du Livre sacré sont bien étranges … Qui sait, après tout, si la forme la plus active de l'adoration n'est pas le blasphème par amour, qui serait la prière de l'abandonné?.. Je vivrai donc sur ma vocation jusqu'à ce que j'en meure, dans quelque orgie de misère. Je serai Marchenoir le contempteur, le vociférateur et le désespéré, – joyeux d'écumer et satisfait de déplaire, mais difficilement intimidable et broyant volontiers les doigts qui tenteraient de le bâillonner.

– Pauvre cher ami, pauvre âme douloureuse! dit la mutilée à demi-voix, comme se parlant à elle-même, pourquoi ce fardeau sur vos épaules? Elle le regarda avec une tendresse si pure, si profonde, que ce bourreau sentit qu'il allait pleurer et se mit à parler de diverses choses. Le dîner s'acheva presque joyeusement. Véronique servit un café divin et l'inévitable littérature fit sa rentrée. Marchenoir, très en verve, éructa de cocasses apophtegmes et d'inexpiables similitudes qui firent éclater de rire le bon Leverdier. Vers minuit, enfin, on se sépara dans l'effusion d'une allégresse attendrie que ces trois cœurs souffrants ne connaissaient guère et qu'ils étaient probablement condamnés à ne plus jamais ressentir.

LV

Properce Beauvivier est juif de naissance et se nomme Abraham. Abraham-Properce Beauvivier. Juif cosmopolite, d'origine portugaise, rencontré et baptisé, dit-on, par un moine passant, à l'eau du premier ruisseau, sur une route d'Allemagne; un peu plus tard, allaité par Deutz, le youtre fameux qui bazarda la duchesse de Berry, et grandissant à Bordeaux chez ce patriarche. Il se peut que tout le secret de sa destinée morale tienne dans la circonstance de ce conjectural baptême, donné par un inconnu, sur le rebord symboliquement vaseux d'un fossé de grand chemin. On assure que ses parents en conçurent une rage inouïe, dont ses dents grincent encore, et qu'il n'a jamais pu prendre son parti de ce sacrement d'occasion qui paraît agir sur lui comme un maléfice.

Aussi dénué de génie que pourrait l'être, par exemple, un expéditionnaire de l'Assistance publique, mais étonnamment rempli de toutes les facultés d'assimilation et d'imitation, il s'enleva, d'un bond, dans le cerceau déjà crevé du romantisme, avec une vigueur de reins qui lui valut, il y a vingt ans, l'adoption littéraire du vieil Hugo.

À partir de ce bienheureux instant, sa vie fut un rêve. Il devint le réservoir des bénédictions du Père. – Regardez mon fils Properce, disait celui-ci aux débutants avides, et allez en paix! Properce, de son côté, puisait à pleines mains dans le tiroir aux rayons et saccageait le coffre-fort aux auréoles, les empilant par douzaines, sur sa propre tête, comme les couronnes d'un lauréat de collège vingt fois élu. Il est ainsi devenu glorieux par la poésie, par le roman, par le conte, par le théâtre et même par la politique profonde, ayant été sagement impétueux contre les communards, quand on fusillait, et les dépassant ensuite, quand on ne fusilla plus. Il est surtout devenu le lyrique du proxénétisme et de la trahison, et c'est par là qu'il est entré dans l'hermétique originalité, dont les crochets et les monseigneurs de ses autres lyrismes n'auraient pu forcer la serrure.

Imiter Victor Hugo aussi parfaitement que Beauvivier n'est pas interdit à tous les mortels, mais nul ne peut prétendre à refléter seulement l'ombilic de ce Rétiaire de l'Innocence. Voilà tout ce qu'on en peut dire. Celui qui chantera, d'une juste voix, sur la cithare ou le tympanon, la haine de cet homme pour l'innocence, sera certainement un moraliste à l'aile robuste et un fier lapin. Il ne faut pas rêver mieux que d'en constater certains effets. Il paraît que la vieille crasse juive brûle comme un sédiment calcaire, lorsqu'elle est touchée par l'eau du baptême.

Beauvivier est l'auteur d'un nombre infini de livres de diverses sortes, mosaïque perverse et compliquée, où transparaît, sans relâche, l'intime obsession de déshonorer et de salir. Son dernier roman, l'Inceste, une des plus effrontées copies d'Hugo qu'on se puisse aviser d'écrire, est un dosage monstrueux de neige, de phosphore et de cantharides, calculé pour corroder les entrailles d'un adolescent, vingt-quatre heures, au moins, après l'absorption, – la lâcheté de son cœur étant égale à la timidité de sa pensée. L'objet de ce livre est, en effet, la glorification de l'inceste, non par vulgaire manie de sophistiquer, mais pour cette primordiale, souveraine et péremptoire raison que le Seigneur Dieu l'a défendu. Car il ne peut s'empêcher de croire en Dieu et sa vocation manifeste est de jouer les «Anciens Serpents.» Seulement, il se dérobe au moment de conclure et finit par un équivoque triomphe de la vertu, en laissant insidieusement planer le désir du mal sur la curiosité qu'il vient d'exciter. Cet empoisonneur a osé mettre en circulation, sous forme de Contes pour les jeunes filles, de dissolvants et inexorables toxiques. On raconte qu'il en prépare d'autres encore pour les enfants au-dessous de dix ans.

Une hystérie maladive, d'ordre effrayant, est l'insuffisante explication de cette fureur qui n'irait à rien moins qu'à contaminer la lumière. C'est à se demander si l'exécration physique de la blancheur n'est pas pour quelque chose dans l'inconcevable débordement de son écritoire.

Il passe pour avoir été beau, naguère. Lui-même le déclare en ces termes simples: «J'ai été très beau.» Il a cru devoir comparer son propre visage à celui du Christ. Homme à femmes, par conséquent, il a mis, de bonne heure, sa personne en adjudication et même en actions. On a vu des familles payer très cher des coupons de son alcôve. – Maquereau deux fois funeste, il ne lui suffit pas de ruiner les femmes pour s'en rendre maître, il se plaît ensuite à les enfermer dans la Tour de la faim du tribadisme, – imprévue par Dante, – où les malheureuses, privées du rognon nutritif de l'homme, sont réduites à se dévorer entre elles… Il s'est marié, pourtant, ce vainqueur, et il a épousé la plus belle femme qu'il a pu trouver, dans l'espérance, non déçue, de conquérir plus facilement les autres.

Il a ce signe particulier d'être sans défense contre les boutiques de cordonniers, devant lesquelles il s'oublie dans d'incontinentes extases. Il faut l'avoir entendu prononçant le mot «bottines,» pour bien comprendre l'histoire de l'Angleterre, où le jarret d'une femme a prévalu cinq cents ans, contre l'épine dorsale de la plus hautaine aristocratie de tous les globes. Il est vrai que le pupille du bon Deutz est réduit à se satisfaire de la seule aristocratie de son fumier d'origine, mais la morgue putanière d'un certain dandysme ne lui manque pas.

Au point de vue de la bassesse d'âme pure et simple, sans complication physiologique d'aucune sorte, l'originalité de Beauvivier ne paraît pas humainement dépassable. À l'exception de Renan, qui décourage le mépris, et dont l'abjection sphérique apparaît comme un mystère de la Foi, l'auteur de l'Inceste est, probablement, le seul homme de son siècle en humeur de compatir à la destinée de l'Iscariote. – Jésus l'avait peut-être humilié! – dit-il, et ce n'est point un mot d'auteur. C'est le plus intime de sa substance. Il ne respire que pour tromper, et la trahison est son unique arrière-pensée, sa préoccupation constante. Judas s'est contenté de livrer son Maître, Properce aurait entrepris de le souiller préalablement. Son âme est une condensation de fumée terne et fétide, aussi capable de cacher l'abîme de ténèbres d'où elle est sortie, que d'offusquer les gouffres de lumière vers lesquels elle ne permet pas qu'on s'élance.

Jésus pardonne à la femme adultère. Les sacristains eux-mêmes l'en ont absous. Properce le blâme, objectant que ce pardon est attentatoire à l'autorité du mari, qui avait probablement acheté sa femme et, par conséquent, avait le droit de la punir. Telle est sa conception de la justice. Il est vrai que l'Homme-Dieu, ramassant des pierres pour aider le cocu à lapider cette malheureuse, n'exciterait pas moins son indignation, mais, alors, tempérée par la souterraine joie de prendre en défaut la Miséricorde et de supposer de plausibles tares à la Beauté même. C'est l'antique procédé, – nullement inventé par l'abominable Ernest, – de ne pas nier Dieu avec précision, mais de l'amputer de sa Providence, en ne lui permettant aucune intrusion dans nos sublunaires histoires.

«Tu pleuras, Emmanuel, de ne pas être Dieu!» écrivait-il, s'adressant à ce même Christ dont les souveraines Larmes sont un outrage à l'infernale aridité de ses yeux impurs. Ah! s'il avait pu être à la place de l'ange confortateur! Comme il aurait savamment, câlinement bafoué cette Agonie! Le Calice terrible, il ne l'aurait pas fait boire, il l'aurait fait siroter! Et la Sueur de sang, dont la pourpre vive inonda l'Empereur des pauvres, comme il en aurait diligemment altéré la couleur, en y mélangeant son fiel!..

Ce monstre, dont la seule excuse est d'être venu avant terme et d'être, ainsi, un fœtus de monstre, a trouvé, cependant, le moyen de procréer des enfants et souffre, paraît-il, de ne pouvoir s'en faire aimer. Il se console, à sa manière, en donnant des bals d'enfants où des coins obscurs sont aménagés pour les petites leçons paternelles qu'il se plaît à leur inculquer. Malheur aux parents assez imbéciles ou assez criminels pour jeter dans ce Barâthre leur progéniture!

Un jour, il s'en venait d'enterrer un de ses propres enfants, une petite fille assez heureuse pour avoir été ravie à ce père, avant l'horreur d'en connaître l'infamie ou l'horreur plus grande de n'en être pas dégoûtée.

Il avait tamponné ses yeux, pleuré peut-être, on ne sait au juste. Mais tout était fini, et il s'en allait. Tout à coup, n'ayant pas encore franchi le seuil du cimetière:

– Il faudra, pourtant, que je lui fasse quelques vers à cette enfant! dit-il d'une voix éolienne, aux plus proches des accompagnants.

Le cabot sacrilège est tout entier dans cette parole.

En voici, maintenant, une autre, d'une atrocité plus surprenante, où se profile, de la tête aux pieds, le Juif réprouvé:

Properce est dans la rue, par une nuit très froide, avec un homme qu'il appelle son ami. Une vieille grelottante est rencontrée, qui murmure des supplications en tendant la main. Il s'arrête sous un bec de gaz, – le nourrisson du divin Deutz, – il exhibe un porte-monnaie gonflé d'or, et, sous l'œil ébloui de la misérable, il fouille cet or, il le pétrit, le retourne, le fait tinter, fulgurer, l'allume comme un tas de fraises, puis fourrant le tout dans sa poche et haussant les épaules d'un air d'impuissance navrée:

– Ma bonne, exhale-t-il, j'en suis bien fâché, mais je croyais avoir de la monnaie, et je n'en ai pas. L'observateur de cette scène a raconté qu'il aperçut aux pieds du spectre, dans le bitume du trottoir, une petite ouverture lumineuse, par laquelle on aurait pu découvrir l'enfer…

Une obscure nuée d'images religieuses flotte perpétuellement autour de ce poète, qui sent profondément sa réprobation, mais qui se flatte, après tout, de séduire son Juge et de carotter le Paradis, si ce séjour de délices existe véritablement.

En attendant, il ne parvient pas à se défendre efficacement de certaines terreurs qu'il paraît s'être donné pour mission de faire mépriser aux autres. C'est la revanche des pauvres et des innocents massacrés qui sont, en ce monde, les ambassadeurs lamentables du patient Dieu.

Vienne son heure, l'ignominie du Salisseur d'âmes sera vue dans son plein et ce sera, comme une lune dix fois pâle, au ras du plus fétide marécage sur lequel les mortelles Stymphalides de la Luxure et du Sacrilège aient jamais plané!

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
25 haziran 2017
Hacim:
410 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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